Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mardi 8 novembre 2022

 

Krach boursier et/ou récession ?

 

Ce qui taraude les classes dirigeantes c’est cette inflation qui semble immaîtrisable. Depuis des années, en effet, les banquiers étaient préoccupés par la déflation. La faible croissance des pays centraux, hors la Chine, semblait affectée par une trop faible inflation qu’il fallait restaurer à hauteur de 2%. La crise de 2007-2008 n’a pas changé cette trajectoire : la surproduction de logements en faveur de populations, à terme insolvables (subprimes), la titrisation des titres ou dettes privées et le renflouement des banques par les Etats n’ont pas modifié la donne sauf à considérer que l’extension des dettes privées aux dettes publiques serait en soi une nouveauté.

 

En fait, la conjugaison d’une surproduction face à la capacité insuffisante d’absorption de la consommation malgré le déversement de liquidités (création monétaire) est bien à l’origine d’une inflation marquée.

 

Elle a commencé avant la fin de la pandémie de covid sous la forme d’une inflation-spéculation d’actifs financiers puis de nouveau, notamment en Chine, de crise immobilière. La crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine et les goulets d’étranglement de la circulation des marchandises suite à ce conflit (céréales…) mais également le blocage provoqué par la Chine (zéro covid), ont subitement fait surgir l’inflation dans tous les domaines.

 

La crainte de la spirale d’augmentation des prix puis des salaires, par conséquent, le retour d’une conflictualité de classe non maîtrisable conduit les banquiers centraux (BCE – FED) à tenter d’étouffer la croissance du capital en augmentant les taux d’emprunt. En tarissant ainsi le recours à l’investissement, elle interdit toute possibilité de sortie de la crise écologique. Certes, les villages fantômes en Chine, en Andalousie, sont pointés du doigt, tout comme l’excès monétaire, mais rien n’est en passe de résoudre ainsi la crise énergétique : en rien la spéculation boursière sur les marchés dérivés n’est enrayée. La valeur du pétrole, en effet, pour ne prendre que cet exemple, est 30 fois supérieure à son prix de production. Aucune disposition n’émerge pour tarir les transactions qui s’effectuent sur une vingtaine de grandes banques de la planète. Ce n’est pas l’offre et la demande qui fixent le prix mais la spéculation boursière qui l’accroît. Pire, il n’est pas question de remettre en cause les dernières décisions de l’OPEP où la Russie en connivence avec l’Arabie Saoudite ont prévu de réduire leur production de pétrole pour faire grimper encore plus le prix. Si l’énergie devient rare, tout particulièrement en Europe, la spéculation boursière ne fait que s’exacerber ainsi que la concurrence entre pays producteurs.

 

Les bulles spéculatives présentes dans différents secteurs de l’économie (technologie, énergie, immobilier) révèlent l’ampleur du divorce entre la démesure des actifs financiers et l’économie réelle. A tout moment, le marché peut s’effondrer, provoquer brutalement une correction, un effondrement des actifs financiers hors sol et, par conséquent, des banques qui en sont les supports. Et la précaution mise en place par la Commission européenne - le fonds de 50 milliards alimenté par les banques suite à la crise de 2007-2008 - ne suffira pas à absorber le choc. Les faillites engendreront des paniques et, là encore, l’assurance proclamée de pouvoir garantir à chacun 100 000€ de dépôt, quoi qu’il arrive, risque d’être contredit par la réalité.

 

Le pire est-il certain ? La politique suivie par la BCE, la FED, la banque d’Angleterre, si elle peut freiner les bulles dans certains domaines, risque de susciter une croissance négative, fragiliser encore plus les banques privées, notamment européennes, et provoquer l’effondrement de l’économie réelle. Est-ce inéluctable ?

 

Non, si les classes dirigeantes sortent de leurs croyances : l’argent n’est pas comme le poirier qui produit des poires. Il peut être, non pas un moyen de spéculer, mais une avance monétaire pour le développement d’une production satisfaisant les besoins de la population. Mais, tel  n’est pas le cas, les capitalistes sont intéressés par la réalisation de profits à court terme bien qu’à moyen et long termes, l’investissement est nécessaire. Ainsi, pour rénover les bâtiments, éviter les fuites thermiques, il faudrait, selon certains experts, 20 milliards € par an, de quoi procurer du travail et des formations (et non des délocalisations). Le budget 2023 ne prévoit que 500 millions, et encore, sous la forme « incitative » de réductions d’impôt. Bref, le temps de l’Etat interventionniste, dirigiste, est pour l’heure passé de mode. De même, une économie de sobriété, fondée sur les besoins démocratiquement partagés, semble hors de portée : réhabilitation des réseaux ferrés, réaménagement du territoire en faveur d’un réseau de petites villes densifiées, désengorgement des grandes agglomérations, relocalisation et verdissement de l’industrie et de l’agriculture, protection et lutte contre le dessèchement des forêts, redéploiement des services publics, semblent inconcevables dans le cadre de la logique du système.

 

Ne reste que les luttes pour inverser cette pente délétère et, dans l’immédiat, pour imposer le contrôle des prix sur les produits de première nécessité. Contre les affameurs et les accapareurs, il faudrait imposer comme Robespierre, la « loi du maximum ». Sans invoquer les fourches de la Révolution de 1789, le contrôle des marges indécentes des dividendes et des revenus mirobolants pourrait, pour le moins, s’imposer avant même d’aller plus loin, et ce, pour redonner confiance aux classes ouvrières et populaires dans leurs capacités à modifier le rapport de forces qui, pour l’heure, leur reste défavorable.

 

Si le pire n’est pas certain, son préambule pourrait bien n’être qu’une période de stagflation (croissance zéro ou négative et inflation) se conjuguant avec le retour de la lutte des classes où les exploités et défavorisés reprendraient l’initiative perdue depuis la fin des années 1970.

 

Serge Victor le 30.10.2022