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Un peuple en révolution.
Portugal. 1974-1975
Ça semble déjà si loin. C’est pourtant si proche pour les
plus âgés d’entre nous qui ont suivi cette Révolution des Œillets. Ce que l’on
en retient, c’est le plus souvent ce que les dominants nous ont inculqués.
Cette révolution commencée par un putsch d’officiers, las des guerres
coloniales meurtrières qu’ils savent perdues, bouleverse le pays. Le peuple
portugais, après l’effondrement de la dictature de Salazar, prend au mot les
promesses de liberté, de justice sociale. Il prend en mains ses propres
affaires : travail, logement, relations entre les sexes, culture… Entre
avril 1974 et novembre 1945, il semble proche de renverser le capitalisme. Face
au Mouvement des Forces Armées (MFA), au Parti communiste et au Parti
socialiste qui ont investi l’Etat, il développe un pouvoir parallèle par en
bas. Neutralisations, normalisations par en haut ne suffisent pas, dans un
premier temps à briser les commissions ouvrières, l’élan des paysans et des
intellectuels. Mais ce pouvoir éclaté ne parvient pas à se coordonner. La
tentative de coup d’Etat de la droite extrême contre la généralisation des
phénomènes d’autogestion fournit l’occasion au parti socialiste, à l’UGT qui
lui est liée, au parti populaire dont les banquiers favorisent l’armature, de
ramasser la mise. La « paix sociale » entre les classes doit
prévaloir pour s’intégrer dans l’Europe capitaliste. Les contestataires, les
révolutionnaires, sont à contre-emploi vis-à-vis du mouvement historique de
l’époque. Le mouvement n’a pu assumer sa pleine autonomie stratégique. Il n’a
pas eu le temps de se construire contre les appareils politiques qui
récupèrent, en les dévoyant, les aspirations populaires.
Cet ouvrage novateur fait découvrir les réalités des
mouvements sociaux de la révolution portugaise. Il nous intéresse, non pas pour
son actualité mais surtout pour les leçons à en tirer : la seule
rébellion, voire l’institution de pouvoirs parallèles sont une impasse si elles
ne parviennent pas à briser l’appareil d’Etat capitaliste. GD
Raquel Varela,
Agone, 2018, 24€