Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 18 décembre 2016

Fillon prépare la guerre sociale

La droite a choisi le plus droitier : Fillon, lui, le taiseux sur les casseroles de Sarko, le soumis qu’on appelait mister nobody ou Droopy, s’est affranchi du maître, le voici « candidat de la rupture radicale». Encore un ! Macron s’annonce aussi en rupture avec le système politique s’élevant au-dessus des « chicayas » politiciennes. Mélenchon itou, le candidat de « la France insoumise », a rompu les amarres du navire de la « gauche de droite » depuis longtemps. Et pendant que la droite se rassemble autour de son candidat, la « gauche socialiste » n’en finit pas d’aligner les siens au poste de « capitaine du Titanic » : Valls « le réconciliateur », Montebourg «le socialiste mais pas seulement », et quelques six autres, inclus Peillon « le rassembleur », le « point d’équilibre de la gauche » !

Mais la vraie rupture avec le système ne viendra pas des élections. Seuls les soulèvements et mobilisations des classes populaires et moyennes permettront d’en finir avec ce tournant du libéralisme de 1983 en France qui enrichit de manière éhontée les plus riches et appauvrit tous les autres, tout en détruisant l’équilibre écologique au mépris des générations futures.

Néanmoins, les élections sont le moment pour prendre la parole et préparer les luttes de demain. Fillon annonce un programme de guerre sociale qu’il nous faut connaître pour mieux le combattre au cas où… Ultralibéral sur le plan économique et sur le plan social, ultra-conservateur sur le plan culturel et sociétal et « poutinien » au plan international, il annonce pour 2017 une austérité jamais vue.

Libéralisation de l’économie

« J’aimerais bien laisser dans l’histoire une trace aussi forte que celle de Mme Thatcher ». En matière économique, Fillon estime que la France est « en situation de faillite », les responsables politiques ayant « trop favorisé la justice sociale au détriment de la liberté ». Pour redresser les finances publiques et amorcer le désendettement, il appliquera une thérapie de choc pour fournir un effort de 110 milliards en 5 ans. Pas question d’être un « mou » ou un « mièvre » mais un dur qui n’hésite pas à parler de « Blitzkrieg », « la guerre éclair ». Ses armes, si besoin : les ordonnances et le 49.3.

Primo, il faut faire des cadeaux sociaux et fiscaux aux riches, Fillon est le candidat des patrons et du CAC 40. Cela n’étonnera personne qu’il veuille supprimer l’Impôt sur la Fortune (ISF) : cela représente 340 000 foyers et 5 milliards d’euros de recettes en moins ; réduire l’impôt sur le revenu pour les foyers aisés par le relèvement du quotient familial et la possibilité de déduire 30% de l’impôt en investissant dans les PME et entreprises innovantes ; créer un taux unique d’imposition des produits du capital proche de 30%. Et réduire les cotisations sociales patronales (cela représente environ 40 milliards) et autres impôts assis sur la masse salariale. Enfin,  baisser progressivement l’impôt sur les sociétés de 33% à 25% (soit, environ 50 milliards d’euros)

Secundo, pour financer ce contre-choc fiscal, Fillon fait payer les classes ouvrières et moyennes et les classes pauvres en augmentant la TVA de 2 points (16 milliards), en réduisant les dépenses publiques et en pratiquant des coupes claires dans la fonction publique.

Réduire les dépenses des comptes sociaux :

Cela passe par des mesures concernant la Retraite : reculer l’âge de départ à 65 ans dès 2022 et unifier tous les régimes (public et privé) en calculant une retraite à partir des 25 dernières années de salaire. Et pour maintenir le pouvoir d’achat des retraités, créer un étage supplémentaire de retraite par capitalisation individuelle.

Le système de Santé est particulièrement concerné : supprimer la généralisation du tiers payant qui « conduit à des abus », dit-il. L’assurance publique universelle (Sécurité sociale) couvrira les affections graves ou de longue durée, l’assurance privée remboursera le reste. En clair, une angine ne serait plus prise en charge par la Sécu mais par une mutuelle ou une assurance privée, à condition d’avoir les moyens de se la payer. Pour les plus pauvres, il s’agira de maintenir un régime spécial de couverture. Le ticket modérateur et les franchises instituées sur chaque consultation de médecin ou boîte de médicaments seraient remplacés par une franchise médicale universelle, seuil en-dessous duquel l’assurance maladie ne rembourserait rien. Cela revient à écarter du remboursement par l’assurance-maladie une forte proportion de personnes dont les dépenses n’atteignent pas 200€ par an. En matière de santé, Fillon a de l’expérience, 1er ministre de Sarkozy, il accéléra les restructurations et privatisations du système de santé avec la loi Bachelot en 2009. Nous avons à combattre dès maintenant ces propositions, même si à droite certains demandent à Fillon d’y aller moins fort, le démantèlement de ce système tient à cœur à ceux qui ne rêvent que de le détruire pour le profit des assurances privées et du patronat.

En matière de chômage, Fillon veut introduire la dégressivité des allocations au bout de 6 mois. Créer une allocation unique en fusionnant toutes les aides sociales, hors allocation adulte handicapé, minimum vieillesse et allocations familiales, en fonction de la situation familiale, précisant qu’elle ne pourrait dépasser le SMIC, et ce, afin d’inciter au travail. A l’université du Medef, il fut accueilli par les cris de « Liberté totale pour les entreprises »
 
Et la fonction publique devra participer aux réductions des dépenses de l’Etat. Là encore, c’est un pas de plus vers la privatisation totale de tous les services publics, déjà bien entamée : 500 000 fonctionnaires en moins, en ne remplaçant pas les départs à la retraite et en mettant fin aux contrats : cela représente environ 10% des postes actuels ; passer de 35 H à 39 H pour les trois fonctions publiques (Etat, collectivités territoriales, hospitalière), en payant moins que 39 H

En matière de travail, Hollande/El Khomri a ouvert la porte, Fillon la défonce. Se référant à la Grande- Bretagne où, dans les années 70, il déclare : « on ne travaillait pas beaucoup, où les organisations syndicales étaient toutes puissantes… Mme Thatcher, avec son caractère et sa façon de faire, a stoppé tout ça et ça a permis un véritable redémarrage ». Il veut en finir avec les 35 H, assouplir les règles du licenciement et supprimer la durée légale du travail, la seule limite étant la durée maximale hebdomadaire européenne de 48H ; le paiement des heures supplémentaires ferait l’objet de négociations par entreprise, libre d’augmenter ou non les salaires en proportion. Il préconise l’embauche de contractuels dans la fonction publique. Les entreprises pourront embaucher des collaborateurs sous la forme d’autoentrepreneurs pendant 3 ans.  Et, à l‘image de la dame de fer, il veut réduire la force des syndicats, en favorisant les négociations par entreprise (ça, c’est déjà fait, il peut dire merci à Hollande/Valls) et supprimer le monopole syndical au premier tour des élections professionnelles. Il se dit prêt à « passer par-dessus les syndicats », sauf s’il en trouve des complaisants, comme la CFDT qui, en 2003, avait soutenu sa contre-réforme des retraites quand il était ministre du travail.    

C’est un véritable programme de guerre sociale annoncée et de plus, anti-écologique. Fillon veut mettre fin au principe de précaution, supprimer les normes françaises surajoutées à la réglementation européenne en agriculture, par exemple. Cela réjouit sans doute les négociateurs européens qui veulent lever toutes les barrières environnementales, sanitaires pour faciliter le commerce avec les Etats-Unis via le TAFTA ou avec le Canada via le CETA ! Et, cerise sur le gâteau, l’exploitation des centrales nucléaires serait prolongée de 40 à 60 ans !

Cet homme du système a une longue carrière politique : attaché parlementaire, maire, député, sénateur, président du Conseil Général de la Sarthe, président du Conseil Régional des Pays de Loire, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche puis des technologies de l’information et de la Poste de 1993 à 1997 (sous Balladur puis Juppé), ministre (sous Raffarin) des affaires sociales du travail et de la solidarité puis de l’Education nationale, il est toujours député de Paris. Homme de la « rupture radicale » ? Certes, il « met le turbo » et annonce, pour aller très vite, des décisions par ordonnances ou à coup de 49.3, ou encore de référendum pour inscrire dans la Constitution l’égalité des régimes sociaux, la diminution du nombre de parlementaires, la sécurité, la fiscalité, l’Europe… Bref, il ne fait que durcir et accélérer les politiques libérales menées, ces dernières années, par Sarkozy puis Hollande.

Conservatisme rétrograde

Respect et autorité doivent être restaurés en traquant toutes les « démissions » de la société, en commençant par l’école. Celle-ci doit se recentrer sur l’apprentissage des fondamentaux (lire, écrire et compter). Inutiles les « pédagogues prétentieux qui ont imposé des programmes jargonnants et ont pris en otage nos enfants au  nom d’une conception égalitariste ». Vous l’avez compris, pas de place au raisonnement et encore moins à l’émancipation ! D’ailleurs, l’histoire, dès l’école primaire, doit être enseignée autrement et présentée comme un récit national. « Non, la France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Nord ». La colonisation, pour Fillon, est un partage de culture ! La scolarité serait obligatoire dès 5 ans. Le port de l’uniforme remis au goût du jour. Les chefs d’établissement auraient plus d’autonomie dans la gestion des enseignants (adieu, les statuts de la fonction publique) et auraient des liens avec les collectivités territoriales et le monde économique. Pour atteindre l’excellence, il s’agira de trouver des financeurs. La création de nouvelles écoles privées sera encouragée. Egrenant ces mesures, Fillon annonce, sans rire, qu’il s’agit de veiller à maintenir la « première marche de l’unité républicaine » !

Fillon est le candidat « de la famille » et, surtout, celui soutenu par le lobby néo-conservateur « Sens commun » issu de la Manif pour tous, qui a mis à son service ses 9 000 militants pendant les primaires. Il se doit donc de réécrire la loi Taubira pour supprimer l’adoption plénière aux couples homosexuels, celle qui efface la filiation d’origine (contrairement à l’adoption simple). Réserver la PMA (procréation médicalement assistée) aux seuls couples hétérosexuels et renforcer les sanctions pénales contre la GPA (gestation pour autrui). Maintenir la femme au foyer avec un « vrai » statut. Relever le plafond du quotient familial à 3 000€ (1 500 € actuellement), ce qui représente environ 3 milliards, rétablir l’universalité des allocations familiales modulées, depuis 2015, en fonction du revenu. C’est clair, il faut soigner sa base électorale et prendre soin des plus aisés en renforçant les inégalités.

Les suffrages, il faut les chercher partout pour effacer ses 5 années de premier ministre, comptable de ce qui a été fait avec Sarkozy. Les votes catho-traditionnels comptent, d’où l’appel à l’onction pontificale (inédite sous la 5ème République), chacun s’appropriant la pensée du pape François : « le pape François dit la même chose que moi » affirme Fillon. Toutes les voix sont bonnes à prendre : plusieurs sites de la « fachosphère » ont soutenu Fillon (la plateforme identitaire Fdesouche, le blog catho traditionaliste « le Salon beige ».


Une politique identitaire et sécuritaire

« Il n’y a pas de problèmes religieux en France, il y a un problème lié à l’Islam » (Fillon). Il propose, donc, un contrôle administratif du culte musulman en surveillant les prêches et interdire les financements étrangers des mosquées, ainsi que la création d’une instance de concertation entre l’Etat et l’Islam. Au diable les entorses à la laïcité ! Les sanctions devront tomber : déchéance de nationalité (on y revient par la droite) pour les Français partis faire le djihad, jusqu’à 30 ans de prison pour toute personne « coupable d’intelligence avec l’ennemi » (entendez l’Etat Islamique), rétablir la double peine pour les étrangers dangereux pour la sécurité nationale et les condamnés pour délinquance, créer une instance judiciaire chargée de l’antiterrorisme.

Et pour limiter l’immigration : rendre les conditions du regroupement familial plus sévères, instituer des quotas annuels d’immigrés, renforcer les contrôles aux frontières de l’UE, supprimer l’Aide Médicale de l’Etat pour les étrangers, exiger au moins 2 ans de résidence en France pour l’accès aux aides sociales des étrangers. On croirait entendre du Le Pen !

Les dispositifs sécuritaires seront renforcés, sans augmenter les effectifs des forces de l’ordre (les policiers dans la rue actuellement vont apprécier !), armer les polices municipales, créer 16 000 nouvelles places de prison, réorganiser les services de renseignement et passer le service pénitentiaire sous la responsabilité du ministre de l’intérieur.

Politique internationale à la botte de Poutine 

Fillon est « russo-compatible », il ne cache pas sa proximité avec Poutine, ce dernier, depuis 2008, l’ayant invité dans sa résidence de Sotchi et à sa table de billard, l’a fait exister sur la scène internationale. Fillon a une priorité : le Moyen-Orient et la lutte contre l’Etat islamique. En conséquence, l’alliance avec Poutine lui convient et il ferme les yeux sur les forces russes qui, avec celles du boucher Assad, bombardent les hôpitaux, les écoles, massacrent les Syriens rebelles, à Alep notamment, au nom de l’élimination de l’EI ! Mais la guerre a un coût et Fillon annonce une augmentation du budget de la défense de 10 milliards d’euros.

En tant que « gaulliste », recyclé en anti-atlantiste, il dénonce une Union européenne sous domination complète des Etats-Unis. Il estime nécessaire de réformer Schengen pour maîtriser les frontières. Il veut consolider l’euro et stopper l’élargissement de l’UE.

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Fillon, c’est « notre » Mme Thatcher. L’on sait à quoi s’attendre, si… Mais après la surprise Fillon, il y en aura d’autres… Les primaires « socialistes » vont laisser nombre de candidats au bord de la route avec moult rancoeurs. Par ailleurs, les primaires ne sont pas les élections, elles ne rassemblent qu’à peine 10% des électeurs. A nous d’entrer en campagne, non pour soutenir un candidat mais pour dénoncer les politiques régressives pour la liberté, l’égalité qui s’annoncent avec la Droite et, par expérience nous le savons, avec « la gauche de droite ». Quant à l’Extrême Droite, gênée par la candidature Fillon trop proche de la sienne, elle va surenchérir en racisme et xénophobie aux relents nauséabonds et dangereux. Philippot (FN) balaie Valls de la main, estimant (s’il est  le candidat  « socialiste») qu’il est un « adversaire cabossé, cramé ». Macron, par contre, se réjouit de la qualification de Fillon, car en éliminant Juppé, il lui agrandit son espace au centre. Il voit dans cet exemple une chance pour lui-même « car les électeurs sont volatiles et les sondages se trompent ». Reste, au 1er tour, la gauche de gauche, encore toute émiettée, qui va de la  France insoumise au NPA.   

Comment, dans cette « mauvaise comédie » faite de calculs misérables et de coups bas, être acteurs et ne pas rester spectateurs désabusés ? En prenant la parole pour affirmer que le seul projet qui vaille doit être anticapitaliste, antiraciste, anticolonialiste et anti-impérialiste.

Odile Mangeot
Le 14 décembre 2016