Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


samedi 3 septembre 2022

 

Les maux du capitalisme

Quelques annotations

 

Les « désagréments » du capitalisme touchent invariablement les plus précaires puisqu'il est racial et patriarcal. L'accumulation du capital se fait par l'esclavage, le pillage des matières premières des colonies mais il se fait aussi par une exploitation de la main-d’œuvre. Le « système dette » est aussi un outil central renforçant l'oppression. Liste non exhaustive des désagréments du capitalisme.

 

 

Le système dette

 

Le « coût » de la dette est supporté par l'ensemble de la population, tant dans le Sud global que dans le Nord, que ce soit à travers les plans d'ajustement structurel ou l'austérité, imposés par les institutions financières internationales. En effet, la logique qui opère systématiquement dans le monde entier privilégie le remboursement de la dette par rapport aux dépenses sociales des pouvoirs publics. Un exemple : avant même l'arrivée de la pandémie, un quart des pays du Sud consacraient davantage de ressources au service de la dette qu'en dépenses de santé.

 

Ce « coût » de la dette a des conséquences particulièrement dévastatrices pour les femmes (1) (ainsi que pour les groupes les plus vulnérables, comme les personnes migrant.es, LGBTI+, etc.). Ce sont elles qui subissent directement et supportent l'impact des contraintes imposées aux gouvernements pour rembourser la dette publique (coupes budgétaires, réduction des prestations sociales, précarisation du travail, etc.). C'est ainsi que les politiques néolibérales renforcent et approfondissent la logique capitaliste et patriarcale qui ne fait que se perpétuer en profitant de la dévalorisation et de l'invisibilisation du travail non rémunéré, notamment du travail de soin (le care), qui est principalement effectué par les femmes.

70% des personnes considérées comme pauvres au niveau mondial sont des femmes

 

Racisme et impérialisme

 

Le capitalisme n'a pu voir le jour qu'en faisant fond sur les pillages coloniaux, sur la mise en esclavage dans le « Nouveau Monde » et sur la dépossession des peuples autochtones. Mais, loin de cesser, lorsque le capitalisme a pris son envol, les expropriations des peuples racisé.es non libres ou dépendants ont continué à rendre possible l'exploitation du « travail libre ».

 

La distinction entre les « travailleurs et travailleuses » librement exploité.es et les « autres », exproprié.es et dépendant.es, a pris différentes formes à travers l'histoire du capitalisme et s'est parfois brouillée. Tout au long de cette histoire, et aujourd'hui encore, l'expropriation des personnes racisé.es a permis au capital de faire fructifier ses profits en confisquant les ressources naturelles et la force de travail  des hommes et des femmes. Dans le Sud « postcolonial », les expropriations des peuples indigènes sont exponentielles, intensifiées par le levier de la dette – et parfois les poussent au suicide. En même temps, la « restructuration » de la dette souveraine fait exploser le ratio entre intérêts et PIB, ce qui oblige les États supposément indépendants à réduire leurs dépenses publiques et condamne les futures générations à consacrer une part croissante de leur travail au remboursement de la dette.

 

Cette oppression suit également un rythme effréné dans les pays du Nord. Les salaires tombent en dessous du minimum nécessaire pour vivre une vie décente, particulièrement dans les domaines où les personnes racisé.es sont majoritaires. Contraintes à accepter plusieurs emplois et à emprunter de l'argent, elles se voient souvent proposer des prêts hypothécaires très risqués. La protection sociale décline elle aussi : les services sont de plus en plus à la charge des familles et des communautés – et reposent en premier lieu sur les femmes issues des minorités et les femmes immigrées. Partout dans le monde, le capitalisme financier exproprie massivement les populations sur des bases raciales.

 

Autres dettes

 

Monétiser les flux cachés, détournés et nuisibles, permet de mettre en lumière les dettes invisibles comme la dette écologique et du care, du soin.

Lorsque notre empreinte écologique est supérieure à la bio-capacité de la planète, nous entrons dans une situation de déficit écologique. Le déficit d'un pays est compensé par le commerce, c'est-à-dire par le vol des autres pays ou par la perte de richesses écologiques de l’État, par le vol des générations futures.

 

La dette du care, du soin, est la différence entre les soins reçus et les soins donnés par des individus ou des groupes sociaux spécifiques. Les personnes qui pourraient se soigner et fournir des soins, mais qui ne le font pas, sont endettées. En général, les hommes et les personnes issues des classes privilégiées ont une dette.

 

Compte tenu de la division sexuelle du travail, la notion de dette de genre est parfois utilisée ; peut s'ajouter la dette historique des pays colonialistes envers les colonisés. L'économie est une réalité d'interdépendance actuellement résolue en termes d'exploitation.

 

Sortir du système-dette ?

 

La désobéissance implique deux mouvements simultanés. Tout d'abord, un moratoire sur le paiement de la dette publique et sur le recouvrement de la dette extérieure, afin d'ouvrir un processus d'audit citoyen pour déterminer quelle partie de la dette est illégale ou illégitime. L'illégitimité est définie en fonction de la nature non démocratique du processus d'endettement, du fait qu'il a généré des bénéfices privés injustes au détriment d'efforts collectifs, ou que son paiement a des conséquences sociales et/ou écologiques indésirables. L'audit doit être citoyen dans le sens où il ne doit pas être résolu dans les hautes sphères politiques ou par des experts. Il doit faire partie du processus de débat radicalement démocratique sur la « vie bonne ».

 

Deuxièmement, rendre visibles les responsabilités asymétriques de chacun.e d'entre nous. La notion de responsabilités asymétriques nous aide à sortir de la dichotomie dans laquelle on est soit coupable, soit victime. Une façon de nous reconnaître comme ayant un pouvoir d'action est la capacité de désobéir. La responsabilité de celle.eux qui sont entré.es dans la roue de l'endettement est de prendre la responsabilité de la position que nous occupons dans cette Chose scandaleuse : nous devons changer nos habitudes de vie, mettre à mal les privilèges dont nous jouissons du fait de notre proximité avec HSBC (2), et nous impliquer dans les processus collectifs de transformation.

 

Stéphanie Roussillon

 

1. Le terme de « femmes » est utilisé dans une perspective plurielle et non essentialiste, comme classe sociale rassemblant des personnes subissant des expériences d'oppression patriarcale

2. Sigle utilisé dans les milieux queers pour désigner homme, blanc, bourgeois, et hétérosexuel

 

sources :

Nos vies valent plus que leurs crédits. Face aux dettes, des réponses féministes, de Camille Bruneau, Christine Vanden Daele, ed. le passager clandestin, 2022 (ouvrage soutenu par le CADTM – Comité pour l’abolition des dettes illégitimes