Ukraine.
Sanctionner la Russie. Quelle efficacité ?
Les
sanctions de 2014 contre la Russie, suite à l’invasion de la Crimée ne sont pas
levées. Fin 2021, les tensions se ravivant, les Etats-Unis menacèrent la Russie
de nouvelles sanctions « préventives » (embargo sur les hautes
technologies, blocage de la mise en service du gazoduc Nord Stream 2,
restrictions financières). Cela ne dissuada pas Poutine. La Russie annexait une
partie du territoire ukrainien le 24 février 2022.. Aussitôt, l’ONU la condamnait
et soumettait des sanctions au Conseil de Sécurité. En vain. La Russie exerçait
son droit de veto. Cela n’empêcha pas l’Union Européenne et les Etats-Unis
notamment, de prendre des sanctions pour asphyxier l’économie russe. Quelles
sont-elles ? Ont-elles atteint leur objectif ? Quel impact sur
l’économie-monde bâtie sur les interdépendances entre les puissances ?
Quelles conséquences sur les échanges commerciaux ? A qui profite le
renchérissement notamment des prix du pétrole, du gaz ou du blé ?
1 - Qui sanctionne
quoi ?
La
charte de l’ONU, en 1945, prohibe le recours à la force et érige en principe le
règlement pacifique des différends entre Etats. Elle confie au Conseil de
Sécurité (et à lui seul) le pouvoir d’adopter des sanctions pour faire cesser
les troubles. Dans les faits, les Etats-Unis, depuis les années 1990 et le
démantèlement de l’URSS en 1991, exercent une influence prédominante sur le
Conseil de Sécurité. Au palmarès des sanctions, ils ont la 1ère
place : durant les années 1990, ils ont restreint leurs échanges avec des
Etats sanctionnés à 64 reprises, la plupart unilatéralement. En 1997, l’équivalent
de la moitié de la population mondiale vit sous sanctions étatsuniennes (1).
L’Union Européenne décroche la 2ème place et ce, depuis les traités
de Maastricht (1992) et de Lisbonne (2007) instaurant la politique européenne
de sécurité commune (PESC).
La
Russie, face aux sanctions répétées, s’est adaptée. Des dernières, Poutine a
décidé d’en tirer parti et a imposé un embargo sur les importations de produits
agricoles en provenance de l’UE, d’Amérique du nord, d’Australie et de Norvège,
se replaçant à son avantage sur le marché mondial de l’agro-alimentaire. Pour
contrebalancer la domination étatsunienne, il a cherché à limiter sa dépendance
au dollar. La banque centrale russe a accumulé des réserves considérables pour
décourager toute attaque contre sa monnaie. A partir de 2018, elle s’est
débarrassée des bons du Trésor étatsunien, les échangeant, pour partie, contre
de la dette souveraine chinoise (dont la Russie est devenue le principal
acheteur étranger). Elle a protégé son système bancaire d’une déstabilisation
venue des Occidentaux, en lançant en 2015, sa propre messagerie financière
(SPFS) et une carte bancaire nationale (Mir) permettant des transactions
internes au pays si les Occidentaux décidaient de les exclure de Swift (service
de messagerie facilitant l’échange d’informations entre les banques). Se
dessinent ainsi des alliances nouvelles, perturbant l’ordre établi par la
puissance états-unienne.
L’UE,
qui veut compter dans ce jeu, s’arrime aux Etats-Unis, face à la guerre sur
« son » territoire. Elle a rencontré de grandes difficultés à accorder
ses Etats membres, très divisés sur l’idée des sanctions : alors que la Pologne
et les Etats baltes, par exemple, poussaient à la confrontation avec la Russie,
l’Allemagne, totalement dépendante du gaz russe, s’opposait (initialement) aux
sanctions.
Quelles sont ces sanctions ?
Elles
sont de trois ordres. Celles qui visent des individus et des entités, leur
interdisant de voyager en UE et gelant leurs avoirs dans les banques européennes,
sont « emblématiques » plus qu’efficaces. Les sanctions économiques
sont, par contre, bien plus sévères qu’en 2014 : embargo sur l’exportation
de technologies, mettant à mal le secteur aéronautique et automobile russe. Par
ailleurs, les sanctions financières sont inédites, interdisant aux banques
états-uniennes et européennes d’accepter le paiement en provenance de banques
russes ; elles ont de graves conséquences : défaut de paiement de la
dette russe, gel des réserves en monnaie étrangère à la banque centrale russe
et exclusion des banques russes du système SWIFT. Elles restreignent ou
interdisent les échanges commerciaux : de l’UE vers la Russie : les
technologies de pointe, équipements relatifs notamment au raffinage du pétrole,
à l’énergie, l’aviation, la navigation, les produits de luxe… et de la Russie
vers l’UE : le pétrole brut et produits pétroliers raffinés, le charbon,
l’acier, l’or, le ciment, le bois, le papier… Elles plafonnent le prix du pétrole
(60 dollars le baril pour le pétrole brut), interdisent aux transporteurs
routiers russes et biélorusses d’entrer sur le territoire de l’UE, prohibent le
survol de l’espace aérien de l’UE et ferment les ports à l’ensemble de la
flotte marchande russe…
Il
s’agit d’enlever à la Russie toutes capacités à poursuivre la guerre. Certaines
sanctions valent également pour la Biélorussie, impliquée dans l’invasion, et
l’Iran en raison de la fabrication et de la fourniture de drones.
Couper les vivres à la Russie
Priver
l’économie russe de ses principales ressources, à savoir les exportations de
pétrole, de gaz naturel et d’autres produits énergétiques, est l’élément
central de la stratégie de l’UE. Ce faisant, il fallait, en urgence, réorganiser
le commerce mondial des hydrocarbures, les Occidentaux devant trouver de
nouveaux fournisseurs et Moscou de nouveaux clients. Défi compliqué pour l’UE,
dont 62 % des importations en provenance de Russie concernent l’énergie. Le
« vieux » continent achète à Moscou 20 % de ses besoins en
pétrole, 40 % en gaz naturel et 50 % en charbon. L’Allemagne est encore plus
dépendante : 55 % du gaz naturel consommé est russe, 42 % pour le pétrole
et 45 % pour le charbon.
Substituer
les approvisionnements en hydrocarbures russes exige une centralisation des
besoins et une démarche coordonnée entre Etats européens, ce qui est loin
d’être gagné ! Par ailleurs, le réapprovisionnement auprès d’autres
fournisseurs nécessite suffisamment de ressources de leur part et un délai de
mise en œuvre technique : ainsi, pour le gaz, si la Norvège et les Pays
Bas ont la capacité d’augmenter leur production, ils n’ont pas pour autant les
infrastructures suffisantes. Les contraintes sont, par ailleurs, stratégiques ;
ainsi, l’Algérie ne veut pas s’aliéner la Russie, son principal fournisseur
d’armement. De même pour l’Egypte qui dépend à 90 % de la Russie et de
l’Ukraine, pour les produits d’alimentation (blé, maïs…).
Alors,
se tourner vers la Libye pour le pétrole ? Sauf que celle-ci n’est toujours
pas maître de ses champs pétrolifères dans la zone de conflit qui déchire le
pays. Le Nigéria ou l’Angola, quant à eux, ont des installations vétustes et
sont très éloignés, ce qui renchérirait les coûts de production et de transport.
Le
système ultralibéral imposé par les puissants, leur revient en plein visage,
tel un boomerang, et bouscule le jeu établi des échanges commerciaux, qui tient
les Etats en dépendance, devant se plier
aux décisions des pays riches. Les sanctions internationales qui affichent
l’objectif d’œuvrer pour la paix, sont en fait le résultat de stratégies de domination
et de guerres entre « impérialismes » et les sanctions prises aujourd’hui
auront des répercussions sur les décennies à venir.
2 - Les
sanctions sur l’énergie remodèlent le fonctionnement du monde
Pour
les Etats-Unis, les sanctions semblent
simples à appliquer du fait qu’ils n’importent que 8 % de leurs besoins
énergétiques et qu’ils peuvent compter sur le Canada, voire même sur le
Venezuela avec qui ils n’ont aucun scrupule à reprendre langue alors qu’ils l’ont
placé sous embargo depuis 2019 ! Il s’agit d’empêcher une raréfaction des
hydrocarbures qui ferait monter les prix du brut et les prix à la pompe,
d’autant que l’Arabie Saoudite et le
Qatar refusent de rouvrir les vannes pour extraire plus et comptent maintenir un prix élevé du baril.
Ryad n’a aucune raison d’assouplir sa position d’autant que MBS a besoin d’un
baril à 80 dollars pour financer son projet « Vision 2030 » destiné à
sortir le pays de sa dépendance au pétrole. Il vient d’annoncer une
prolongation de la baisse de sa production, opération coordonnée avec la Russie
(dans le cadre de l’OPEP +). Quant à l’Iran,
objet de sanctions des Occidentaux sur la question nucléaire, il n’a aucune
envie de satisfaire le bloc occidental. Il considère désormais que la Russie
est un partenaire face à l’hostilité étatsunienne.
La
précipitation de l’UE à obéir aux
pressions états-uniennes, pour réduire, sans solution de rechange, sa forte
dépendance au gaz et au pétrole russes est une erreur. Son seul recours, dès
lors, est le pétrole issu des gaz de schiste et le gaz naturel liquéfié (GNL),
exporté par les USA, l’Australie et le Qatar, qui se frottent les mains :
1/3 des échanges internationaux se font, non pas sur la base de contrats à long
terme mais au plus offrant ! Von der Leyen, le 8 mars 22, affirmait que la
Commission ébauchait un plan « visant
à éliminer notre dépendance aux combustibles fossiles russes d’ici 2027 ».
« Nous voulons construire le monde
de demain en tant que démocratie avec les partenaires partageant les mêmes
idées », à savoir USA, Azerbaïdjan, Egypte, Qatar (tous reconnus comme
des démocraties exemplaires !). Le choix européen est risqué car les USA n’ont pas
les capacités suffisantes immédiates pour remplacer le gaz russe, le Qatar
affiche un carnet de commandes complet, l’Egypte
a développé sa production de GNL et l’exporte, déjà, en grande partie en UE, en
Turquie et sur le marché asiatique, le gazoduc
Maghreb/UE est fermé suite aux troubles en Libye et entre l’Algérie et le Maroc.
L’UE est donc totalement inféodée aux USA, qui n’ont pas l’intention de lâcher
l’hameçon, pour vendre leur GNL, dont le prix est 6 fois plus cher qu’en 2022.
L’UE confirme sa vassalité vis-à-vis des USA. Reste encore aux pays concernés à
investir pour accueillir le GNL dans des structures portuaires équipées pour le dégazefier.
Quant
à Poutine, son avenir « énergétique » passe par la Chine qui achète 32.8 % des
exportations russes. Il redirige sa production de brut vers l’Inde ou la Chine
qui n’appliquent pas les sanctions. Attirés par les rabais importants ils ont
importé plus de brut russe depuis l’entrée en vigueur des sanctions.
3 – Qui
l’emporte dans ce jeu « à qui perd gagne » ?
Six
mois après les premières sanctions, l’économie russe a encaissé le coup mais ne
s’est pas effondrée. Le FMI tablait sur une récession de 8.5 %, la Banque
mondiale parle d’une chute du PIB de 4 %. Par contre, côté UE, on en est à une
inflation à deux chiffres, tirée par les prix stratosphériques de l’énergie.
Fin
septembre, la France a débloqué
l’équivalent du budget de l’Education nationale pour financer les mesures
« pouvoir d’achat ». Berlin
a triplé sa mise dans un plan de sauvegarde de son industrie de 200 milliards
d’euros. La Lituanie, touchée par
une inflation de + 20 % a porté le montant global des aides à plus de 6 % de
son PIB. Du fait de la crise énergétique, en UE, des secteurs comme la chimie, la
sidérurgie, la production d’engrais ou de papier tournent au ralenti ou
ferment.
On
assiste à la restructuration du marché gazier européen permettant aux USA d’augmenter de 63 % leurs livraisons
de GNL vendu au prix fort en UE et au Royaume Uni. Les sanctions contre Moscou
décidées à Washington, entérinées par Bruxelles, pèsent avant tout sur les
Etats européens, faisant grimper le prix du gaz russe dont profitera Moscou.
La Russie s’adapte. Même si ses recettes ont diminué du fait de
la fermeture de son marché occidental de l’énergie qui représentait (en avril)
1 milliard d’euros/jour, les gains importants pétroliers et gaziers de 2022 lui
ont permis d’amortir le choc. En avril-mai, les embargos énergétiques
remplissent les poches de Poutine. Rien que pour le pétrole, Moscou engrange 20
milliards de dollars en moyenne/mois en 2022, contre 14.6 milliards en 2021. La
Russie nage dans les liquidités. Le rouble s‘échange fin avril 2022 à son
niveau d’avant-guerre (80 roubles pour un dollar). La Russie a, par ailleurs,
renforcé son économie de guerre en remettant en état le matériel usagé, en
utilisant des sociétés écrans pour importer de plus en plus de biens de haute
technologie via des pays tiers (Turquie, Kazakhstan) et elle s’approvisionne en
composants militaires auprès de la Chine, de l’Iran et de la Corée du nord. Et
elle s’est tournée vers l’Est asiatique en investissant en Chine et au Japon même
si ce n’est pas sans difficultés : la Chine dépend de voies maritimes
contrôlées par les USA, un blocage du détroit de Malacca ou celui de Singapour par
lesquels transitent 80 % de ses hydrocarbures, placerait la Chine en fâcheuse
posture.
Plus
de la moitié des réserves internationales de la banque centrale de Russie (300
milliards d’euros) ont été gelés ou réquisitionnés pour paralyser le sauvetage
du rouble mais le système bancaire russe tient : le contrôle des capitaux
et l’obligation faite aux exportateurs de convertir 80 % de leurs devises en
monnaie nationale limite la casse. Et les Russes, habitués aux crises (1988,
1998, 2008, 2014) ne se ruent pas sur les distributeurs de billets. Quant aux
oligarques russes, la portée véritable des sanctions frappant leurs avoirs ne
semble guère les inquiéter. Annoncer une telle mesure sans toucher à
l’architecture financière internationale et notamment les paradis fiscaux,
alors que la moitié de leur fortune y serait logée, les fait sans doute
sourire.
En
2022, la Norvège a augmenté sa
production de gaz de 8 % pour en fournir au marché européen : 19 projets
d’extraction autorisés en juin 2023, 47 nouveaux permis d’exploration et 92
supplémentaires pour 2024. Cela compromet l’objectif de réduction des émissions
carbone de 50 % prévu pour 2030 mais la Norvège semble déterminée à être le
dernier au monde à produire des carburants fossiles. L’Etat norvégien ignore
les ONG (dont Greenpeace) qui ont déposé une plainte demandant l’arrêt immédiat
des 19 projets d’extraction. Devenue 1er fournisseur européen de
gaz, elle ne compte pas s’arrêter là et enregistre des bénéfices records en
2022 (125 milliards d’euros), 3 fois plus qu’en 2021. Et tant pis si elle se
fait traiter de « profiteur de guerre » !
Pour
l’instant, les sanctions contre la Russie se font au détriment des énergies vertes. La réactivation des centrales à
charbon (Berlin ou Rome), ne fera s’indigner
que Greta Thünberg et les militants écolos : « comment
osez-vous ? »
Et voguent les navires fantômes chargés de pétrole
russe
A
peine décidées, les sanctions sur le pétrole russe étaient contournées. L’UE a
beau affirmer qu’elle se donne les moyens de surveillance de leur application,
ce n’est pas si simple, d’autant que les pays européens n’ont pas suffisamment
d’enquêteurs.
De
nouvelles routes du pétrole russe, donc, se sont ouvertes, où naviguent des
tankers vieillissants pour transporter l’or noir. Ils pratiquent le
transbordement et naviguent en éteignant leur
transpondeur : tels des bateaux fantômes, ils ne sont plus détectables par
les radars. Certes, cela est dangereux, mais le jeu en vaut la chandelle !
Une autre méthode consiste à dissimuler les propriétaires de navires derrière
des sociétés écrans immatriculés aux îles Marshall. Autre formule, la plus
juteuse semble-t-il : les négociants. Ils achètent et vendent le pétrole.
Jusqu’ici hébergés à Genève ils ont quitté la Suisse (quand elle a décidé
d’appliquer les sanctions) et sont installés à Dubaï, paradis fiscal, où ils
croisent trafiquants d’or et oligarques russes. Protégés par le secret
bancaire, ils ont décuplé les exportations de pétrole russe vers l’Inde.
En
mai 2023, l’Inde achetait 40.4 % de
son pétrole importé à la Russie contre 2 % avant le conflit. Devenu le principal « blanchisseur » de
pétrole russe interdit en UE, elle lui réexporte sous forme de diesel ou de
gasoil après l’avoir raffiné sur son sol. Le montant des exportations de l’Inde
en produits pétroliers vers l’Europe est passé de 287 millions de dollars en
avril 2021 à 1 milliard en avril 2023. Les négociants seraient les plus grands
bénéficiaires des contournements des sanctions. Comment est-ce possible ?
Imaginons un trader à Dubaï qui achète du pétrole russe ; il loue un vieux
pétrolier et au large de la Malaisie, le stocke dans un tanker pendant un mois
pour 1 million de dollars ; le pétrole est ensuite transféré dans un
deuxième puis un troisième ; il falsifie les documents pour 100 000
dollars et il revend le tout en Occident avec une énorme marge. Bingo !
Affaires
juteuses qui profitent indirectement à la Russie puisque la plus grande
raffinerie indienne est exploitée par une entreprise dont le capital est détenu
à 49.15 % par l’énergéticien russe Rosneft.
Ce
trafic vers l’Asie a augmenté les distances, donc le nombre de navires
citernes, provoquant une hausse des prix du fret. Les ports russes de la mer
Baltique ne peuvent accueillir les pétroliers géants et ont construit des hubs
au large de la Grèce et de l’Espagne où de grands navires récupèrent les
chargements des petites embarcations. Où trouver des navires citernes ? Un
Français a créé Fractal Shipping et transporte des millions de barils de brut
des ports russes vers l’Asie. Lui, le fait au vu et au su de tous les contrôles
puisqu’il n’enfreint pas la règle de l’achat du baril à moins de 60 dollars…
déclare-t-il.
Le blé ukrainien, un moyen de pression pour Poutine
Si
aucun embargo n’existe sur les produits alimentaires, les ports d’Odessa et de
la Crimée étaient bloqués par les Russes et les stocks de céréales
« pourrissaient » dans les silos ukrainiens, faisant flamber les prix
des céréales, passant de 275€ la tonne au 1er janvier 2022 à 400€ en
avril.
Sur
un marché mondial de 230 millions de tonnes, la Russie et l’Ukraine en représentent
le tiers. La Russie est le premier exportateur et l’Ukraine vend 74 % de son
blé. 18 pays africains dépendent à plus
de 50 % de l’Ukraine ou de la Russie. L’Erythrée, Mauritanie, Somalie et
Tanzanie en dépendent à 100 %. L’Egypte, le Liban, la Turquie et l’Indonésie
sont très dépendants du blé.
Après
négociations et promesse d’une levée partielle des sanctions (qui n’a pas été
tenue), un accord a été signé en juillet 2022 par la Russie et l’Ukraine, sous
supervision de la Turquie et de l’ONU, rendant possible un passage sécurisé
pour l’exportation des produits agricoles ukrainiens à partir des ports de la
région d’Odessa. L’alternative du transport par le rail pour les pays situés
sur le même continent n’est guère envisageable, l’écartement des rails entre
pays européens n’étant pas le même !
Poutine
n’a pas renouvelé le « corridor de la faim » et use de cet accord pour
lever des sanctions sur ses exportations d’engrais, indispensables à
l’agriculture mondiale. « Pas d’engrais russe, pas de blé ukrainien »
alors que 50 % de la planète dépend de ces engrais dont la Russie est le 1er
exportateur mondial.
Le
risque d’effondrement du système alimentaire mondial est réel. Les grands
perdants des sanctions seront les
populations des pays émergents, totalement dépendants des produits de base
pour leur alimentation.
<<<>>>
Il
semble que la guerre doive durer et ce n’est pas la résolution de l’ONU du 23
février dernier appelant au retrait immédiat des troupes russes d’Ukraine, même
approuvée par 141 voix pour (sur 193 pays membres), 7 contre et 32 abstentions,
qui va changer la donne par un effet magique.
La
guerre en Ukraine confirme à quel point en est arrivée l’interdépendance
économique entre les pays. Quand les Occidentaux sanctionnent la Russie, ils se
tirent une balle dans le pied. Illustration : « De nombreux secteurs industriels sont presque totalement captifs de la
production de matériaux importés de Russie et d’Ukraine. L’Ukraine contrôle 70
% de la production du gaz néon, indispensable pour les lasers utilisés dans la
production des semi-conducteurs. Ce gaz est lui-même un sous-produit de
l’industrie métallurgique russe qui est purifié en Ukraine. L’industrie
américaine des semi-conducteurs est dépendante à plus de 90 % du néon importé
d’Ukraine. La Russie contrôle 26 % de la production mondiale de métaux rares, tels le palladium,
indispensable à la production de pots catalytiques. Les industries automobiles
des pays occidentaux sont tributaires de ces importations à hauteur de 56 %
pour le Canada, 45 % pour le Japon et l’Italie, 43 % pour les Etats-Unis et 38
% pour la Corée du sud » (2).
Dans
ce mauvais jeu du « Je te tiens par
la barbichette », comment envisager l’idée de la souveraineté des
peuples pris dans ce maillage inextricable ?
Odile
Mangeot, le 17.08.2023
(1)
le Monde Diplomatique mars 2022 « Comment
punir les adversaires »
(2)
alencontre.org L’économie, une continuation de la guerre
avec d’autres moyens de Claude Serfati
source : le
Monde Diplomatique qui, chaque mois, depuis février 2022 a fait paraître de
nombreux articles sur la guerre en Ukraine.
Pendant la guerre, les affaires
continuent
Des
experts ukrainiens analysent les composants d’un certain nombre de missiles et
drones russes tirés sur le territoire ukrainien : une « véritable
macédoine » disent-ils. Exemple : des processeurs Xilinx et Marvel proviennent des
Etats-Unis, Wizmart de Taïwan, Samsung de Corée du Sud, Austrian Optic Technologies d’Autriche.
Mais identifier les fabricants de ces projectiles ne permet pas d’en stopper
l’usage… Les drones (et leurs fabricants) se moquent bien des sanctions... le
Monde du 21 août 2023