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Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 27 février 2023

 

Retraites. Enième bataille

 

Encore une contre-réforme du système des retraites, pour soi-disant, encore une fois, le « sauver » ! Une histoire rapide s’impose pour démontrer que, depuis sa création, il n’a été question que de régressions. Et voilà qu’à nouveau, il y aurait urgence face au déficit du régime. Ce qui est certain, c’est que Macron ne voudra pas perdre la face. Borne est donc autorisée à user de toutes les méthodes pour que ça passe. La bataille est engagée au Parlement et dans la rue. Si la rue lâche et si la lutte ne prend pas une forme de blocage par la grève, Borne n’aura plus de limites.

 

1 - Une dynamique de long terme de dégradation des droits à la retraite

 

Tous ceux qui ont touché au système des retraites depuis des décennies, qu’ils soient de droite ou de « gauche », se sont présentés comme ses défenseurs et ont tous contribué à durcir les conditions d’accès à la retraite.

 

C’est à l’aune de la formidable construction du régime général de la Sécurité Sociale, incluant une assurance vieillesse pour tous les salariés, en 1945, qu’il faut mesurer les régressions des « contre-réformes » qui ont, très vite, omis les 4 principes fondateurs : universalité, financement par la cotisation, unité de caisse pour l’ensemble des risques sociaux et gestion démocratique des caisses. Même si les régimes « pionniers » par capitalisation ont été conservés, les classes dominantes ont dû accepter de perdre la main sur le régime général et  n’ont eu de cesse de remettre en cause la direction des caisses par les salariés. Dès 1967, l’ordonnance Jeanneney/De Gaulle met fin à la caisse unique et au principe de compensation : quand une branche est en déficit, l’excédentaire la compense et vice versa ; 4 caisses sont créées : maladie/accidents du travail/maladies professionnelles, vieillesse, famille, et recouvrement). Elle crée le paritarisme et affaiblit de fait le pouvoir des syndicats, les salariés perdant 1/3 des sièges dans les Conseils d’administration au bénéfice du patronat. En 1996, la loi Chirac/Juppé redonne à l’Etat le pouvoir sur le financement : le budget est désormais voté par le Parlement (loi de financement de la Sécurité sociale – LFSS). L’UE considère que les prestations sociales déficitaires doivent être inscrites comme une dette sociale incluse dans le budget de l’Etat. La Cour des Comptes veille à l’orthodoxie budgétaire ainsi que les directeurs des caisses nommés par l’Etat, désignant eux-mêmes les directeurs des caisses locales.

 

Pour autant, la période 1945/début des années 1980 est celle de l’expansion. En 1945, la plupart des personnes décèdent avant l’âge de la retraite à taux plein (65 ans) ; l’espérance de vie à l’époque se situe à 48.5 ans pour les hommes et 52.4 ans pour les femmes. Mais à partir des années 50, la couverture s’accroît (extension du salariat, travail des femmes…) et permet qu’en  1970 les retraités ne constituent plus la catégorie la plus pauvre de la population. Cette évolution est aussi due au relèvement du taux de remplacement, à la montée en charge des complémentaires ainsi qu’à la création, en 1972 (jusqu’en 1999), d’une « garantie de ressources » (égale à 70% du salaire antérieur), versée aux salariés licenciés âgés de + 60 ans afin d’attendre l’âge légal de la retraite. Cette amélioration est telle que lorsque le gouvernement Mitterrand inscrit dans la loi la retraite à 60 ans les salariés redoutent une réduction des droits. Dans les années 80, la retraite devient un véritable remplacement du salaire, et ce, de manière universelle, même s’il reste des disparités.

 

Cependant, dès les années 80 jusqu’à 2010, on assiste à des « réformes » freinant la progression des droits et durcissant les conditions de la retraite. Les gouvernements veulent absolument contenir l’évolution des pensions, car l’allongement de la durée de vie, l’arrivée de générations nouvelles nombreuses à la retraite et l’amélioration des droits des femmes, à leur sens, pèsent trop lourd : il faut les réduire, pour disent-ils, tous, « sauver le système ».

 

En 1971, la loi Pompidou/Boulin passe l’obligation de 30 années de cotisation à 37.5 pour une retraite à taux plein, calculée sur les 10 meilleures années et non plus sur les dernières. En 1982, Mitterrand/Auroux font voter la retraite emblématique à 60 ans (tout en créant une décote pour les salariés ayant une carrière incomplète). Le niveau de vie des retraités est relativement « confortable » à cette période, par rapport au reste de la population mais, depuis 2010, les retraites se raccourcissent et le niveau de vie moyen des retraités se dégrade : désindexation des pensions, hausse de la CSG... De plus, les longues périodes de chômage pour les nouveaux salariés, le prolongement des études des jeunes, rallongent d’autant la durée du travail pour atteindre le taux plein. La retraite se raccourcit : l’âge moyen de liquidation est de 64 ans pour la génération 1976. La retraite pourrait redevenir un temps de déclassement social comme en 1970 et le niveau de vie des retraités décroche (d’autant que la politique salariale de l’Etat préfère les primes à l’augmentation des salaires).

 

Entre les années 90 et 2010, les contre-réformes se succèdent, portées par la droite et par la « gauche » (PS notamment), même si elles sont ralenties, voire même annulées grâce aux mouvements sociaux. Le coup d’envoi est donné par Seguin/Chirac en 1987  en indexant les pensions du régime général sur les prix et non plus sur les salaires, ce qui rogne largement les pensions. En 1991, Rocard « au nom du sauvetage du système par répartition », propose 3 « réformes » qui seront la matrice de toutes celles qui suivront : allongement de la durée de cotisation, calcul de la pension sur les 25 meilleures années et indexation sur le niveau des prix. Balladur (sous Mitterrand) en 1993 allonge les annuités de 37.5 annuités à 40. Puis Juppé en 1995, tente sa grande « réforme » de la Sécurité Sociale ; il doit reculer face au mouvement social puissant et le blocage du pays avec 3 semaines de grève, contraint à abandonner l’alignement des retraites du public sur celles du privé ainsi que le plan SNCF. Cette victoire fut de courte durée : Juppé, en 1996, provoque une véritable rupture et s’attaque au système en réintroduisant l’Etat dans gestion du budget (loi LFSS) ; il crée la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), chargée de gérer la « dette sociale » et l’autorise à recourir aux marchés financiers. Quand Jospin devient 1er ministre de la cohabitation (Chirac) en 1997, il affirme vouloir, lui aussi, « défendre les retraites des Français » mais ne revient pas sur les mesures précédentes. Raffarin, en 2003, généralise le système des décotes et allonge progressivement l’âge de départ pour atteindre 41 annuités pour tous (fonctionnaires inclus). En 2010, Fillon recule l’âge légal de 60 à 62 ans et l’âge du droit automatique au taux plein de 65 à 67 ans. En 2014, Hollande/Touraine passent la durée de cotisation à 43 ans et diminuent encore plus les moyens de la CNAV (caisse nationale d’assurance vieillesse) : de 14 800 salariés gérant 16.1 millions de retraités en 2017 à 13 700 salariés pour 16.9 millions de retraités en 2021. Macron/Philippe en 2019, en plein mouvement des Gilets Jaunes suivi de la pandémie, abandonnent le projet de régime universel à points.

 

2ème mandat, 2ème contre-réforme : Macron/Borne/Dessopt annoncent la retraite pour tous à 64 ans avec 43 annuités de cotisations en 2027. La 10ème bataille pour la retraite est engagée.

 

2 - Une partie de la bataille se déroule au Parlement

 

La 1ère ministre a annoncé le contenu du projet ce 10 janvier et la procédure accélérée (article 47-1 de la Constitution) qui limite les débats du Parlement : tout doit être bouclé en 50 jours. L’Assemblée Nationale a clos la séance le 17 février, sans avoir voté la loi. Le Sénat commence son examen le 2 mars et doit conclure sous 15 jours. Puis viendra la commission mixte paritaire pour trouver un accord entre les deux Chambres, le tout devant être bouclé au Parlement le 26 mars. Et s’il n’y a pas d’accord, Borne n’hésitera pas à dégainer le 49.3 et une ordonnance par laquelle le Parlement autorise l’exécutif à légiférer.

 

Ce projet est pourtant fondamental et ne peut être considéré comme un ajustement budgétaire inclus dans la loi rectificative du budget de la Sécurité Sociale. Le Conseil Constitutionnel sera sans doute saisi à l’issue de cette procédure mais, par expérience : aucune illusion sur cette institution des « Sages » !

 

C’est, de fait, une « réforme systémique » qui va bien au-delà des calculs paramétriques. En ce sens, le débat parlementaire ne peut être évacué comme une simple formalité. Il ne s’agit pas uniquement du vote ou non l’article 7, celui qui porte les limites de 64 ans et 43 annuités mais du financement par la cotisation, du maintien de la retraite par répartition, du rejet de la capitalisation qui réapparaîtrait au détour d’un article, comme une resucée du projet Macron 2019 sur la retraite à points ou sur le modèle imposé en 2005 de la Retraite additionnelle de la fonction publique (régime obligatoire par capitalisation contrôlé par l’Etat), toutes ces formules promues par les think tanks libéraux. Le budget des retraites représente 332 milliards€ en 2020, ça peut faire rêver !

 

Afin de contraindre le débat et d’empêcher que cette loi antisociale soit votée, les députés Nupes, et particulièrement LFI, ont déposé des milliers d’amendements. Pas question, pour eux, de laisser Borne (et la minorité Renaissance ralliant les LR), l’emporter pour, ensuite, s’en glorifier ! Peu habituée à l’opposition parlementaire, Borne en a perdu son calme, attaquant vivement LFI qui n’a pas retiré tous les amendements déposés (comme l’ont fait les autres membres de la Nupes) : « Fondamentalement, vous ne croyez pas à la démocratie. Vous la minez en la transformant en cirque ». Eh oui ! il faut toutes les audaces pour gouverner, mêmes les plus perfides.

 

3 - Pourquoi une telle « réforme » ? Simple question de mathématiques ?

 

C’est une nouvelle phase pour contenir la hausse des dépenses, affirme Borne : il faut réduire la part des retraites dans le PIB et comme la proportion des retraités augmente, la solution est de diminuer les droits en réduisant la durée des retraites, donc en allongeant la période au travail. Le ministre Lemaire, lui, veut diminuer les dépenses pour compenser la suppression d’autres recettes, comme celles de la CVAE - cotisation de la valeur ajoutée des entreprises - à venir (2024), soit 8 milliards d’euros. Cette « réforme » suit la même logique ultralibérale que celle de l’indemnisation chômage : faire travailler plus pour produire plus et pour accentuer la concurrence sur le marché du travail.

 

Le gouvernement s’appuie sur la fausse raison de « péril grave » pour le système actuel, menacé de déficit du fait de l’augmentation continue de l’espérance de vie et de la baisse de la natalité. Ces arguments sont mensongers défend Hervé Le Bras (1). D’une part l’espérance de vie diminue, ce qui signifie moins de retraités et par ailleurs, l’argument de la baisse de natalité n’est pas pertinent pour les proches années à venir car les nouveaux nés n’entreront sur le marché du travail qu’en 2045. Le déficit modeste estimé à 13.5 milliards en 2027 serait résorbé par le ralentissement de l’espérance de vie. Et si l’on ajoute solde migratoire et mortalité, le déficit disparaît à l’horizon 2030. Pierre Louis Bras, président du Conseil d’Orientation des Retraites (COR), est invité le 19 janvier devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Ce haut fonctionnaire, rédacteur du rapport annuel du COR, déclare : « Les dépenses des retraites ne dérapent pas ». Elles sont « globalement stabilisées et, même, à très long terme, elles diminuent selon 3 hypothèses sur les 4 étudiées ». Stupeur dans les rangs gouvernementaux. Ce haut fonctionnaire ose contredire le Président de la République, la 1ère Ministre, le gouvernement ! « Sait-il qu’il peut être débarqué chaque mercredi en Conseil des ministres ? » conclut le journaliste Yann Bouchez ?

 

Pour le gouvernement qui crie à la « faillite du système », pas question de proposer des recettes  comme l’augmentation des salaires, des cotisations, leur élargissement aux dividendes, le déplafonnement des cotisations retraite pour les hauts salaires (cf encart), la création d’emplois ou encore la fin des exonérations patronales (13 milliards en 2020). Projetées sur 10 ans, les exonérations atteindraient 154 milliards en 2032, l’équivalent des déficits des régimes de retraite pointés par Borne. Et les manques à gagner pour la SS et sa branche vieillesse ne se limitent pas à la baisse de la rémunération du travail. Pour les entreprises, des allégements s’ajoutent aux exonérations comme l’intéressement et les plans d’épargne d’entreprise, les revenus du capital (stock-options ou actions gratuites). Ces exemptions ne sont pas compensées par l’Etat et manquent dans les caisses de la protection sociale (2 milliards pour 2022). Rien de tout ça, le seul modèle qu’ils appliquent est la réduction des dépenses en faisant travailler plus longtemps. L’allongement de l’âge de départ à 64 ans et la mise en œuvre des 2027 des 43 annuités représentent une « économie » de  17.7 milliards en 2030 et 22 milliards en 2035.

 

4 – Les mesures « d’accompagnement »

 

Pour faire passer la pilule, Borne affiche des mesures « d’accompagnement » qui ne sont que poudre aux yeux et objets de communication pour ceux qui veulent bien se laisser prendre au piège de leur formulation mensongère. Ainsi, en va-t-il pour la retraite minimale.

 

La retraite minimale sera revalorisée pour tous à 1 200€ par mois. Supercherie ! Primo, cette mesure figure déjà dans la loi de 2003 et aurait dû s’appliquer dès 2008. Qui a « oublié » de rédiger le décret d’application ? Secundo, c’est 1 200€ brut (soit 1 150€ net, 22€ de plus que le seuil de pauvreté) Pour qui ? « Tous », annonce Dussopt, soit 1.8 million retraités, percevraient au minimum 85 % du Smic. Mensonge, dévoile Mickaël Zemmour (économiste) : il faut avoir cotisé pendant 43 ans. Alors combien ? 40 000 lâche Dussopt, au doigt mouillé et se fâche quand un député met en doute sa parole : « Je n’ai pas à rendre compte sur mes calculs et mes sources ». Mais si, Monsieur le ministre, c’est pour cela que vous êtes devant l’Assemblée nationale ! Ambiance ! Bref, les pauvres retraités resteront pauvres !

 

Sur les carrières longues. C’est un pire embrouillamini

Borne annonce : aucune personne ayant commencé à travailler tôt ne sera obligée de travailler plus de 44 ans ; 3 seuils d’âge conditionnent le départ. Injustice crie Pradié (LR) entre ceux qui ont commencé à travailler à 16, 18 ou 20 ans. Borne lâche du lest et crée 4 seuils d’âge : 63 ans pour celui qui a travaillé 5 trimestres avant 21 ans, 62 ans pour celui qui a travaillé 5 trimestres dans l’année de ses 20 ans, 60 ans pour celui qui a travaillé 5 trimestres l’année de ses 18 ans, à condition, pour tous, d’avoir cotisé 43 annuités. 58 ans pour celui qui a travaillé 5 trimestres avant 16 ans sauf… qu’il lui faut 44 annuités ???

 

Suppression des régimes spéciaux  

Rien de tel pour réussir à faire voter l’Assemblée : ressortir les vieux boucs émissaires ! Adopté par 181 voix contre 163 la suppression des régimes RATP, industries électriques et gazières dont EDF, Banque de France. Sont maintenus les régimes des marins pécheurs, de l’Opéra de Paris, de la Comédie française, tout comme les régimes autonomes (professions libérales et avocats) ainsi que celui… des députés et sénateurs… et du président de la République.

        

Aucune reconnaissance de l’usure professionnelle.

Partir en retraite à 62 ans sera possible pour ceux qui subissent la pénibilité reconnue. Les 4 critères supprimés par Macron en 2017 ne sont pas réintégrés : postures pénibles, vibrations mécaniques, manutention de charges lourdes, agents chimiques dangereux. Les travailleurs usés ont droit à une visite médicale… à 61 ans pour reconversion ? Le compte personnel de prévention de la pénibilité (C2P) est réintroduit... quand on sait que sur 13.5 millions de salariés pouvant y prétendre, seuls 1.5 million ont un compte ouvert !

 

L’index sénior. Un truc qui ne sert à rien

Un index sénior obligatoire serait créé « afin d’assurer la transparence en matière de gestion des âges et de valoriser les bonnes pratiques ». Pas de taux d’embauche obligatoire. Pas de sanction des licenciements abusifs. Aucune contrainte pour les entreprises alors que 40 % des 60-64 ans qui ne sont pas à la retraite n’ont pas de boulot et qu’à 61 ans, 30 % des ouvriers ne sont ni en emploi, ni à la retraite…

 

Cette « réforme » est injuste : elle contraint tous ceux qui n’ont pas des carrières complètes à travailler plus longtemps. Elle ne créera pas d’emploi, le recul de 2 ans de l’âge légal a pour conséquence une augmentation du chômage, évaluée à 0.9 point supplémentaire à horizon de 10 ans (selon l’OFCE) soit 277 000 chômeurs en plus. Cette « réforme » est antiféministe et ne corrige en rien les inégalités actuelles : 51 % des femmes retraitées (15 % des hommes) touchent moins de 1000 euros brut de pension. Plus de 50 % des bénéficiaires du minimum vieillesse sont des femmes seules. 1 femme sur 5 doit attendre 67 ans pour partir à la retraite pour échapper à la décote (deux fois plus que les hommes).

Elle va créer quantité de « vieux » sans-travail, sans-retraite, vivant de petits boulots épuisants ou de maigres prestations sociales. De tout cela, Macron/Borne et Cie n’en ont cure. Espérons que la colère qui gronde se transforme en tsunami collectif.

 

5 – La partie décisive de la bataille se déroule dans la rue

 

Pour l’heure, le mouvement social est « contenu » par les centrales syndicales, unies, qui donnent le tempo : une manif par semaine (sauf pendant les vacances) et une le samedi de temps en temps. Pour l’heure, ça marche (sans jeu de mots). Il y a du monde. Les médias dominants félicitent les syndicats (c’est le comble !), notamment la CFDT, pour les « rassemblements paisibles, massifs et disciplinés ». Rien à voir avec ces Gilets Jaunes réfractaires face auxquels il a fallu céder malgré nombre d’éborgnés et de blessés ! Mais Berger aura beau affirmer « que ce serait une faute démocratique de ne pas prendre en compte le fait que 2 millions de personnes soient régulièrement dans la rue », le nombre seul ne fait pas d’ombre au gouvernement.

 

Alors, « mettre la France  à l’arrêt le 7 mars prochain ? L’intersyndicale semble vouloir « durcir » le mouvement. Tous ? Les fédérations CGT des services publics et des transports ont appelé à la grève reconductible des éboueurs et de l’ensemble de la filière des déchets, idem pour celle de la chimie. Le blocage, seule façon de « mettre le capital à genoux » selon Frédéric Lordon, peut-il devenir effectif ?

 

Face à un pouvoir qui compte bien faire passer son projet ultralibéral et l’appliquer, le mouvement social doit durcir ses actions mais aussi élargir la bataille à d’autres enjeux, déclare Romaric Godin (2). Depuis la victoire contre le CPE (2006), les défaites se sont succédé ; en dépit de mobilisations très importantes, les contre-réformes des retraites (2003 et 2010) ont été mises en œuvre. Les centrales syndicales en ont, on le suppose, tiré les leçons et savent que le recul de 2020 sur l’introduction d’une retraite à points a été dû surtout à la pandémie. « Il y a fort à parier que si l’actuel mouvement en reste à de sages promenades collectives, rien ne freinera la brutalisation assumée du corps social par le pouvoir macroniste. Si le mouvement et ceux qui l’animent n’ont pas compris que dans le capitalisme libéralisé, la production de profit dépend de la déconstruction des protections sociales, alors, le pouvoir gagnera, même s’il lui faut du temps pour parvenir à ses fins.

 

Elargir le mouvement mettrait en œuvre des solidarités, des rencontres et débats, faisant se rejoindre celles et ceux qui luttent contre le mode productiviste qui détruit les écosystèmes dont l’Humanité est dépendante. Cela permettrait de « Préparer le jour d’après ! », rassemblant, comme cela s’est déjà produit, des organisations syndicales, associatives et environnementales pour reconstruire ensemble un futur en rupture avec le désordre néolibéral. « Ce serait le début de la construction du refus collectif du pouvoir économique sur nos vies ».  

 

Odile Mangeot, le 21.02.23

 

(1)   démographe

(2)   journaliste à mediapart. Auteur de La guerre sociale en France. Aux sources économiques de la démocratie autoritaire

 

Sources

-        le Monde Diplomatique (novembre 2022), article de Michael Zemmour Bientôt, la retraite à 70 ans ? et  février 2023, article de Nicolas Da Silva Novembre-décembre 1995, qu’en reste-t-il ?

-        Attac

-        AOC – Analyse Opinion Critique article  La (très) longue histoire des retraites aoc.media/

 

 

Depuis 1971, la 10ème bataille

 

1945

 Age de départ 60 ans (taux de remplacement 20%)

                         65 ans (taux de remplacement 40%)

 30 années de cotisation

 

1971 Pompidou/Chaban-Delmas/Boulin

De 30 à 37.5 ans de cotisation

Retraite calculée sur les 10 meilleures années

65 ans : âge de départ à taux plein

 

1982 – Mitterrand/Mauroy/Auroux

60 ans

37.5 annuités

pension calculée sur les 10 meilleures années

65 ans : âge de départ à taux plein

Création d’une décote

 

1993 – Mitterrand/Balladur

60 ans

40 annuités

calcul sur 25 meilleures années

Retraite indexée sur l’inflation

 

1995 – Chirac/Raffarin/Juppé                                                                                                

Propose 40 annuités pour régimes spéciaux

Retrait face au mouvement social

 

2003 – Chirac/Raffarin/Fillon    

60 ans                                       

40 annuités pour fonction publique

41 annuités en 2012 (sauf régimes spéciaux)

Décote allégée, création d’une surcote

Indexation sur inflation pour fonction publique

Dispositif carrière longue (ceux qui ont travaillé entre 14 et 16 ans)

 

2008 – Sarkozy/Fillon/Woerth

Régimes spéciaux

40 annuités puis à 41 (2017)

décote/surcote

indexation sur les prix

 

2010 – Sarkozy/Fillon/Woerth

62 ans pour tous (calendriers différents) 

41 annuités   

calcul sur 25 meilleures années                                                              

67 ans âge de départ à taux plein

 

2013 – Hollande/Ayrault/Touraine 

62 ans                                                     

43 annuités pour ceux nés après 1973 (2035)            

calcul sur 25 meilleures années (6 derniers mois pour FP)

 

2019 – Macron/Philippe

Projet abandonné : régime universel à points

 

2023 – Macron/Borne/Dessopt

64 ans  pour tous                                                                                 

43 annuités en 2027

     

Encart

Le plafond de la Sécu

Il sert de base de calcul, notamment pour les cotisations « retraite ». En 2023, il est fixé à 3 666€/mois. Ainsi, ceux qui gagnent, par exemple, plus de 10 000€/mois ne cotisent plus au-delà de ce plafond. Par contre, le calcul de leur pension s’effectue sur la base de 10 000€. De fait, ils « piochent » dans la caisse des cotisants plus modestes… un comble ! Et c’est pas fini ! Sur la partie non cotisée, ils peuvent prendre des Plans Epargne Retraite (fonds de pension capitalisé) pour augmenter leur pécule s’ils ne l’ont pas suffisamment fait en  achetant ou louant des logements. Aux USA ou en Grande-Bretagne, le recours aux fonds de pension  permet aux plus riches de partir en retraite à 50-55 ans, renforçant ainsi les inégalités. C’est ce modèle étatsunien qui tend à s’imposer !      

 

Encart

Cerbères de l’austérité pour les autres

 

Alain Juppé - inspecteur des finances – a pris sa retraite à 57 ans. Il bénéficie de cette pension, de ses droits à la retraite de parlementaire et de son indemnité de membre du Conseil constitutionnel = plus de 23 000€/mois

Pierre Moscovici – Président de la Cour des Comptes – perçoit un cumul retraite indemnité de 14 500€, 2 700€ de retraite de député européen, 8 500€ de son ancien mandat à la Commission européenne, soit 26 300 €/mois (14 fois le salaire médian).    

 

Le Monde Diplomatique février 2023         

 

Encart

La loi de 2020 promettant une retraite agricole de base revalorisée à 1200€ : une « arnaque, une annonce trompeuse et digne d’une escroquerie à grande échelle » dénonce la Confédération paysanne. De nombreux agriculteurs retraités perçoivent de modestes pensions, 766€/mois en moyenne. Et un retraité agricole ultra-marin sur deux touche une retraite inférieure à 333€/mois ! Ils ont des retraites encore plus indignes qu’en métropole. Celles et ceux qui ont arrêté leur carrière à cause du chlordécone sont doublement pénalisés. bastamag.com