Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 6 septembre 2023

 

La ronde des canassons

 

(éditorial de PES n° 95)

 

Ça  se précipite déjà sur la ligne de départ présidentielle, pour 2027.

 

Darma-le-nain fut le premier bourrin, impatient de franchir la ligne. Il piaffe d’envie de battre la « trop molle » Le Pen. Mais ce canasson, avec toute la finesse dont il est coutumier, n’a-t-il pas provoqué un faux départ ? Sa subtilité est pourtant légendaire : envoyer les CRS8 et le RAID, ces pandores lourdement harnachés, pour infiltrer et remonter les réseaux de trafiquants de drogue, c’est osé… mais ça ne les empêche guère de régler leurs comptes en plein jour à coups de kalach. Le petit macho, lui qui octroyait des appartements HLM contre des faveurs sexuelles, a certes tenté de rallier, sans succès, Ferrand, le ferré pour détournement de fond puis absous. Le bonhomme en était tout flatté, lui, le dépité, descendu de son perchoir de l’Assemblée nationale, qui plus est sans mandat.

 

Mais, déçu de n’avoir pas été nommé à Matignon par M. le Prince, le rancunier Darmanin s’est lancé, rassemblant ses soutiens à Tourcoing. Macron, offensé, agacé, a envoyé Borne. Monsieur vous dépassez les bornes. 2027, c’est loin, vous êtes comptable de l’exécutif macronien auquel vous participez depuis l’origine. Et puis arrêtez de nous bassiner avec vos origines modestes. « Moi, pupille de la nation, je n’ai pas eu de mère, concierge à la Banque de France ».

 

Tout en faux cul qu’il est, la bourrique s’est fendue d’une repentance : « Je ne veux pas créer un parti (comme Macron !), je ne parle pas d’une quelconque élection ». Mais comprenez, « il faut parler aux tripes des Français », « l’important en politique, c’est le rôle que l’on vous prête »… De l’esbroufe pour rameuter les gogos.

 

Certes, il en faut à l’heure de la survie du macronisme. Avec les 49-3 qui s’annoncent, faut se démarquer. Quatre ans pour apparaître en homme neuf, tout en vouant Macron au supplice du garrot. Faut l’asphyxier, vous dis-je, faire avorter ce mouvement Renaissance inconsistant. Et, sur la ligne de départ, il y a déjà bousculade. 

 

Edouard Philippe, cet ex-Premier ministre, en rêve. C’est un canasson d’envergure. L’austère boxeur, blanchi sous le harnais, lui qui trouvait le temps d’écrire des polars quand il était le bras droit de Macron, prépare un livre…programme. L’homme qui, avec d’autres, a dézingué les services publics, a le culot d’en faire l’éloge : méritocratie scolaire, santé, justice, sécurité. Ça plante son leader providentiel !

 

Il y a également l’incroyable Bruno Le Maire, ce ministre de l’économie, aveugle aux superprofits. L’homme s’économise, il a tout loisir d’écrire des romans pornos. Il est d’ailleurs fasciné par les jeunes juments dont les « culs sont dilatés comme jamais ». Un peu lourdingue ce bidet, non ?

 

Il y a également les jeunes poulains de la macronie comme ce Gabriel Attal, un peu fragile, celui qui s’en prend aux jupes trop longues pour se faire une renommée… Ce petit bidet fait pâle figure.

 

Et puis tous ces vieux chevaux de retour : Hollande, Royal, Cazeneuve, Bayrou le séquestré dans un luxueux placard à planification absente.

 

L’empêtré de l’Elysée, sans majorité, se débat pourtant comme un beau diable. Il convoque tous les partis politiques à la nécropole des rois de France, tout un symbole ! C’est en effet à l’abbaye royale de Saint-Denis où sont entreposés les restes de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Il est vrai que M. le Prince a toujours prétendu que les Français étaient nostalgiques de la royauté et de… la guillotine. Ne s’insurge-t-il pas contre l’épidémie de putschs africains qui pourraient se répandre jusque dans le royaume de France ?

 

Dans cette attente hypothétique, il est devenu, après le grand débat, le roi de la parlotte, celui qui laisse parler à huis clos pour ne rien décider sauf à courir après Ciotti et la droite extrême.

 

M. le Prince descendu de son olympe s’étonne de la fronde qui couve parmi son entourage de comtes et de petits marquis ambitieux.

 

Maintenir en vie le bloc central droitier sans la Le Pen devient difficile, comme trouver une question référendaire qui conforterait le Macron déliquescent.

 

Le bal des ambitieux est ouvert. Folle va être la ronde médiatique où tous les canassons vont participer afin que l’on mise sur eux ou que l’on joue les indifférents, pleins de sarcasmes à leur égard.

 

Ridicules, tous ils sont !

 

GD le 31.08.2023  

 

 

Le poème de Pedro

 

noirs

de magnifiques nuages

riches de puissants orages

s’amoncellent au-dessus

des plus hauts sommets de la cour

 

confiants

fiers de leurs bâches

de leurs paratonnerres

et de leurs champs de drainage

prévus pour tout déverser

sur la basse-cour obéissante

et consentante

les courtisans impavides

se livrent insouciants

à leurs douces réjouissances

incapables d’imaginer

que le mécanisme pourrait se gripper

 

qui sait cependant

les plus beaux cataclysmes

surviennent toujours sans préavis

 

Pedro Vianna

Des nouvelles de la cour, 8.VIII.2017

http://poesiepourtous.free.fr

 

 

 

Nous avons vu et entendu

 

Les journalistes ont oublié Julian Assange à son triste sort

sur Elucid avec Chris Hedges le 22.07.2023

 

Chris Hedges, journaliste américain, ancien correspondant de guerre, affirme que la persécution à l’encontre de Julian Assange, le climat de peur, la surveillance gouvernementale généralisée et l’utilisation de la loi sur l’espionnage pour poursuivre les lanceurs d’alerte, ont considérablement affaibli le journalisme d’investigation. Non seulement, la presse n’a pas réussi à mener une campagne de longue haleine pour soutenir Julian mais elle n’essaie même plus de faire la lumière sur les rouages du pouvoir.

 

Assange. La mauvaise conscience de l’Occident

Serge Halimi sur le vent se lève le 14.07.2023

 

Dans son article relatif à Julian Assange  « Et si Assange s’appelait Navalny ? » Serge Halimi fait état de la lâcheté des journalistes face à la persécution d’Assange. Il s’appuie sur des faits : d’un côté, le journaliste américain de CNN Jim Acosta, privé par Trump de son accréditation pour s’asseoir à la table de presse à la Maison Blanche ; de l’autre Julian Assange qui se morfond dans une pièce sans lumière, à Londres, risquant l’extradition et la condamnation à 175 ans de prison pour avoir révélé des affaires importantes menées par « l’Empire du Bien » et notamment des crimes de guerre en Irak et en Afghanistan. Après quelques mois de « purgatoire », la « vedette » de CNN réhabilitée par un jugement du Tribunal s’exclame : « les journalistes doivent savoir que dans ce pays, la liberté de la presse est sacrée et qu’ils sont protégés par la Constitution pour enquêter sur ce que font nos gouvernants »… sauf Chelsea Maning, Edward Snowden, Julian Assange… qui risquent prison, exil, assassinat…  

   

Les « émeutes » des banlieues sont vraiment politiques

sur le médiaL’entretien d’actu, le 24.07.23

Nadiya Lazzouni reçoit Eric Marlière, sociologue

 

Et si les auteurs de violence et d’incivilités que les médias dépeignent comme des « voyous » n’étaient au bout du compte que des acteurs politiques en action ? C’est ce que suggère Eric Marlière dans son livre Les quartiers (im)populaires ne sont pas des déserts politiques. Pour lui, l’appréhension de la politisation des quartiers populaires par le bas est essentielle pour comprendre les tensions et les conflits qui cristallisent une partie de notre société.

 

Brûler la forêt pour sauver le climat ?

sur youtube Partager c’est sympa le 14.07.2023

 

L’association Canopée a mené une enquête sur Alliance Forêts Bois qui construit un véritable empire industriel en forêt française. Eclairant.

 

 

 

Climat et petits fours

 

A l'heure de l'urgence climatique, les modes de vis carbonifères des élites économiques sont de plus en plus pointés du doigt. Les actions symboliques, les rapports et les articles de presse se multiplient pour dénoncer les trajets Paris-Londres en jets privés de Bernard Arnault ou le tourisme spatial de Jeff Bezos. Acteurs clés du débat climatique international, les ultra-riches sont les promoteurs acharnés du « capitalisme vert », un projet politique taillé sur mesure qui garantit leurs intérêts de classe dans un monde en surchauffe.

 

Mode de vie carbonifère

 

Depuis plusieurs mois, des voix s'élèvent pour demander la taxation, voire l'interdiction pure et simple des jets privés. Les attaques se multiplient à l'encontre de ce symbole du mode de vie carbonifère des ultra-riches ; ultra-riches responsables, selon l'ONG Oxfam, de plus de la moitié des émissions cumulées de CO 2 liées à la consommation au cours de la période 1990-2015. Cet intérêt pour les jets privé est symptomatique d'une focalisation plus large du débat climatique sur les comportements individuels. Les riches sont les symboles d'une société de la surabondance et de l'excès qui va droit à sa perte. Ce qui distingue les ultra-riches, ce n'est pas seulement leur mode de vie extravagant, c'est aussi leurs immenses fortunes. Ces fortunes sont souvent composées de liquidités, de biens immobiliers et d'actifs financiers.

 

C'est en abordant les riches sous l'angle de leurs portefeuilles d'actifs – et donc de leurs investissements – que l'on prend conscience de leur réel impact sur le climat. Comme l'a montré l'économiste Lucas Chancel, « la majeure partie des émissions des 1% les plus riches de la population mondiale émane de leurs investissements plutôt que de leur consommation ». Selon ses calculs, en 2019, près de 70% de leurs émissions étaient dus à leurs investissements et leur poids relatif dans l'empreinte carbone n'a fait que s'accroître depuis les années 1990. Greenpeace et Oxfam arrivent à la même conclusion. Ils montrent comment l'empreinte carbone du patrimoine financier d'un milliardaire français, en moyenne, s'élève à 2,4 millions de tonnes de CO2 et celle d'un Français moyen s'élève à 10,7 tonnes ! Via leur patrimoine financier, Gérard Mulliez (Auchan), Rodolphe Saadé (CMA CGM) et Emmanuel Besnier (Lactalis) émettent autant de CO2 que 20% de la population française.

 

Investissements intéressés

 

La force de frappe financière des ultra-riches et des gestionnaires d'actifs qui administrent leurs fortunes leur confère un pouvoir considérable sur l'économie réelle, et en particulier sur les entreprises où ils investissent. Et, en même temps, ces centaines de milliards d'euros investis les exposent potentiellement aux conséquences du dérèglement climatique et des éventuelles politiques mises en œuvre pour y faire face. Les dégâts matériels et économiques engendrés par un ouragan, une inondation ou une sécheresse auront des conséquences sur la valeur de leurs portefeuilles d'actifs, et donc sur leur fortunes. C'est pourquoi les ultra-riches et les gestionnaires d'actifs ont intérêt à investir le débat climatique, mais ils ne le font guère.

 

Face à une catastrophe climatique, certains ultra-riches font le choix du repli sur (l'entre-)soi et investissent dans des bunkers de luxe. Ces survivalistes haut de gamme investissent dans des communautés agricoles autosuffisantes et ultrasécurisées et des bunkers souterrains de 30 000 m2 avec piscine, cave à vins, spa et club de gym. Mais de nombreux riches font le choix inverse et privilégient l'engagement et, en particulier, l'orientation des politiques climatiques pour à la fois atténuer la menace que fait peser la crise climatique sur leur actifs et pour « transformer l'atténuation de cette menace en une nouvelle source de profits » d'après l'autrice Bullet Adrienne.

 

Entrisme climatique

 

Jane Goodall, primatologue britannique, Al Gore, ancien vice-président américain et Christiana Figueres, l'ancienne directrice de la Convention climat de l'ONU, étaient à l'édition 2020 de « Davos House », le summum de l'entre soi climatique. A l'occasion du Forum économique mondial, le club-house de Davos se convertit en « hot spot » pour financiers philanthropes, entrepreneurs à succès, responsables d'ONG, anciens ministres et experts en tout genre, pour parler climat et développement durable. Gore et Goodal s'adonnent à un entrisme d'un genre particulier, où le champagne et les petits fours sont un outil au service de la conversion des riches à leur cause. A bord de leurs jets privés, ils vont de pays en pays pour prêcher leur bonne parole parmi leurs semblables et auprès des décideurs politiques. Ils incarnent une nouvelle conscience climatique de classe fondée sur l'idée que leur propre salut en tant que riches et la préservation de leurs privilèges passeront par la substitution d'une variété de capitalisme -le capitalisme fossile- par une autre-le capitalisme vert -, qui mêle atténuation des risques pesant sur le capitalisme du fait du dérèglement climatique et création de nouvelles opportunités d'enrichissement en lien avec la décarbonation.

 

 

Capitalisme vert

 

« Capitalisme Gaia », « capitalisme durable », « capitalisme naturel », ou encore « capitalisme vert », les adjectifs ne manquent pas pour caractériser un nouveau discours légitimant l'idée que le capitalisme peut être « verdi » et devenir un moteur de la transition bas carbone. Il s'agit de « valoriser » correctement le capital naturel, ce qui suppose d'adopter une vision et une stratégie d'investissement « à long terme » qui tiennent compte des critères « ESG » (Économique, Social, de Gouvernance) sans pour autant transiger avec les impératifs d'accumulation et de croissance ni remettre en cause les rapports sociaux de domination existants. Comme le résume David Blood, il s'agit simplement de « plaider pour la cupidité à long terme ».

 

Tout en appelant à une réforme du capitalisme, ce nouvel « esprit vert » glorifie l'« expérience de la Silicon Valley » en poussant l'idée que le progrès technologique et l'innovation entraînent un processus de destruction créatrice qui profitera, in fine, à l'économie et au climat. Il s'agit, en somme, d'une version actualisée et verte de « l'idéologie californienne », ce « mélange de cybernétique, de libéralisme économique et de libertarianisme contre-culturel » né de « la fusion étrange entre le bohémianisme culturel de San Francisco et les industries high-tech de la Silicon Valley ». Le nouvel esprit vert du capitalisme s'inspire et prolonge les idées de « l'écologie contre-culturelle » ; une écologie qui concilie progrès technologique et écologie et, ce faisant, favorise certaines « technologies appropriées » -panneaux solaires, éoliennes, économies d'énergie, réseaux et autres – supposément en phase avec les désirs de liberté et d'autonomie vis-à-vis de l'Etat bureaucratique et centralisateur associés à la contreculture. En d'autres termes, le nouvel esprit vert du capitalisme participe à un effort plus large de construction et de mise en scène des élites économiques éclairées et entreprenantes comme « sauveuses » du climat et « leaders » de la transition bas carbone.

 

Philanthropie stratégique

 

La philanthropie a joué un rôle central dans la diffusion et la normalisation du nouvel « esprit vert » et des opinons politiques et institutionnelles qui lui sont associées. Au début des années 2000, plusieurs milliardaires se sont lancés ou ont réorienté leurs activités philanthropiques existantes vers le climat. A la veille de la COP 15, des fondations se sont associées afin de canaliser les fonds vers des bénéficiaires et des projets en phase avec leur approche de l'enjeu, tout en accroissant leur impact. Compte tenu de leur très forte homogénéité, il n'est pas étonnant que la plupart -sinon la totalité- des grandes fondations climatiques partagent une même approche de l'activité philanthropique ; une approche « stratégique », « guidée par les données » et « axée sur l'impact ». Plutôt que de financements, elles se sont mises à parler d'  « investissements », censés produire un « retour social » mesurable. L'adoption des pratiques et du vocabulaire managérial a participé un peu plus à normaliser la culture entrepreneuriale au sein du débat climatique.

 

La firme s'infiltre

 

McKinsey occupe une place à part dans le secteur en pleine expansion du conseil en durabilité et dont le marché est évalué à plus de 4 milliards de dollars. « La Firme », comme on l'appelle communément, est tout simplement la plus grande, la plus ancienne, la plus influente et la plus prestigieuse sur le marché du conseil en stratégie. Avec comme clients 90% des plus grandes entreprises mondiales, McKinsey est au cœur du capitalisme mondialisé et, par conséquent, au cœur du capitalisme fossile. Par ailleurs, McKinsey travaille pour des ONG, des fondations philanthropiques et des entités publiques. C'est son réseau (anciens consultants, contacts privilégiés dans les conseils d'administration, cabinets ministériels, etc.) et ses compétences que McKinsey a mobilisé au service du capitalisme vert dans la période précédant la COP 15. La firme a contribué à standardiser une approche « pragmatique », « analytique », prétendument « apolitique » et relevant du « bon sens », centrée sur les acteurs privés, l'innovation et les mécanismes de marché - approche qui finira par s'imposer lors de la COP 21 à Paris.

 

Avant 2007, McKinsey était quasiment absente du débat climatique international. En quelques mois, tout a changé. La firme a grandement influencé le processus de négociations à la COP 15. Elle a conseillé la présidence danoise. Elle avait l'oreille des négociateurs des principales parties prenantes autant que des institutions onusiennes. 

 

Adoubement  par les élites

 

L'accord de Paris a opéré un tournant majeur dans la gouvernance climatique. D'outil au service d'un nouvel accord et de sa bonne interprétation, le mouvement climat s'est mué en producteur et diffuseur de récits climatiques, devenant dès lors un rouage essentiel du nouveau régime institué par l'accord de Paris. A travers ses slogans et actions spectaculaires, il a participé à diffuser et à accroître le sentiment d'urgence qui est au cœur des efforts de communication déployés pour « mettre l'accord de Paris en mouvement ». Les actions « radicales », dès lors qu'elles restent non violentes et se limitent à des appels à « suivre la science » et à plus « d'ambition », sont tolérées, voire encouragées. Ainsi la montée en puissance, courant 2019, d'Extinction Rebellion (XR) et de Fridays for Future, le mouvement de Greta Thunberg, a été accueillie avec bienveillance par les élites climatiques. Leur priorité est non seulement de les soutenir, mais aussi -et surtout- de les interpréter et de les mettre au service de leur projet politique et de leurs intérêts. Ils sous-entendent qu'ils sont en fait dans le même camp et complémentaires, unis par une même indignation face à l'inaction et au manque d'ambitions des décideurs politiques.

 

En appui de ces efforts des élites climatiques, une petite armée de spécialistes en communication a été mobilisée pour accompagner gratuitement les activistes et les aider à répondre aux nombreuses sollicitations de journalistes.

 

Eco-anxiété

 

Pour les plus fortunés inquiets de la crise climatique, « investir » dans les mobilisations et protestations, c'est ce qui se fait de mieux en termes de rapport coûts et bénéfices. Au cœur de leur démarche, la logique entrepreneuriale et la « culture du capital-risque » devaient permettre d'atteindre un objectif immuable : se servir du mouvement pour promouvoir un capitalisme vert qui garantisse leurs intérêts de classe. Il s'agit de promouvoir une « philanthropie du risque ». Les mouvements de type XR ou Fridays for Future sont qualifiés de « start-up innovantes ». Ils voient en eux « une solution puissante et rentable » à la crise climatique et un moyen de « disrupter » le mouvement climat. Pour ces riches bienfaiteurs, investir dans XR et Friday for Future, c'est investir dans des mouvements à leur image : innovants, entreprenants, agiles, prêts à prendre des risques.

 

Lorsqu'on l'interroge sur les raisons qui l'ont amené à reverser près de 200 000 livres sterling à XR, le milliardaire financier Christopher Hohn explique que « c'est parce que l'humanité est brutalement en train de détruire le monde avec le changement climatique et qu'il y a un besoin urgent pour nous de prendre conscience de cela ». Ce que Hohn omet d'expliquer, c'est que son soutien s'inscrit dans une stratégie plus large, à l'image du Bezos Earth Fund, de promotion d'une certaine idée de la transition bas carbone. Loin de signaler un revirement stratégique, son financement d' XR marque une nouvelle étape dans son effort de contrôle et d'orientation du débat. Du côté d' XR, les explications données sont révélatrices de leur méconnaissance des intentions de Hohn et des autres ultra-riches qui les financent. Roger Hallam, l'un des fondateurs de XR, évoque ainsi l'urgence de la crise, urgence qui concerne aussi les ultra-riches : « On a affaire à des riches qui pleurent la nuit comme nous ! Que voulez-vous qu'ils fassent ? Qu'ils se suicident et qu'ils brûlent tout leur argent ? ».  Eux aussi souffrent d'éco-anxiété. Ils sont, au fond, comme vous et moi. Avec son million de livres de revenu quotidien en 2020, Hohn serait l'un des nôtres ?

 

Or, si la crise climatique inquiète effectivement les ultra-riches, leur inquiétude renvoie à des enjeux qui leur sont propres et concernent leur statut de classe. La planète c'est un peu comme le Titanic : tout le monde se dirige vers l'iceberg mais ce sont les riches passagers qui commandent le navire et qui, en cas de collision, auront prioritairement accès aux canots et aux gilets de sauvetage. L'iceberg climatique, ils ont aussi intérêt à l'éviter mais ils ont intérêt à s'assurer que les classes inférieures du navire ne se retournent pas contre eux. Si Hohn et d'autres ultra-riches choisissent de financer XR, c'est pour asseoir un peu plus leur contrôle sur le navire...

 

Stéphanie Roussillon, le 23.08.2023

 

Source : Fin du monde et petits fours, les ultra-riches face à la crise climatique d'Edouard Morena,   La Découverte, Fév. 2023

 

 

 

Ils, elles luttent

 

Pays Bas. Contre le stockage de CO2 en mer du nord

 

Le projet Porthos, dévoilé il y a 2 ans a suscité l’opposition des défenseurs de l’environnement, notamment le MOB (Mobilisation pour l’Environnement), remettant en cause le principe de capture et stockage du carbone qui n’offre, selon lui, aucune garantie de sécurité et peut mettre en danger des zones Natura 2000. Il s’agit d’enfouir dans un ancien champ gazier de la mer du Nord, à 3 kms de profondeur, 37 millions de tonnes de dioxyde de carbone, provenant des usines Shell, ExxonMobil, Air liquide ou Air Products dans le port de Rotterdam. Le CO2 est acheminé vers une station de compression à très haute pression, puis transporté par pipelines vers des plates-formes en mer pour être injecté sous le plancher maritime. Deux autres projets sont prévus : Aramis et Athos. Le bureau d’ingénieurs Arcadia commandé par les autorités, affirme que les risques sont « nuls » ou « négligeables ». Porthos a été validé par le Conseil d’Etat le 16 août. Les militants du MOB l’avaient pourtant emporté en 2022 devant la justice administrative, décrétant le gel des projets de 917 000 logements, extension d’un aéroport, de travaux routiers, etc…exigeant une évaluation de la pollution et l’éventuelle instauration de mécanismes de compensation. Il avait aussi gagné en 2018, contraignant le gouvernement à revoir le modèle d’agriculture intensive.

Malgré la décision favorable du Conseil d’Etat, ces affaires sont loin d’être réglées. La nouvelle équipe gouvernementale, qui sera mise en place après les élections de novembre, suite à la chute de la coalition de Mark Rutte, va devoir s’en saisir. Frans Timmermans - qui vient de démissionner de la vice-présidence de la commission européenne pour prendre la tête de la liste socialiste écologiste - considéré comme l’architecte du Green Deal, s’il devient 1er ministre, sera-t-il à la hauteur ? En tout cas, les militants et défenseurs de l’environnement ne comptent pas lâcher ! le Monde 19.08.2023

 

Argentine. « L’eau vaut plus que le lithium »

 

C’est par ces slogans que des milliers de manifestants, dans la province de Jujuy et à Buenos Aires, ont dénoncé (en juillet) la réforme de la Constitution locale visant à moins bien protéger les communautés indigènes face à l’avancée de l’exploitation du lithium. Les communautés indigènes, descendues des hauts plateaux andins, soutenues par les organisations de défense des droits humains, de l’environnement et syndicales, n’ont pas reculé face aux perquisitions, arrestations et répressions brutales. La province de Jujuy est située dans le « triangle du lithium » qui regroupe le nord de l’Argentine et du Chili et le sud de la Bolivie. A eux trois, ces pays détiennent près de 65 % des réserves de ce minerai, extrait sous les vastes déserts de sel des plateaux andins. Ce métal est crucial pour la production de batteries électriques ; l’augmentation de son exportation permettrait à l’Argentine de faire face à son manque chronique de réserves de change. Trois projets sont en exploitation et une vingtaine sont en phase d’exploration. L’exploitation du lithium est très gourmande en eau et menace les nappes d’eau douce de salinisation et les communautés locales redoutent d’être délogées, de voir leurs emplois liés à l’élevage, à l’exploitation du sel supprimés. « Les populations autochtones refusent d’être sacrifiées sur l’autel de la transition énergétique des pays développés ». Elles n’entendent pas en rester là et préparent une marche (1 800 kms de la frontière bolivienne jusqu’à Buenos Aires) pour revendiquer leurs droits sur leurs territoires. Le Monde 24.07.2023 

 

Climat. Inéluctable course vers l’abîme ?

 

Il devient de plus en plus incongru de nier la réalité du réchauffement et de la dérèglementation climatiques. Les événements de juillet/août en attestent. Certes, les climato-sceptiques et l’extrême-droite peuvent encore invoquer le scientisme sauveur et s’en prendre aux contraintes imposées, ou en voie de l’être, aux populations les plus « fragiles ». Nous ne traiterons pas ci-après des technologies de la géo-ingénierie qui ont fait l’objet d’un article dans le n° 86 de notre publication (1). Le dangereux charlatanisme, tout comme les propos démagos s’en prenant aux écolos-bobos, doivent être combattus. Certes, les puissants tentent de culpabiliser les consommateurs pour masquer leur propre impuissance volontaire. En tout état de cause, la pédagogie des petits gestes apparaît bien dérisoire face à l’ampleur des phénomènes auxquels nous sommes confrontés.

 

La réalité globale, tout comme les exemples les plus significatifs de ces deux derniers mois sont, par eux-mêmes, d’une visibilité aveuglante. Il y a encore des petits marquis, comme Gabriel Attal, pour prétendre que ces catastrophes n’étaient pas prévisibles ! Sa prétendue ignorance relève du cynisme des plus grossiers et d’un mépris à l’intelligence des citoyens. Depuis les lustres, des scientifiques nous alertent. Par-delà les grandes messes médiatiques des COP, ils persistent : c’est l’émergence du capitalisme industriel productiviste et son recours aux énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz…) qui sont les causes premières du dérèglement climatique en cours. Et la Terre maltraitée se soulève. « Il est bientôt minuit en ce siècle » et il est urgent d’arrêter la marche fatidique de cette horloge…

 

1 – Des constats des plus alarmants

 

Le GIEC, ce groupe d’experts internationaux, continue d’avertir, sans grand succès, les gouvernants : c’est essentiellement le gaz à effet de serre qui est à l’origine du réchauffement climatique et suscite l’effondrement de la biodiversité. Il préconise la neutralité carbone à très court terme et précise que, depuis 1990, l’élévation de la température est exponentielle. Ce phénomène provoque l’évaporation de l’eau, en grande quantité, donc, des pluies diluviennes et des inondations. Pire, la libération du méthane, du protoxyde d’azote, réchauffe 27 fois plus l’atmosphère que le CO2. Le dégel du permafrost, en Sibérie, au Groenland, risque d’en relâcher une quantité considérable. Si rien n’est entrepris pour bloquer cette évolution, il faut s’attendre, dès 2030, chaque année dès le mois de septembre, à la fonte de la banquise au Pôle Nord et donc, au réchauffement encore plus rapide de la planète : les rayons du soleil ne se réverbèreront plus sur la calotte glacière… Et la montée du niveau des mers submergera nombre de villes côtières qu’il faudra évacuer. Tous ces dérèglements engendreront des déplacements de populations et l’accroissement du nombre de réfugiés climatiques. Où est le « point de bascule » ? Tout ça n’est-il pas un ensemble de prévisions contestables ?

 

Nous y sommes déjà. En vrac et sans être exhaustif : à Hawaï, ce confetti colonial de l’empire US, situé en plein Pacifique, a été ravagé par les flammes. Au 10 août, on dénombrait plus de 50 morts, on cherchait les disparus, réfugiés… dans la mer. Les touristes évacués, plus de 11 000, et les habitants survivants contemplent les ruines calcinées de leurs pauvres biens. Tout est ravagé sur l’ile de Maui, y compris les coraux étouffés par les débris calcinés. Aux Etats-Unis eux-mêmes, du 1er au 18 juillet, le sud-ouest a connu des épisodes dramatiques, des températures de plus de 43°, la ville de Phoenix asphyxiée ; dans la « vallée de la mort », au sud de la Californie, la fournaise dépasse 53°. Au Canada, des feux de forêts incontrôlables, 571 sur une surface immense, plus de 10 millions d’hectares brûlés sur une superficie équivalente à celle de l’ensemble de la Grèce. De l’ouest à l’est et jusqu’au nord, aucune région n’a été épargnée, comme dans le Yukon au nord, près de l’Alaska. Des nuages de fumées si intenses qu’ils provoquent des foudres de feu, alimentant les flammes immenses des incendies. Les feux se propageant dans la tourbe et risquent de faire resurgir les incendies… au printemps prochain. Les médias ont montré des images dantesques, des hordes de voitures fuyant les murs de flammes et des populations autochtones, comme les Inuits du grand nord, évacuées. En Chine, de fortes pluies, des inondations monstres près de Pékin, des dizaines de morts. Les autorités ont dû déplacer 1 million de personnes des campagnes de Hu Bai. Un typhon, venu des Philippines, a provoqué, à Litenzhon, ville de 30 000 habitants, une montée des eaux de 6 mètres. Il en fut de même en Corée du Sud où l’on dénombre plus de 50 morts.

 

Evidemment, l’Europe ne fut pas épargnée par la canicule et les incendies. En Italie, à Rome, les 42° ont été dépassés, 46° en Sicile. Meloni, toujours négationniste, devrait se rappeler qu’en 2022, les fortes températures ont provoqué plus de 18 000 décès, les 25 % âgés de plus de 65 ans étant les plus touchés. En France, les 40° ont été franchis dans de nombreuses régions. Plus étonnant, à l’Alpe d’Huez, à 1 800 mètres d’altitude, on a frôlé, en plein jour, les 30° (29.6) et la nuit, les 20° (19.7).

 

On pourrait multiplier les exemples : la Sardaigne, l’Espagne, le Maghreb, la Turquie, la Grèce, où l’île de Rhodes a été ravagée par les flammes. Et que dire des 37°, en plein hiver, dans l’hémisphère sud, en Argentine au pied de la cordillère des Andes… Est-ce la planète qui marche cul par-dessus tête ?

 

2 – De quelques drames à venir

 

La planète se transforme en étuve. Le 1er août, à Buenos Aires, le Secrétaire général de l’ONU s’époumone : « ce n’est pas dans l’ère du réchauffement climatique que nous entrons mais dans celle de l’ébullition climatique ». Comme les experts, il a constaté la fonte de la glace au Pôle sud et l’élévation de la température à la surface de l’eau, tout particulièrement dans l’océan Atlantique. Les 23°  observés à l’ouest de l’Irlande, l’augmentation de 5 à 6° dans l’Arctique, interrogent. D’autant que dans le même temps l’intensité des pluies redouble en Indonésie, en Australie… Les conséquences de tels phénomènes sont mortifères. Le cycle du phytoplancton, de la flore marine, est perturbé, les coraux protecteurs se meurent et, avec eux, des milliers de poissons. On assiste même à une hécatombe d’oiseaux. Plus généralement, c’est toute la biodiversité, y compris animale, qui est atteinte. Le cycle de l’eau et son accès sont bouleversés.

 

Déjà, 4 milliards d’humains, soit la moitié de la population mondiale, subit un stress hydrique inquiétant. En 2050, ce serait 60 % de la population. Bahreïn, Chypre, Koweït, Liban, Oman sont les 5 pays les plus exposés mais le Chili, la Grèce, la Tunisie seraient aussi affectés. Les scientifiques s’attendent à la généralisation des coupures d’alimentation en eau dans les grandes villes en Inde, au Mexique, en Afrique du sud et même dans le sud de l’Angleterre.

 

L’agriculture productiviste, à forte irrigation, tournée vers l’exportation est un facteur d’aggravation. De fait, elle est en passe de mettre la sécurité alimentaire en danger. La production de canne à sucre, de blé, de maïs, risque d’être insuffisante. Quant à l’industrie, minière en particulier, gourmande en eau pour extraire, au sein des terres rares, les matériaux nécessaires aux nouvelles technologies comme le lithium, elle est susceptible de provoquer des « guerres de l’eau » (voir rubrique « ils, elles luttent » Argentine, l’eau vaut plus que le lithium).

 

En France, on n’est pas en reste : au 1er août, les niveaux de 72 % des nappes phréatiques sont inférieurs aux normes de saison. Des préfets ont déjà pris des arrêtés restrictifs dans certains départements interdisant l’arrosage des pelouses, le lavage des voitures, le remplissage des piscines. En revanche, rien contre les terrains de golf, ni les méga-bassines ! Et pourtant, selon une enquête réalisée par le journal le Monde (mi-août), 85 communes sont affectées par des pénuries d’eau, 67 sont ravitaillées par camions citernes et 18 par des bouteilles d’eau.

 

Désertification, notamment en Afrique du nord, dans l’Espagne du sud, sécheresses, inondations, montées des eaux, crise alimentaire, vont provoquer, si rien ne vient contrecarrer ces tendances, des migrations climatiques de plus en plus importantes, déstabilisant les pays et faisant surgir des comportements xénophobes comme en Grèce… et ailleurs. Et partout les organismes vont souffrir et les capacités hospitalières pour y faire face, risquent d’être insuffisantes, voire dépassées face à l’ampleur d’évènements extrêmes, comme les méga-feux qui accélèrent la production de CO2, telle que constatée au Canada. Dans d’autres régions tropicales, la combinaison d’intenses chaleurs et d’un taux d’humidité insupportables constitue des facteurs de morbidité irrémédiable. Cet à venir doit également compter avec, dans les grandes agglomérations, la pollution engendrée par la circulation automobile exponentielle. La généralisation du moteur électrique -  s’il n’est pas forcément la solution - n’est pas pour demain.

 

3 – Course vers l’abîme ou bifurcation structurelle ?

 

Les dominants vont-ils vouloir véritablement agir avant qu’il ne soit trop tard ? Tout en tergiversant, ils peuvent se diviser si leurs profits sont mis en cause. Ainsi, pour Allianz, cette société d’assurances, le coût des catastrophes est trop élevé. Il faut trouver des remèdes. En effet, le réchauffement climatique ralentit la productivité des travailleurs et donc… l’accumulation des profits. Pensez donc, chaque journée à plus de 32° équivaut à une journée de grève ! La solution prioritaire : modifier le code du travail, faire travailler les salariés la nuit, très tôt le matin et tard le soir…

 

Rafraichir l’atmosphère ? C’est déjà possible. Il suffit de provoquer des pluies artificielles. Rien de plus simple en apparence : pour autant qu’il y ait des nuages, la solution consiste à les ensemencer avec de l’iodure d’argent. Comment ? Par avion et par lancement de roquettes. Génial ? Ça diminuerait la sévérité des sécheresses, protègerait les activités agricoles, éteindrait les feux de forêts. Sauf que le rendement de cette hasardeuse technologie n’est que de 0 à 20% et ne fait que déplacer la pluviométrie. Toutefois, sans le proclamer, de nombreux pays y recourent, la Chine, les Etats-Unis, l’Afrique du sud et même la France, en catimini. Biden a même annoncé des investissements de 2.4 millions de dollars à cet effet. Objectif : sauver le fleuve Colorado. Israël compte mieux faire en utilisant du dioxyde de titane et les nanotechnologies. Le rendement pluviométrique obtenu serait 2.5 fois plus important que le recours au seul iodure d’argent. Les docteurs Folamour prétendent que leurs remèdes n’ont aucune incidence sur la santé humaine et, surtout, pas besoin d’études ou de réglementations, ce serait contraire à l’avancée de la science.   

 

Science (dévoyée) et marché ne sont-ils pas les seules solutions face à la pollution ? C’est ce qu’induit la création factice du marché carbone et de ses droits à polluer. Ils viennent de permettre aux Emirats Arabes Unis (EAU) de vendre des crédits-carbone en surplus contre l’acquisition « verte » d’un million d’hectares de forêts tropicales au Libéria, soit une superficie équivalant à 10 % du territoire de ce pays africain. Qu’importent les populations qui y vivent, leur vie n’a aucune valeur marchande. Cette monarchie pétrolière, comme d’autres, est d’ailleurs en pourparlers avec les gouvernements de la Zambie, de la Tanzanie… pour réaliser le même type d’opération.

 

En fait, tous les gros pollueurs, les multinationales, la finance, s’invitent à la fête, à la croissance verte jusqu’à plus soif, jusqu’à la dernière goutte de pétrole. Ils ont investi avec leurs lobbys les espaces de la COP 27. Leur influence se lit jusque dans le rapport final de cette grande messe mondiale : les mots pétrole, gaz, énergie fossile y sont absents. Que vaut l’effet de serre face aux promesses verdoyantes des gros bonnets, face aux 61 milliards de dollars engrangés en 2022 par Aramco, cette compagnie pétrolière saoudienne, et face aux 3 millions de dollars par jour encaissés par toutes les multinationales fossiles réunies ?

 

Pour contrer l’inquiétude qui se répand, les démagos ont un culot à toute épreuve afin de nous enfumer à coups de discours paradoxaux. Que les scientifiques les alertent depuis plus de 30 ans ne les empêche nullement de s’émouvoir… Qui pouvait prévoir ? Tout le monde le sait « il n’y a pas d’argent magique » même si les milliardaires se gavent. Ce qui importe, comme le dit l’insolente Agnès Pannier Rhunacher, ce sont les petits gestes que vous êtes condamnés à faire : n’envoyez plus de mails avec des pièces jointes, ça consomme trop d’énergie ! De tels propos sont, de fait, du pain béni pour Le Pen qui pourra encore mieux s’insurger contre l’écologie-bobo punitive.

 

Plus fondamentalement, il y a la réalité de la politique des gouvernements. Ainsi, celui de Macron, entre autres, a subventionné, depuis 2021, les énergies fossiles à hauteur de 100 millions d’euros, ce qui ne l’a pas empêché de faire quelques gestes de calinothérapie avec la convention citoyenne qui accouche d’une souris de mesures. D’ailleurs pour obéir aux maîtres de l’Occident, il s’est empressé, comme d’autres, de doubler le budget militaire, de faire construire un terminal gazier au Havre afin d’y accueillir du GNL issu de gaz de schiste étatsunien ainsi que celui du Qatar.

 

Plus cyniquement, les puissants tentent de manipuler les associations, mouvements, les plus conscients ou les plus radicaux comme Extinction Rébellion (2) en les infiltrant, en les sponsorisant. Sauver l’Humanité sous la houlette des criminels climatiques est leur dernière trouvaille pour maintenir leur hégémonie ! Evidemment, ils ne veulent aucunement que l’on remette en cause la production de SUV ou leurs fréquents voyages en jets privés. Ce n’est pas l’offre qu’il faut remettre en cause mais la demande irresponsable des consommateurs. Bref, il suffit de les raisonner afin qu’ils adoptent un comportement responsable avec l’aide des mouvements qui, bien dirigés, feront pression sur les gouvernants… sans les mettre en cause.

 

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Eviter l’écocide, c’est au contraire saper l’hégémonie des classes dominantes et les politiciens qui les servent. Changer le mode de production, l’asseoir sur les besoins réels, débattus démocratiquement tout en faisant prévaloir la sobriété égalitaire. Cela suppose une véritable transformation structurelle. Elle ne peut que conjuguer justice sociale et justice climatique. Qui plus est, elle doit penser une nouvelle articulation des territoires, rapprochant les lieux de production des habitants, développant les transports en commun…

 

Pour y parvenir, le chemin à emprunter est tortueux, il doit en effet contourner les obstacles que sont les illusions des réformes cataplasmes. Si l’avenir climatique est entre les mains des peuples, encore faut-il qu’ils s’en saisissent avant qu’il ne soit trop tard.

 

Gérard Deneux

28.08.2023

 

(1)   Géo-ingénierie pour sauver la planète ? de Romain Menigoz (septembre 2022)

(2)   article dans ce numéro de Stéphanie Roussillon Climat et petits fours

 

Sources :

-        articles parus dans le Monde des mois de juillet et août

-        sur youtube : Elucid « En finir avec les idées reçues sur la crise climatique » avec Olivier Berruyer et Thomas Wagner, créateur du média indépendant Bon Pote

 

 

 

 

Nous avons lu

 

Le grand Satan, le shah et l’imam

Les relations Iran/Etats-Unis jusqu’à la révolution de 1979

 

C’est une redécouverte des ressorts des bouleversements qu’a connus l’Iran, et plus généralement l’ébranlement de tout le Moyen-Orient qui en a résulté, à laquelle nous convie l’auteur. En 1979, la « révolution islamique » n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein, ni un traumatisme étatsunien suite à l’occupation de l’ambassade US à Téhéran. En fait, l’ébranlement de la région provient de la modification du rapport de forces au sortir de la 2ème guerre mondiale. Les USA succèdent à la Grande Bretagne qui y assurait son hégémonie pétrolière, et ce, dans des conditions humiliantes pour le peuple iranien. L’impérialisme américain va se heurter au nationalisme iranien, susciter un coup d’Etat contre le gouvernement Mossadegh, qui avait eu l’outrecuidance de nationaliser le pétrole détenu par des sociétés anglaises. Ce coup d’Etat provoque le retour du Shah qui s’était enfui de son pays. C’était en 1953 et ce coup de force n’a pu s’accomplir (ce que l’on oublie) qu’avec le soutien des mollahs anticommunistes. Le parti communiste Tudeh fut décapité et avec l’aide de la CIA, fut mise en place une police politique redoutable (la Savak), pourchassant, emprisonnant, torturant les opposants. Le monarque était assuré du soutien occidental et conforté par la richesse des royalties qui lui étaient versés. Imbu de son rôle de garant de l’équilibre dans la région, fasciné par les livraisons d’armes que les USA consentaient à lui livrer, le shah devint un sujet de plus en plus indocile. En 1975, après son humiliante défaite au Vietnam, le tuteur US prit des allures démocratistes, sermonnant et incitant le prince iranien à entamer une « révolution blanche » de partage des terres. Le shah s’en prit, avec précaution mais c’était déjà trop, aux immenses propriétés foncières du « clergé » chiite. Et de quiétistes apolitiques, les mollahs devinrent nationalistes, anti-impérialistes et même prirent des apparences démocratiques. Ce fut d’autant plus facile que, la révolte grondant, le peuple sans autre perspective s’en remit aux mollahs dans les mosquées, seuls lieux où l’on pouvait se réunir. Et l’alliance des féodaux avec les nationalistes et gauchistes, provoqua l’embrasement populaire, la fuite du shah, à qui le gouvernement Carter refusa jusqu’à l’extrême limite l’asile politique dans un hôpital. Et depuis cette époque, les bouleversements traumatiques n’ont fait que rebondir : guerre Iran-Irak, invasion de l’Irak, émergence de l’Etat islamique, répression des printemps arabes… bouleversement des alliances…  mais c’est déjà une autre histoire que celle des origines, celle de la suprématie US confrontée au nationalisme iranien. GD

Yann Richard, CNRS édition, octobre 2022, 26€  

 

Putsch au Niger

 

On parle de pays qui sont « des plaques tournantes » d’un continent, et parfois, à mauvais escient. Concernant le Niger, ce terme est parfaitement justifié. Jugez plutôt. Situé au centre de la zone sahélienne, il a des frontières avec 7 pays qui ne sont pas parmi les moindres, politiquement, économiquement, stratégiquement. Au nord, l’Algérie et la Libye, le Tchad à l’ouest, le Nigéria et le Bénin au sud et enfin le Burkina Faso et le Mali à l’ouest.

 

On y reviendra plus tard, mais stratégiquement, le Niger apparaît comme un pays très important. Il compte environ 25 millions d’habitants répartis en différentes ethnies (les Haoussas 55%, les Zermas 23 %, les Touaregs 11 %, les Peuls 6 %...). 99 % sont musulmans. Démographiquement, ce pays possède le plus fort taux de fécondité d’Afrique (près de 7 enfants par femme). La population était de 3 millions en 1960 et un habitant sur 2 a moins de 15 ans.

 

Plaque tournante de nombreux échanges

 

Le territoire de l’actuel Niger a toujours été sillonné par de nombreuses voies de circulation entre le nord et le sud, principalement, le sel du désert était échangé contre les céréales de la zone sahélienne. Des esclaves, des bijoux, du bétail transitaient également par cette région désertique. Les villes étaient des centres d’échanges économiques, mais aussi intellectuels ou artistiques. Au 16ème siècle, Gao (située dans le Mali actuel) comptait plus de 100 000 habitants. Agadez, située au cœur du Sahara était, elle aussi, une ville dynamique. Les premiers européens, des Anglais, qui découvrent la ville en 1806, décrivent une « cité ceinte de murailles », « des maisons fort bien bâties », de « somptueux palais ». Très loin de l’idée que les livres d’histoire nous décrivent : l’Afrique n’était pas peuplée de personnes totalement incultes, luttant seulement pour leur survie que les colonisateurs ont « sauvées » de leur destin tragique… N’en déplaise à M. Sarkozy et à tous les historiens bien-pensants, l’Afrique était « rentrée dans l’histoire », simplement c’est son histoire, pas celle de l’Europe. E si on se remémore les conditions de vie des mineurs de la révolution industrielle (qui rend si fiers certains historiens), le mépris européen envers les civilisations africaines ne semble guère justifié….Ces villes situées dans la vallée du Niger ou aux abords du lac Tchad étaient des zones de vie très prospères.

 

Colonisé par la France

 

Vers 1890, ce sont les Français qui arrivent. Ils vont jusqu’au lac Tchad à l’est. Ils réduisent, non sans mal, la résistance des Touaregs. En 1900, le Niger devient un territoire militaire administré par la France puis, en 1922, une colonie au sein de l’Afrique Occidentale Française. De nombreux foyers de résistance ont lutté contre cette colonisation forcée. La civilisation européenne et tous ses « bienfaits » (exploitation des hommes, pillage des ressources, destruction de la nature, etc.) ont donc été imposés par la force à ces populations « incultes et irresponsables ». Et, bon gré mal gré, ils ont « encore profité de ces bienfaits » puisqu’en 1931, une famine provoqua la mort de 25 % de la population.

 

Certes, la vie n’était pas paradisiaque pour tous les Africains avant la colonisation mais l’apport des pratiques européennes, sociales, industrielles, n’a pas été un grand progrès, loin de là, pour la population africaine. Les élites qui ont « coopéré » avec les colons ne pensent certainement pas la même chose.

 

Un pays stable dans la région du Sahel ?

 

Depuis une quinzaine d’années, le Niger, comme beaucoup de ses voisins, doit faire face à un développement des groupes armés djihadistes. A sa frontière sud-est les groupes armés de Boko Haram occupent le pourtour du lac Tchad. Au sud-ouest, dans la région des 3 frontières (Mali, Burkina Faso, Niger) opèrent à la fois des djihadistes se réclamant d’Al Qaïda et des « terroristes affiliés » à l’Etat islamique. Ces groupes armés sont cependant beaucoup plus implantés dans les pays frontaliers qu’au Niger lui-même.

 

Il apparaît donc, comme un pôle de stabilité et surtout comme le dernier Etat « sûr » pour les Occidentaux. Après leur « éviction » du Mali et du Burkina Faso, les militaires français s’y sont d’ailleurs redéployés.

 

Politiquement, le Niger est plus « stable » que ses voisins. En effet Mahamadou Issoufou est resté au pouvoir de 2011 à 2021 et l’élection de son bras droit Mohamed Bazoum en 2021 a permis d’assurer la continuité et la légitimité du pouvoir. Alors que le Mali a connu deux coups d’Etat en 2020  et 2021 et que le Burkina Faso en a connu deux en 2021. Le Niger est donc devenu « un pilier » de la guerre contre le terrorisme, menée notamment par la France depuis l’intervention au Mali en 2013.

 

Des dirigeants « dévoués » à la France

 

Les militaires français sont présents à Niamey pour intervenir dans la zone des 3 frontières ainsi qu’à Aguelal, dans le nord du pays, près de la frontière algérienne, mais surtout près des mines d’uranium exploitées par le groupe Orano (ex-Areva). Les Etats-Unis sont également présents au Niger, à Niamey, mais surtout à Agadez où ils disposent d’une base aérienne toute nouvelle, construite à « grands frais ». Cette base leur permet d’espionner toute la région et de renseigner les armées alliées.

 

Dans le domaine de l’immigration, le Niger s’est également montré un partenaire « dévoué » des Occidentaux. En échange d’argent sonnant et trébuchant, il a accepté de « contrôler » les routes migratoires entre l’Afrique noire et l’Europe. Le désert nigérien, autrefois riche voie d’échange entre le sud et le nord du Sahara, est devenu en grande partie « un cul de sac » pour les candidats à l’immigration. Le nord était, jusqu’au récent coup d’Etat, un allié très précieux des Occidentaux dans cette région chaotique.

 

Mais la manne financière versée par les Occidentaux au Niger, en échange de « bons et loyaux services » profite surtout aux élites politiques et économiques, la population nigérienne, elle, n’en profite absolument pas. Le Niger est un des pays les plus pauvres d’Afrique. La moitié des 25 millions de Nigériens vit sous le seul d’extrême pauvreté avec l’équivalent de moins de 2€ par jour.

 

Un jeunesse de plus en plus informée

 

La jeunesse est de mieux en mieux éduquée, disons plutôt de moins en moins mal informée. Les Nigériens sont de plus en  plus conscients que les richesses de leur pays sont volées, en particulier par l’ancien pays colonisateur, la France. L’uranium est exploité par des filiales d’Orano, puis exporté en France ; les élites nigériennes touchent au passage un « dédommagement » pour que la situation ne change surtout pas. Le peuple nigérien « récupère » les mines épuisées et la pollution que l’exploitation a générée. D’autres compagnies canadiennes et chinoises commencent, elles aussi, à s’y implanter. Le Niger, 3ème producteur mondial d’uranium, fournit environ 30 % de ce qui est nécessaire pour faire fonctionner les centrales nucléaires françaises alors que 85 % des Nigériens n’ont pas accès à l’électricité.

 

Le pétrole, découvert récemment (2021) dans l’est du pays, est exploité par la Compagnie d’Etat chinoise. Sa production devrait augmenter rapidement. Les Chinois, toujours aussi pragmatiques, ne vont pas le « traiter » sur place ; ils construisent un oléoduc qui rejoindra un port du Bénin. Le pétrole brut sera transporté en Chine par bateau où il sera transformé. Le Niger sera, au sens propre du terme, vidé de cette ressource naturelle.

 

Le pays connaît un nouveau phénomène : une ruée vers l’or dans le nord désertique. On estime qu’actuellement 800 000 personnes vivent, ou survivent, de l’orpaillage plus ou moins sauvage avec toutes les atteintes à l’environnement que cette exploitation génère.

 

Il est légitime que la jeunesse nigérienne (et pas seulement elle) qui vit très pauvrement dans un pays bien doté en ressources naturelles, demande des comptes à l’ancien pays colonisateur qui, pendant des dizaines d’années, a pillé les ressources naturelles, exploité la main d’œuvre locale, l’a utilisée comme chair à canons. Elle pourrait tout aussi bien le faire également vis-à-vis des dirigeants nigériens qui ont, pour certains, bien profité de ce système. Espérons que cela se produise un jour.

 

« Révolution de palais » ou acte d’émancipation ?

 

Le 26 juillet, le président Mohamed Bazoum est empêché de quitter le palais présidentiel par des militaires de sa garde présidentielle. Dans la soirée, un groupe de militaires annonce la destitution du président, la fermeture des frontières du pays, la suspension des institutions et le couvre-feu sur tout le territoire. Ce coup d’Etat a surpris nombre d’observateurs. Mais la stabilité « relative » du Niger était en fait très fragile.

 

Le régime au pouvoir, présenté comme un exemple démocratique dans cette région, avait des pratiques quelque peu surprenantes. Certes, le président Mohamadou Issoufou, élu en 2011, n’a pas tordu le bras à la Constitution pour briguer un 3ème mandat en 2021, mais il a présenté à ces élections, son « dauphin présidentiel », M. Bazoum, puis a invalidé la candidature du plus sérieux candidat d’opposition Hama Amadou. Cette « caste politique » a donc conservé le pouvoir. Elle a poursuivi sa « mission » principale, à savoir, assurer l’accès des multinationales étrangères aux ressources du pays, empêcher les mouvements sociaux, en échange de rétributions qui assurent à ses membres un train de vie occidental.    

 

Pour la France, il ne faut pas que le Niger change de régime politique. Il faut absolument maintenir au pouvoir le président Bazoum et son entourage, pour garantir ses intérêts. Le Niger est sa dernière base stable. Le Mali, le Burkina Faso ont coupé les liens, le Tchad, avec à sa tête le fantasque Mahamat  Idriss Deby n’est pas un allié sûr. Si le Niger chasse la France, c’en est fini du rôle prépondérant de celle-ci en Afrique et… de l’accès privilégié aux matières premières.

 

La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) (composée de 15 pays, dont le Burkina Faso, la Guinée Conakry, le Mali, le Niger… suspendus suite à des coups d’Etat), face à cette situation, a tapé, légèrement, du poing sur la table. Le 31 juillet, elle a fixé un ultimatum à la junte militaire nigérienne, exigeant la libération du président Bazoum et le retour à l’ordre constitutionnel sous une semaine. A défaut, la Cédéao « prendra toutes les mesures nécessaires, y compris l’usage de la force ». L’ultimatum a expiré depuis bientôt 1 mois et rien n’a bougé. Les membres « non exclus » de la Cédéao ont très peur de se faire renverser à leur tour et de perdre ainsi tous leurs « privilèges ». La junte nigérienne bénéficie du soutien du Burkina Faso, du Mali et de la Guinée, ainsi que d’une grande partie de la population (pas seulement nigérienne) dont elle instrumentalise les sentiments anti-français pour asseoir son pouvoir et renforcer sa légitimité. Par ailleurs, en se préparant à mobiliser la jeunesse face à une possible intervention militaire, elle fait hésiter les va-t-en-guerre de la Cédéao, d’autant qu’ils pressentent qu’un conflit ferait le jeu des groupes terroristes, voire provoquerait un coup d’Etat dans leurs pays respectifs. En effet, la caste des généraux et officiers formés par les Occidentaux, et tout particulièrement par l’armée française, sent venir son heure, celle consistant à se substituer aux politiciens honnis, bénéficiant des prébendes octroyés sur les pillages des richesses des pays dépendants de l’ex-colonisateur.

 

Face à la percée de la Chine, des pays du Golfe, de la Turquie, de la Russie, le moment n’est-il pas venu de se vendre au plus offrant ? Les USA, présents militairement en Niger l’ont compris : ils évitent de condamner la junte, espérant conserver leur influence et leurs bases militaires dans ce pays. Une opération militaire serait extrêmement dangereuse, voire vouée à l’échec.

 

On pourrait se réjouir de voir des Etats africains rejeter leur ancien colonisateur, y voir un acte d’émancipation, d’accès à la liberté, mais le rejet par un coup d’Etat militaire n’augure pas l’avènement d’un régime réellement démocratique, mais seulement un changement de dirigeants, gardant les privilèges qu’ils ont combattus auparavant.  

 

La France, au lieu de tenter, par tous les moyens, de maintenir son leadership en Afrique occidentale, va devoir, désormais, respecter les peuples africains. Ce ne sera pas sans mal. L’on sait, en effet, que Macron préfère, tout particulièrement pour les pays africains, les scrutins et la démocrate tronqués et donc la souveraineté limitée. Cette période semble se terminer : soutenir la famille Bongo depuis plus de 50 ans, réalisant des coups d’Etat électoraux, tout en tenant en même temps des discours sur les droits de l’Homme, est insupportable pour la jeunesse qui ne connaît que la misère et la répression. De même, en adoubant le tchadien Idriss Deby, fils du dictateur, suite à un coup d’Etat institutionnel, Macron s’est encore plus déconsidéré. En ne tenant pas ses promesses, notamment celle émise en 2019 annonçant la fin du franc CFA néocolonial et la fin de la dépendance financière, le même Macron renforce, de fait, le dénigrement dont la France est l’objet.

 

Pour que, demain, les Africains gèrent eux-mêmes leurs affaires, les militaires français et étrangers doivent, pour le moins, quitter le sol africain.

 

A l’heure où je termine cet article, l’on apprend qu’un groupe de militaires a annoncé l’annulation du scrutin réélisant Bongo au Gabon, la dissolution des institutions et la « fin du régime ». « La Françafrique va mal »…

 

Jean-Louis Lamboley, le 29.08.2023

 

Pour en savoir plus, lire dans le Monde Diplomatique de septembre 2023, l’article d’Anne-Cécile Robert « Mali, Burkina Faso, Guinée, Niger. Pourquoi tous ces putschs »