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Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 30 août 2020

 

« Du pain et des jeux » (1)

 

Le 19 juillet devait avoir lieu entre Lure et La Planche des Belles Filles l’apothéose du Tour de France. Avant dernière étape, sans doute décisive de cette merveilleuse épreuve. La Covid-19 nous a privés de ce spectacle grandiose, de cette communion entre des champions, ces forçats de la route, et un public populaire, cela à travers une pratique sportive porteuse de tant de valeurs humanistes : le respect des règles, le respect de l’adversaire, le respect de soi-même… Spectacle gratuit, avec, en plus, distribution de cadeaux pour les spectateurs. Tour de France, symbole, summum de l’humanisme, du désintéressement, de l’engagement de gentils organisateurs pour le bonheur du Peuple.  C’est souvent comme cela que nous est présentée cette épreuve, qui se déroule depuis 1903, par les médias officiels.

 

Le tableau n’est-il pas trop idyllique ? Et si nous allions voir cela de plus près !

 

Cher camarade, qui comptais te rendre au bord des routes du Tour de France, certes, tu ne sortiras pas d’argent de ta poche ce jour-là, mais cette épreuve tu l’as largement financée par tes impôts.

Tes impôts qui vont servir à rémunérer les 23 000 policiers et gendarmes mis à contribution au cours de l’épreuve.

Tes impôts qui vont servir à payer les 25 millions d’euros que va régler la télévision du Service Public aux organisateurs pour retransmettre l’épreuve.

Tes impôts qui vont financer tous les travaux réalisés par la DDT (direction départementale des territoires) sur les routes pour que l’épreuve se déroule dans de parfaites conditions.

Si, en plus, tu es luron tu vas participer, en tant que contribuable, à régler les 100 000 euros que la ville de Lure a payés aux organisateurs pour être ville-départ de l’épreuve, ce qui représente plus de 10 euros par habitant.

Pas mal pour un spectacle soi-disant gratuit !

 

Mais au fait, cet argent, tu vas le donner à qui ?

 

Tu vas le donner à la Société ASO (Amaury Sport Organisation), groupe privé à but lucratif. Eh oui ! Le Tour de France est un spectacle privé, dont le but est de faire des bénéfices… pas seulement ton bonheur ! ASO est propriétaire du Tour de France et également d’autres épreuves aux valeurs humanistes : le Rallye Paris-Dakar et de nombreuses autres manifestations dans le domaine du golf et de l’équitation ; une entreprise au service de « l’émancipation populaire ». Emancipation populaire qu’elle défendait également au travers des titres de presse qu’elle posséda longtemps : Point de vue, Images du monde, Marie-Claire… ASO compte 900 salariés. Son chiffre d’affaires en 2018 était de 250 millions d’euros pour un bénéfice de 50 millions d’euros.

Quant aux cadeaux que va t’offrir la caravane publicitaire, ce sont 18 millions de « cochonneries » fabriquées en Asie (sans respect du droit du travail pour les enfants, les femmes...), emballées dans du plastique et distribuées pendant le Tour. Plastique qui va finir soit aux bords des routes, soit qui va retourner en Asie pour être détruit… On croit rêver ! Ces présents vont t’être jetés au sol. Tu n’as pas l’impression, cher camarade qu’on te fait l’aumône, comme les seigneurs qui jetaient aux manants les os restant de leur repas ? Cette distribution va être faite par quelques 70 véhicules. Si l’on ajoute à cela, les véhicules médicaux, les camions TV, les voitures des organisateurs, des journalistes, des équipes de coureurs, les motos, les hélicoptères. C’est un barnum d’environ 500 véhicules qui sillonnent la France pendant 3 semaines. En calculant au plus juste, sans s’emmêler dans les zéros, ce sont environ 100 litres de carburant par kilomètre qui sont gaspillés. Donc pour l’étape entre Leclerc City, pardon Lure, et La Planche des Belles Filles, ce sont environ 10 000 litres qui seront dépensés. Je suis prêt à parier que tous ces véhicules vont aller faire le plein à la Station-Service de l’hypermarché cité précédemment.

Je ne sais pas, toi, mais ce magnifique spectacle gratuit me fait déjà beaucoup moins envie.

 

Parlons maintenant des acteurs principaux de ce magnifique spectacle :

Les coureurs, considérés comme les vecteurs des valeurs humaines du sport de compétition : le dépassement de soi dans le respect des règles, le respect des adversaires, des partenaires, du public…Ces coureurs sont présentés comme des héros populaires actuels, des forçats de la route. Leurs exploits sont contés dans les lignes du journal historique du sport en France : j’ai nommé L’Equipe. L’Equipe dont la voix (unique) dans le monde du sport est considérée comme « paroles d’Evangile ». L’Equipe qui appartient au… Groupe Amaury, le propriétaire du Tour de France !

 

Cela ne commence pas à te paraître un peu suspect cette connivence ?

 

Mais revenons aux coureurs, là on entre dans un monde de tricheries, de duperies, de mensonges, d’un rare niveau. On pourrait faire un livre de toutes les affaires qui ont touché le monde du cyclisme, je vais juste te citer quelques déclarations, et te raconter quelques évènements, parfois tragiques pour t’en convaincre.

 

En 1950, début de la période moderne du Tour de France, Marcel BIDOT Directeur des équipes de France déclarait : « 75% des coureurs utilisent des produits dopants surtout des amphétamines. »

 

En 1960, Roger Rivière fait une chute dans la descente d’un col d’une façon assez surprenante, il restera paraplégique jusqu’à la fin de sa vie. Dans sa poche on trouvera des tubes de palfium, analgésique qui retarde les réflexes.

 

En 1962, 14 coureurs abandonnent au départ d’une étape, officiellement victimes d’une intoxication alimentaire. On saura plus tard que c’était le début de l’usage de la morphine dans les courses cyclistes et qu’ils s’étaient trompés dans le dosage. En fait ils étaient shootés.

 

Face à ces excès, en 1965, le dopage fut interdit. Les coureurs protestèrent contre cette loi en organisant une grève, dont le leader était le grand Jacques ANQUETIL. Héros national qui déclarait à cette époque : « Je me dope parce que tout le monde le fait, mes fesses sont de véritables passoires à force de faire des piqûres d’amphétamines ».

 

En 1966, 87% des coureurs contrôlés étaient positifs. Les sanctions étaient extrêmement légères (des minutes de pénalités, bien sûr non médiatisées).

 

En 1967, Tom SIMPSON meurt pendant l’ascension du Mont Ventoux. L’autopsie montrera qu’il était sous l’effet d’amphétamines qui lui ont fait dépasser ses limites. Dans ces années-là, les cas de dopage sont très nombreux et leurs techniques plutôt artisanales, comme le prouve l’affaire POLLENTIER.

 

En 1978, ce coureur belge, après avoir gagné une étape du Tour de France devait uriner dans un flacon en présence d’un médecin. Le coureur déclara qu’il n’y arrivait pas sous l’effet de la joie procurée par la victoire et demanda à retourner à son hôtel pour se détendre et se calmer et revenir plus tard. Le médecin refusa et voulut l’examiner pensant qu’il était peut-être en danger. Et là, SURPRISE : POLLENTIER était équipé d’une petite poire sous le bras remplie d’urine et d’un tuyau qui conduisait celle-ci à proximité de l’organe naturel de cette fonction. Une simple pression du bras sur la poire suffisait à faire sortir l’urine vierge de tout produit dopant dans l’éprouvette. Mais ce jour-là, le tuyau était bouché. On apprit plus tard que le coureur avait eu un différend la veille avec un de ses partenaires et que celui-ci avait bouché le tuyau rendant impossible la supercherie. Cette technique de substitution d’urine était en fait très développée, beaucoup de coureurs, dont Eddy Merckx, après leur carrière, ont reconnu l’avoir utilisée.

 

A partir des années 80, l’internationalisation du cyclisme va entraîner l’arrivée de nouvelles nations, en particulier des coureurs américains et des coureurs des pays de l’Est qui apportent avec eux une culture scientifique approfondie du dopage. Arrivent aussi de nouveaux produits : EPO, les hormones de croissance, les transfusions sanguines et même du sang artificiel. Les coureurs ont en fait profité des progrès médicaux. L’EPO augmente le nombre de globules rouges dans le sang qui sert à alimenter les muscles en oxygène. Ce produit était utilisé en médecine pour permettre aux victimes de longue maladie ou d’immobilisation prolongée de retrouver plus rapidement une masse musculaire normale. Les coureurs, eux, vont utiliser l’EPO pour l’augmenter artificiellement. Le principe est quasiment le même pour les hormones de croissance. La technique des transfusions sanguines est différente. La quantité de sang chez un être humain est en moyenne de 5 litres. Les coureurs se prélèvent environ un litre de sang qu’ils stockent. L’organisme va reconstituer naturellement ce litre de sang en environ 3 semaines. A ce moment-là, le coureur se réinjecte le sang qu’il s’était prélevé et donc se présente au départ de la course avec 6 litres de sang. Donc un apport d’oxygène aux muscles beaucoup plus important que la normale donc des performances artificiellement améliorées. Les coureurs utiliseront également des produis masquant qui cachent les traces de produits interdits dans le sang. Malgré cela, certains coureurs se font tout de même prendre soit parce qu’ils ont exagéré les doses, soit par hasard. Ce fut le cas en 1998 avec l’affaire FESTINA. Un soigneur de cette équipe espagnole s’est fait prendre à un contrôle douanier inopiné avec dans sa voiture des doses très importantes de produits dopants. Il lui fut difficile d’expliquer qu’elles n’étaient pas destinées aux coureurs. Deux autres équipes se feront prendre car on découvrira dans les poubelles de leur hôtel du matériel de transfusion sanguine. La suspicion concernait quasiment tous les coureurs mais ceux-ci ayant toujours un coup d’avance sur les contrôles anti-dopage étaient très rarement pris en flagrant délit. A partir de cette époque, l’agence anti-dopage va conserver les prélèvements urinaires et quand elle les analysera quelques années plus tard, elle y trouvera les produits dopants utilisés qu’elle ne pouvait détecter à cette époque. A partir de là on s’apercevra que quasiment tous les coureurs utilisaient des produits dopants mais inconnus au moment de leur utilisation.

 

Le cas ARMSTRONG est un cas d’école. Ce coureur états-unien aux performances moyennes en début de carrière devint de façon assez étonnante le meilleur coureur pendant de nombreuses années : il remporta 7 Tours de France consécutifs dans la suspicion mais ne fut jamais contrôlé positif. Il était également connu pour les intimidations, les menaces, parfois physiques, qu’il proférait envers les coureurs qui exprimaient des doutes quant à la nature de ses performances. Puis un jour sentant sans doute le piège se refermer sur lui, il avoua officiellement s’être dopé pendant sa carrière. Ses 7 victoires lui furent alors retirées et après un arrangement avec la Justice américaine (5 millions de dollars !) il continua à profiter de la fortune amassée au cours de sa carrière estimée à plus de 100 millions de dollars. Aujourd’hui en 2020 il organise des stages de cyclisme aux îles Baléares, stages d’une semaine au cours desquels il forme des jeunes coureurs à la pratique du cyclisme. Ces stages sont facturés 27 000 euros la semaine. Il prend 12 coureurs ! Les organisateurs du Tour de France ont pensé dans un premier temps déclarer vainqueur le coureur arrivé second mais celui-ci était aussi soupçonné de pratiques illicites ainsi que le troisième, le quatrième, le cinquième…. il y a donc 8 Tours de France qui n’ont pas eu de vainqueur officiel : les 7 victoires d’Armstrong + celle d’un autre américain dans le même cas.

 

Autre forme de tricherie : le dopage mécanique. Là encore beaucoup de suspicion avec des images que tout le monde peut voir sur Internet et qui sont surprenantes. Par exemple, celle d’un coureur qui chute et dont le vélo continue à tourner sur lui-même sur la route, ou celle d’un coureur après l’arrivée dans une légère montée qui continue à avancer sans pédaler … Aucun professionnel ne sera pris en flagrant délit. En revanche des coureurs amateurs se feront prendre avec des moteurs électriques dissimulés dans le cadre du vélo. Difficile de penser que les professionnels eux ne les utilisaient pas. La situation est bien résumée par le chercheur Nicolas EBER qui déclarait : « la tentation de se doper est d’autant plus forte pour un coureur qu’il soupçonne les autres de le faire, il peut ainsi craindre d’être le seul à ne pas en profiter ». Ainsi que par Jean-Pierre de Mondenard, médecin spécialisé dans la médecine du sport et dans le dopage : « Tous les vainqueurs du Tour de France, entre 1947 et 2010 ont eu maille à partir avec le dopage, chacun d’eux devrait se voir retirer son titre ». Depuis 2010 il semblerait que les cas de dopage soient moins nombreux. Mais comme beaucoup d’anciens coureurs qui participaient à l’époque où le dopage était généralisé et avéré, sont actuellement soit directeurs sportifs d’équipe, soit entraîneurs, je pense plutôt que les tricheurs aient à nouveau un tour d’avance sur la législation des contrôles.

 

Un autre aspect : ce monde de tricheurs attire des équipes cyclistes au profil un peu particulier comme par exemple l’équipe ASTANA. Equipe financée par un conglomérat d’entreprises Kazakhs qui se veut une vitrine publicitaire du Kazakhstan. Ce charmant pays dirigé d’une main de fer d’avril 1990 à juin 2019 par Noursoultan NAZARBAÏEV remplacé par Kassym-Jomart TOKAÏEV  du même acabit, et où, selon Amnesty International la torture et le non-respect des Droits de l‘Homme y sont généralisés dans la plus grande impunité. Elle a repris l’effectif d’une équipe disparue après une affaire de dopage. Son directeur sportif Alexandre VINOKOUROV est un ancien coureur qui fut suspendu 2 ans pour transfusion sanguine !

 

On pourra également applaudir sur les routes du Tour de France les coureurs de l’équipe Israël Start Up Nation financée par un milliardaire israélo-canadien. L’objectif de cette équipe est de présenter Israël comme une nation moderne dynamique. Elle possède de tels moyens financiers qu’en 2019 elle a fait délocaliser 3 étapes du Tour de l’Italie à Israël. Aucune de ces 3 étapes n’a bien entendu traversé la bande de Gaza ou la Cisjordanie !

 

Depuis quelques années l’intérêt du public pour le Tour de France a faibli, les rentrées financières ont donc diminué car aucun Français ne l‘a remporté depuis 35 ans. L’objectif de l’édition 2020 est donc qu’un Français le remporte enfin, pour relancer l’audience, les droits de télévision, l’intérêt des sponsors, et réinjecter de l’argent dans ce système lucratif et spéculatif.

 

Pourtant l’argent circule tout de même allègrement dans le monde du cyclisme. Pour information : Peter SAGAN un des meilleurs coureurs du monde a gagné en 2019 : 5 millions d’euros en salaire + les contrats publicitaires + les primes de course. La prime offerte au vainqueur du Tour de France est de 500 000 euros. On estime que pour P. Sagan cela représente environ 10 millions d’euros en revenus annuels, soit environ 700 fois plus que le revenu d’un Smicard.

 

Revenons sur l’édition 2020. L’étape principale de cette édition aura lieu entre Lure et La Planche des Belles Filles, un terrain de prédilection pour le morgelot (habitant de Melisey) Thibaud PINOT, vainqueur idéal pour le monde du cyclisme. D’où cette campagne éhontée dans la région. A Lure pas un rond-point, pas un lieu public… sans symbole du Tour de France, les différents maillots, des vélos, des drapeaux… jalonnent cette route, les Lurons ont même droit à un rond-point avec un landau géant symbolisant le fait que T. Pinot soit né dans cette ville. A Melisey, devenu Pinot City, 3 portraits géants du coureur et des portraits dans tous les magasins. Je me demande même s’ils ne vont pas pousser le bon goût jusqu’à exposer le lit dans lequel Thibaut Pinot a été conçu !

 

Camarade, si je résume les objectifs du  Tour de France :

C’est qu’avec ton argent les coureurs, les dirigeants, les organisateurs vivent très très confortablement,

C’est qu’après ce spectacle consternant tu retournes au travail, heureux qu’un Français ait remporté le Tour,

Le summum étant qu’un coureur né dans le même pays que toi, fût-il le dernier des abrutis, l’emporte. D’ailleurs je vais citer quelques déclarations du dernier vainqueur français en 1985.  Il s’appelle Bernard HINAULT : « le plaisir de dominer les autres me prodiguait une jouissance mentale. J’ai un moral de tueur ».

 

Alors s’il-te-plait camarade, rends-toi sur le parcours du Tour de France le 19 septembre mais ne reste pas sur le bord de la route.

Mets-toi SUR la route.

Mets un terme à ce spectacle dégradant de tricheurs, de menteurs, d’exploiteurs !

Dresse ta dignité de travailleur face à tous ces imposteurs  

et n’oublie pas que le lundi 21 quand tu retourneras à l‘atelier, tous ces spoliateurs se gobergeront avec TON argent.

Jean-Louis Lamboley.

 

(1)                   du poète satirique romain Juvénal (fin du 1er siècle/début du 2ème)