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dimanche 6 décembre 2020

 

La PAC

 

A l’heure où les discussions sont engagées pour définir la Politique Agricole Commune 2021-2027, il nous semble important de faire un retour sur son histoire, sa mise en place et ses évolutions. Quelles logiques successives ont orienté les choix de la politique agricole de l’UE, au sein de la politique globale communautaire ?

 1 - Rappels

 

C’est au lendemain de la 2ème guerre mondiale que les organisations européennes prennent forme. Le Traité de Paris (1952) institue la CECA – Communauté européenne du charbon et de l’acier : cette organisation internationale est fondée pour 50 ans (elle n’existe plus depuis 2002).

Le Traité de Rome (25.03.1957) institue la CEE – Communauté économique européenne - et l’EURATOM (énergie atomique). Dès l’origine, l’Europe se construit comme un marché commun entre les 6 pays pionniers de cette construction : Allemagne de l’Ouest, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas. Politique du pas à pas vers la libéralisation. En 1965, la commission européenne est créée et la fusion des CECA, CEE et EURATOM est réalisée. En 1986, l’Acte unique européen  institue le marché unique (libre circulation des biens, des personnes et des capitaux) se substituant au marché commun ; il prendra forme en 1993, après la signature, en 1992, du traité de Maastricht, accroissant les compétences européennes, la communauté européenne devient l’Union Européenne (économique et monétaire). La PAC naît du traité de Rome.

 

Elle représente une part importante du budget européen (40 %) qui se répartit en 2020, comme suit :

-        une aide directe aux exploitations (1er pilier) pour 258.60 milliards €, gérée par le fonds européen de garantie agricole

-        une aide au développement rural pour 77.80 milliards €, 2ème pilier, piloté et cofinancé par l’UE, les Etats et les régions, est en charge du fonds européen de développement rural.

 

Les ressources financières de l’UE proviennent à 72 % des contributions directes des Etats membres, et pour le reste, des droits de douanes et des transferts d’une partie de la TVA des pays membres.

 

Les lois d’orientation de la PAC sont proposées par la Commission Européenne, et SA Commission agricole, pour être discutées, ensuite, au Parlement européen (et SA commission agriculture).

 

Depuis  sa création, la PAC a adapté ses objectifs au marché et a mis en place des outils spécifiques passant des prix et des revenus garantis, à l’aide à la surface, découplée de la production, ou encore par la limitation des productions dont des quotas pour le lait et les céréales. L’UE s’accorde aux règles de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce, créée en 1995), elle signe en 1994 les accords agricoles de l’OMC, réduit ses aides à l’export et aux prix, entrés en vigueur au 1er janvier 1995. La PAC change de logique.  

 

2 – Les deux tournants de la construction de la PAC

 

Après la 2ème guerre mondiale, la France et d’autres pays européens, sont exsangues et le plan Marshall (1947-1952), rend la politique alimentaire des pays d’Europe totalement dépendante des Etats-Unis. La question qui se pose, alors, aux Européens est la suivante : continuer à acheter les produits US ou créer un marché agricole commun ?

A cette époque, l’agriculture européenne est rudimentaire, les propriétés exploitées sont morcelées en petites parcelles, la mécanisation est quasi nulle (les chevaux sont essentiels) et les rendements sont faibles. Comment, dans ces conditions, assurer la sécurité alimentaire ? Comment assurer l’approvisionnement des ménages, en particulier, en lait et en pain ?

 

Après de longues discussions entre les six pays pionniers de l’Union européenne, dans lesquelles la France fut moteur, la préférence communautaire et la solidarité financière sont acceptées. Dans la foulée de la construction européenne (CEE en 1957, marché commun en 1959), est créée la PAC qui sera effective en 1962. Ces années-là, le budget agricole commun est le premier poste des dépenses de la CEE.

 

1962

 

La PAC s’appuie, alors, sur la politique des prix garantis. Il s’agit d’assurer des revenus réguliers aux producteurs et d’offrir des prix stables aux consommateurs en garantissant l’approvisionnement. C’est la période des incitations à la production, chaque secteur ayant ses règles et son organisation : vin, légumes, porc, volaille, etc. L’objectif est d’augmenter la productivité agricole de la CEE qui aura rapidement pour effets : l’augmentation des surfaces exploitées (le remembrement des terres agricoles a eu lieu à partir de 1959), la mécanisation favorisée par le recours aux emprunts auprès du Crédit Agricole (les tracteurs remplacent les chevaux) et des rendements améliorés. Par exemple pour le blé : de 20 quintaux/hectare en 1950 on passe à 40 quintaux en 1965. Les rendements améliorés, l’extension des fermes, etc. ne cesseront plus et ce, au détriment des petits paysans et au profit de grandes exploitations. 

 

Cette politique d’incitation à la production européenne intérieure, au moment des Trente Glorieuses, aboutit à un phénomène de surproduction (exemple du beurre européen) : l’exportation entre les pays de l’Europe se développe ; en 1968, les droits de douanes intra-communautaires sont supprimés. Et l’exportation est financièrement soutenue, au-delà des pays de l’Europe. Elle pèse lourdement dans le budget avec les compensations financières entre les prix européens et les cours mondiaux agricoles.

 

Les importations des pays extérieurs à la CEE  sont dissuadées par l’instauration de taxes, ce qui fit grincer des dents les Etats-Unis, jugeant les mesures protectionnistes contraires aux règles du GATT (puis de l’OMC). Les conséquences de cette politique contraignent l’Europe, pour enrayer la surproduction, à prendre des mesures comme la limitation des productions dont les quotas laitiers en 1984.  

 

Dans le contexte du traité de Maastricht (1992) et de la création de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), l’UE est contrainte à entrer de plain-pied dans le libéralisme débridé, où la concurrence libre et non faussée est la règle absolue. C’est le grand tournant de 1992.

 

1992

 

En 1992, l’objectif de compétitivité de l’agriculture est inclus dans l’accord donnant naissance à l’OMC. Il s’agit pour l’UE de se mettre en conformité avec ses règles. L’objectif principal et de s’adapter au contexte international et de rendre l’agriculture européenne plus compétitive, entre autres, par une baisse des prix agricoles et des mesures compensatoires pour les producteurs. Cette orientation va bouleverser le principe de garantie des prix et institue des aides techniques à l’exploitation : une aide unique à l’exploitation est mise en place. Elle se substitue aux différentes aides à l’exploitation. L’aide est fixée par la Commission et régionalisée, selon les rendements historiques moyens.

 

Pour le lait, le régime des quotas reste l’outil principal pour réguler la production, pour les céréales également : le principe est le suivant, au-delà d’un quota défini par région et par exploitation, celui qui produit plus voit son prix de vente diminuer ou doit payer des pénalités.

 

Au fil des années, ces politiques de production « contrôlée » s’accentuent. En 2003, les aides sont conditionnées et indépendantes de la façon de travailler les sols. Bruxelles impose le gel des terres pour faire face à la surproduction. En 2014-2015, les aides en faveur de l’élevage (notamment intensif) sont réajustées. En 2015, les quotas laitiers sont supprimés. Parmi les effets de la PAC, il faut souligner  la chute du nombre d’exploitations laitières : de 427 000 exploitations en 1983 à 70 000 en 2014. De même, le beurre exporté par l’UE passe de 380 000 tonnes en 1983 à 150 000 tonnes en 2014.

 

Le Parlement européen, co-législateur avec la Commission de l’UE, détermine ses priorités pour le développement rural, dont un soutien à l’innovation, un renforcement de la compétitivité et de l’utilisation efficace des ressources. En 1999, l’élargissement de l’UE aux pays de l’Est, nécessite d’abonder les fonds structurels en faveur de ces pays. Le poids de la PAC passe de près de 70 % dans les années 1980 à moins de 50 % depuis 2000.

 

Les producteurs sont soumis à une plus forte volatilité des prix, les diktats du marché s’imposent, il faut  produire – vendre – pour produire plus, augmenter les surfaces exploitées, utiliser des intrants (pesticides, fongicides, engrais…) pour des rendements toujours plus performants, s’endetter par l’achat de matériels toujours plus puissants…  Dans ce cycle infernal, au mépris de l’écosystème, les exploitations et les petits paysans qui ont longtemps constitué le tissu environnemental social et économique de nos campagnes disparaissent. Entre 1955, la France compte 2,3 millions d’exploitations, 1 million en 1989 et 500 000 en 2014. La politique agricole européenne a favorisé la concentration des terres, la disparition de nombre de paysans, principalement les « moins performants » au profit de l’agro-business industriel, multipliant la culture du soja, maïs, etc… sans se soucier de la souveraineté alimentaire.

 

Parmi les effets négatifs des PAC successives, il a été constaté la création de rentes et d’inégalités. Les producteurs de fruits et légumes, par exemple, sont les grands oubliés et l’Allemagne n’a jamais respecté la politique des quotas laitiers, préférant payer les pénalités.

 

et pour 2021-2027 ?

 

La négociation est engagée pour définir « une PAC 2021-2027 plus verte mais surtout plus juste » a déclaré le ministre de l’agriculture français. Ce qui s’annonce, selon la Confédération paysanne, s’éloigne du caractère commun de la PAC en faveur d’une logique bien plus individuelle : pas de régulation des marchés, mais une « flexibilité nécessaire pour garantir la compétitivité des agriculteurs », soit la course à l’agrandissement et à la spécialisation, tournant ainsi le dos aux solutions indispensables face au changement climatique et aux aléas du marché.

 

Parmi les innovations technologiques qui impacteront l’agriculture mondiale et l’alimentation, citons le steak in vitro sans animaux, inventé en 2013 et déjà en vente. L’agriculture verticale (inventée en 1999), à savoir une ferme en gratte-ciel, des petites surfaces et des rendements plus grands, avec des récoltes toute l’année, une ferme pourrait nourrir 50 000 personnes !

 

La Confédération paysanne défend une nouvelle PAC qui favorise le revenu et l’emploi paysan et notamment

-        en garantissant la rémunération du travail par des prix couvrant les coûts et la production

-        en maintenant une activité diversifiée sur le territoire (grâce à primes plus justes). La PAC doit soutenir les productions locales, les marchés locaux, les outils de transformation et les zones défavorisées.

-        en donnant un coup d’arrêt à la disparition des exploitations. En Europe, une ferme disparaît toutes les 3 minutes.

 

Denis Favez, le 01.12.2020