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lundi 26 avril 2021

 

Foot, fric et Qatar

 

Le football est le sport le plus pratiqué au monde. Tous les gamins du monde ont  tapé dans un ballon et découvert cette activité. La pratique de ce sport s’est rapidement développée, d’abord en Europe, puis en Amérique du Sud, en Afrique et aujourd’hui, en Asie. Cet engouement planétaire a débouché sur un le professionnalisme et le brassage de sommes d’argent faramineuses. En France, on compte 14 000 clubs, 2,2 millions pratiquants, 1 800 joueurs professionnels payés en moyenne 35 000 €/mois.

 

Fric et magouille

 

Ce sport génère des sommes colossales et a une fâcheuse tendance à attirer des individus peu scrupuleux, avides d’argent facile. Aujourd’hui, le joueur le mieux payé est un Argentin du FC Barcelone, Lionel Messi, avec 200 000€/jour et des contrats publicitaires, ses revenus sont de plus de 100 millions d’€/an.

 

Autre caractéristique de ce sport, les règles laissent une grande part à l’appréciation de l’arbitre. Influencer, intimider l’homme en noir, peut dérégler le jeu. Dans les clubs, on apprend aux joueurs à simuler une blessure faite par un adversaire ou un coup reçu de celui-ci. On peut donc dire que le football c’est la tricherie à tous les étages, sur le terrain et en dehors. Cette culture est largement répandue. Quelques exemples :

-        Lionel Messi a été condamné en 2017 à 21 mois de prison pour fraude fiscale. Il aurait grugé le fisc espagnol de plus de 4 millions €. Il n’a bien sûr pas fait de prison mais des travaux d’intérêt général dans les clubs de foot… Bel exemple pour de jeunes joueurs !

-        des joueurs de Valenciennes ont touché de l’argent du club de Marseille pour « les laisser gagner ». Tapie président du club fut condamné à 2 ans de prison dont 8 mois fermes. Le joueur qui a révélé l’affaire n’a jamais retrouvé de club.

-        en 1982, lors d’un match Koweït-France, un but litigieux fut accordé aux Français. Furieux, le frère de l’émir descendit sur le terrain pour s’en prendre à l’arbitre, le match fut interrompu, le but fut annulé. L’arbitre fut suspendu à vie et le frère de l’émir écopa d’un blâme

 

Cette culture footbalistique et l’argent présent en masse, attirent beaucoup de businessmen douteux : Tapie fut président de l’Olympique de Marseille, Berlusconi propriétaire du Milan AC pendant 30 ans, F. Pinault est propriétaire du club de Rennes. Un oligarque russe Abramovich possède le club anglais de Chelsea. Depuis quelque temps, de nouveaux investisseurs arrivent sur le marché : le Paris SG est propriété du Qatar, Manchester City des Emirats Arabes Unis, Leeds du Bahreïn, et Barcelone est sponsorisée par Rakuten, l’Amazon chinois. C’est pour eux, le moyen de s’offrir une vitrine, de se faire des relations, en plus de gagner de l’argent.

 

Le Qatar, le plus entreprenant

 

Le pays organise, accueille, sponsorise toutes les compétitions sportives qui le veulent. Championnats du monde de cyclisme en 2016, de  handball en 2015, d’athlétisme en 2019, grands prix moto, auto, etc… Quasiment chaque week-end, une compétition est organisée au Qatar (gymnastique, judo, golf…). Les participants sont convoyés par la compagnie aérienne nationale et reçus comme des princes. A quand les JO d’hiver au Qatar, sachant qu’il est l’un des plus chauds du monde et que son point culminant est à 103 m d’altitude ?

 

Pourquoi une telle débauche d’énergie, d’argent : pour tisser des relations. Parce que le Qatar est isolé au milieu des pays du Golfe et craint ses voisins. Il veut donc se faire le plus d’amis possible pour se protéger. Presqu’île rattachée à l’Arabie Saoudite, ses voisins maritimes sont le Bahreïn, l’Iran, les Emirats Arabes Unis. Etonnant que le Qatar sunnite ait de bonnes relations avec l’Iran chiite. Pourquoi ? Ces deux pays partagent un énorme gisement gazier en mer et l’exploitent ensemble. C’est la principale ressource du Qatar. Hors de question, donc, de se fâcher avec les Iraniens. Certes, Arabie, Bahreïn, EAU sont les « cousins » sunnites du Qatar. Ils descendent tous des tribus bédouines qui occupèrent la région. Mais de vieux contentieux créent une méfiance entre les différents membres de la « famille ». Les relations entretenues avec l’Iran et la richesse du Qatar, rendent ses voisins jaloux et ses cousins assez peu amicaux. Mais le péché capital du Qatar est son soutien aux Frères Musulmans. Khaled Meshaal, chef du Hamas, vit à Doha, des membres des Frères Musulmans ont des postes importants dans l’appareil d’Etat qatari. Le gouvernement de Mohamed Morsi était soutenu et financé par le Qatar. Certes, les Frères musulmans ne sont pas tous des anges, mais se voir reproché par l’Arabie Saoudite un soutien à un mouvement dont certains membres seraient impliqués dans des actions terroristes a de quoi faire sourire. Autre péché du Qatar, celui d’accueillir la radio Al Jazeera, première radio d’info continue du monde arabe, qui se veut pluraliste.

 

Le Qatar est très riche. Son PIB de 130 000 dollars/an/habitant est le plus élevé au monde (Bahreïn 50 000, EAU 70 000). Cette richesse due à la production de gaz permet aux 250 000 Qataris de vivre comme des rois, pardon, comme des émirs… Ils en usent et en abusent. Le Qatar est le pays qui rejette le plus de CO2/habitant au monde (45 tonnes - moyenne mondiale : 5 tonnes). Le jour du dépassement (jour où un pays a dépensé en énergie ce que la planète peut régénérer pour ses habitants) et le 11 février pour le Qatar, le 22 août pour la planète. C’est le pays qui dépense le plus d’argent dans l’armement /habitant. Il achète à tout le monde, il a des avions français, russes et étatsuniens. Il se considère comme un coffre-fort entouré d’ennemis, alors il se surprotège en s’achetant des amis.

 

Cette recherche de relations a un autre objectif. Les Qataris ne sont que 250 000 : hors femmes et enfants qui ne participent pas aux affaires, moins de 100 000 personnes font fonctionner le pays. Le Qatar manque de ressources humaines et cherche donc à attirer des jeunes cadres compétents pour participer à la gestion de sa fortune. Les nombreuses amitiés du Qatar à l’étranger ont failli lui être bien utiles en 2017 quand l’Arabie, l’Egypte, le Bahreïn et les EAU ont rompu leurs relations diplomatiques et lui ont imposé un blocus économique. Ces Etats, soutenus par les USA de Trump, lui demandaient de rompre ses relations avec l’Iran, de fermer Al Jazeera et de cesser de soutenir les Frères musulmans. On est passé tout près d’une invasion militaire réclamée par l’impulsif dirigeant d’Arabie Saoudite. Finalement, Trump s’est rappelé qu’il avait une base militaire et 11 000 hommes sur le territoire qatari et a calmé le jeu. Le blocus a été levé en 2021 sans que le Qatar n’ait cédé quoi que ce soit. Ce blocus n’a fait qu’encourager les Qataris dans leur volonté de se protéger par tous les moyens. Par exemple, pendant le blocus, ils ont manqué de lait de vache pour préparer leur fameux lait caillé. Pour éviter que cela ne se reproduise, ils ont construit une ferme de 200 000 vaches achetées aux USA, ferme climatisée, dirigée par des Irlandais. Au Qatar, quand on veut quelque chose on s’en donne les moyens !

 

Cette volonté de plaire aux étrangers a peut-être aussi une autre cause. Si le Qatar, économiquement, c’est le 21ème siècle, socialement et politiquement, c’est plutôt le Moyen-Age. Dans ce pays, pas d’élections, pas de partis politiques ; l’émir et sa famille décident de tout.

 

Le pays compte 2.5 millions d’habitants : 9 habitants sur 10 sont des travailleurs étrangers. Certains sont des cadres qualifiés vivant plutôt bien, mais la majorité vient des Philippines ou du Pakistan pour les tâches manuelles et sont quasiment traités comme des esclaves. Pour travailler au Qatar, il leur faut un parrain qui, après avoir pris leur passeport, décide de tout : type de travail, employeur et surtout, le moment où ils pourront repartir. Il empoche pour cela 30 % de leur salaire. Cette « charmante » coutume s’appelle le Kalafa. Officiellement supprimée en 2016, dans les faits, elle est toujours appliquée. Le rapport de forces entre employeurs et employés est tel qu’aucun travailleur n’ose se plaindre. De quoi faire rêver le Medef français ! Bien sûr, pas de syndicat au Qatar. Par ailleurs, la peine de mort y est toujours en vigueur et c’est, entre autres, la punition prévue pour les personnes homosexuelles.

 

Pour résumer, le Qatar est le pays le plus riche du monde/habitant et on y pratique encore l’esclavage. On peut donc en conclure que la croissance économique ne règle pas tous les problèmes.   

 

Le Qatar décroche l’organisation de la coupe du monde de foot 2022

 

L’investissement qatari en relations a porté ses fruits. Le pays n’avait aucune chance d’obtenir le championnat du monde. Parmi les 5 pays sur les rangs, il était classé 5ème par les experts de la FIFA (fédération internationale du football amateur). Mais tous les amis, tous les « obligés » du Qatar sont entrés en jeu. Au 1er plan, les Français : Nicolas Sarkozy et deux ex-gloires du foot français, Michel Platini, Zinedine Zidane, ont soutenu le Qatar et convaincu de nombreux votants. Les représentants des pays africains ont voté pour le Qatar, quelque temps après, leur niveau de vie a brusquement augmenté. Le fils de Platini a trouvé un emploi dans les relations publiques à Doha, le Qatar a acheté une quarantaine de Rafale à la France et la fondation Zidane a reçu un don de 11 millions €. Bref, le Qatar a acheté la coupe du monde, en corrompant des personnes qui l’ont bien voulu. Finalement, c’est fidèle à l’esprit du football : tricherie et magouille à tous les étages.

 

On pourrait se dire : laissons-les entre crapules et magouilleurs et ne regardons pas ce championnat. Mais le drame c’est la construction à marche forcée des infrastructures nécessaires à cet évènement : des routes, 8 nouveaux stades, une ville nouvelle Lusail. Quasiment tous les matériaux sont importés, les stades seront climatisés… pour passer à une température de 50° à l’extérieur à 24° sur la pelouse, le tout dans un stade découvert. Le bilan écologique est désastreux. Et, face à l’insuffisante efficacité de cette climatisation, la coupe du monde est décalée à l’hiver (30°). Au-delà de l’anecdote, c’est la preuve de la puissance de cet Etat, qui a réussi à changer la date du Coupe du Monde pour la 1ère fois de son histoire !

 

Beaucoup plus grave : toutes ces infrastructures sont construites par des travailleurs émigrés, soumis à la Kalafa ou esclavage moderne. Rassurez-vous, le fils Platini n’est pas concerné ! Ces travailleurs, contrairement aux stars du foot, travaillent 365 jours/an, même par 50° en été. Pour être juste, il faut préciser que le travail doit s’arrêter par une température supérieure à 40° mais celle-ci est prise à l’ombre, donc, ces esclaves travaillent bien par 50° au soleil. A ce jour, 6 500, au minimum, sont morts depuis le début des travaux, d’origine du Pakistan, de l’Inde ou du Bangladesh. Le chiffre réel est sans doute supérieur puisque les données d’autres pays (Philippines, Kenya) n’ont pas été prises en compte…

 

Cette coupe du monde, coupe de la magouille, de la corruption, de la honte, arrive en tête comparée aux autres éditions qui n’étaient déjà pas très glorieuses.  Des milliardaires vont jouer à la baballe sur des cimetières, applaudis par des dirigeants corrompus, par Sarkozy, Platini et Zidane, aux premières loges. Ce spectacle sera relayé par les médias bien-pensants, qui déverseront des flots d’images joyeuses, d’images de fraternité sportive ! On va peut-être même nous ressortir la phrase de Pierre de Coubertin, ce misogyne patent, ce colonial fanatique, ce fervent soutien des JO de Berlin en 1936, proposé au prix Nobel par Hitler lui-même, alors qu’à ce championnat du monde « l’important c’est de ne pas participer » mais de le dénoncer, le boycotter. Le minimum de décence consisterait, au début de chaque match, à respecter une minute de silence à la mémoire de chacun des 6 500 travailleurs morts.

 

Jean-Louis Lamboley, le 24.04.2021