Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 6 septembre 2023

 

Ukraine. Sanctionner la Russie. Quelle efficacité ?

 

Les sanctions de 2014 contre la Russie, suite à l’invasion de la Crimée ne sont pas levées. Fin 2021, les tensions se ravivant, les Etats-Unis menacèrent la Russie de nouvelles sanctions « préventives » (embargo sur les hautes technologies, blocage de la mise en service du gazoduc Nord Stream 2, restrictions financières). Cela ne dissuada pas Poutine. La Russie annexait une partie du territoire ukrainien le 24 février 2022.. Aussitôt, l’ONU la condamnait et soumettait des sanctions au Conseil de Sécurité. En vain. La Russie exerçait son droit de veto. Cela n’empêcha pas l’Union Européenne et les Etats-Unis notamment, de prendre des sanctions pour asphyxier l’économie russe. Quelles sont-elles ? Ont-elles atteint leur objectif ? Quel impact sur l’économie-monde bâtie sur les interdépendances entre les puissances ? Quelles conséquences sur les échanges commerciaux ? A qui profite le renchérissement notamment des prix du pétrole, du gaz ou du blé ?

 

1 - Qui sanctionne quoi ?

 

La charte de l’ONU, en 1945, prohibe le recours à la force et érige en principe le règlement pacifique des différends entre Etats. Elle confie au Conseil de Sécurité (et à lui seul) le pouvoir d’adopter des sanctions pour faire cesser les troubles. Dans les faits, les Etats-Unis, depuis les années 1990 et le démantèlement de l’URSS en 1991, exercent une influence prédominante sur le Conseil de Sécurité. Au palmarès des sanctions, ils ont la 1ère place : durant les années 1990, ils ont restreint leurs échanges avec des Etats sanctionnés à 64 reprises, la plupart unilatéralement. En 1997, l’équivalent de la moitié de la population mondiale vit sous sanctions étatsuniennes (1). L’Union Européenne décroche la 2ème place et ce, depuis les traités de Maastricht (1992) et de Lisbonne (2007) instaurant la politique européenne de sécurité commune (PESC).

 

La Russie, face aux sanctions répétées, s’est adaptée. Des dernières, Poutine a décidé d’en tirer parti et a imposé un embargo sur les importations de produits agricoles en provenance de l’UE, d’Amérique du nord, d’Australie et de Norvège, se replaçant à son avantage sur le marché mondial de l’agro-alimentaire. Pour contrebalancer la domination étatsunienne, il a cherché à limiter sa dépendance au dollar. La banque centrale russe a accumulé des réserves considérables pour décourager toute attaque contre sa monnaie. A partir de 2018, elle s’est débarrassée des bons du Trésor étatsunien, les échangeant, pour partie, contre de la dette souveraine chinoise (dont la Russie est devenue le principal acheteur étranger). Elle a protégé son système bancaire d’une déstabilisation venue des Occidentaux, en lançant en 2015, sa propre messagerie financière (SPFS) et une carte bancaire nationale (Mir) permettant des transactions internes au pays si les Occidentaux décidaient de les exclure de Swift (service de messagerie facilitant l’échange d’informations entre les banques). Se dessinent ainsi des alliances nouvelles, perturbant l’ordre établi par la puissance états-unienne.

 

L’UE, qui veut compter dans ce jeu, s’arrime aux Etats-Unis, face à la guerre sur « son » territoire. Elle a rencontré de grandes difficultés à accorder ses Etats membres, très divisés sur l’idée des sanctions : alors que la Pologne et les Etats baltes, par exemple, poussaient à la confrontation avec la Russie, l’Allemagne, totalement dépendante du gaz russe, s’opposait (initialement) aux sanctions.

 

Quelles sont ces sanctions ?

 

Elles sont de trois ordres. Celles qui visent des individus et des entités, leur interdisant de voyager en UE et gelant leurs avoirs dans les banques européennes, sont « emblématiques » plus qu’efficaces. Les sanctions économiques sont, par contre, bien plus sévères qu’en 2014 : embargo sur l’exportation de technologies, mettant à mal le secteur aéronautique et automobile russe. Par ailleurs, les sanctions financières sont inédites, interdisant aux banques états-uniennes et européennes d’accepter le paiement en provenance de banques russes ; elles ont de graves conséquences : défaut de paiement de la dette russe, gel des réserves en monnaie étrangère à la banque centrale russe et exclusion des banques russes du système SWIFT. Elles restreignent ou interdisent les échanges commerciaux : de l’UE vers la Russie : les technologies de pointe, équipements relatifs notamment au raffinage du pétrole, à l’énergie, l’aviation, la navigation, les produits de luxe… et de la Russie vers l’UE : le pétrole brut et produits pétroliers raffinés, le charbon, l’acier, l’or, le ciment, le bois, le papier… Elles plafonnent le prix du pétrole (60 dollars le baril pour le pétrole brut), interdisent aux transporteurs routiers russes et biélorusses d’entrer sur le territoire de l’UE, prohibent le survol de l’espace aérien de l’UE et ferment les ports à l’ensemble de la flotte marchande russe…

 

Il s’agit d’enlever à la Russie toutes capacités à poursuivre la guerre. Certaines sanctions valent également pour la Biélorussie, impliquée dans l’invasion, et l’Iran en raison de la fabrication et de la fourniture de drones.

 

Couper les vivres à la Russie

 

Priver l’économie russe de ses principales ressources, à savoir les exportations de pétrole, de gaz naturel et d’autres produits énergétiques, est l’élément central de la stratégie de l’UE. Ce faisant, il fallait, en urgence, réorganiser le commerce mondial des hydrocarbures, les Occidentaux devant trouver de nouveaux fournisseurs et Moscou de nouveaux clients. Défi compliqué pour l’UE, dont 62 % des importations en provenance de Russie concernent l’énergie. Le « vieux » continent achète à Moscou 20 % de ses besoins en pétrole, 40 % en gaz naturel et 50 % en charbon. L’Allemagne est encore plus dépendante : 55 % du gaz naturel consommé est russe, 42 % pour le pétrole et 45 % pour le charbon.

 

Substituer les approvisionnements en hydrocarbures russes exige une centralisation des besoins et une démarche coordonnée entre Etats européens, ce qui est loin d’être gagné ! Par ailleurs, le réapprovisionnement auprès d’autres fournisseurs nécessite suffisamment de ressources de leur part et un délai de mise en œuvre technique : ainsi, pour le gaz, si la Norvège et les Pays Bas ont la capacité d’augmenter leur production, ils n’ont pas pour autant les infrastructures suffisantes. Les contraintes sont, par ailleurs, stratégiques ; ainsi, l’Algérie ne veut pas s’aliéner la Russie, son principal fournisseur d’armement. De même pour l’Egypte qui dépend à 90 % de la Russie et de l’Ukraine, pour les produits d’alimentation (blé, maïs…).

 

Alors, se tourner vers la Libye pour le pétrole ? Sauf que celle-ci n’est toujours pas maître de ses champs pétrolifères dans la zone de conflit qui déchire le pays. Le Nigéria ou l’Angola, quant à eux, ont des installations vétustes et sont très éloignés, ce qui renchérirait les coûts de production et de transport.

 

Le système ultralibéral imposé par les puissants, leur revient en plein visage, tel un boomerang, et bouscule le jeu établi des échanges commerciaux, qui tient les Etats en  dépendance, devant se plier aux décisions des pays riches. Les sanctions internationales qui affichent l’objectif d’œuvrer pour la paix, sont en fait le résultat de stratégies de domination et de guerres entre « impérialismes » et les sanctions prises aujourd’hui auront des répercussions sur les décennies à venir.  

 

2 - Les sanctions sur l’énergie remodèlent le fonctionnement du monde

 

Pour les Etats-Unis, les sanctions semblent simples à appliquer du fait qu’ils n’importent que 8 % de leurs besoins énergétiques et qu’ils peuvent compter sur le Canada, voire même sur le Venezuela avec qui ils n’ont aucun scrupule à reprendre langue alors qu’ils l’ont placé sous embargo depuis 2019 ! Il s’agit d’empêcher une raréfaction des hydrocarbures qui ferait monter les prix du brut et les prix à la pompe, d’autant que l’Arabie Saoudite et le Qatar refusent de rouvrir les vannes pour extraire plus et  comptent maintenir un prix élevé du baril. Ryad n’a aucune raison d’assouplir sa position d’autant que MBS a besoin d’un baril à 80 dollars pour financer son projet « Vision 2030 » destiné à sortir le pays de sa dépendance au pétrole. Il vient d’annoncer une prolongation de la baisse de sa production, opération coordonnée avec la Russie (dans le cadre de l’OPEP +). Quant à l’Iran, objet de sanctions des Occidentaux sur la question nucléaire, il n’a aucune envie de satisfaire le bloc occidental. Il considère désormais que la Russie est un partenaire face à l’hostilité étatsunienne.

 

La précipitation de l’UE à obéir aux pressions états-uniennes, pour réduire, sans solution de rechange, sa forte dépendance au gaz et au pétrole russes est une erreur. Son seul recours, dès lors, est le pétrole issu des gaz de schiste et le gaz naturel liquéfié (GNL), exporté par les USA, l’Australie et le Qatar, qui se frottent les mains : 1/3 des échanges internationaux se font, non pas sur la base de contrats à long terme mais au plus offrant ! Von der Leyen, le 8 mars 22, affirmait que la Commission ébauchait un plan « visant à éliminer notre dépendance aux combustibles fossiles russes d’ici 2027 ». « Nous voulons construire le monde de demain en tant que démocratie avec les partenaires partageant les mêmes idées », à savoir USA, Azerbaïdjan, Egypte, Qatar (tous reconnus comme des démocraties exemplaires !). Le choix européen est risqué car les USA n’ont pas les capacités suffisantes immédiates pour remplacer le gaz russe, le Qatar affiche un carnet de commandes complet, l’Egypte a développé sa production de GNL et l’exporte, déjà, en grande partie en UE, en Turquie et sur le marché asiatique, le gazoduc Maghreb/UE est fermé suite aux troubles en Libye et entre l’Algérie et le Maroc. L’UE est donc totalement inféodée aux USA, qui n’ont pas l’intention de lâcher l’hameçon, pour vendre leur GNL, dont le prix est 6 fois plus cher qu’en 2022. L’UE confirme sa vassalité vis-à-vis des USA. Reste encore aux pays concernés à investir pour accueillir le GNL dans des structures portuaires équipées pour le dégazefier.

 

Quant à Poutine, son avenir « énergétique » passe par la Chine qui achète 32.8 % des exportations russes. Il redirige sa production de brut vers l’Inde ou la Chine qui n’appliquent pas les sanctions. Attirés par les rabais importants ils ont importé plus de brut russe depuis l’entrée en vigueur des sanctions.

 

 

3 – Qui l’emporte dans ce jeu « à qui perd gagne » ?

 

Six mois après les premières sanctions, l’économie russe a encaissé le coup mais ne s’est pas effondrée. Le FMI tablait sur une récession de 8.5 %, la Banque mondiale parle d’une chute du PIB de 4 %. Par contre, côté UE, on en est à une inflation à deux chiffres, tirée par les prix stratosphériques de l’énergie.

 

Fin septembre, la France a débloqué l’équivalent du budget de l’Education nationale pour financer les mesures « pouvoir d’achat ». Berlin a triplé sa mise dans un plan de sauvegarde de son industrie de 200 milliards d’euros. La Lituanie, touchée par une inflation de + 20 % a porté le montant global des aides à plus de 6 % de son PIB. Du fait de la crise énergétique, en UE, des secteurs comme la chimie, la sidérurgie, la production d’engrais ou de papier tournent au ralenti ou ferment.

 

On assiste à la restructuration du marché gazier européen permettant aux USA d’augmenter de 63 % leurs livraisons de GNL vendu au prix fort en UE et au Royaume Uni. Les sanctions contre Moscou décidées à Washington, entérinées par Bruxelles, pèsent avant tout sur les Etats européens, faisant grimper le prix du gaz russe dont profitera Moscou.

 

La Russie s’adapte. Même si ses recettes ont diminué du fait de la fermeture de son marché occidental de l’énergie qui représentait (en avril) 1 milliard d’euros/jour, les gains importants pétroliers et gaziers de 2022 lui ont permis d’amortir le choc. En avril-mai, les embargos énergétiques remplissent les poches de Poutine. Rien que pour le pétrole, Moscou engrange 20 milliards de dollars en moyenne/mois en 2022, contre 14.6 milliards en 2021. La Russie nage dans les liquidités. Le rouble s‘échange fin avril 2022 à son niveau d’avant-guerre (80 roubles pour un dollar). La Russie a, par ailleurs, renforcé son économie de guerre en remettant en état le matériel usagé, en utilisant des sociétés écrans pour importer de plus en plus de biens de haute technologie via des pays tiers (Turquie, Kazakhstan) et elle s’approvisionne en composants militaires auprès de la Chine, de l’Iran et de la Corée du nord. Et elle s’est tournée vers l’Est asiatique en investissant en Chine et au Japon même si ce n’est pas sans difficultés : la Chine dépend de voies maritimes contrôlées par les USA, un blocage du détroit de Malacca ou celui de Singapour par lesquels transitent 80 % de ses hydrocarbures, placerait la Chine en fâcheuse posture.

 

Plus de la moitié des réserves internationales de la banque centrale de Russie (300 milliards d’euros) ont été gelés ou réquisitionnés pour paralyser le sauvetage du rouble mais le système bancaire russe tient : le contrôle des capitaux et l’obligation faite aux exportateurs de convertir 80 % de leurs devises en monnaie nationale limite la casse. Et les Russes, habitués aux crises (1988, 1998, 2008, 2014) ne se ruent pas sur les distributeurs de billets. Quant aux oligarques russes, la portée véritable des sanctions frappant leurs avoirs ne semble guère les inquiéter. Annoncer une telle mesure sans toucher à l’architecture financière internationale et notamment les paradis fiscaux, alors que la moitié de leur fortune y serait logée, les fait sans doute sourire.

 

En 2022, la Norvège a augmenté sa production de gaz de 8 % pour en fournir au marché européen : 19 projets d’extraction autorisés en juin 2023, 47 nouveaux permis d’exploration et 92 supplémentaires pour 2024. Cela compromet l’objectif de réduction des émissions carbone de 50 % prévu pour 2030 mais la Norvège semble déterminée à être le dernier au monde à produire des carburants fossiles. L’Etat norvégien ignore les ONG (dont Greenpeace) qui ont déposé une plainte demandant l’arrêt immédiat des 19 projets d’extraction. Devenue 1er fournisseur européen de gaz, elle ne compte pas s’arrêter là et enregistre des bénéfices records en 2022 (125 milliards d’euros), 3 fois plus qu’en 2021. Et tant pis si elle se fait traiter de « profiteur de guerre » !

 

Pour l’instant, les sanctions contre la Russie se font au détriment des énergies vertes. La réactivation des centrales à charbon (Berlin  ou Rome), ne fera s’indigner que Greta Thünberg et les militants écolos : « comment osez-vous ? » 

 

Et voguent les navires fantômes chargés de pétrole russe

A peine décidées, les sanctions sur le pétrole russe étaient contournées. L’UE a beau affirmer qu’elle se donne les moyens de surveillance de leur application, ce n’est pas si simple, d’autant que les pays européens n’ont pas suffisamment d’enquêteurs. 

 

De nouvelles routes du pétrole russe, donc, se sont ouvertes, où naviguent des tankers vieillissants pour transporter l’or noir. Ils pratiquent le transbordement et naviguent en éteignant leur transpondeur : tels des bateaux fantômes, ils ne sont plus détectables par les radars. Certes, cela est dangereux, mais le jeu en vaut la chandelle ! Une autre méthode consiste à dissimuler les propriétaires de navires derrière des sociétés écrans immatriculés aux îles Marshall. Autre formule, la plus juteuse semble-t-il : les négociants. Ils achètent et vendent le pétrole. Jusqu’ici hébergés à Genève ils ont quitté  la Suisse (quand elle a décidé d’appliquer les sanctions) et sont installés à Dubaï, paradis fiscal, où ils croisent trafiquants d’or et oligarques russes. Protégés par le secret bancaire, ils ont décuplé les exportations de pétrole russe vers l’Inde.

 

En mai 2023, l’Inde achetait 40.4 % de son pétrole importé à la Russie contre 2 % avant le conflit. Devenu le principal « blanchisseur » de pétrole russe interdit en UE, elle lui réexporte sous forme de diesel ou de gasoil après l’avoir raffiné sur son sol. Le montant des exportations de l’Inde en produits pétroliers vers l’Europe est passé de 287 millions de dollars en avril 2021 à 1 milliard en avril 2023. Les négociants seraient les plus grands bénéficiaires des contournements des sanctions. Comment est-ce possible ? Imaginons un trader à Dubaï qui achète du pétrole russe ; il loue un vieux pétrolier et au large de la Malaisie, le stocke dans un tanker pendant un mois pour 1 million de dollars ; le pétrole est ensuite transféré dans un deuxième puis un troisième ; il falsifie les documents pour 100 000 dollars et il revend le tout en Occident avec une énorme marge. Bingo !

 

Affaires juteuses qui profitent indirectement à la Russie puisque la plus grande raffinerie indienne est exploitée par une entreprise dont le capital est détenu à 49.15 % par l’énergéticien russe Rosneft.

 

Ce trafic vers l’Asie a augmenté les distances, donc le nombre de navires citernes, provoquant une hausse des prix du fret. Les ports russes de la mer Baltique ne peuvent accueillir les pétroliers géants et ont construit des hubs au large de la Grèce et de l’Espagne où de grands navires récupèrent les chargements des petites embarcations. Où trouver des navires citernes ? Un Français a créé Fractal Shipping et transporte des millions de barils de brut des ports russes vers l’Asie. Lui, le fait au vu et au su de tous les contrôles puisqu’il n’enfreint pas la règle de l’achat du baril à moins de 60 dollars… déclare-t-il.

 

Le blé ukrainien, un moyen de pression pour Poutine

Si aucun embargo n’existe sur les produits alimentaires, les ports d’Odessa et de la Crimée étaient bloqués par les Russes et les stocks de céréales « pourrissaient » dans les silos ukrainiens, faisant flamber les prix des céréales, passant de 275€ la tonne au 1er janvier 2022 à 400€ en avril.

 

Sur un marché mondial de 230 millions de tonnes, la Russie et l’Ukraine en représentent le tiers. La Russie est le premier exportateur et l’Ukraine vend 74 % de son blé. 18 pays africains dépendent à plus de 50 % de l’Ukraine ou de la Russie. L’Erythrée, Mauritanie, Somalie et Tanzanie en dépendent à 100 %. L’Egypte, le Liban, la Turquie et l’Indonésie sont très dépendants du blé.

 

Après négociations et promesse d’une levée partielle des sanctions (qui n’a pas été tenue), un accord a été signé en juillet 2022 par la Russie et l’Ukraine, sous supervision de la Turquie et de l’ONU, rendant possible un passage sécurisé pour l’exportation des produits agricoles ukrainiens à partir des ports de la région d’Odessa. L’alternative du transport par le rail pour les pays situés sur le même continent n’est guère envisageable, l’écartement des rails entre pays européens n’étant pas le même !

 

Poutine n’a pas renouvelé le « corridor de la faim » et use de cet accord pour lever des sanctions sur ses exportations d’engrais, indispensables à l’agriculture mondiale. « Pas d’engrais russe, pas de blé ukrainien » alors que 50 % de la planète dépend de ces engrais dont la Russie est le 1er exportateur mondial.

 

Le risque d’effondrement du système alimentaire mondial est réel. Les grands perdants des sanctions seront les populations des pays émergents, totalement dépendants des produits de base pour leur alimentation.

 

<<<>>> 

 

Il semble que la guerre doive durer et ce n’est pas la résolution de l’ONU du 23 février dernier appelant au retrait immédiat des troupes russes d’Ukraine, même approuvée par 141 voix pour (sur 193 pays membres), 7 contre et 32 abstentions, qui va changer la donne par un effet magique.

 

La guerre en Ukraine confirme à quel point en est arrivée l’interdépendance économique entre les pays. Quand les Occidentaux sanctionnent la Russie, ils se tirent une balle dans le pied. Illustration : « De nombreux secteurs industriels sont presque totalement captifs de la production de matériaux importés de Russie et d’Ukraine. L’Ukraine contrôle 70 % de la production du gaz néon, indispensable pour les lasers utilisés dans la production des semi-conducteurs. Ce gaz est lui-même un sous-produit de l’industrie métallurgique russe qui est purifié en Ukraine. L’industrie américaine des semi-conducteurs est dépendante à plus de 90 % du néon importé d’Ukraine. La Russie contrôle 26 % de la production  mondiale de métaux rares, tels le palladium, indispensable à la production de pots catalytiques. Les industries automobiles des pays occidentaux sont tributaires de ces importations à hauteur de 56 % pour le Canada, 45 % pour le Japon et l’Italie, 43 % pour les Etats-Unis et 38 % pour la Corée du sud » (2).

 

Dans ce mauvais jeu du « Je te tiens par la barbichette », comment envisager l’idée de la souveraineté des peuples pris dans ce maillage inextricable ?

 

Odile Mangeot, le 17.08.2023    

 

(1)   le Monde Diplomatique mars 2022 « Comment punir les adversaires »  

(2)   alencontre.org L’économie, une continuation de la guerre avec d’autres moyens de Claude Serfati

 

source : le Monde Diplomatique qui, chaque mois, depuis février 2022 a fait paraître de nombreux articles sur la guerre en Ukraine.

 

Pendant la guerre, les affaires continuent

 

Des experts ukrainiens analysent les composants d’un certain nombre de missiles et drones russes tirés sur le territoire ukrainien : une « véritable macédoine » disent-ils. Exemple : des processeurs Xilinx et Marvel proviennent des Etats-Unis, Wizmart de Taïwan, Samsung de Corée du Sud, Austrian Optic Technologies d’Autriche. Mais identifier les fabricants de ces projectiles ne permet pas d’en stopper l’usage… Les drones (et leurs fabricants) se moquent bien des sanctions...  le Monde du 21 août 2023