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Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 6 décembre 2019


Patriarcalisme et capitalisme : A MORT !

Alors que  s’ouvre le Grenelle contre les violences conjugales, l’année 2019 risque de battre le triste record de féminicides en France. Une femme meurt tous les trois jours, assassinée par un conjoint ou ex-conjoint, parce qu’elle est une femme. Et la culture du viol minimise, voire encourage, l’agression sexuelle. Le tout dans un climat d’impunité à l’égard des agresseurs et violeurs. Le patriarcalisme, la soumission et l’obéissance, sont les fondements du capitalisme donc ces déviances sont tolérées voire alimentées. Quel est l’historique de telles croyances aliénantes ? Comment les femmes ont résisté ?  Comment et pourquoi changer la sémantique et certaines cultures ?

Histoire du patriarcalisme

Le mot patriarcat vient du latin pater qui veut dire père, chef de famille et du grec arkhê qui signifie pouvoir et commandement. Le patriarcat est un système social dans lequel l’homme, en tant que père, est dépositaire de l’autorité au sein de la famille ou, plus largement, dans la sphère politique.

Selon l’ouvrage Femmes en lutte de Justhom (1), le patriarcat est apparu avec l’époque néolithique. Selon certaines hypothèses, il aurait été favorisé par la découverte du lien entre l’acte sexuel et la naissance. L’époque néolithique en Europe occidentale a débuté vers 5000 et s’est achevée vers 2500 avant J.-C. A partir du néolithique moyen, la vie sociale et politique est confisquée aux femmes, pour être dominée autoritairement par les hommes, ce qui perdure jusqu’à nos jours. Leur sort n’était guère plus enviable que celui des esclaves.
Dans l’Antiquité romaine, la femme était considérée comme mineure. Elle devait rester soumise toute sa vie à l’homme, le mariage la faisant passer de l’autorité paternelle à l’autorité maritale. Cette condition de mineure est toujours d’actualité dans certains pays, dont l’Inde où le chef de famille a le droit de vie ou de mort sur tous ceux qui habitent sous son toit. Les femmes les plus instruites ont pu faire évoluer le sort des femmes en général ; elles acquirent le droit de divorce au début de l’Empire.

Au moyen-âge, la situation des femmes a régressé, entre autre, sous l’influence de l’église, les ‘réformes grégoriennes’ ont évincé les femmes des fonctions élevées qu’elles occupaient dans la société.  Aux XV et XVIe siècles, elles n’avaient plus le droit de pratiquer des métiers scientifiques ou artistiques. Elles furent reléguées uniquement aux tâches ménagères, à l’éducation des enfants et au travail avec leurs maris.

Aux XVII et XVIIIe siècles, la résistance se produisit et elles jouèrent un rôle important lors des différentes révolutions. Avant la Révolution de 1789, les femmes prennent une part importante à la rédaction des cahiers de doléances.  La Révolution française utilisa les femmes en première ligne dans les manifestations. Dès le 5 octobre 1789, ce sont elles qui organisent la ‘marche des femmes de Paris’ vers Versailles. Elles participent aux actions politiques et descendent dans la rue.

Elles fondent ‘des clubs’ au sein desquels elles se retrouvent à égalité avec les hommes. Le mot ‘féminisme’ est entré dans la langue française à partir de 1837. L’objectif de ce mouvement est la réforme profonde des institutions pour l’égalité devant la loi, le droit au travail, à l’éducation, au vote…
Lors des ‘trois glorieuses’ de juillet 1830, les femmes sont très présentes sur les barricades ; elles soulagent les blessés, apportent à boire et à manger aux combattants… Elles combattent également à côté des hommes.
En 1870, le peuple de Paris se soulève. Dès le 18 mars, elles sont dans la rue et empêchent les troupes de Thiers de voler les canons qui se trouvent sur la butte Montmartre. Le 3 avril, 500 d’entre elles marchent depuis la place de la Concorde vers Versailles ; elles sont rejointes par 700 autres. Le 9 avril, la première organisation structurée de femmes voit le jour, elle a pour nom  L’Union des femmes. Le 11 avril, le premier appel aux femmes est placardé sur les murs de Paris. Son contenu est sans équivoque : « toute inégalité et tout antagonisme entre les sexes constituent une des bases du pouvoir des classes gouvernantes ». Le chiffre de 10 000 combattantes est avancé durant la Semaine sanglante. La répression fut terrible et elles seront nombreuses à être fusillées sur les barricades mêmes.

Leurs revendications évoluent, elles ne se contentent plus du droit de vote mais exigent le droit au travail et salaire égal.

Pendant la première guerre mondiale, elles participent à l’effort de guerre en remplaçant les hommes dans les usines, les chemins de fer, les exploitations agricoles, etc. Ceci n’exclue pas leur participation sur le front : en 1918, on y comptait plus de 100 000 femmes. C’est ainsi que la place des femmes dans la société et dans l’entreprise a pris une très grande importance, avec un sens aigu de la lutte des classes. Elles déclenchèrent des conflits et des grèves. Dès 1915, elles sont 9 344 grévistes ; ce chiffre atteindra 650 658 en 1917. C’est pour ces raisons que, à la sortie de la guerre, le gouvernement les incite à retourner dans leurs foyers en proposant aux ouvrières des usines d’armement un mois de salaire si elles quittent leur travail.

En 1938, l’article 213 du Code civil est réformé et supprime l’incapacité juridique des femmes : elles ne doivent plus obéissance à leur époux.

Pendant la seconde guerre mondiale, les femmes sont les victimes collatérales ; elles sont sur tous les fronts : usines, champs, hôpitaux, résistance. Pourtant elles sont les oubliées de l’histoire et subissent les lois répressives : de la création de brigades policières traquant les ‘faiseuses d’anges’ à l’arrestation d’une des premières militantes pro-IVG. L’avortement devient un crime contre la sûreté de l’Etat, puni de la peine de mort.

Le 24 mars 1944, les membres de la France Libre en réunion à Alger votent par 51 voix contre 67, le droit de vote pour les femmes.

Après la guerre, les femmes sont très présentes dans les comités locaux de libération et dans la vie associative. C’est ainsi qu’elles furent à l’origine de la fermeture des maisons closes et de la création du Planning familial.
Le 21 avril 1945, le premier vote des femmes a lieu pour des élections municipales.
De multiples avancées suivront : congé maternité de 8 puis 16 semaines, principe d’égalité des droits entre hommes et femmes, avortement thérapeutique autorisé, autorisation de la contraception, loi pour l’autorité parentale, loi Veil, divorce par consentement mutuel, loi Roudy pour l’égalité professionnelle, loi Neiertz (sanctionne le harcèlement sexuel sur le lieu de travail), etc.

Et aujourd’hui ?

Le Grenelle contre les violences conjugales s’est ouvert le 3 septembre – pour rappeler le 3919, numéro d’appel national pour toute personne victime de violence – et se fermera le 25 novembre, journée internationale contre les violences faites aux femmes. Au-delà des dates symboles qui, d’après Marlène Schiappa – secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations - font ‘classe’, le quotidien l’est bien moins.
En quelques chiffres :
176 mort.es au sein d’un couple ou ex-couple en 2017 (soit un féminicide tous les 3 jours environ)
les femmes gagnent en moyenne 25% de moins que les hommes
219 000 femmes violentées par leur conjoint ou ex-conjoint
42 % d’écart dans les droits à la retraite
94 000 femmes déclarent avoir subi un viol (seulement 5 % font l’objet d’une plainte)
les femmes y consacrent 2 fois plus de temps que les hommes aux enfants et aux tâches domestiques

Changements sémantiques

Afin d’avancer dans l’égalité et les droits des femmes, des associations féministes  (les Chiennes de garde, Femmes Solidaires, Libres Mariannes, Osez le Féminisme !, etc) proposent des expressions à bannir et des mots justes car, puisque la langue véhicule la pensée, autant ne pas l’édulcorer et remplacer :
-        droits de l’Homme par droits humains car cette terminologie date de la Révolution française qui a exclu volontairement les femmes de la citoyenneté
-        agressions sexuelles par VIOLS car les viols sont des crimes et les agressions sexuelles des délits
-        abus, abuser par agression sexuelle
-        meurtre d’une femme par féminicide car il s’agit de faire la différence en fonction du sexe
-        crime passionnel par meurtre ou meurtre machiste car ces crimes sont souvent motivés par la jalousie inhérente au machisme. Ils montrent une situation dans lequel l’homme considère que la femme, et parfois les enfants, sont objets et non sujets autonomes. Parler de crime passionnel revient à signifier ‘il l’aimait trop’ alors que le meurtre n’est jamais une preuve d’amour…

Culture du viol

Deux livres récents sont consacrés  à la culture du viol : Une culture du viol à la française de Valérie Rey-Robert (2) et En finir avec la culture du viol de Noémie Renard (3). L’expression est une traduction littéraire de l’expression anglaise « rape culture » introduite par des féministes américaines dans les années 1970. La culture du viol est la manière dont le viol est perçu et représenté dans l’imaginaire collectif. C’est donc un concept sociologique utilisé pour qualifier un ensemble de comportements et d’aptitudes partagés au sein d’une société donnée : ils minimiseraient, normaliseraient voire encourageraient le viol. C’est aussi la manifestation du fait que les femmes sont considérées comme la propriété des hommes, ceux-ci leur refusant tout respect ainsi que le droit de contrôle et de maîtrise de leur propre corps, les traitant comme des objets. La culture du viol se nourrit des inégalités hiérarchiques tout en les renforçant : femmes, enfants, vulnérabilité, pauvreté, orientation sexuelle mais aussi statuts, force physique, emprise psychologique ou différence d’âge. La culture du viol se fonde sur des mythes : on excuse les violeurs par une maladie mentale (cela concerne moins de 7 % d’entre eux) ou par le très flou concept de misère sexuelle (89 % auraient des rapports sexuels consentis au moins deux fois par semaine avant leur incarcération). On affirme que les hommes auraient des besoins irrépressibles, et que les victimes l’auraient ‘cherché’ par la façon de s’habiller, par la consommation de substances, par leur comportement. Le tout est renforcé par un climat d’impunité : un agresseur sur dix fait l’objet de poursuites et les victimes sont mal reçues, voire moquées, lors du récit des faits et ce, qu’il s’agisse des services de police ou de gendarmerie, mais aussi des services hospitaliers.
La culture du viol s’aggrave par la ‘confusion entre violence et sexualité’ qui favorise les addictions à la prostitution et la pornographie, avec une industrie du sexe florissante proposant des films, des images de plus en plus violentes avec des femmes de plus en plus jeunes. Il en résulte une aggravation de la traite des enfants et des femmes, du tourisme sexuel, de la criminalité sexuelle et d’une grande part des violences faites aux femmes.
 Mais une culture se modifie, se contourne, se conteste !


D’après Eve Ensler, dramaturge américaine (4) : « Quand une centaine de femmes sont assassinées en moins d’un an, cela indique que quelque chose s’est effondré dans la société ». Il faut donc plus de travail que la simple dénonciation ; cela signifie que « les hommes ne font pas le travail d’introspection nécessaire » pour remettre en question l’éducation patriarcale dans laquelle ils ont été élevés. Ils convient donc de regarder ces violences avec les mêmes lunettes que le système capitaliste et les inégalités économiques. La façon dont certains hommes traitent notre planète est la même que celle dont ils voient les femmes. Il faut des procédures de réparation contre la prédation, le sexisme, le racisme, la misogynie, le génocide des peuples autochtones, l’esclavage. En clair, cela veut dire que « reconnaître, s’excuser, juger… C’est commencer à mettre à distance la violence sur autrui, et à faire le travail de qualification et de séparation d’avec cette violence ».

Stéphanie Roussillon



(1)   Editions libertaires, 2017
(2)   Editions Libertalia
(3)   Editions Les petits matins
(4)   dans le Monde du 17.09.2019