Le
nucléaire civil
L’état
climatique actuel du monde, dû essentiellement à l’activité humaine, fait que la consommation d’énergie devra être
impérativement décarbonée d’ici 2050, selon les accords de Paris (on n’en
prend pas trop le chemin !).
En plus des nécessaires économies d’énergie
(diminution du besoin, efficacité énergétique…) que certains chiffrent à 30 %,
les énergies primaires utilisables seront d’origine :
-
terrestre
(biomasse, géothermie, nucléaire…), avec certainement encore un tout petit peu d’hydrocarbure,
-
mais,
essentiellement, solaire (photovoltaïsme, vent, hydraulique…).
Le vecteur
qui permettra de les utiliser sera presque exclusivement l’électricité pour la chaleur
(chauffage air, eau), la mobilité, l’agriculture, les processus industriels…
1 - Quelle part aura le nucléaire en 2050 dans cette
production d’électricité ?
Au niveau
mondial :
Actuellement, selon l’AIEA (Agence
Internationale de l’Energie Atomique), 339
réacteurs à uranium enrichi (surtout à eau pressurisée et bouillante) sont
en service dans le monde. C’est 100
de moins qu’en 2010, Fukushima est passé par là !
Chaque réacteur produisant annuellement aux
alentours de 7 Twh (milliard de kilo watt heures) en pleine charge annuelle, la production mondiale d’électricité
nucléaire est d’environ 2 400
Twh.
On estime (avec difficulté) la consommation d’énergie finale de toute l’humanité à peu près à 100 000 Twh.
Dans ces conditions, le nucléaire ne couvre pas 3 % des besoins et on voit mal comment
il pourrait en couvrir une part significative en 2050 étant donné la technicité
et les coûts faramineux d’investissement que cette technologie impose : la
plupart des pays ne peuvent y avoir accès et il y aurait tout à craindre d’une
telle prolifération.
Le nucléaire n’est en aucune façon une solution
pour l’avenir
énergétique du monde.
Mais est-ce vrai à d’autres échelles, en particulier
d’un pays comme la France qui est un des plus nucléarisés par rapport à sa
production d’électricité (70 %) ?
Au niveau
français :
56 réacteurs, tous à eau pressurisée sont en
activité, représentant une puissance d’une soixantaine de GW (giga watt,
million de kilo watts), censés produire annuellement environ 400 Twh, soit 24 % du besoin de la consommation finale des Français de 1 650
Twh (1.7 % de la conso mondiale, alors que nous ne sommes que 1 % de la population
mondiale : des nantis, vous dis-je). Le reste est couvert essentiellement
par les hydrocarbures, le gaz et, pour 19 %, par les renouvelables en 2022
(hydraulique compris), en-dessous de notre objectif de 23 % : nous sommes
les seuls dans l’UE à ne pas respecter nos propres engagements !
Ces machines ont actuellement un âge moyen de 38
ans (43 pour Bugey à 19 pour Civaux) et en 2022, elles n’ont produit que 285 Twh, soit seulement 17 % de nos besoins, moins que le
renouvelable ! Il faut se souvenir qu’en septembre 2022, 32 de ces
réacteurs étaient à l’arrêt. Ils étaient encore 17 en novembre, et, si la
consommation hivernale a pu être satisfaite c’est parce que l’hiver a été doux,
que les Français auraient fait attention (soi-disant 10 % d’économie), mais
surtout parce qu’on a acheté beaucoup d’électricité à nos voisins allemands et
espagnols ! Notre balance du commerce extérieur est passée à – 163 MM €
contre environ – 70 les années précédentes.
Conscient de cette grande faiblesse, M. Macron a
décidé de prolonger la durée de vie
de ces réacteurs de 30 ans (durée de vie de conception, sur la base de laquelle
EdF a amorti ces machines, 40 ans étant déjà admis), jusqu’à 60 ans, comme aux USA, ce qui nous mènerait en moyenne à
2045 ! Sachant que 10 ans de maintenance coûtent 1 MM€, visite décennale
comprise, qu’il en faudrait 2 d’ici-là, la facture se monte à 112 MM€ au bas
mot, sans tenir compte des retards actuels de visites décennales, ni du coût du
cycle du combustible.
Malin, le même, lance 6 EPR2 (conception pas
encore « bénie » par l’ASN, Autorité de Sûreté Nucléaire) pour 10 MM€
l’unité, d’ici 2035, et 8 autres un peu plus tard pour 2050 :
« petit » programme de 140 MM€ supplémentaires.
Il faudra donc mettre sur la table 172 MM€ d’ici 2035 et 80 de plus pour atteindre 2050… tout ça pour avoir environ 300
Twh (si l’on est optimiste) en 2035, puis au maximum 140 Twh pour les 14 EPR2
vers 2050, les machines actuelles devant être arrêtées en moyenne vers 2045… Ce
qui fait quand même une petite dizaine de milliards d’euros par an pour couvrir
même pas 10 % de nos besoins énergétiques ! A pleurer !
De plus, l’Etat français, actionnaire à 100 %
d’une EDF endettée à hauteur de 64 MM€, ne sait pas comment financer de tels
investissements colossaux : démembrement d’EDF (projet Hercule), mobilisation
du livret A, dette publique… ?
Pour simplifier la question, l’UE a décidé que
les voitures devront être électrifiées en 2035. En France, le parc de 40
millions de véhicules consomme annuellement environ 250 Twh, c’est-à-dire
quasiment la production du nucléaire : ou alors le renouvelable absorbera
ou ce sera la fin de la voiture individuelle… mais pour l’instant, on y va…
A ces contraintes, on peut ajouter celles
concernant le refroidissement des condenseurs de turbine ou des réacteurs à
l’arrêt à chaud. Nos 56 tranches occupent 18 sites en France : 4 en bord
de mer (12 réacteurs) et 14 le long des fleuves ou rivières. Sur les 44
tranches concernées, 30 prélèvent l’eau en amont pour la recracher plus chaude
(maxi 28° en été et 30° en hiver) en aval. Les 14 autres sont équipées
d’aéroréfrigérants (grandes tours de ventilation) qui nécessitent un apport
important d’eau pour compenser la vapeur perdue dans le panache. Dans tous les
cas, la diminution des débits de nos rivières et le réchauffement climatique provoqueront
une limitation drastique du fonctionnement de nos centrales et risqueront fort
d’en réduire l’usage.
Le nucléaire tel qu’annoncé par Macron
n’est pas non plus
une solution d’avenir pour la France.
2 - Quelques poncifs dont les Français feraient mieux de se
débarrasser
Nucléaire
= indépendance énergétique. Nous importons l’intégralité du carburant (uranium 235) de
l’étranger (Niger, Kazakhstan, Ouzbékistan, Australie… pour l’uranium à
enrichir et, même, actuellement, de Russie pour l’uranium enrichi par Rosatom.
Electricité
nucléaire, la moins chère de toutes. Le coût de revient du Mwh (méga watt heures =
mille kilo watt heures) pour EdF est de 46€ (prix de vente au consommateur
environ 200€) avec des réacteurs dont le coût est complètement amorti. Par
contre, le coût de revient contractuel du même Mwh à Hinkley Point en
Angleterre, produit par les EPR en cours de construction, est de 115€ le Mwh.
Alors qu’on peut compter sur environ 55€ le Mwh photovoltaïque (chinois) et
entre 70 et 85 € pour celui de l’éolien.
Nucléaire
= technologie de pointe. Il est vrai que cette technologie fait appel à nombre de
domaines pointus, mais à cause des lois de Carnot et de la basse température de
la vapeur d’admission dans la turbine, le rendement des tranches nucléaires est
seulement d’un peu moins de 30 %, ce qui n’est pas glorieux.
Nucléaire
= énergie sûre. Depuis
Fukushima, l’ASN n’écarte plus le risque d’accident nucléaire grave, même s’il
est peu probable, espérons-le.
La
question des déchets est résolue. Le stockage des déchets peu radioactifs à vie
courte est énorme en volume, celui par enfouissement de haute activité à vie
longue n’est probablement pas pérenne. En tout cas, c’est une pollution que
l’on ne sait pas régler définitivement.
C’est une
énergie nucléaire civile. Oui, mais chaque tranche de 1 000 w produit
annuellement 200 kg de plutonium, utilisé dans les bombes atomiques, raison
pour laquelle cette technologie à uranium naturel enrichi a été choisie, il y a
70 ans.
La
technologie à eau pressurisée et uranium enrichi, en vigueur « chez
nous », est le nec plus ultra. Il existe tout un tas d’autres solutions pour
maîtriser la réaction en chaîne avec beaucoup moins d’inconvénients, comme les
réacteurs à sel fondu, que certains pays sont en train de développer pour
garder l’avantage de l’énorme densité d’énergie de la réaction nucléaire. Mais
c’est une autre histoire nécessitant des décideurs ayant une autre vista !!
Conclusion
Le nucléaire, tel qu’on le connaît, comme source d’énergie
électrique,
n’est nulle part une solution pour l’avenir, n’en déplaise à JM
Jancovici, aux lobbys du nucléaire et aux politiques qu’ils ne cessent d’influencer.
Je ne sais plus qui a dit : le nucléaire, c’est la façon la plus
dangereuse, et la plus onéreuse, de faire bouillir de l’eau !
Alors que le gouvernement dispose d’un Haut-Commissaire
au Plan, d’une 1ère Ministre, coordinatrice de deux ministres
chargés des planifications énergétique et écologique, aucune publicité n’est
faite sur le résultat de ces plans, quant à l’évolution des sources d’énergies,
forcément électriques d’ici 2050. A croire que rien n’a été fait, sauf à
commencer à mettre en place la fausse solution du nucléaire.
Jean Restlé, le 8 juin 2023
ci-devant responsable de la qualité de turbines
à vapeur Alsthom, ayant modestement participé à la construction de notre
« cher » programme électronucléaire.