Histoire
belge
C’est
quelques années avant notre ère qu’apparaît, pour la première fois, le terme
BELGICA. C’est ainsi que Jules César
nomma les régions au nord de la Gaule qu’il venait de conquérir. Ces régions
déjà relativement prospères, bénéficieront durant 4 siècles de l’organisation
romaine : construction de routes, de cités fortifiées… Elles traverseront
ensuite le Moyen-Age sans trop de heurts et de malheurs pour leur population, les
forêts leur offrant le gite et la nourriture en abondance. Des cités
commerciales et culturelles commencent à se développer, Bruges, par exemple.
Cette
ville est située dans le nord du territoire où la population a adopté la langue
néerlandaise, contrairement au sud où le romain est resté la langue d’usage.
Bruges devient au 12ème siècle la place forte du comte de Flandre
grâce à… un raz-de-marée. En effet, en 1134, ce phénomène, généralement
dramatique, a ouvert un bras de mer, donnant à la ville un accès direct à cette
dernière. Bruges devient alors une plaque tournante portuaire, commerciale et
financière de l’Europe de l’ouest. La première Bourse des valeurs y est créée
au 13ème siècle. Bruges est une étape obligée dans les échanges
maritimes entre le sud et le nord de l’Europe. Cet essor économique entraîne
une floraison culturelle et artistique (peinture flamande). Au 15ème
siècle c’est la plus grande place
financière d’Europe. Mais, et ce n’est pas une histoire belge, le bras de mer
apparu en 1134 se comble peu à peu et
Bruges redevient une ville continentale après avoir été un port.
Au
16ème siècle, Charles Quint, né à Gand, ville flamande, fait de Bruxelles sa capitale et donc une des
villes les plus importantes d’Europe.
Le
territoire déjà divisé linguistiquement connaît une nouvelle fracture, cette
fois religieuse. Le nord se rapproche du protestantisme néerlandais alors que
le sud reste majoritairement catholique. Cette fracture ne remet pas en cause
la prospérité de la région qui finit par attirer les convoitises de la France,
l’Autriche et l’Angleterre. En 1792,
le territoire devient français. Ce
ne fut pas une période très heureuse car moult biens furent saisis, et, à l’époque
napoléonienne, de nombreux conscrits furent enrôlés dans les armées de
l’Empire. La domination française laissera un très mauvais souvenir, surtout en
Flandre, et ce d’autant plus que, depuis l’époque gallo-romaine, le français est
la langue des monarques et des acteurs économiques, le néerlandais étant toléré
en Flandre ; mais pour entrer dans l’administration par exemple, il fallait
apprendre et utiliser le français.
Les
révolutionnaires français, dans un souci sans doute louable, d’unité nationale
sont allés encore plus loin puisqu’ils ont interdit l’usage du néerlandais.
Cela provoqua une révolte côté flamand et une répression plutôt violente de
l’armée française.
Après
la chute de Napoléon, la future Belgique est rattachée aux Pays-Bas et le
néerlandais devient la langue officielle. Cette fois, ce sont les Wallons qui
protestent.
L’entrée
dans le capitalisme, le colonialisme…
En 1830, les Belges, lassés de la domination néerlandaise, se
révoltent et les grandes puissances « créent » la Belgique moderne,
sous forme d’une monarchie constitutionnelle « le Royaume de Belgique ».
Le trône est offert au fils de Louis-Philippe mais celui-ci décline l’offre.
C’est un prince allemand, oncle de la reine Victoria, Léopold
1e,r qui devient roi des Belges.
Economiquement,
la Belgique profite très rapidement de la révolution industrielle ; elle
possède une façade maritime et une zone (à l’est) riche en charbon. De plus,
elle « hérite » d’une colonie en Afrique, le Congo, qui était
jusque-là propriété privée de Léopold II, un territoire énorme (76 fois plus
grand que la Belgique) regorgeant de matières premières. Ce
« cadeau » fait de la Belgique un des pays les plus riches à cette
époque ; la Wallonie, surtout, profitera de l’essor du pays car là que se
trouvent les mines de fer et de charbon. De plus, en 1830, le français est
redevenu langue officielle…
Au
moment de son indépendance, la Belgique est un pays quelque peu surprenant. On
y parle 3 langues : le néerlandais au nord en Flandre, le français au sud
en Wallonie et l’allemand à l’est. Deux religions s’y côtoient, le
protestantisme chez les Flamands et le catholicisme chez les Wallons.
Bruxelles, la capitale, est située en Flandre mais est peuplée très
majoritairement de francophones… En fait, ce pays « artificiel » est
né de la volonté des grandes puissances de l’époque (Angleterre, France,
Autriche) qui, plutôt que s’entredéchirer, se combattre pour en prendre le
contrôle, ont créé un, pays « tampon », neutre, entre eux.
La crise, le
fascisme et la guerre
La
place centrale de la Belgique en Europe occidentale lui sera néfaste en 1914.
L’Allemagne, ignorant la neutralité belge, l’envahit et la Belgique est aux
premières loges de la « grande boucherie ». Après cette guerre, la
Belgique se reconstruit économiquement puis connaît une période trouble à partir
de 1930. L’instabilité ministérielle et les divisions nationales s’aggravent,
faisant naître dans une partie de l’opinion une volonté de régime autoritaire.
Le REX, parti d’extrême droite, connaît une victoire électorale en 1936. Une
tentative de coup d’Etat, plutôt amateur, de son chef Léon Degrelle, admirateur
d’Hitler et de Mussolini, et le rôle du roi, vont décrédibiliser ce parti. En
1937, il est sévèrement battu aux élections. En 1940, la neutralité belge est à
nouveau bafouée par l’Allemagne qui l’envahit. Les Belges connaîtront 4 années
d’occupation, durant lesquelles 25 000 Juifs sont envoyés, parfois avec la
collaboration des autorités, dans les camps de la mort.
Un pays
fragmenté… symbole de l’Union Européenne…
Si
la position centrale et la « neutralité » de la Belgique lui jouent
des tours en 1914 et 1940, elles lui sont, par contre, bénéfiques lors de la
création de l’Union européenne. Bruxelles devient le siège de la Commission
européenne, du Conseil de l’UE, du Conseil européen, des commissions
parlementaires… Ces institutions « boostent » la région bruxelloise et
font de Bruxelles la « capitale » de l’Europe et le symbole de la
nouvelle union entre les peuples européens.
En
1960, pour faire face aux difficultés dues à la perte du Congo et aux nouvelles
conditions de compétition économique en Europe, la coalition au pouvoir élabore
un programme d’austérité qui entraine durant l’hiver 1960-61 la plus grande grève générale que la
Belgique ait connue. Elle est très suivie en Wallonie qui, plus riche que la
Flandre, menace de faire sécession. Ces évènements marquent le début de la
cristallisation du clivage linguistique, par exemple, en matérialisant une
frontière linguistique officielle et surtout, en mettant fin à l’Etat unitaire
belge par la création des communautés en 1970 et des régions en 1980. En 1993, la Belgique est officiellement
un Etat fédéral.
Nos
amis belges mettent alors en place un millefeuille plutôt indigeste. Jugez
plutôt.
-
Le pays est divisé en 3 territoires :
la région wallonne, la région flamande et la région de Bruxelles capitale.
Chaque région a son Parlement et son gouvernement.
-
Le pays est divisé en 3 zones linguistiques, les
communautés : la fédération Wallonie-Bruxelles où on parle français, la communauté flamande où on parle
néerlandais, la communauté germanophone où on parle allemand. Chaque communauté
a également son Parlement et son gouvernement.
Toutes
les élections ont lieu à la proportionnelle
intégrale. Les différents parlements élisent le Parlement fédéral. Chaque
Parlement a son champ de compétences qui, parfois, se recoupent. Dans un pays
très uni cela peut être positif mais dans la Belgique actuelle, c’est un casse-tête
éternel. En effet, jusqu’aux années 1980, la Wallonie dominait toujours la
Flandre mais la puissance économique wallonne reposant sur le charbon, la
sidérurgie, est à présent dépassée par les industries pharmaceutiques, les
sociétés informatiques, les nouvelles technologies qui fleurissent en Flandre.
Pour cette région c’est l’heure de la vengeance.
Et toujours
plus fragmentée ?
En
2022, la Belgique comptait 11.5 millions d’habitants : 60 % vivent en
Flandre, 30 % en Wallonie et 10 % en région bruxelloise. Le PIB/habitant en
Flandre est de 36 000 €, en Wallonie 26 000. Pour comparaison, au
Luxembourg il est de 78 200€ et de
25 200 € en région Grand Est française.
Le chômage, en Flandre est d’environ 4% et de 9 % en Wallonie. Pour une partie
des Flamands, il n’est plus question de payer pour les « flemmards »
Wallons. Pour les plus extrémistes de l’extrême droite, il faut faire
sécession. L’idée générale est de tout faire pour mettre des bâtons dans les
roues du camp adverse et en matière de « mesquineries », nos amis
belges, wallons comme flamands, sont devenus des experts. Deux exemples. Le
long de la frontière linguistique, certains villages, situés en zone flamande,
sont peuplés exclusivement de francophones. Pourtant, lors des conseils
municipaux, il leur faut débattre uniquement en néerlandais pour que les
délibérations soient légales, débattre en français puis traduire en néerlandais
n’est pas autorisé. Autre exemple : si vous circulez en zone flamande,
vous pouvez lire sur les panneaux de signalisation : Vorst, 10 kms, puis 5
kms plus loin, en zone wallonne, Forest 5 kms. Si vous ne savez pas que c’est
en fait la même commune, cela peut créer quelques difficultés. Les deux régions
refusent le double affichage…
Cette
réalité a amené la Belgique à être sans
gouvernement fédéral durant 541 jours entre 2010 et 2011. En Flandre,
l’idée de sécession est portée par le Wlaams
Belang, « intérêt flamand », très proche du RN en France. Son
leader Tom Van Gricken, déclarait en 2018 : « porter un hidjab en Belgique c’est signer son contrat
d’expulsion ». Après avoir réalisé 24 % des voix en Flandre en 2004,
le parti a connu un « trou d’air » mais remonte la pente et en 2018,
atteint 18 % des voix aux élections régionales flamandes.
A
nouveau, après les élections de 2019, il a fallu 16 mois pour que le 1er
ministre Alexander De Croo (libéral flamand) soit élu à la tête d’une coalition
de 7 partis (reléguant dans l’opposition les nationalistes flamands). Les
Belges semblent s’accommoder de ces crises longues qui ne perturbent pas le
fonctionnement puisqu’une grande partie des compétences est dévolue aux niveaux
régional, communautaire et communal. La
difficulté à désigner un gouvernement relève de la structure politique et
linguistique du Royaume. Les négociations sont d’autant plus compliquées que
chaque parti présente une formation francophone et son pendant
néerlandophone ; cela est d’autant plus difficile de constituer une
coalition de gouvernement alors que le nord néerlandophone vote de plus en plus
pour des partis indépendantistes de droite et d’extrême droite alors que le sud
pour la gauche, l’extrême gauche et les écologistes, tous attachés à l’unité de
la Belgique. Néanmoins, De Croo a été élu 1er ministre, à la tête de
la coalition dite « Vivaldi » et ce, jusqu’aux prochaines élections
générales en 2024. parviendra-t-il à éviter d’autres crises alors que les
mouvements sociaux se multiplient contre la baisse du pouvoir d’achat
notamment ?
Grèves,
manifestations et contestation sociale
On
assiste, en Belgique, comme dans d’autres pays européens (Grande-Bretagne,
France, etc) à des mouvements sociaux répétés, depuis 2022. Après les
manifestations du 21 juin et du 21 septembre 2022, les actions du 20 octobre et
surtout la grève générale du 9 novembre massivement suivie, entre 20 000
et 25 000 manifestants sont à nouveau descendus dans la rue à Bruxelles le
16 décembre à l’appel du front commun syndical (FGTB - Fédération générale du
travail de Belgique, CSC - confédération des syndicats chrétiens ainsi que de
la CGSLB - Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique. Les
revendications portent sur l’exigence de mesures renforçant le pouvoir d’achat :
diminution du prix de l’énergie, augmentation des salaires et suppression de la
loi 1996, dite « 0 % » (qui bloque toute négociation salariale), la
taxation des surprofits, l’augmentation des allocations sociales.
Malgré
la capacité de mobilisation syndicale et les manifestations et grèves qui se
multiplient dans de nombreux secteurs (fin janvier, plus de 18 000
personnes ont à nouveau battu le pavé à Bruxelles pour dénoncer les conditions
de travail intenables dans les secteurs sociaux et de la santé puis en février
contre la dégressivité des allocations chômage, pour la justice fiscale. Aux
slogans « Il faut aller chercher le
fric là où il est ! » « Bayer a donné 3 milliards aux
actionnaires. Et moi ? Un salaire de misère » « Je veux allumer
mon chauffage et remplir mon caddie. Vivaldi, bloquez les prix ! »…les
manifestants appellent une fiscalité allégée sur le travail pour les bas
revenus ainsi que sur les allocations sociales (les pensions en particulier),
un impôt sur les sociétés et une taxation « juste » du capital.
Le
gouvernement est fragile. Composé de 7 partis (cf encart) qui se neutralisent
mutuellement, il ne peut céder aux revendications syndicales. Il est tétanisé
par la course des extrêmes-droites qui se développent en Flandre mais aussi en
Wallonie et à Bruxelles où la droite se radicalise avec leur « partenaire
gouvernemental, le Mouvement réformateur (libéraux francophones), menant une
campagne populiste féroce contre les chômeurs et la sécurité sociale. Les
socialistes, quant à eux, sont pris en tenaille par les libéraux et talonnés à
leur gauche par le PTB (Parti du Travail en Belgique). Le couple parti/syndicat
caractéristique du « compromis social-démocrate » du passé ne
fonctionne plus. Le syndicalisme, toujours très implanté dans les entreprises,
a conservé ses capacités de mobilisation mais a perdu de son influence. Ne
reste que la force du mouvement social pour faire prévaloir ses priorités dans
le calendrier d’action élaboré par le front commun syndical pour le 1er
trimestre 2023 et au-delà (1).
La
misère et la précarisation pèsent et vont s’accentuer pour la majorité des
populations. Que l’on soit en France, en Grande-Bretagne, en Belgique et
ailleurs, les revendications des populations font que la convergence des luttes
au niveau européen est à l’œuvre, dans les faits, même si elle ne s’organise
pas encore.
Divorce
impossible ?
Divorce
ou pas ? Wallons et Flamands sont différents, les Wallons sont proches des
méditerranéens, des Européens du Sud, les Flamands sont des nordiques. On dit
que, dans une entreprise, pour reconnaître un Flamand d’un Wallon, c’est très
simple : le Flamand va directement à son poste de travail en saluant ses
collègues d’un signe de tête alors que le Wallon va d’abord serrer la main,
discuter avec ses collègues puis rejoint son poste de travail. Un divorce à
l’amiable pourrait être envisagé mais se poseraient alors plusieurs problèmes.
Quid de la dette publique de l’Etat fédéral, 100 % du PIB ? Comment la
répartir ? Comment réagiraient les marchés financiers ? Quid de la
région bruxelloise, située en territoire flamand mais peuplée majoritairement
par des Wallons ? La Flandre est très riche mais son territoire arrive à
saturation alors que la Wallonie a encore beaucoup d’espaces vides. D’ailleurs,
celle-ci commence à combler son retard sur la Flandre. Actuellement, la Flandre
« subventionne » la Wallonie mais dans 20 ans, ce sera peut-être le
contraire. Enfin l’éclatement de la Belgique, symbole par Bruxelles de l’UE, et
à travers elle de l’union retrouvée entre les peuples européens, serait une
très mauvaise image. Gageons que les pays fondateurs, les piliers de l’Europe
feront tout, y compris financièrement pour que cela n’arrive jamais.
Pour
la blague (française) : ces deux régions n’auraient-elles pas plutôt
intérêt à rester unies et à continuer à nous amuser avec leurs querelles de
clocher ? Nos amis belges n’ont pas fini de nous divertir. La
preuve : la Belgique n’a pas de Miss officielle. La finaliste wallonne,
battue par une flamande, a déposé plainte contre l’organisateur. Le jury se
composait de 6 personnes flamandes et 2 wallonnes, de plus, le concours se
déroulait en Flandre. Que de bonnes raisons pour s’estimer lésées… On ne rigole
pas avec ça en Belgique !
Jean-Louis
Lamboley
(1) article de Mateo Alaluf sur Alencontre Belgique
Encart
La coalition
Vivaldi
Le
gouvernement est composé de 4 familles et 7 partis
-
les
socialistes : Parti Socialiste (PS) wallon et SPA flamand
-
les
libéraux : Mouvement Réformateur (MR) wallon et Open VLD flamand
-
les
écologistes : Ecolo wallon et De Groen flamand
-
chrétien
démocrate : CD&V flamand