Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 6 décembre 2020

 

L’insubordination qui vient

Editorial de PES n° 68

 

 

En cette fin d’année, l’on peut tenter de regarder dans le rétroviseur pour mieux voir au-delà de l’horizon. Le rejeton adultérin de Rothschild et de Hollande prétendait rattraper le retard de la France dans l’application du néolibéralisme. Promu par ses parrains, Arnaud Lagardère, Xavier Niel… il pensait pouvoir, à lui tout seul, incarner l’UMPS - tant décriée par la Pen - après l’effondrement de ses deux partis concurrents, ainsi qu’une orientation thatcherienne. Soutenu par une majorité recrutée sur curriculum vitae, il entama son détricotage encore plus prononcé du code du travail et du régime des retraites. Il lui fut opposé, comme de tradition, des luttes défensives face à ses contre-réformes. Persuadé que son autisme allait épuiser l’énergie des manifestants, il en rajouta une couche avec la taxe renchérissant le prix de l’essence, pour apparaître plus vert. Mal lui en prit.

 

Dans les profondeurs de la société, et surtout dans la périphérie, surgirent les Gilets Jaunes. Cette irruption des classes populaires, non encadrées, va troubler le jeu. Il avait osé prétendre, face à certaines récriminations : « Qu’ils viennent me chercher ! ». Les Gilets Jaunes le prirent au mot « On est là » et on veut aller à l’Elysée. Il ne s’agissait plus de demander seulement l’annulation de la taxe mais le renvoi du petit roi, sa démission. A la sempiternelle manifestation de la Bastille à la Nation, ils préféraient s’inviter dans les lieux de pouvoir et de résidence de la haute bourgeoisie. Cette effervescence populaire avec assemblées citoyennes, et dans l’action, délepenisa très rapidement quelques esprits qui subissaient cette influence, tout en produisant des revendications propres à déligitimer le régime. Et ça dura. Le pouvoir utilisa une méthode déjà expérimentée contre la ZAD de Notre Dame-des-Landes et les manifestations de la COP 21. De samedi en samedi, les Gilets Jaunes étaient toujours là. Malgré les éborgnés, traumatisés, blessés et enfermés (plus de 6 000 arrestations !). Et le petit Bonaparte dut ôter un habit trop large pour lui, céder sur la taxe et lancer quelques miettes. Le mouvement persévérant, il dut sortir de son palais, se produire en province, pour un grand déballage de bons sentiments démocratiques. On était loin de la start-up nation et de son souhait que « des jeunes aient l’ambition de devenir milliardaires ».

 

Après tout ce bla-bla, souhaitant conquérir une partie de l’électorat vert, face aux Marches pour le Climat qui s’imposaient dans le paysage, il réunit une Convention Citoyenne, tirée au sort, pour se mettre une nouvelle épine dans le pied. Cette dernière aboutit, en effet, à nombre de revendications qui ne pouvaient pas être mises en œuvre dans le cadre du néolibéralisme. Après de chaudes salutations, elle fut enterrée. L’on peut penser que les traces jaunes des Gilets, celles vertes de ceux qui s’en prennent au capitalisme mortifère pour l’écosystème, resteront des marqueurs indélébiles dans l’histoire récente.

 

Puis vint le Covid-19. Malgré les informations, provenant de Chine et même d’Italie, puis d’Alsace, l’on assista à une succession de mensonges d’Etat visant à camoufler l’irresponsabilité crasse de ce gouvernement et des précédents. Buzyn déclara « Nous avons des dizaines de masques en stock » puis, face à la pénurie, on décréta en haut lieu que « les masques étaient inutiles » puis, dans la panique, des stocks provenant des pays étrangers nous parvinrent. L’on assista, dès lors, à une gestion calamiteuse de la crise sanitaire où se succédèrent des injonctions contradictoires, confinement et reconfinement, avec de telles inégalités de traitement  que le pouvoir se caractérisa par l’art de hérisser les couches sociales qui lui étaient acquises. Entre temps,  il fallut faire appel aux derniers de corvée pour assurer un minimum de fonctionnement de l’économie et l’on vit nombre des premiers de cordée se réfugier en province. Puis l’argent magique - introuvable jusqu’alors - fut déversé à flots « quoiqu’il en coûte ». Toutefois, cette pandémie accrut le nombre de pauvres de 1 million de personnes, s’ajoutant aux 9 millions déjà dans la panade, ainsi que 800 000 chômeurs de plus.

 

Malgré les interdictions de se rassembler, la peur répandue, les manifestations se succédèrent contre le racisme, pour la défense du service public de santé… La répression policière, commanditée par Darma-le-nain, se déchaîna, en particulier, contre les migrants.

 

Ainsi, après le 65ème démantèlement d’un campement d’exilés à Saint-Denis, les sans-toits et sans-papiers se regroupèrent place de la République avec le soutien des organisations de défense de leur cause. C’était là une injure à la République bourgeoise qui ne saurait admettre de voir tous ces pauvres hères démunis, au sein de la capitale dite des Droits de l’Homme ! La hargne policière était à son comble, les coups se mirent à pleuvoir, les toiles de tente furent confisquées et les migrants, éparpillés, durent quitter, comme ils purent, le centre de Paris sans solution d’hébergement. Face à ce déchainement de racisme et de violence, que l’on ne pouvait cacher, vu les images qui circulaient, plus particulièrement sur les réseaux sociaux, que l’on ne pouvait nier, la langue de bois pâteuse fut répandue, pour tenter de ripoliner l’image de ces spadassins. Castaner l’avait déclaré : « Je ne vois aucun policier qui ait attaqué les Gilets Jaunes », Macron à l’ego boursouflé, lui, ne voyait que des « infiltrés » qu’il fallait réprimer. Son injonction  d’interdiction de parler de « violences policières » fut adressée aux  journalistes. Face à ces successions de bobards, le pouvoir en vint à parler qu’il y avait bien quelques « brebis galeuses » dans la police, ce qui expliquait quelques bavures, mais le « bon peuple » face à leurs successions commença à trouver qu’il s’agissait d’un troupeau bien vérolé. Surtout parmi les BAC et autres Brigades d’Intervention Rapide,  dont certains agissaient cagoulés. Malgré tous les discours se voulant apaisants, paternalistes, qui infantilisaient la population, la colère ne s’apaisait pas. Ne restait dès lors qu’à produire des lois encore plus liberticides que celles qui avaient été mises en œuvre jusqu’à présent.

 

Et ce fut la proposition de loi « Sécurité globale » où il s’agit essentiellement de protéger la police, dernier rempart du pouvoir, et de bâillonner la presse. Alors même que l’on avait assisté à un matraquage de manifestants, c’est l’intégrité physique et psychique des policiers qui devait être assurée ! Il faut dire que la pression débridée de syndicats de police d’extrême droite avait poussé le pouvoir, affolé, à en remettre une couche et à cajoler sa garde prétorienne. Les agressions de journalistes, notamment lors de la Marche des Libertés, laissaient apparaître que ce cache-sexe de la brutalité répressive  faisait surgir une indignation encore plus prononcée. Dans le secret du palais de l’Elysée et du Conseil de Défense, l’on cherche une vaine parade, en particulier pour une réécriture brouillonne de l’article 24, de cette législation déjà votée à l’Assemblée Nationale, alors même qu’elle doit passer au Sénat !  Et les députés « en Marche » de tituber pour chercher un chemin dans cette impasse. Sans conteste à leur secours, les chefferies éditoriales tentent de rassurer l’opinion pour occulter leurs propres turpitudes.

 

En effet, le pouvoir ne peut plus guère compter sur l’apathie, l’atomisation des masses populaires, le rôle des réseaux sociaux, des journalistes indépendants, vient troubler la pensée molle déversée par les boutiquiers des médias dominants. Inverser la réalité, travestir les faits, éructer leur mépris de classe vis-à-vis des humiliés et des exploités, devient de plus en plus difficile. Les cerveaux sont de plus en plus indisponibles à leurs commentaires sentencieux. Sont-ils en train de perdre la bataille de la communication propagandiste du  pouvoir ? Et pourtant, tout a été essayé pour construire l’ennemi intérieur qui, au fil des séquences, change de visage pour répandre la peur. Après les musulmans, ce seraient les infiltrés de l’ultra gauche qui commanditeraient un séparatisme factieux. Comme au temps de Marcellin « la matraque », le pouvoir prétend qu’il y aurait un chef d’orchestre clandestin. Incapable en effet depuis des années  de s’en prendre, de manière ciblée, aux salafistes et aux terroristes, dans la mesure même où il cajole les pétromonarchies wahhabites, il sème le racisme antimusulman et la peur d’une ultragauche fantasmée. Le petit roi est nu. Faut-il rappeler à cette caste au pouvoir, certaines leçons de l’histoire ? En 1789, le peuple s’est armé de piques et a brûlé les châteaux sans qu’on lui en donne la consigne.

 

En tout état de cause, le mal est profond. A vouloir à tous crins assurer le paradis des riches, construit sur l’enfer des pauvres, le pouvoir révèle sa propre nature. Désormais, la crise du néolibéralisme et ses conséquences provoquent une crise du consentement. Ce qui vient n’est guère rassurant pour cette ploutocratie : l’économie droguée aux crédits fait exploser le surendettement global ; rien qu’en France, en 2007, il représentait 1.7 fois le PIB et en 2017, 2.7 fois. Il paraît évident que la crise sanitaire va faire exploser ces chiffres. Demeure, en outre, comme horizon, l’écocide en cours de la planète qui constitue, comme la finance débridée, le terreau des luttes à venir.

 

Certes, la peur du déclassement, de la précarisation, des faillites, peut tétaniser, tout comme le surgissement des classes dites « dangereuses » des quartiers populaires. Et l’on va assister au déversement de propos faisandés qui seront autant de déballages de bons sentiments pour rassurer la classe moyenne ébranlée. Il faut bien continuer à masquer l’impudence des 1 %, cette nouvelle classe privilégiée, où la corruption est généralisée. Qui peut douter qu’avec les moyen des paradis fiscaux, de la fraude et de l’optimisation fiscales, on a à faire à une véritable maffiacratie qui a besoin, pour dominer, d’une caste de charlatans et de bonimenteurs pour maintenir sa suprématie ?

 

Et, dans ces circonstances, le pouvoir ne peut que s’ensauvager, tout en tentant de diffuser une pensée épicière, capable encore de capter une clientèle sur le marché électoral.

 

Au-delà de l’horizon immédiat, se dressent les prochaines vagues de révoltes qui continueront à effriter la falaise des dominants. En effet, les luttes de la dernière période prouvent que l’aquoibonisme est en recul malgré la répression et l’on voit s’agréger, dans les manifestations, des secteurs qui n’avaient guère l’habitude d’y participer (petits commerçants, restaurateurs, artisans…). Le pouvoir peut craindre que la jeunesse étudiante et des quartiers populaires, fasse irruption. Elle commence déjà à être de plus en plus présente (sur le climat, le racisme, les violences policières). L’époque qui s’ouvre pourrait bien être l’ère d’une succession de révoltes inter-réagissant d’un pays à l’autre. Toutefois, la convergence des luttes, l’émergence d’un projet politique de transformation sociale ne sont pas encore à l’ordre du jour malgré les pas faits en ce sens par les Gilets Jaunes. Un autre aspect de la réalité à venir doit être pris en compte, à savoir la campagne électorale présidentielle qui s’annonce. Les Insoumis pourraient infuser parmi les classes populaires, des mesures alternatives au système contribuant à les politiser. Il n’empêche, même s’il apparaît probable que Mélenchon puisse être présent au second tour des présidentielles, rien ne sera réglé pour autant : obtenir une majorité à l’Assemblée nationale ce ne sera pas une mince affaire, qui plus est, face à un Sénat très droitier, et ce, sans compter sur l’acharnement médiatique qui tentera de flétrir cette candidature. En tout état de cause, ce seront les luttes populaires qui permettront de casser, pour le moins, les politiques néolibérales. « Dès qu’il y a la volonté, il y a un chemin ».

 

GD, le 01.12.2020