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Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 6 septembre 2023

 

Climat. Inéluctable course vers l’abîme ?

 

Il devient de plus en plus incongru de nier la réalité du réchauffement et de la dérèglementation climatiques. Les événements de juillet/août en attestent. Certes, les climato-sceptiques et l’extrême-droite peuvent encore invoquer le scientisme sauveur et s’en prendre aux contraintes imposées, ou en voie de l’être, aux populations les plus « fragiles ». Nous ne traiterons pas ci-après des technologies de la géo-ingénierie qui ont fait l’objet d’un article dans le n° 86 de notre publication (1). Le dangereux charlatanisme, tout comme les propos démagos s’en prenant aux écolos-bobos, doivent être combattus. Certes, les puissants tentent de culpabiliser les consommateurs pour masquer leur propre impuissance volontaire. En tout état de cause, la pédagogie des petits gestes apparaît bien dérisoire face à l’ampleur des phénomènes auxquels nous sommes confrontés.

 

La réalité globale, tout comme les exemples les plus significatifs de ces deux derniers mois sont, par eux-mêmes, d’une visibilité aveuglante. Il y a encore des petits marquis, comme Gabriel Attal, pour prétendre que ces catastrophes n’étaient pas prévisibles ! Sa prétendue ignorance relève du cynisme des plus grossiers et d’un mépris à l’intelligence des citoyens. Depuis les lustres, des scientifiques nous alertent. Par-delà les grandes messes médiatiques des COP, ils persistent : c’est l’émergence du capitalisme industriel productiviste et son recours aux énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz…) qui sont les causes premières du dérèglement climatique en cours. Et la Terre maltraitée se soulève. « Il est bientôt minuit en ce siècle » et il est urgent d’arrêter la marche fatidique de cette horloge…

 

1 – Des constats des plus alarmants

 

Le GIEC, ce groupe d’experts internationaux, continue d’avertir, sans grand succès, les gouvernants : c’est essentiellement le gaz à effet de serre qui est à l’origine du réchauffement climatique et suscite l’effondrement de la biodiversité. Il préconise la neutralité carbone à très court terme et précise que, depuis 1990, l’élévation de la température est exponentielle. Ce phénomène provoque l’évaporation de l’eau, en grande quantité, donc, des pluies diluviennes et des inondations. Pire, la libération du méthane, du protoxyde d’azote, réchauffe 27 fois plus l’atmosphère que le CO2. Le dégel du permafrost, en Sibérie, au Groenland, risque d’en relâcher une quantité considérable. Si rien n’est entrepris pour bloquer cette évolution, il faut s’attendre, dès 2030, chaque année dès le mois de septembre, à la fonte de la banquise au Pôle Nord et donc, au réchauffement encore plus rapide de la planète : les rayons du soleil ne se réverbèreront plus sur la calotte glacière… Et la montée du niveau des mers submergera nombre de villes côtières qu’il faudra évacuer. Tous ces dérèglements engendreront des déplacements de populations et l’accroissement du nombre de réfugiés climatiques. Où est le « point de bascule » ? Tout ça n’est-il pas un ensemble de prévisions contestables ?

 

Nous y sommes déjà. En vrac et sans être exhaustif : à Hawaï, ce confetti colonial de l’empire US, situé en plein Pacifique, a été ravagé par les flammes. Au 10 août, on dénombrait plus de 50 morts, on cherchait les disparus, réfugiés… dans la mer. Les touristes évacués, plus de 11 000, et les habitants survivants contemplent les ruines calcinées de leurs pauvres biens. Tout est ravagé sur l’ile de Maui, y compris les coraux étouffés par les débris calcinés. Aux Etats-Unis eux-mêmes, du 1er au 18 juillet, le sud-ouest a connu des épisodes dramatiques, des températures de plus de 43°, la ville de Phoenix asphyxiée ; dans la « vallée de la mort », au sud de la Californie, la fournaise dépasse 53°. Au Canada, des feux de forêts incontrôlables, 571 sur une surface immense, plus de 10 millions d’hectares brûlés sur une superficie équivalente à celle de l’ensemble de la Grèce. De l’ouest à l’est et jusqu’au nord, aucune région n’a été épargnée, comme dans le Yukon au nord, près de l’Alaska. Des nuages de fumées si intenses qu’ils provoquent des foudres de feu, alimentant les flammes immenses des incendies. Les feux se propageant dans la tourbe et risquent de faire resurgir les incendies… au printemps prochain. Les médias ont montré des images dantesques, des hordes de voitures fuyant les murs de flammes et des populations autochtones, comme les Inuits du grand nord, évacuées. En Chine, de fortes pluies, des inondations monstres près de Pékin, des dizaines de morts. Les autorités ont dû déplacer 1 million de personnes des campagnes de Hu Bai. Un typhon, venu des Philippines, a provoqué, à Litenzhon, ville de 30 000 habitants, une montée des eaux de 6 mètres. Il en fut de même en Corée du Sud où l’on dénombre plus de 50 morts.

 

Evidemment, l’Europe ne fut pas épargnée par la canicule et les incendies. En Italie, à Rome, les 42° ont été dépassés, 46° en Sicile. Meloni, toujours négationniste, devrait se rappeler qu’en 2022, les fortes températures ont provoqué plus de 18 000 décès, les 25 % âgés de plus de 65 ans étant les plus touchés. En France, les 40° ont été franchis dans de nombreuses régions. Plus étonnant, à l’Alpe d’Huez, à 1 800 mètres d’altitude, on a frôlé, en plein jour, les 30° (29.6) et la nuit, les 20° (19.7).

 

On pourrait multiplier les exemples : la Sardaigne, l’Espagne, le Maghreb, la Turquie, la Grèce, où l’île de Rhodes a été ravagée par les flammes. Et que dire des 37°, en plein hiver, dans l’hémisphère sud, en Argentine au pied de la cordillère des Andes… Est-ce la planète qui marche cul par-dessus tête ?

 

2 – De quelques drames à venir

 

La planète se transforme en étuve. Le 1er août, à Buenos Aires, le Secrétaire général de l’ONU s’époumone : « ce n’est pas dans l’ère du réchauffement climatique que nous entrons mais dans celle de l’ébullition climatique ». Comme les experts, il a constaté la fonte de la glace au Pôle sud et l’élévation de la température à la surface de l’eau, tout particulièrement dans l’océan Atlantique. Les 23°  observés à l’ouest de l’Irlande, l’augmentation de 5 à 6° dans l’Arctique, interrogent. D’autant que dans le même temps l’intensité des pluies redouble en Indonésie, en Australie… Les conséquences de tels phénomènes sont mortifères. Le cycle du phytoplancton, de la flore marine, est perturbé, les coraux protecteurs se meurent et, avec eux, des milliers de poissons. On assiste même à une hécatombe d’oiseaux. Plus généralement, c’est toute la biodiversité, y compris animale, qui est atteinte. Le cycle de l’eau et son accès sont bouleversés.

 

Déjà, 4 milliards d’humains, soit la moitié de la population mondiale, subit un stress hydrique inquiétant. En 2050, ce serait 60 % de la population. Bahreïn, Chypre, Koweït, Liban, Oman sont les 5 pays les plus exposés mais le Chili, la Grèce, la Tunisie seraient aussi affectés. Les scientifiques s’attendent à la généralisation des coupures d’alimentation en eau dans les grandes villes en Inde, au Mexique, en Afrique du sud et même dans le sud de l’Angleterre.

 

L’agriculture productiviste, à forte irrigation, tournée vers l’exportation est un facteur d’aggravation. De fait, elle est en passe de mettre la sécurité alimentaire en danger. La production de canne à sucre, de blé, de maïs, risque d’être insuffisante. Quant à l’industrie, minière en particulier, gourmande en eau pour extraire, au sein des terres rares, les matériaux nécessaires aux nouvelles technologies comme le lithium, elle est susceptible de provoquer des « guerres de l’eau » (voir rubrique « ils, elles luttent » Argentine, l’eau vaut plus que le lithium).

 

En France, on n’est pas en reste : au 1er août, les niveaux de 72 % des nappes phréatiques sont inférieurs aux normes de saison. Des préfets ont déjà pris des arrêtés restrictifs dans certains départements interdisant l’arrosage des pelouses, le lavage des voitures, le remplissage des piscines. En revanche, rien contre les terrains de golf, ni les méga-bassines ! Et pourtant, selon une enquête réalisée par le journal le Monde (mi-août), 85 communes sont affectées par des pénuries d’eau, 67 sont ravitaillées par camions citernes et 18 par des bouteilles d’eau.

 

Désertification, notamment en Afrique du nord, dans l’Espagne du sud, sécheresses, inondations, montées des eaux, crise alimentaire, vont provoquer, si rien ne vient contrecarrer ces tendances, des migrations climatiques de plus en plus importantes, déstabilisant les pays et faisant surgir des comportements xénophobes comme en Grèce… et ailleurs. Et partout les organismes vont souffrir et les capacités hospitalières pour y faire face, risquent d’être insuffisantes, voire dépassées face à l’ampleur d’évènements extrêmes, comme les méga-feux qui accélèrent la production de CO2, telle que constatée au Canada. Dans d’autres régions tropicales, la combinaison d’intenses chaleurs et d’un taux d’humidité insupportables constitue des facteurs de morbidité irrémédiable. Cet à venir doit également compter avec, dans les grandes agglomérations, la pollution engendrée par la circulation automobile exponentielle. La généralisation du moteur électrique -  s’il n’est pas forcément la solution - n’est pas pour demain.

 

3 – Course vers l’abîme ou bifurcation structurelle ?

 

Les dominants vont-ils vouloir véritablement agir avant qu’il ne soit trop tard ? Tout en tergiversant, ils peuvent se diviser si leurs profits sont mis en cause. Ainsi, pour Allianz, cette société d’assurances, le coût des catastrophes est trop élevé. Il faut trouver des remèdes. En effet, le réchauffement climatique ralentit la productivité des travailleurs et donc… l’accumulation des profits. Pensez donc, chaque journée à plus de 32° équivaut à une journée de grève ! La solution prioritaire : modifier le code du travail, faire travailler les salariés la nuit, très tôt le matin et tard le soir…

 

Rafraichir l’atmosphère ? C’est déjà possible. Il suffit de provoquer des pluies artificielles. Rien de plus simple en apparence : pour autant qu’il y ait des nuages, la solution consiste à les ensemencer avec de l’iodure d’argent. Comment ? Par avion et par lancement de roquettes. Génial ? Ça diminuerait la sévérité des sécheresses, protègerait les activités agricoles, éteindrait les feux de forêts. Sauf que le rendement de cette hasardeuse technologie n’est que de 0 à 20% et ne fait que déplacer la pluviométrie. Toutefois, sans le proclamer, de nombreux pays y recourent, la Chine, les Etats-Unis, l’Afrique du sud et même la France, en catimini. Biden a même annoncé des investissements de 2.4 millions de dollars à cet effet. Objectif : sauver le fleuve Colorado. Israël compte mieux faire en utilisant du dioxyde de titane et les nanotechnologies. Le rendement pluviométrique obtenu serait 2.5 fois plus important que le recours au seul iodure d’argent. Les docteurs Folamour prétendent que leurs remèdes n’ont aucune incidence sur la santé humaine et, surtout, pas besoin d’études ou de réglementations, ce serait contraire à l’avancée de la science.   

 

Science (dévoyée) et marché ne sont-ils pas les seules solutions face à la pollution ? C’est ce qu’induit la création factice du marché carbone et de ses droits à polluer. Ils viennent de permettre aux Emirats Arabes Unis (EAU) de vendre des crédits-carbone en surplus contre l’acquisition « verte » d’un million d’hectares de forêts tropicales au Libéria, soit une superficie équivalant à 10 % du territoire de ce pays africain. Qu’importent les populations qui y vivent, leur vie n’a aucune valeur marchande. Cette monarchie pétrolière, comme d’autres, est d’ailleurs en pourparlers avec les gouvernements de la Zambie, de la Tanzanie… pour réaliser le même type d’opération.

 

En fait, tous les gros pollueurs, les multinationales, la finance, s’invitent à la fête, à la croissance verte jusqu’à plus soif, jusqu’à la dernière goutte de pétrole. Ils ont investi avec leurs lobbys les espaces de la COP 27. Leur influence se lit jusque dans le rapport final de cette grande messe mondiale : les mots pétrole, gaz, énergie fossile y sont absents. Que vaut l’effet de serre face aux promesses verdoyantes des gros bonnets, face aux 61 milliards de dollars engrangés en 2022 par Aramco, cette compagnie pétrolière saoudienne, et face aux 3 millions de dollars par jour encaissés par toutes les multinationales fossiles réunies ?

 

Pour contrer l’inquiétude qui se répand, les démagos ont un culot à toute épreuve afin de nous enfumer à coups de discours paradoxaux. Que les scientifiques les alertent depuis plus de 30 ans ne les empêche nullement de s’émouvoir… Qui pouvait prévoir ? Tout le monde le sait « il n’y a pas d’argent magique » même si les milliardaires se gavent. Ce qui importe, comme le dit l’insolente Agnès Pannier Rhunacher, ce sont les petits gestes que vous êtes condamnés à faire : n’envoyez plus de mails avec des pièces jointes, ça consomme trop d’énergie ! De tels propos sont, de fait, du pain béni pour Le Pen qui pourra encore mieux s’insurger contre l’écologie-bobo punitive.

 

Plus fondamentalement, il y a la réalité de la politique des gouvernements. Ainsi, celui de Macron, entre autres, a subventionné, depuis 2021, les énergies fossiles à hauteur de 100 millions d’euros, ce qui ne l’a pas empêché de faire quelques gestes de calinothérapie avec la convention citoyenne qui accouche d’une souris de mesures. D’ailleurs pour obéir aux maîtres de l’Occident, il s’est empressé, comme d’autres, de doubler le budget militaire, de faire construire un terminal gazier au Havre afin d’y accueillir du GNL issu de gaz de schiste étatsunien ainsi que celui du Qatar.

 

Plus cyniquement, les puissants tentent de manipuler les associations, mouvements, les plus conscients ou les plus radicaux comme Extinction Rébellion (2) en les infiltrant, en les sponsorisant. Sauver l’Humanité sous la houlette des criminels climatiques est leur dernière trouvaille pour maintenir leur hégémonie ! Evidemment, ils ne veulent aucunement que l’on remette en cause la production de SUV ou leurs fréquents voyages en jets privés. Ce n’est pas l’offre qu’il faut remettre en cause mais la demande irresponsable des consommateurs. Bref, il suffit de les raisonner afin qu’ils adoptent un comportement responsable avec l’aide des mouvements qui, bien dirigés, feront pression sur les gouvernants… sans les mettre en cause.

 

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Eviter l’écocide, c’est au contraire saper l’hégémonie des classes dominantes et les politiciens qui les servent. Changer le mode de production, l’asseoir sur les besoins réels, débattus démocratiquement tout en faisant prévaloir la sobriété égalitaire. Cela suppose une véritable transformation structurelle. Elle ne peut que conjuguer justice sociale et justice climatique. Qui plus est, elle doit penser une nouvelle articulation des territoires, rapprochant les lieux de production des habitants, développant les transports en commun…

 

Pour y parvenir, le chemin à emprunter est tortueux, il doit en effet contourner les obstacles que sont les illusions des réformes cataplasmes. Si l’avenir climatique est entre les mains des peuples, encore faut-il qu’ils s’en saisissent avant qu’il ne soit trop tard.

 

Gérard Deneux

28.08.2023

 

(1)   Géo-ingénierie pour sauver la planète ? de Romain Menigoz (septembre 2022)

(2)   article dans ce numéro de Stéphanie Roussillon Climat et petits fours

 

Sources :

-        articles parus dans le Monde des mois de juillet et août

-        sur youtube : Elucid « En finir avec les idées reçues sur la crise climatique » avec Olivier Berruyer et Thomas Wagner, créateur du média indépendant Bon Pote