Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 6 décembre 2019


Editorial du PES n° 58 (novembre 2019)

Nouvelles vagues de soulèvements

En 2011, une première vague de soulèvements populaires était partie de Tunisie pour affecter nombre de pays du Moyen-Orient. Elle s’est fracassée sur le mur d’un parlementarisme de façade à Tunis, de la répression violente de l’armée en Egypte, de la guerre sanglante menée par le « boucher » Assad en Syrie… D’une manière ou d’une autre, « l’ordre » était rétabli au prix de milliers de victimes et d’une fuite éperdue dans les affres de l’exil. Certes, quelques dictateurs honnis avaient dû quitter le sommet des Etats qu’ils avaient mis en coupe réglée. Mais le sort des classes populaires s’était encore aggravé.

Puis vint la 2ème vague plus impétueuse. Partie du Soudan, elle balayait la représentation dominante islamiste, les femmes entraient dans la danse des immenses manifestations populaires. Certes, bien que le pouvoir dictatorial semble avoir été brisé, un compromis instable s’est instauré entre les forces démocratiques et sociales et les militaires dont nombre d’entre eux sont d’anciens génocidaires et tortionnaires. En Algérie, ensuite, le pouvoir militaire est acculé, par l’entrée en scène de tout un peuple dans ses diverses composantes qui envahit les rues et les places. L’armée, la cohorte de généraux corrompus, refusent de céder leur pouvoir de spoliation, jouent la carte d’élections présidentielles que refuse le peuple. Il connaît la musique frauduleuse des scrutins truqués où l’on reconduit les mêmes sous d’autres masques. Au Liban, le soulèvement populaire provoque la démission d’Hariri, le milliardaire sunnite, met à mal tout le système confessionnel du pouvoir, partagé entre les différents clans qui, à Beyrouth, s’enrichissent sur le dos du peuple ; les masses populaires effacent dans leurs luttes les divisions mortifères entre chrétiens, maronites, sunnites et chiites. Le Hezbollah, lui-même, n’est pas épargné, son prestige gagné dans la lutte contre Israël est écorné par sa croisade criminelle en Syrie.

Puis vint la houle déferlante sapant la notoriété chancelante des partis chiites à Bagdad, à Bassora en Irak, suivie « d’émeutes » en Iran. La répression, les arrestations, les tortures, ne semblent pas ébranler la détermination des Irakiens, les tirs à balles réelles ne parviennent pas (encore ?) à casser la détermination de la jeunesse en colère. En Iran, par contre, la mollahcratie tue dans un silence assourdissant…

Ce qui est nouveau, c’est que s’effondrent les représentations religieuses qui corsetaient les aspirations sociales, c’est aussi la volonté de dégager les corrompus des systèmes en place. Demeure cette idée d’un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, sans, pour autant, que les contours économiques et sociaux soient définis. L’autre leçon connue, que l’on peut tirer des évènements en cours, consiste à s’imprégner de l’idée que les classes dominantes s’accrocheront jusqu’au bout à leurs privilèges et à la défense de leurs intérêts.

A cet égard, ce qui se passe actuellement en Amérique latine est révélateur : manipuler les classes moyennes, les dresser contre un pouvoir à coloration progressiste, au Brésil, en Bolivie et peut-être au Venezuela, signifie que la contre-révolution au visage le plus répugnant, tel celui de Bolsonaro, peut l’emporter sur un processus révolutionnaire qui n’a pas été mené à son terme.

Les vents mauvais de la misère, de l’austérité, de la corruption des élites, provoqueront d’autres vagues encore plus puissantes. Elles se heurteront, certes, à la machine d’Etat répressive ; elles effriteront la prétendue légitimité des élites mais elles ne parviendront à l’emporter qu’en faisant valoir une perspective renouvelée du bien commun. Toutefois, ce processus en cours pourra être dévié par la lutte de tous contre tous, être noyé dans la guerre commerciale entre les grandes puissances et le nationalisme xénophobe, sur fond de déréglementation climatique anxiogène.

Cet avertissement sonne comme un vaste défi vis-à-vis de tous ceux qui luttent pour une Humanité débarrassée du capitalisme prédateur et réconciliée avec elle-même.
GD, le 4.12.2019