Retraites. Enième
bataille
Encore
une contre-réforme du système des retraites, pour soi-disant, encore une fois,
le « sauver » ! Une histoire rapide s’impose pour démontrer que,
depuis sa création, il n’a été question que de régressions. Et voilà qu’à nouveau,
il y aurait urgence face au déficit du régime. Ce qui est certain, c’est que Macron
ne voudra pas perdre la face. Borne est donc autorisée à user de toutes les
méthodes pour que ça passe. La bataille est engagée au Parlement et dans la
rue. Si la rue lâche et si la lutte ne prend pas une forme de blocage par la
grève, Borne n’aura plus de limites.
1 - Une
dynamique de long terme de dégradation des droits à la retraite
Tous
ceux qui ont touché au système des retraites depuis des décennies, qu’ils soient
de droite ou de « gauche », se sont présentés comme ses défenseurs et
ont tous contribué à durcir les conditions d’accès à la retraite.
C’est
à l’aune de la formidable construction du régime général de la Sécurité
Sociale, incluant une assurance vieillesse pour tous les salariés, en 1945,
qu’il faut mesurer les régressions des « contre-réformes » qui ont,
très vite, omis les 4 principes fondateurs : universalité, financement par
la cotisation, unité de caisse pour l’ensemble des risques sociaux et gestion
démocratique des caisses. Même si les régimes « pionniers » par
capitalisation ont été conservés, les classes dominantes ont dû accepter de
perdre la main sur le régime général et n’ont eu de cesse de remettre en cause la
direction des caisses par les salariés. Dès 1967, l’ordonnance Jeanneney/De
Gaulle met fin à la caisse unique et au principe de compensation :
quand une branche est en déficit, l’excédentaire la compense et vice
versa ; 4 caisses sont créées : maladie/accidents du travail/maladies
professionnelles, vieillesse, famille, et recouvrement). Elle crée le
paritarisme et affaiblit de fait le pouvoir des syndicats, les salariés perdant
1/3 des sièges dans les Conseils d’administration au bénéfice du patronat. En 1996, la loi Chirac/Juppé redonne à l’Etat le pouvoir sur le financement :
le budget est désormais voté par le Parlement (loi de financement de la Sécurité
sociale – LFSS). L’UE considère que les prestations sociales déficitaires
doivent être inscrites comme une dette sociale incluse dans le budget de
l’Etat. La Cour des Comptes veille à l’orthodoxie budgétaire ainsi que les
directeurs des caisses nommés par l’Etat, désignant eux-mêmes les directeurs
des caisses locales.
Pour
autant, la période 1945/début des années
1980 est celle de l’expansion. En
1945, la plupart des personnes décèdent avant l’âge de la retraite à taux plein
(65 ans) ; l’espérance de vie à l’époque se situe à 48.5 ans pour les
hommes et 52.4 ans pour les femmes. Mais à partir des années 50, la couverture
s’accroît (extension du salariat, travail des femmes…) et permet qu’en 1970 les retraités ne constituent plus la
catégorie la plus pauvre de la population. Cette évolution est aussi due au relèvement
du taux de remplacement, à la montée en charge des complémentaires ainsi qu’à
la création, en 1972 (jusqu’en 1999), d’une « garantie de
ressources » (égale à 70% du salaire antérieur), versée aux salariés
licenciés âgés de + 60 ans afin d’attendre l’âge légal de la retraite. Cette
amélioration est telle que lorsque le gouvernement Mitterrand inscrit dans la
loi la retraite à 60 ans les salariés redoutent une réduction des droits. Dans
les années 80, la retraite devient un véritable remplacement du salaire, et ce,
de manière universelle, même s’il reste des disparités.
Cependant,
dès les années 80 jusqu’à 2010, on
assiste à des « réformes »
freinant la progression des droits
et durcissant les conditions de la retraite. Les gouvernements veulent
absolument contenir l’évolution des pensions, car l’allongement de la durée de vie,
l’arrivée de générations nouvelles nombreuses à la retraite et l’amélioration
des droits des femmes, à leur sens, pèsent trop lourd : il faut les
réduire, pour disent-ils, tous, « sauver le système ».
En 1971, la loi Pompidou/Boulin
passe l’obligation de 30 années de
cotisation à 37.5 pour une retraite
à taux plein, calculée sur les 10 meilleures années et non plus sur les
dernières. En 1982, Mitterrand/Auroux font voter la
retraite emblématique à 60 ans (tout
en créant une décote pour les
salariés ayant une carrière incomplète). Le niveau de vie des retraités est
relativement « confortable » à cette période, par rapport au reste de
la population mais, depuis 2010, les
retraites se raccourcissent et le niveau
de vie moyen des retraités se dégrade : désindexation des pensions,
hausse de la CSG... De plus, les longues périodes de chômage pour les nouveaux
salariés, le prolongement des études des jeunes, rallongent d’autant la durée
du travail pour atteindre le taux plein. La retraite se raccourcit : l’âge
moyen de liquidation est de 64 ans pour la génération 1976. La retraite
pourrait redevenir un temps de déclassement social comme en 1970 et le niveau
de vie des retraités décroche (d’autant que la politique salariale de l’Etat
préfère les primes à l’augmentation des salaires).
Entre les années 90 et 2010, les contre-réformes se succèdent, portées par la droite
et par la « gauche » (PS notamment), même si elles sont ralenties,
voire même annulées grâce aux mouvements sociaux. Le coup d’envoi est donné par Seguin/Chirac
en 1987 en indexant les pensions du régime général sur
les prix et non plus sur les salaires, ce qui rogne largement les pensions. En 1991, Rocard « au nom du sauvetage du système par
répartition », propose 3 « réformes » qui seront la matrice de toutes celles qui
suivront : allongement de la durée de cotisation, calcul de la pension sur
les 25 meilleures années et indexation sur le niveau des prix. Balladur (sous Mitterrand) en 1993 allonge les annuités de 37.5 annuités à 40. Puis Juppé en 1995, tente sa grande
« réforme » de la Sécurité Sociale ; il doit reculer face au mouvement
social puissant et le blocage du pays avec 3 semaines de grève, contraint à
abandonner l’alignement des retraites du public sur celles du privé ainsi que
le plan SNCF. Cette victoire fut de
courte durée : Juppé, en 1996, provoque une véritable rupture et
s’attaque au système en réintroduisant l’Etat dans gestion du budget (loi LFSS) ;
il crée la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), chargée de gérer
la « dette sociale » et l’autorise à recourir aux marchés financiers.
Quand Jospin devient 1er
ministre de la cohabitation (Chirac) en 1997,
il affirme vouloir, lui aussi, « défendre
les retraites des Français » mais ne revient pas sur les mesures
précédentes. Raffarin, en 2003, généralise
le système des décotes et allonge
progressivement l’âge de départ pour atteindre 41 annuités pour tous (fonctionnaires inclus). En 2010, Fillon recule l’âge légal de 60 à 62 ans et l’âge du droit automatique au
taux plein de 65 à 67 ans. En 2014, Hollande/Touraine passent la
durée de cotisation à 43 ans et
diminuent encore plus les moyens de la CNAV (caisse nationale d’assurance
vieillesse) : de 14 800 salariés gérant 16.1 millions de retraités en
2017 à 13 700 salariés pour 16.9 millions de retraités en 2021. Macron/Philippe en 2019, en plein mouvement des Gilets Jaunes suivi de la pandémie,
abandonnent le projet de régime
universel à points.
2ème
mandat, 2ème contre-réforme : Macron/Borne/Dessopt annoncent la
retraite pour tous à 64 ans avec 43 annuités de cotisations en 2027. La 10ème
bataille pour la retraite est engagée.
2 - Une
partie de la bataille se déroule au Parlement
La
1ère ministre a annoncé le contenu du projet ce 10 janvier et la procédure
accélérée (article 47-1 de la Constitution) qui limite les débats du
Parlement : tout doit être bouclé en 50 jours. L’Assemblée Nationale a clos
la séance le 17 février, sans avoir voté la loi. Le Sénat commence son examen le
2 mars et doit conclure sous 15 jours. Puis viendra la commission mixte
paritaire pour trouver un accord entre les deux Chambres, le tout devant être
bouclé au Parlement le 26 mars. Et s’il n’y a pas d’accord, Borne n’hésitera
pas à dégainer le 49.3 et une ordonnance par laquelle le Parlement autorise l’exécutif
à légiférer.
Ce
projet est pourtant fondamental et ne
peut être considéré comme un ajustement budgétaire inclus dans la loi
rectificative du budget de la Sécurité Sociale. Le Conseil Constitutionnel sera
sans doute saisi à l’issue de cette procédure mais, par expérience :
aucune illusion sur cette institution des « Sages » !
C’est,
de fait, une « réforme systémique » qui va bien au-delà des calculs
paramétriques. En ce sens, le débat parlementaire ne peut être évacué comme une
simple formalité. Il ne s’agit pas uniquement du vote ou non l’article 7, celui
qui porte les limites de 64 ans et 43 annuités mais du financement par la
cotisation, du maintien de la retraite par répartition, du rejet de la
capitalisation qui réapparaîtrait au détour d’un article, comme une resucée du
projet Macron 2019 sur la retraite à points ou sur le modèle imposé en 2005 de
la Retraite additionnelle de la fonction publique (régime obligatoire par
capitalisation contrôlé par l’Etat), toutes ces formules promues par les think
tanks libéraux. Le budget des retraites représente 332 milliards€ en 2020, ça
peut faire rêver !
Afin
de contraindre le débat et d’empêcher que cette loi antisociale soit votée, les
députés Nupes, et particulièrement LFI, ont déposé des milliers d’amendements.
Pas question, pour eux, de laisser Borne (et la minorité Renaissance ralliant les LR), l’emporter pour, ensuite, s’en
glorifier ! Peu habituée à l’opposition parlementaire, Borne en a perdu
son calme, attaquant vivement LFI qui n’a pas retiré tous les amendements
déposés (comme l’ont fait les autres membres de la Nupes) : « Fondamentalement, vous ne croyez pas
à la démocratie. Vous la minez en la transformant en cirque ». Eh
oui ! il faut toutes les audaces pour gouverner, mêmes les plus perfides.
3 - Pourquoi
une telle « réforme » ? Simple question de mathématiques ?
C’est
une nouvelle phase pour contenir la hausse des dépenses, affirme Borne : il
faut réduire la part des retraites dans le PIB et comme la proportion des
retraités augmente, la solution est de diminuer les droits en réduisant la
durée des retraites, donc en allongeant la période au travail. Le ministre
Lemaire, lui, veut diminuer les dépenses pour compenser la suppression d’autres
recettes, comme celles de la CVAE - cotisation de la valeur ajoutée des
entreprises - à venir (2024), soit 8 milliards d’euros. Cette
« réforme » suit la même logique ultralibérale que celle de
l’indemnisation chômage : faire travailler plus pour produire plus et pour
accentuer la concurrence sur le marché du travail.
Le
gouvernement s’appuie sur la fausse raison de « péril grave » pour le
système actuel, menacé de déficit du fait de l’augmentation continue de
l’espérance de vie et de la baisse de la natalité. Ces arguments sont
mensongers défend Hervé Le Bras (1). D’une part
l’espérance de vie diminue, ce qui signifie moins de retraités et par ailleurs,
l’argument de la baisse de natalité n’est pas pertinent pour les proches années
à venir car les nouveaux nés n’entreront sur le marché du travail qu’en 2045.
Le déficit modeste estimé à 13.5 milliards en 2027 serait résorbé par le
ralentissement de l’espérance de vie. Et si l’on ajoute solde migratoire et mortalité,
le déficit disparaît à l’horizon 2030. Pierre Louis Bras, président du Conseil
d’Orientation des Retraites (COR), est invité le 19 janvier devant la Commission
des finances de l’Assemblée nationale. Ce haut fonctionnaire, rédacteur du
rapport annuel du COR, déclare : « Les dépenses des retraites ne dérapent pas ». Elles sont
« globalement stabilisées et, même, à
très long terme, elles diminuent selon 3 hypothèses sur les 4 étudiées ».
Stupeur dans les rangs gouvernementaux. Ce haut fonctionnaire ose contredire le
Président de la République, la 1ère Ministre, le gouvernement !
« Sait-il qu’il peut être débarqué chaque mercredi en Conseil des ministres ? » conclut
le journaliste Yann Bouchez ?
Pour
le gouvernement qui crie à la « faillite du système », pas question
de proposer des recettes comme l’augmentation
des salaires, des cotisations, leur élargissement aux dividendes, le déplafonnement
des cotisations retraite pour les hauts salaires (cf encart), la création
d’emplois ou encore la fin des exonérations patronales (13 milliards en 2020).
Projetées sur 10 ans, les exonérations atteindraient 154 milliards en 2032,
l’équivalent des déficits des régimes de retraite pointés par Borne. Et les
manques à gagner pour la SS et sa branche vieillesse ne se limitent pas à la
baisse de la rémunération du travail. Pour les entreprises, des allégements s’ajoutent
aux exonérations comme l’intéressement et les plans d’épargne d’entreprise, les
revenus du capital (stock-options ou actions gratuites). Ces exemptions ne sont
pas compensées par l’Etat et manquent dans les caisses de la protection sociale
(2 milliards pour 2022). Rien de tout ça, le seul modèle qu’ils appliquent est
la réduction des dépenses en faisant travailler plus longtemps. L’allongement
de l’âge de départ à 64 ans et la
mise en œuvre des 2027 des 43 annuités représentent une « économie » de
17.7 milliards en 2030 et 22 milliards en 2035.
4 – Les
mesures « d’accompagnement »
Pour
faire passer la pilule, Borne affiche des
mesures « d’accompagnement » qui ne sont que poudre aux yeux et
objets de communication pour ceux qui veulent bien se laisser prendre au piège
de leur formulation mensongère. Ainsi, en va-t-il pour la retraite minimale.
La retraite minimale sera revalorisée pour tous à 1 200€ par mois. Supercherie ! Primo, cette mesure figure déjà dans la loi de
2003 et aurait dû s’appliquer dès 2008. Qui a « oublié » de rédiger
le décret d’application ? Secundo, c’est 1 200€ brut (soit 1 150€
net, 22€ de plus que le seuil de pauvreté) Pour qui ? « Tous »,
annonce Dussopt, soit 1.8 million retraités, percevraient au minimum 85 % du
Smic. Mensonge, dévoile Mickaël
Zemmour (économiste) : il faut avoir cotisé pendant 43 ans. Alors combien ?
40 000 lâche Dussopt, au doigt mouillé et se fâche quand un député met en
doute sa parole : « Je n’ai pas à
rendre compte sur mes calculs et mes sources ». Mais si, Monsieur le
ministre, c’est pour cela que vous êtes devant l’Assemblée nationale !
Ambiance ! Bref, les pauvres retraités resteront pauvres !
Sur les carrières longues. C’est un pire embrouillamini
Borne
annonce : aucune personne ayant commencé à travailler tôt ne sera obligée
de travailler plus de 44 ans ; 3 seuils d’âge conditionnent le départ. Injustice
crie Pradié (LR) entre ceux qui ont commencé à travailler à 16, 18 ou 20 ans.
Borne lâche du lest et crée 4 seuils d’âge : 63 ans pour celui qui a
travaillé 5 trimestres avant 21 ans, 62 ans pour celui qui a travaillé 5
trimestres dans l’année de ses 20 ans, 60 ans pour celui qui a travaillé 5
trimestres l’année de ses 18 ans, à condition, pour tous, d’avoir cotisé 43 annuités. 58 ans pour celui qui a
travaillé 5 trimestres avant 16 ans sauf… qu’il lui faut 44 annuités ???
Suppression des régimes spéciaux
Rien
de tel pour réussir à faire voter l’Assemblée : ressortir les vieux boucs
émissaires ! Adopté par 181 voix contre 163 la suppression des régimes
RATP, industries électriques et gazières dont EDF, Banque de France. Sont maintenus
les régimes des marins pécheurs, de l’Opéra de Paris, de la Comédie française,
tout comme les régimes autonomes (professions libérales et avocats) ainsi que celui… des députés et sénateurs…
et du président de la République.
Aucune reconnaissance de l’usure
professionnelle.
Partir
en retraite à 62 ans sera possible pour ceux qui subissent la pénibilité reconnue. Les 4 critères supprimés par
Macron en 2017 ne sont pas réintégrés : postures pénibles, vibrations
mécaniques, manutention de charges lourdes, agents chimiques dangereux. Les
travailleurs usés ont droit à une visite médicale… à 61 ans pour
reconversion ? Le compte personnel de prévention de la pénibilité (C2P)
est réintroduit... quand on sait que sur 13.5 millions de salariés pouvant y
prétendre, seuls 1.5 million ont un compte ouvert !
L’index sénior. Un truc qui ne sert à
rien
Un
index sénior obligatoire serait créé « afin
d’assurer la transparence en matière de gestion des âges et de valoriser les
bonnes pratiques ». Pas de taux d’embauche obligatoire. Pas de sanction
des licenciements abusifs. Aucune contrainte pour les entreprises alors que 40 % des 60-64 ans qui ne sont pas à la retraite n’ont pas de boulot et qu’à 61 ans, 30 % des
ouvriers ne sont ni en emploi, ni à la retraite…
Cette
« réforme » est injuste :
elle contraint tous ceux qui n’ont pas des carrières complètes à travailler
plus longtemps. Elle ne créera pas d’emploi, le recul de 2 ans de l’âge légal a
pour conséquence une augmentation du
chômage, évaluée à 0.9 point supplémentaire à horizon de 10 ans (selon
l’OFCE) soit 277 000 chômeurs en plus. Cette « réforme » est antiféministe et ne corrige en rien les
inégalités actuelles : 51 % des femmes retraitées (15 % des hommes)
touchent moins de 1000 euros brut de pension. Plus de 50 % des bénéficiaires du
minimum vieillesse sont des femmes seules. 1 femme sur 5 doit attendre 67 ans
pour partir à la retraite pour échapper à la décote (deux fois plus que les
hommes).
Elle
va créer quantité de « vieux »
sans-travail, sans-retraite, vivant de petits boulots épuisants ou de
maigres prestations sociales. De tout cela, Macron/Borne et Cie n’en ont cure.
Espérons que la colère qui gronde se transforme en tsunami collectif.
5 – La
partie décisive de la bataille se déroule dans la rue
Pour
l’heure, le mouvement social est « contenu » par les centrales
syndicales, unies, qui donnent le tempo : une manif par semaine (sauf
pendant les vacances) et une le samedi de temps en temps. Pour l’heure, ça
marche (sans jeu de mots). Il y a du monde. Les médias dominants félicitent les
syndicats (c’est le comble !), notamment la CFDT, pour les « rassemblements paisibles, massifs et
disciplinés ». Rien à voir avec ces Gilets Jaunes réfractaires face
auxquels il a fallu céder malgré nombre d’éborgnés et de blessés ! Mais
Berger aura beau affirmer « que ce
serait une faute démocratique de ne pas prendre en compte le fait que 2
millions de personnes soient régulièrement dans la rue », le nombre seul ne fait pas d’ombre au gouvernement.
Alors,
« mettre la France à l’arrêt le 7 mars prochain ?
L’intersyndicale semble vouloir « durcir » le mouvement. Tous ?
Les fédérations CGT des services publics et des transports ont appelé à la
grève reconductible des éboueurs et de l’ensemble de la filière des déchets,
idem pour celle de la chimie. Le blocage, seule façon de « mettre le capital à genoux » selon
Frédéric Lordon, peut-il devenir effectif ?
Face
à un pouvoir qui compte bien faire passer son projet ultralibéral et
l’appliquer, le mouvement social doit durcir
ses actions mais aussi élargir la
bataille à d’autres enjeux, déclare Romaric Godin (2). Depuis la
victoire contre le CPE (2006), les défaites se sont succédé ; en dépit de
mobilisations très importantes, les contre-réformes des retraites (2003 et
2010) ont été mises en œuvre. Les centrales syndicales en ont, on le suppose, tiré
les leçons et savent que le recul de 2020 sur l’introduction d’une
retraite à points a été dû surtout à la pandémie. « Il y a fort à parier que si l’actuel mouvement en reste à de sages
promenades collectives, rien ne freinera la brutalisation assumée du corps
social par le pouvoir macroniste. Si
le mouvement et ceux qui l’animent n’ont pas compris que dans le capitalisme libéralisé,
la production de profit dépend de la déconstruction des protections sociales,
alors, le pouvoir gagnera, même s’il lui faut du temps pour parvenir à ses fins.
Elargir
le mouvement mettrait en œuvre des solidarités, des rencontres et débats,
faisant se rejoindre celles et ceux qui luttent contre le mode productiviste
qui détruit les écosystèmes dont l’Humanité est dépendante. Cela permettrait de
« Préparer le jour d’après ! »,
rassemblant, comme cela s’est déjà produit, des organisations syndicales,
associatives et environnementales pour reconstruire ensemble un futur en
rupture avec le désordre néolibéral. « Ce
serait le début de la construction du refus collectif du pouvoir économique sur
nos vies ».
Odile
Mangeot, le 21.02.23
(1)
démographe
(2) journaliste à mediapart.
Auteur de La guerre sociale en France.
Aux sources économiques de la démocratie autoritaire
Sources
-
le Monde Diplomatique (novembre 2022), article de Michael Zemmour Bientôt, la retraite à 70 ans ? et février 2023, article de Nicolas Da Silva Novembre-décembre 1995, qu’en
reste-t-il ?
-
Attac
-
AOC – Analyse
Opinion Critique article La (très)
longue histoire des retraites aoc.media/
Depuis 1971, la 10ème
bataille
1945
Age
de départ 60 ans (taux de
remplacement 20%)
65 ans (taux de remplacement 40%)
30
années de cotisation
1971 – Pompidou/Chaban-Delmas/Boulin
De
30 à 37.5 ans de cotisation
Retraite
calculée sur les 10 meilleures années
65 ans : âge de départ à taux plein
1982 – Mitterrand/Mauroy/Auroux
60 ans
37.5
annuités
pension
calculée sur les 10 meilleures années
65
ans : âge de départ à taux plein
Création d’une décote
1993 – Mitterrand/Balladur
60
ans
40 annuités
calcul sur 25 meilleures années
Retraite indexée sur l’inflation
1995 – Chirac/Raffarin/Juppé
Propose
40 annuités pour régimes spéciaux
Retrait
face au mouvement social
2003 – Chirac/Raffarin/Fillon
60
ans
40 annuités pour fonction publique
41 annuités en 2012 (sauf régimes spéciaux)
Décote allégée, création d’une surcote
Indexation sur inflation pour fonction
publique
Dispositif carrière longue (ceux qui ont travaillé entre 14 et 16 ans)
2008 – Sarkozy/Fillon/Woerth
Régimes spéciaux
40 annuités puis à 41 (2017)
décote/surcote
indexation sur les prix
2010 – Sarkozy/Fillon/Woerth
62 ans pour tous (calendriers différents)
41
annuités
calcul
sur 25 meilleures années
67 ans âge de départ à taux plein
2013 – Hollande/Ayrault/Touraine
62
ans
43 annuités pour ceux nés après 1973 (2035)
calcul
sur 25 meilleures années (6 derniers mois pour FP)
2019 – Macron/Philippe
Projet
abandonné : régime universel à
points
2023 – Macron/Borne/Dessopt
64 ans
pour tous
43
annuités en 2027
Encart
Le plafond
de la Sécu
Il
sert de base de calcul, notamment pour les cotisations « retraite ». En
2023, il est fixé à 3 666€/mois. Ainsi, ceux qui gagnent, par exemple,
plus de 10 000€/mois ne cotisent plus au-delà de ce plafond. Par contre,
le calcul de leur pension s’effectue sur la base de 10 000€. De fait, ils « piochent »
dans la caisse des cotisants plus modestes… un comble ! Et c’est pas
fini ! Sur la partie non cotisée, ils peuvent prendre des Plans Epargne
Retraite (fonds de pension capitalisé) pour augmenter leur pécule s’ils ne
l’ont pas suffisamment fait en achetant
ou louant des logements. Aux USA ou en Grande-Bretagne, le recours aux fonds de
pension permet aux plus riches de partir
en retraite à 50-55 ans, renforçant ainsi les inégalités. C’est ce modèle
étatsunien qui tend à s’imposer !
Encart
Cerbères de
l’austérité pour les autres
Alain Juppé - inspecteur des finances – a pris sa retraite à 57
ans. Il bénéficie de cette pension, de ses droits à la retraite de
parlementaire et de son indemnité de membre du Conseil constitutionnel = plus
de 23 000€/mois
Pierre Moscovici – Président de la Cour des Comptes – perçoit un cumul
retraite indemnité de 14 500€, 2 700€ de retraite de député européen,
8 500€ de son ancien mandat à la Commission européenne, soit 26 300 €/mois (14 fois le salaire
médian).
Le Monde Diplomatique février 2023
Encart
La
loi de 2020 promettant une retraite
agricole de base revalorisée à 1200€ : une « arnaque, une annonce trompeuse et digne d’une escroquerie à grande
échelle » dénonce la Confédération paysanne. De nombreux agriculteurs
retraités perçoivent de modestes pensions, 766€/mois en moyenne. Et un retraité agricole ultra-marin sur deux
touche une retraite inférieure à
333€/mois ! Ils ont des retraites encore plus indignes qu’en
métropole. Celles et ceux qui ont arrêté leur carrière à cause du chlordécone
sont doublement pénalisés. bastamag.com