Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 5 novembre 2018


Contre-vérités. Fondement de la xénophobie.


La montée de l’extrême-droite et la réalité des migrations ont remis au goût du jour des contre-vérités : la concurrence des travailleurs sur le marché du travail, l’importance du chômage et de la précarité semblant leur conférer une apparente vraisemblance. Ainsi, la baisse des salaires serait liée à l’arrivée d’une main d’œuvre étrangère. « Ceux venus d’ailleurs » priveraient les travailleurs français d’emplois. Ils provoqueraient, par les aides qu’on leur octroie, un déséquilibre des comptes sociaux et participeraient de fait à la casse des acquis, voire de la sécurité sociale elle-même.

L’histoire enseigne une tout autre version contredisant ces fantasmes. Au 19ème siècle, le patronat français fit appel à des centaines de milliers d’étrangers, belges, italiens, polonais. Ils furent plus d’un million en 1880. Dans les usines et dans les mines, ils participèrent au décollage du capitalisme industriel, le pouvoir, à la différence du Royaume-Uni, ne pratiquant pas avec la même brutalité la prolétarisation des paysans. Pour la classe dominante, l’apport de main d’œuvre étrangère était une opportunité comme elle le fut lors desdites Trente Glorieuses. Ce n’était nullement un fardeau. De fait, indépendamment de la surexploitation dont furent victimes les nouveaux prolétaires, l’ensemble de la population française connut une augmentation indéniable du revenu par habitant, la réduction du chômage, l’amélioration de l’équilibre des finances publiques.

Les raisons de ce constat sont structurelles : les non-nationaux consomment, travaillent, paient des impôts, versent des cotisations sociales. Par ailleurs, contrairement à une idée répandue, ils ne prennent pas les emplois que les Français délaissent. Ils occupent les postes les plus dangereux, les plus éprouvants et les plus mal rémunérés dans le BTP, la restauration, les services... Les études sociologiques démontrent qu’au cours de cette période des années 60, les immigrés ont permis aux Français ainsi qu’à l’immigration plus ancienne (Espagnols, Portugais…), de grimper dans l’échelle sociale. A Renault, par exemple, les Algériens se retrouvaient à la chaîne, les autres s’en détachaient pour devenir chefs d’équipe, contremaîtres. Deux facteurs jouaient en ce sens, la discrimination et le racisme certes, mais également la maîtrise du français, leur permettant de s’extraire, relativement, du travail le plus disqualifié.

On pourrait objecter que, désormais, avec la mondialisation et son cortège de délocalisation-externalisation, désindustrialisation, l’époque n’est plus la même ; l’absence de croissance ne permettrait plus d’absorber ce « flux » de migrants et « nous » coûterait « un pognon dingue ». Une étude très officielle de Hillel Rapoport, comparant ce que coûtent les étrangers et ce qu’ils rapportent, vient contredire ces propos stigmatisants. Si l’on soustrait la somme correspondant aux impôts sur le revenu, CSG, TVA, cotisations sociales, des dépenses sociales d’éducation, de santé, de retraite, générées par les étrangers, le résultat global est un excédent de 4 milliards pour l’année 2005. Bref, les immigrés « rapportent ». Les raisons coulent de source : les travailleurs étrangers arrivent à l’âge de 20-30 ans, n’occasionnent pas de frais de scolarité, reçoivent peu de prestations sociales de santé, de chômage, de retraite ; ils sont, de fait, des contributeurs nets de notre système social.

Ceci dit, le chômage, la précarité, les faibles salaires dans les dernières périodes, sont réels. En fait, « les mouvements des salaires sont régulés par la dilatation et la contraction de l’armée industrielle de réserve » (Karl Marx,) d’où l’importance des luttes pour l’emploi et l’unité ouvrière et populaire dans une conjoncture faite d’austérité et de détricotage de tous les conquis sociaux. « L’unité des prolétaires » est d’abord une construction politique qui passe par la lutte pour l’égalité de traitement et, par conséquent, par des luttes contre les expulsions et le racisme, pour l’octroi de papiers permettant aux migrants de travailler, de les rémunérer au même salaire que les ouvriers français. Bref, il s’agit de lutter pour l’augmentation uniforme du salaire minimum, l’amélioration des conditions de travail…

L’internationalisme du mouvement ouvrier et populaire est constitué de luttes et de solidarités. En Europe, la renaissance des aspirations à une transformation révolutionnaire passe par une égalisation des conditions de travail et, tout particulièrement, l’harmonisation sociale et fiscale entre les différents pays qui la composent. On en est encore loin. Quoique ! Cette Europe imposée, celle de la concurrence de tous contre tous, entame le chemin de sa déconstruction par en haut, de la manière la plus hideuse : nationalismes, xénophobie, Brexit… Le vieillissement des populations des pays centraux, l’exode de la jeunesse des pays en péril (Grèce, Espagne, pays de l’Est), l’appel de patrons allemands au recours à la main d’œuvre étrangère… n’attendent plus qu’une poussée par un bas pour déconstruire cette Europe de la finance et des transnationales.

Reste qu’il faudra encore et encore déconstruire des contre-vérités pour y parvenir.

Gérard Deneux, le 18.10.2018