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mardi 4 juillet 2023

 

Désindustrialisation et vassalisation de l’Europe

 

La dernière période a été marquée par l’occultation d’un phénomène d’ampleur, due successivement au Covid puis à la mobilisation contre la « réforme » macronienne de la retraite. En effet, le déclenchement de la guerre en Ukraine a accéléré et amplifié la vassalisation de l’Europe sur fond de désindustrialisation. Au-delà du constat, il s’agit de cerner l’origine de ce phénomène et ses conséquences actuelles. Peut-on véritablement en sortir ?  

 

1 – Des constats éloquents

 

De 1970 à 2021, la part de l’industrie dans le PIB est passée de 23 à 10 %. C’est le taux français le plus bas de la zone euro, l’Allemagne se maintenant encore à 20 %.

 

On est en effet passé de 6 millions d’emplois industriels en France à 3 millions. Les politiques mises en oeuvre à cet effet sont le fait de dirigeants d’entreprises et des politiciens qui les ont soutenus. Ainsi, Arcelor a été vendue à Mittal, tout comme ont été bradées Péchiney et Alstom. Les PDG ont perçu à chaque fois des primes en raison de leur flexibilité face aux exigences des actionnaires, primes qui, en moyenne, se sont montées pour chacun d’entre eux à 15 millions, voire plus. Bref, c’est la cupidité de ces patrons et de leurs actionnaires faisant le choix du capital financier qui a prévalu, et ce, contre toute volonté de maintenir les choix industriels en faisant prévaloir la souveraineté du pays.  L’exemple le plus frappant est celui des turbines Arabelle vendues sous le régime de Hollande. Alstom est en train de les racheter pour un milliard, à General Electric, désormais en difficulté.

 

2 – Origine de la désindustrialisation

 

Il est de bon ton d’accuser l’Union européenne qui sert d’ailleurs de bouc émissaire. En fait, c’est la politique globale de mondialisation financière qui a amené les dirigeants français à faire preuve d’une incompétence crasse, dans la mesure où ils se sont enferrés dans leur propre incapacité à créer un rapport de force face à l’Allemagne et aux pays du nord de l’Europe. Résultat : la balance commerciale en France est catastrophique. Son déficit atteint 190 milliards en 2022. Ce chiffre prouve, s’il en est besoin, la dépendance de notre pays vis-à-vis de produits étrangers : non seulement le textile, l’électronique... sont importés mais on en vient à des aberrations, comme celle d’exporter du bois pour réimporter des meubles ou des parquets en provenance de pays du Sud.

 

Le phénomène de désindustrialisation résulte non seulement du choix en faveur de la finance, mais aussi d’un certain nombre de pratiques qui ont accéléré ce processus. La pratique de l’externalisation, le recours à de nombreux sous-traitants, dans les secteurs de la métallurgie, de l’automobile, ou de la chimie, ont perverti le système industriel : désormais, on importe des produits semi-finis pour les assembler sur le territoire national. D’autres mécanismes de profitabilité et de modernisation ont bien évidemment donné encore plus de corps au délitement de l’économie industrielle, comme les délocalisations vers l’Europe de l’Est puis l’Asie. L’automatisation et la robotisation, pour accroître les gains de productivité sur le sol national, ont concouru au même objectif.

 

3 – Conséquences

 

Les emplois détruits se sont matérialisés par l’émergence de territoires en crise, ainsi furent touchés le nord et l’est de la France, la Lorraine, les Vosges, les Ardennes, la Marne mais aussi Castres et Alès… Qui plus est, un emploi industriel génère deux à trois emplois indirects ; c’est la raison pour laquelle des régions entières ont été touchées. On a assisté, pour les collectivités territoriales, à l’effondrement de leur fiscalité et des prix de l’immobilier.

 

La réduction de la production accentue la dépendance du pays vis-à-vis d’autres puissances. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, 90 % des principes actifs du médicament sont assemblés et conditionnés en France, mais produits en Asie.

 

4 - La ré-industrialisation est-elle possible ?

 

L’épidémie du Covid 19 a fait apparaître une dépendance insoutenable et ce, dans les produits de première nécessité, comme les masques. Le gouvernement Macron en vint à prôner la ré-industrialisation à l’horizon de 2050, sans avoir, pour autant, une stratégie claire à énoncer, pour sortir de la dépendance de la Chine et des USA.

 

Ce qui est certain, c’est que ni l’utopie de la start-up nation, ni l’implantation d’usines comme Gigafactory, ne vont changer les choses. D’un côté, les crédits en faveur de la recherche sont insuffisants, de l’autre, nous ne sommes pas maîtres de la production des batteries, nous ne faisons que les assembler. L’implantation provisoire d’usines peut très bien, demain, se retourner en délocalisations.

 

Macron prévoit l’injection, sous forme de subventions, de 54 milliards d’euros, ce qui semble dérisoire vis-à-vis des 400 milliards de dollars promis par Jo Biden, afin d’attirer les technologies innovantes et autres industries sur le sol étatsunien.

 

Le financement du plan France 2030 va se heurter à la frilosité des banques et accentuer encore la dette de la France, sans certitude aucune, quant à la volonté de se dégager de l’emprise des USA ou de la Chine.

 

L’effort environnemental de décarbonation rend encore plus difficile la mise en œuvre de projets coûteux dans le cadre néolibéral et d’une Union européenne, ouverte tous azimuts. Faut-il rappeler que la Chine et les Etats-Unis pratiquent de fait une politique protectionniste.

 

L’incapacité de raisonner, en termes de mobilité plutôt que d’automobile « verte », démontre, s’il en est besoin, que le ferroviaire, malgré toutes les déclarations, n’est pas véritablement à l’ordre du jour.

 

Plus généralement, la France, comme l’Union européenne, sont en guerre économique avec les USA, qui utilisent tous les outils pour accroître l’assujettissement de l’Occident. Les écoutes, révélées par Snowden en 2014, prouvent que l’espionnage des entreprises et des dirigeants politiques ont pour but de développer la dépendance. L’utilisation du droit extraterritorial par les USA démontre leur volonté de s’instituer gendarmes du monde, visant à exclure tout commerce avec la Chine, la Russie, l’Iran, le Venezuela… Ainsi, la liste ITAR comprend 22 000 composants qui, s’ils sont vendus aux pays « diabolisés », permet aux USA de sanctionner les contrevenants qui décideraient de passer outre les oukases étatsuniens.   

 

Et d’ailleurs on ne voit pas comment arrêter le processus en cours : 131 entreprises françaises ont été vendues à l’étranger en 2022 et la colonisation numérique s’accentue (exemple : Google).

 

S’il fallait dater l’accélération de la sujétion de l’Europe aux Etats-Unis, il faudrait remonter, dans le cadre de la mondialisation, à l’acte unique de 1986 et à la libéralisation des capitaux, tout en constatant que les socialistes français ont été, dès cette époque-là, à la manœuvre.

 

Mais la mondialisation est en train de provoquer son contraire : les exigences écologiques ne collent plus avec les millions de porte-containers qui sillonnent les océans. L’ouverture du marché tous azimuts est en train de se refermer. Ainsi Trump a réinstauré des droits de douanes. La Chine et d’autres pays envisagent de créer une monnaie unique pour se passer du dollar.  Toutefois, la guerre en Ukraine a révélé que l’Allemagne, comme d’autres pays de l’Europe, appellent de leurs vœux, une servitude volontaire des plus néfastes.  

 

Gérard Deneux, le 27 juin 2023   

 

Sources : Elucid, Blast