On
n’a pas le cul sorti des ronces !
La situation n’est pas révolutionnaire. Nous
sommes toujours dans la phase de régression due au néolibéralisme qui, après le
durcissement des luttes sociales, prend désormais une forme plus conservatrice
et autoritaire. A propos de la répression contre les Gilets jaunes et les
migrants près de Dunkerque, on peut même parler de terreur d’Etat pour dissuader les manifestants et vis-à-vis des
exilés.
Après la crise de 2007-2008, celle de l’euro,
rien de fondamental n’a changé. Après le renflouement des banques par
endettement de l’Etat, la finance n’a guère été régulée, les paradis fiscaux
demeurent, la fuite en avant s’et même accentuée avec la macronie ; les
tentatives de destruction du droit du travail, du système de retraite,
d’indemnisation du chômage se sont toutefois heurtées à de fortes mobilisations
sociales. Les privatisations, le laminage des services publics, se sont
poursuivis, tout comme l’austérité budgétaire. Si la combinaison de l’irruption
des Gilets Jaunes sur la scène publique et la survenue de l’épidémie Covid 19
ont bloqué l’agenda néolibéral, il
reste toujours une priorité pour les
classes dominantes. Le pouvoir n’attend que l’opportunité de le remettre à
l’ordre du jour et ce, au moyen de méthodes encore plus répressives ; l’arsenal législatif et policier s’est
renforcé depuis les attentats terroristes : état d’urgence passé dans le
droit commun, lois liberticides votées et avec celle sur le « séparatisme »
dit « républicain », construction d’un ennemi de l’intérieur :
l’islamo-gauchisme dont l’analogie avec le judéo-bolchévisme d’antan fait
resurgir l’ombre des années noires. En fait, il s’agit, pour le pouvoir, d’éviter la jonction qui a commencé de
s’opérer entre les classes populaires « blanches »
y compris les étudiants et celles
des quartiers populaires et des exilés
sans-papiers.
Toutefois, la tentative d’imposer une police de la pensée à l’université, de
stigmatiser la recherche en sciences sociales, a provoqué une telle indignation
qu’il est possible qu’elle soit vouée à être remisée au placard. Elle démontre,
en tout cas, la fébrilité du pouvoir face à la montée de la contestation qui
pourrait surgir dès que l’épidémie sera contenue. Pour l’heure, les macroniens
distillent la peur, parient sur l’apathie, la division entretenue, le fatalisme
qu’ils tentent de répandre en laissant penser qu’il n’y aurait aucune issue
positive au cercle de fer dans lequel il entend nous enfermer. C’est ce qu’il veut
démontrer à l’occasion de la prochaine présidentielle et, le terreau électoral
lui semble propice.
Les partis traditionnels de droite et de
« gauche » sont en effet discrédités par les politiques néolibérales
qu’ils ont menées. Aucun de leurs leaders n’est en capacité de recueillir un
nombre conséquent de suffrages. La statocratie,
déjà prégnante depuis des années dans les choix opérés, s’est imposée, avec
l’ex-banquier de chez Rothschild et sa cohorte de hauts fonctionnaires issus de
l’ENA. Le petit roi de la monarchie républicaine est nu, le voile de la
démocratie invoquée est largement déchiré. Sa suite de marcheurs, de gauche et
de droite, hétéroclites, issus des classes moyennes supérieures, sans
baronnies, risquent demain d’être de tristes paladins en déshérence. Le
monarque est en effet résolu à pécher d’autres recrues en eaux troubles.
Darmanin est déjà à la manœuvre pour séduire le marais le plus droitier en
prétendant que Le Pen n’est pas assez dure avec les « musulmans » et
les migrants… Certes, pour couvrir cette dérive fascistoïde, des palabres
rassurantes de concertation-bidon et de démocratie participative seront
dispensées, notamment en direction des classes moyennes, pour verdir le gris du
kaki du petit napoléon, prétendant de nouveau au poste suprême. Il entend
rejouer la scène de 2017, lui seul face à l’épouvantail Le Pen, en lui
empruntant nombre de ses frasques. Pas idiote, Le Pen se fait cohabitable après
s’être dédiabolisée. Elle s’est même convertie à l’Europe libérale et ne
conteste plus l’euro. Certes, Macron peut compter sur la division de la
kyrielle de prétendants face à lui au 1er
tour du manège présidentialiste et sur l’abstention de nombre de
« procureurs » réfractaires, insensibles à la comédie de démocrature
proposée. En l’état, un seul adversaire peut troubler le jeu : Mélenchon
et le nouveau parti social-démocrate antilibéral et antimonarchiste. Certes,
son programme n’est même pas à la hauteur du feu programme commun de 1981.
Mais ?
En tout état de cause, tout va être entrepris
par les classes dominantes et les médias pour glapir à qui mieux mieux contre
cet « irresponsable islamo-gauchiste ». Pour Macron et sa bande, 20 %
de suffrages exprimés pourraient lui suffire si Mélenchon reste à la niche avec
10 à 15 %. Reste que ses propositions se diffuseront, montrant qu’une autre
voie (étroite !) est possible face à l’impasse du Macron compatible avec
les idées d’extrême droite… Dans quel
climat social ? Telle est la question. La peur, l’atonie, le dégoût
des joutes électoralistes sans effet immédiat, les sentiments xénophobes…
peuvent entretenir le pourrissement de la situation.
En faisant abstraction d’un mouvement social
d’ampleur, avant les présidentielles, on peut imaginer plusieurs scénarii.
a) Le Pen l’emporte sur
Macron avec un fort taux d’abstention. Les législatives qui suivent ne lui
donnent pas une majorité de députés acquis à sa cause. La cohabitation
s’installe entre lepénistes et droite-extrémistes. L’arsenal législatif et
répressif permet d’instaurer une démocrature renforcée avec arrestations de
nombre de contestataires et d’opposants, surtout dans l’hypothèse de
résistances éparpillées…
b) Macron l’emporte, le
néo-management des forces les plus droitières s’imposeront également. A l’issue
des législatives, les macroniens pourraient bien être (plus ou moins) laminés. Droite
classique et droite-extrême négocieront pied à pied leur entrée au
gouvernement. Cette cohabitation new-look serait la plus favorable aux classes
dominantes prétendant poursuivre l’agenda néolibéral au forceps, tout en
préservant le carcan européen, comme d’ailleurs dans l’hypothèse précédente,
mais sans être l’objet de condamnations moralistes.
c) Mélenchon l’emporte, les
législatives qui suivent ne lui permettent pas d’obtenir un gouvernement
homogène pour mettre en œuvre son programme, la composition du Sénat reste en
outre un autre obstacle de taille… Peut-il avoir le courage de dissoudre
l’Assemblée, de provoquer une Constituante… Les marchés financiers, la
Commission européenne seront à la manoeuvre pour balayer au plus vite cette
expérience : « Il n’y a pas de démocratie possible en dehors des
traités européens contraignants » (Wolfgang Schaüble).
Cet examen (trop) rapide de scénarii électoraux
implique l’absence du jeu des acteurs sociaux. Or, la période précédant
l’épidémie de Covid tend à prouver que les acteurs sociaux
ne resteront pas l’arme au pied, malgré la pression qui s’exercera en faveur
d’une trêve sociale. Cette supposition se heurte toutefois aux conséquences
structurelles de la mondialisation et des politiques d’austérité menées depuis
plusieurs années.
Sous l’effet des délocalisations, des
externalisations, de la désindustrialisation, la classe ouvrière est largement
déstructurée : CDD, intérim, chômage, l’ont réduite et atomisée. Certes,
des résistances combattives se sont produites mais elles sont, pour l’essentiel,
restées défensives tant sur la question des licenciements que sur les
contre-réformes du droit du travail, des retraites, de l’indemnisation-chômage,
sur les privatisations, voire les restrictions des libertés publiques. Quand
elles n’accompagnent pas les régressions néolibérales (CFDT, CFTC…), les
directions syndicales ne conduisent les mouvements sociaux qu’à protester (de
République à Nation et vice-versa). Les mobilisations contenues, pas assez
massives, ont toutefois conduit les gouvernements successifs à adopter la
tactique du salami, la découpe tranche par tranche de la résistance ouvrière et
populaire. Le retard pris dans la mise en œuvre de l’agenda néolibéral a
conduit le chargé d’affaires de la grande bourgeoisie, Macron, à
l’intransigeance répressive. Mal lui en prit. Le surgissement des Gilets Jaunes,
leur impétuosité, l’ont amené à ravaler sa morgue vis-à-vis des « Gaulois
réfractaires ».
Dans la même période, la logique de la globalisation
avait fait sentir ses effets délétères : crise de 2007-2008, crise de
l’euro, échec de l’expérience sociale-démocrate grecque et retour de la
droite extrême, prise de conscience de la nature du capitalisme y compris sur
l’écosystème désormais en péril, accroissement des inégalités, stagnation de
l’économie réelle et gonflement des profits financiers, appauvrissement
dramatique des étudiants, une partie de la jeunesse déglinguée sans repères,
menaces toujours présentes d’attentats djihadistes… Peur tétanisante et révoltes
semblent se conjuguer comme pour mieux se neutraliser. Le pouvoir peut compter
sur la xénophobie et le racisme qu’il distille, n’hésitant plus à reprendre à
son compte les propos lepénistes. Classes moyennes et retraités angoissés,
syndicats crypto-fascistes dans la police, sont autant de ressources pour
maintenir la démocrature qui s’est installée.
Toutefois, la gestion catastrophique et chaotique
de la crise sanitaire, la droitisation du gouvernement Macron, voient s’effilocher
les rangs des Macron-compatibles parmi les socialo-centristes et la droite
centriste.
Qui plus est, ce qui peut perturber les spéculations
électorales ci-dessus, c’est bien le surgissement sur la scène présidentielle
des mouvements sociaux. Ce que l’on peut espérer c’est qu’ils défilent par
vagues successives tout en se conjuguant. L’esquisse d’une telle radicalisation
est en germe. Dans la dernière séquence, avant le confinement Covid (et même
pendant) les rangs des protestations dans les défilés se sont garnis d’étudiants,
d’avocats, de journalistes, d’écolos (Extinction Rébellion), et surtout de
populations issues des quartiers populaires et des migrants sans-papiers, entraînés
en grande partie par le Comité Adama. Les convergences des luttes contre toutes
les oppressions et dominations pourraient se réaliser. Le fond de l’air pourrait devenir rouge et vert de rage contre le
système capitaliste débridé, à condition toutefois que les corporatismes et les
logiques d’appareil cèdent face à la compréhension que la large alliance à opérer
nécessite de prendre en compte toutes les oppressions : exploitation,
précarisation, paupérisation, sexisme, racisme. Faire caler (même en partie) le
pouvoir de l’oligarchie nécessitera néanmoins le dépassement des manifestations de rues ou de ronds-points : grèves
avec occupation des lieux de travail, débat sur la reconversion-restructuration
de l’économie au service des besoins du pays. Dans l’hypothèse d’une
« victoire » de Mélenchon au 2ème tour des présidentielles,
il faudra que cet hypothétique mouvement persiste à pousser les Insoumis à rompre avec les traités
européens, avec l’euro, avec l’UE, à socialiser pour le moins les banques et
les grandes entreprises. On peut rêver mais l’avancée réelle, quelle qu’elle
soit, dépendra de l’entrée en masse de la jeunesse étudiante et populaire dans
la lutte.
Toutefois, force est de constater qu’il n’existe
pas véritablement de parti et d’organisations révolutionnaires (pour le moment),
à la hauteur des enjeux de la période, celle d’une rupture franche avec le système
capitaliste. Il y a encore trop de chapelles, de tendances engoncées dans leurs
particularités. Peuvent-elles dépasser leurs divisions parfois purement
passéistes ? Un premier débat s’est apparemment instauré,
à l’initiative du NPA avec Lutte Ouvrière, le comité Adama, Extinction
Rébellion, la France Insoumise et des syndicalistes… Il peut être prometteur
pour autant que les luttes sociales et écologiques poussent en ce sens. Ce qui
serait décisif, en effet, c’est le surgissement d’une contestation massive se
traduisant par des débats dans tout
le pays, créant par elle-même de nouvelles « institutions » durables,
en situation de se fédérer, posant ainsi la question du pouvoir populaire à
instaurer. Cette démocratie en actes,
susceptible de former une nouvelle hégémonie, devra s’imposer dans l’adversité de points de vue
contradictoires, en se focalisant
sur la question cruciale Que faire ?
dans le moment présent, pour
affaiblir, diviser l’oligarchie régnante. Les débats intenses dans une séquence
de tension doivent trouver leur terrain de résolution tout en préservant le ou
les minorités (qui peuvent avoir raison) et en s’acharnant à trouver le juste
équilibre entre fortes individualités et
le collectif. L’émancipation est à ce prix, celui de la démocratie vivante
qui dépasse les antagonismes. A défaut, une défaite de ce mouvement serait
lourde de conséquences régressives…
Evoquer les contradictions internes à la
formation sociale française ne peut faire l’impasse sur l’évolution de la
situation internationale. Elle pourrait avoir une incidence non négligeable sur
la situation en France. Il suffit, pour conclure, d’évoquer d’une part, les
vagues de mobilisations dans nombre de pays, la fracturation en cours de
l’Union européenne, la survenue de la prochaine crise financière et économique
marquée cette fois par la récession, la détérioration encore plus prononcée de
la planète et d’autre part, les répressions, la montée du nationalisme
xénophobe et raciste, l’extension de guerres impériales.
Bref, à la croisée des chemins, nous sommes
entre rêves et cauchemars, entre éco-socialisme libérateur de toutes les
oppressions et barbarie capitaliste.
Gérard Deneux, le 2 mars 2021
Une place pour Goasguen
Bientôt, les Parisiens
auront le plaisir de flâner place Claude-Goasguen, du nom de ce député et
ancien ministre. Grâce au vote d’Anne Hidalgo et de certains élus PCF, la
mairie rendra hommage à cette figure de la droite, partisan de l’Algérie
française, ancien dirigeant de la Corpo d’Assas, syndicat d’extrême droite,
opposant au Pacs et au mariage pour tous…
Une place inaugurée dans
le quartier de la Muette : ça ne s’invente pas !
Politis 18/24 mars 2021
Croizat
éternels regrets
Il faut renflouer la sécurité sociale.
Qui siphonner ? Obsédante question
virale !
Amputer les pensions des plus gâtés :
bronca
Négliger les aides au foyer : corrida
Amish ?
Le pognon de dingue se trouve dans les pognes
Du patronat. ISF et redressement,
Sanctions pour pilleurs de ressources et
charognes
Qui empoisonnent avec leurs déversements.
Colette Vallet, Besançon septembre 2020
envoyé par Bébert, abonné.