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Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 28 janvier 2022

 

La pieuvre, le squale et le fakir

(éditorial de PES n° 79)

 

Cette rencontre improbable est tout à fait symptomatique de « notre » République. C’est celle de la 1ère fortune française, 5ème du monde, le blême Bernard Arnault, cette pieuvre aux longues tentacules luxueuses, du squale Squarcini, nageant en eaux troubles qui fut « l’espion du Président Sarko », et d’un petit lutin marchant sur les clous dressés pour protéger le richissime patron de l’industrie du luxe (LVMH) (1)

 

Le 1er était agacé des révélations du 3ème : liquidation-licenciement du textile Boussac, cupidité, évasion fiscale. Le second fut son homme de main. Le 3ème, malgré la surveillance dont il fut l’objet, provoqua un éclat de rire moqueur dans toute la France avec son film iconoclaste « Merci patron ! ».

 

La pieuvre, abhorrant les lumières médiatiques surtout lorsqu’elles sont sarcastiques, exhibant ses proies et sa luxuriance, décida de mettre fin aux agissements journalistiques de Ruffin le futé. Donner à voir ses coups tordus, son chiffre d’affaires de 13.5 milliards €, son 1.5 milliard de dividendes par an, son patrimoine de 100 milliards, c’était d’une indécence inqualifiable. Il s’en était entretenu avec Macron - qu’il avait propulsé - et s’en fut quérir le squale.

 

Ça tombait bien, ce dernier avait créé, dans sa retraite, une société de protection des puissants. Il avait de l’expérience depuis les affaires Clearstream et Bettencourt. Son cabotage fructueux, malgré une amende de 8 000€, lui conférait encore plus de prestige. Il s’en fut donc espionner le fakir, infiltrer ses amis, fouiller leurs vies privées afin de déstabiliser cette équipe « d’anarcho-situationnistes ». Pour parvenir à ses fins, le puissant requin possédait nombre de congénères haut placés : le n° 2 des écoutes antiterroristes, le directeur de la police de Paris et même la police belge… Tout cela relevait évidemment du trafic d’influence, d’atteinte à la vie privée et professionnelle des journalistes, du détournement des moyens de la police mise au service d’intérêts privés. Mais, bon ! Le  secret des affaires ne devait-il pas être bien gardé ?

 

Toute cette armada de protection n’empêcha guère l’espiègle Ruffin de pénétrer dans le saint des saints, l’Assemblée générale des actionnaires LVMH. Evitant les clous des robocops postés devant l’enceinte afin de protéger ce rassemblement des « gens bien nés », il parvint à s’y introduire avant d’être dégagé manu militari, tout en réussissant avec quelques complices à filmer la scène croquignolesque.

 

Cette affaire éclata dans toutes les salles de cinéma, pire, la plainte déposée par ce « gueux » de Ruffin était du plus mauvais effet. Il fallait blanchir la pieuvre blafarde, lui éviter les affres du pénal. Ça tombait bien, le petit prince Macron aidé de son acolyte d’antan, le sieur socialo Sapin, avait tout prévu : une loi, inspirée des USA, permettant de se soustraire au pénal. Le Parquet diligenté pouvait instaurer de son propre chef une transaction financière en infligeant une amende au contrevenant au profit non du plaignant mais de l’Etat. La procédure se voulait dissuasive, la peine prévue allant jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires de l’entreprise incriminée ! En toute indépendance ( !) la justice mit au point une « convention d’intérêt public » (admirez la novlangue), LVMH devait s’acquitter auprès du Trésor Public de 10 millions €… soit… 0.02 % du chiffre d’affaires de cette industrie du luxe. Floué le Ruffin ( ?) s’indigna : 30 % ça représente 13.5 milliards ! Le landerneau ne vit que goutte, perdu dans les zéros. Pensez donc, pour le quidam, 10 millions, c’était une somme ! Les médias furent médiatiquement muets, préférant parler de quelques crimes crapuleux, du théâtre électoral et de l’angoissant Covid.

 

La « justice transactionnelle négociée » se fit sans Ruffin puisqu’elle concernait l’Etat. Toutefois, le squale et ses comparses n’étaient pas tirés d’affaire. Reste à l’appareil judiciaire à faire traîner les délais d’instruction, à « dépayser » plusieurs fois le tribunal saisi en dégageant des juges trop curieux et à choisir in fine, le moment opportun qui ferait le moins de vagues et se terminerait par du sursis…

 

Bref, ça n’a guère changé depuis la sentence de Jean de la Fontaine « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».

 

GD le 26.01.2022  

 

(1)   voir plus loin Pour mieux connaître B. Arnault