Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 1 avril 2019


Le Slam de Lansana

Je suis guinéen d’origine koniankée.

C’est mon histoire d’immigré que je vais vous raconter,
Vous aurez peut-être du mal à la supporter,
Mais aujourd’hui, devant vous, j’ai envie d’en parler.

Tu sais les eaux dont tu sors mais tu ne sais pas les eaux où tu entres
Là-bas, la voix des armes me donnait mal au ventre.

Je prends la route avec cent euros en poche.
Je prends la route en quittant mes proches.
Je passe au Mali, en Algérie avant d’entrer en Libye
Où les gens considèrent les migrants comme des bandits.

Ils nous maltraitent comme des traitres
Mais tout ça m’a donné envie d’être
Très simple, très patient, très courageux
Car ma mère me disait de ne pas être orgueilleux.
Elle me répétait de ne pas me décourager.
C’est pour ça que je l’ai toujours aimée.

Après tout le temps de souffrance, à attendre au bord de la mer,
Les Libyens nous embarquent et après trois heures de mer,
On est arrêtés par la marine militaire.
Elle nous débarque et nous met en prison.
Là-bas, il n’y avait pas de solution.

On ne mangeait pas, on ne buvait pas.
On a décidé de s’évader, pour être loin de là-bas.
Mais le gardien a tiré car il ne voulait pas.
Il a même touché deux personnes à côté de moi.

Je rejoins un foyer, je travaille et je gagne mon argent,
Mais les militaires me le prennent finalement.
Je donne ma maigre pitance à partager
Et un Camerounais, touché,
Me donne cent euros pour ma traversée.

Je prends le bateau, me rends en Sicile.
Là-bas, je n’en ai pas fini avec les choses difficiles.
Un mois après, me voilà à Orléans, dans la rue.
La police me voit, me menotte, me place en garde à vue.
Le matin, je repars avec une OQTF,
L’obligation de quitter le territoire français… en vitesse.

Je vais à l’hôtel Coligny.
Maintenant j’ai le droit de rester ici.
J’ai vécu beaucoup de choses à mon âge, mais ça a quelques avantages
J’ai vu l’enfer, je ne suis pas mort.
Ce qui ne m’a pas tué, m’a rendu plus fort

Lansana Kourouma, le 01.02.2017
224 est ma fierté

Lansana est arrivé début juin 2016 à Orléans. Il avait 14 ans et 8 mois. Comme il l’écrit dans son slam, il a été arrêté, menotté et mis en garde à vue. Un test osseux lui a également été imposé. Car le Conseil général du Loiret a refusé systématiquement tout nouvel arrivant MIE (mineur isolé étranger), entre juin 2014 et août 2016. Lansana a été relâché dans la rue au bout de 48 H avec une OQTF. Durant l’été, il a pu trouver des solutions d’hébergement chez différents citoyens militants. Avec l’aide du COJIE (Collectif de soutien aux jeunes isolés étrangers, fondé par RESF 45), il a pu faire les démarches en justice pour faire reconnaître sa minorité (première décision positive du juge des enfants début septembre 2016, confirmée en février 2017) et annuler son OQTF en novembre 2016. Nous l’avons également aidé à s’inscrire à l’école. Il est entré en classe d’accueil au collège dès septembre 2016. C’est dans cette classe qu’il a écrit son slam, en février. L’ordonnance du juge des enfants pour une assistance éducative en septembre 2016 s’est traduite, comme pour tous les autres jeunes MIE à Orléans, par une mise à l’abri à l’hôtel, sans suivi éducatif. Lansana continue à venir aux réunions du COJIE car c’est là qu’il trouve le plus de soutien et de renseignements sur sa situation. Depuis août 2016, le Conseil départemental du Loiret a repris « l’accueil » des nouveaux arrivants ; mais cela se fait dans la douleur, car le personnel est très insuffisant pour pouvoir réaliser correctement et dans les délais le travail d’évaluation de la minorité de chaque jeune. Ils attendent souvent des mois avant de savoir s’ils vont rester ou pas dans le département. Tant que cette orientation n’est pas décidée, le Conseil départemental pousse l’Education nationale à ne pas scolariser les jeunes pour ne pas risquer de bloquer une place qui se libèrerait ensuite. Bien entendu nous dénonçons ces pratiques, comme nous dénonçons la mise à l’abri en hôtels, l’entassement de plus en plus fréquent à 4 ou plus par chambre, le manque d’éducateurs et de places à l’école.
Transmis par RESF INFO (Réseau d’Education Sans Frontières)