Le Gilet Jaune plie mais ne rond-point (1)
Après
8 mois de luttes, de manifestations, de violences policières qui leur ont fait
payer le prix fort, les Gilets Jaunes sont moins nombreux aux ronds-points
notamment. Fatigués ? Sans doute. Démotivés ? Pas vraiment. Ils
pensent à s’organiser différemment, à se fédérer entre groupes, à converger
avec d’autres dans les luttes. En tout cas, la participation à l’Assemblée des
assemblées à Montceau-les-Mines n’a pas faibli : 246 groupes ont délégué
près de 700 mandatés et observateurs qui ont expérimenté, pour la 3ème
fois, la démocratie directe. Inutile de le nier : l’étiolement des Gilets
Jaunes sur les ronds-points est une réalité ; les actions qui s’y décidaient
« spontanément » au consensus, sont prises en assemblées citoyennes
locales là où elles existent. Il est vrai que les contrôles, amendes et
violences policières en ont démotivé plus d’un. « Dès qu’on bouge de notre rond-point, on reçoit des amendes pour
manifestation non déclarée », « il faut faire évoluer les manifestations hebdomadaires ». Enfin,
la période des vacances n’est guère propice à la mobilisation même si des
rendez-vous ont été fixés (14 juillet, acte national à Paris, 20 juillet,
marche en solidarité avec « Vérité et Justice pour Adama » à Beaumont-sur-Oise.
Prochain rendez-vous : fin août, le contre-sommet du G7 à Biarritz.
Les mécontentements sont toujours là. Est-ce suffisant pour remobiliser, faire redescendre
dans la rue, en masse ? Des convergences sont-elles envisageables avec les
syndicats, les associations pour le climat et autres luttes sociales, tout en
restant autonomes ? La peur, alimentée par les images médiatiques,
peut-elle être retournée contre ceux « d’en haut » qui
l’instillent ?
Il s’agit d’organiser le rebond du
mécontentement car, malgré ses reculs
en décembre 2018, Macron garde le cap des régressions sociales au
détriment des classes pauvres et populaires : assurance-chômage, retraites,
refonte des aides sociales, mise à mal du statut de la fonction publique,
etc. (cf article dans ce n°). Toutes ses « réformes » attaquent
le pouvoir d’achat, faisant disparaître les protections sociales, les services
publics, qui permettent d’aller vers une égalité réelle. C’est bien le
« système ultralibéral » qui les écrase en réduisant les dépenses
publiques, sans toucher à la classe des riches et des nantis.
Faut-il poursuivre des actions
« spontanées » ou construire un mouvement structuré, à partir des
groupes locaux ? Tous les Gilets
Jaunes de tous les ronds-points de France ne sont pas présents à l’Assemblée
des Assemblées. Ceux qui sont là veulent organiser le mouvement pour qu’il
perdure même s’ils ne sont pas tous d’accord sur le mode de fonctionnement, les
convergences à tisser, etc. A Montceau-les-Mines, 6 pistes de réflexion étaient
à l’ordre du jour : le Référendum d’initiative populaire (RIP) Aéroports
de Paris, la lutte contre le capitalisme, les assemblées citoyennes locales,
les mobilisations à venir, le système des Assemblées des Assemblées, la
convergence des luttes. Des idées, il y en eut beaucoup, des opinions aussi et
les synthèses des groupes de travail ont exprimé les tensions idéologiques ou
formelles, se méfiant de toute prise de pouvoir réelle ou supposée, bref, la
pratique difficile de la démocratie
directe.
C’est
que le mouvement des Gilets Jaunes est très hétérogène, il a rassemblé des
classes sociales qui, jusqu’ici s’ignoraient, voire s’opposaient (artisans,
commerçants, agriculteurs, salariés, ouvriers, sans emploi…). Ce qui a renforcé
leur rapprochement, c’est la fraternité puis la violence exercée par le
pouvoir : se faire maltraiter, tabasser, gazer, blesser, a ouvert les yeux
sur ceux qui nous gouvernent. Des liens se sont créés avec des militants des
quartiers populaires, victimes depuis 20 ans de violences policières (comité Justice pour Adama). Mais les
« alliances » ou « convergences de luttes » avec les
mouvements sociaux ne vont pas de soi. En somme, le mouvement des Gilets jaunes
doit définir (au-delà des actions) ce qui va le faire durer et se renforcer.
Les
Gilets Jaunes ont mené la lutte des
classes sans le savoir, une « nouvelle » lutte des classes
réunissant des artisans, des patrons de petites et moyennes entreprises qui
subissent la « mondialisation », des commerçants pressurés, des agriculteurs
contraints par le libre-échange, des salariés de plus en plus précaires, des privés
d’emploi, des retraités dont le pouvoir d’achat fond de jour en jour, etc… C’est
ce qu’il ne faut pas perdre et réussir à renforcer.
Pour
ce faire, il ne faut pas déserter le
terrain des idées : leur confrontation favorise le débat, partant du
vécu de toutes les composantes du mouvement, de leur perception du
« système » pour mieux le comprendre et l’affronter. Si une majorité
a voté « Pour la lutte contre le capitalisme » à Montceau, ce n’est pas
rien. Pour autant, il faut débattre avec ceux qui pensent que l’on pourrait l’aménager,
en « en gardant un peu ». Etre propriétaire, avoir quelques rentes,
être « patron »… ça doit disparaître ? Si on n’échange pas sur
ces questions, l’on risque d’éloigner du mouvement ceux qui y sont encore très
présents. Réflexion, action. Les Gilets Jaunes ne peuvent pas enfiler une seule
manche du gilet pour se faire reconnaître comme une force, qui compte, pour
construire, demain, avec d’autres, une société plus juste.
OM,
le 8 août 2019
(1)
titre de
l’article de L’Humanité Dimanche (4
au 10 juillet) sur la 3ème Assemblée des assemblées de
Montceau-les-Mines les 29 et 30 juin.
(2)
Compte rendu de
l’Assemblée des Assemblées - sur montceau.assembleesdesgiletsjaunes.fr
En Franche-Comté, ils s’organisent
Une
première ! A l’image des AdA nationales, une cinquantaine de Gilets
Jaunes, représentant (mandatés et observateurs) 8 groupes de Gilets Jaunes de Franche-Comté,
se sont réunis les 3 et 4 août à Lure, en Assemblée des assemblées régionale.
Echanger,
remobiliser, s’organiser au niveau régional
-
Pour renforcer la
résistance face aux régressions des droits sociaux, subies par les plus pauvres
et les plus précarisés
-
Pour continuer à
manifester, sous des formes différentes, avec d’autres forces, car la liberté
de manifester ne se négocie pas
-
Pour dénoncer les
violences policières qu’ils ont subies. Une marche symbolique a eu lieu en fin
d’après-midi, pour exiger, devant la Sous-préfecture puis devant le Tribunal
« Justice pour Steeve » et pour toutes les victimes des violences
policières (envers les Gilets Jaunes mais aussi les habitants des quartiers
populaires)
Ils
ont débattu de justice fiscale, pouvoir d’achat et égalité réelle, souveraineté
du peuple par le RIC (référendum d’initiative citoyenne), de remobilisation pour
la lutte. Exercice difficile, certains voulant parler actions, d’autres voulant
échanger, analyser la situation pour mieux l’affronter. Ils ont appelé à
s’organiser au niveau régional pour élaborer des actions communes, sur la
base de revendications définies par les
groupes locaux, et ce dès mi-septembre, pour mener campagne contre la
privatisation des Aéroports de Paris, lors du RIP (cf article dans ce n°).
Non,
les GJ ne sont pas morts, même si dans les médias ils n’existent plus. En
Franche-Comté, ils déclarent vouloir construire un contre-pouvoir et remobiliser
toutes celles et tous ceux qui rejettent la précarisation et la paupérisation,
refusent la soumission, face à la violence sociale et à la violence policière,
exercées par le gouvernement Macron.
OM,
le 8 août 2019