De COP en
COP, la température monte
La
COP – Conférence of the parties – désigne la réunion annuelle d’Etats
signataires de la convention cadre des Nations Unies. La, ou plutôt les COP
apparaissent dans le domaine environnemental après le Sommet de la Terre de Rio
de Janeiro en 1992. COP sur la diversité, COP sur la lutte contre la
désertification et, la plus connue, COP sur les changements climatiques.
L’objectif
initial de la COP Climat est de réduire les émissions de gaz à effet de serre
(GES). En effet, depuis plusieurs années le groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) alerte sur le lien entre
la production des GES et le réchauffement climatique constaté, et surtout sur
celui prévisible qui pourrait d’après lui, atteindre 3 ° à l’horizon 2050. Il
est prévu que les COP se réunissent chaque année, dans un pays différent. Qu’en
est-il des résultats de leurs travaux ?
De la COP 1 au
protocole de Kyoto
La COP
1 sur le climat eut lieu en 1995 à
Berlin. Dès cette première édition, la COP, qui devait être une réunion de
travail, devient beaucoup plus. L’Allemagne, en l’accueillant, veut construire
son influence. Réunifiée depuis peu, elle veut affirmer sa place dans le concert
des grandes nations. Le mieux, pour elle, serait d’obtenir un siège de membre
permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Elle ne l’obtint pas mais
hérita du secrétariat de l’ONU sur le climat, chargé d’organisé les futures
COP. L’organisation de ces conférences permet de mettre en valeur, de faire connaître
ceux qui s’y distinguent. La « maîtresse de cérémonie » de cette COP
1 était la ministre de l’environnement de la République fédérale allemande, une
certaine Angela Merkel. 160 pays plus l’Union Européenne y participèrent. La
France était représentée par Michel Barnier. Dès cette COP 1, la réunion de
travail d’experts en climatologie devint un espace médiatique où il faut
se montrer.
En 1997, la COP se déroule à Kyoto
au Japon. Elle aboutira aux accords
du même nom. Ceux-ci visent à encadrer les émissions de CO2 de plus d’une
centaine de pays. Les objectifs sont chiffrés : réduire les GES de 5.2 %
au niveau mondial d’ici 2020 (l’année de référence étant 1990). Ils sont fixés
pour chaque pays : pour l’UE, la baisse devait être de 8 %, USA 7 %, Japon
6%... et des mécanismes de flexibilité sont prévus pour pouvoir aider les
Etats, en particulier ceux en voie de développement, à atteindre leurs
objectifs. Parmi ces mécanismes, un va poser problème : le permis d’émission. Il donne la
possibilité aux Etats de vendre ou d’acheter des droits d’émettre des GES. Ce
sont en fait des droits à polluer
qui vont profiter aux pays déjà
industrialisés.
Pour
que le protocole de Kyoto puisse
entrer en vigueur, il fallait que 55 pays le ratifient. Ce sera chose faite en
2002, et le traité sera officiellement ratifié
en 2005 lors de la COP 11 à Montréal. Il aura donc fallu 8 ans pour que ce
traité soit en œuvre et ceci sans les principaux émetteurs de GES : Etats
Unis, Inde et Chine. La Chine et l’Inde étant considérés comme des pays en
voie de développement, ne sont pas tenus de baisser leur production de
GES ! Les Etats-Unis refusent
de ratifier le protocole car les pays en voie de développement (la Chine et
l’Inde) n’ont pas d’engagements quantifiés de réduction de leurs émissions. Ils
craignent donc une forme de concurrence déloyale et ne veulent surtout pas
qu’une instance extérieure, fut-elle de l’ONU, vienne contrôler, commenter,
contraindre sa politique économique. Le
Canada se retirera du protocole en 2011, considérant que les efforts
demandés entraveront son développement. A noter qu’il était prévu dans l’accord
qu’un pays puisse le quitter à tout moment, sans aucune conséquence pour lui.
En matière de contrainte, on a déjà vu mieux ! L’Australie, quant à elle, signera les accords mais, comme les
USA, ne les ratifiera pas. C’est également le cas de la principauté de Monaco…
On
parle souvent des accords de Kyoto, il vaudrait mieux plutôt parler des
désaccords de Kyoto ou de l’auberge
espagnole de Kyoto : aucune contrainte, aucune obligation, aucun
contrôle, chacun fait quasiment ce qu’il
veut et surtout ce qui lui est profitable.
Un
bilan officiel est pourtant tiré en 2014 et, surprise, grande victoire pour le
climat et les signataires du traité : la production de GES a baissé de 24
%. Sauf que, après tous les départs, seuls 15 % de la production des GES est
concernée par les accords. En réalité, si on prend en compte la production de
tous les pays, elle a augmenté de 6 % entre 1990 et 2014. De plus, l’effondrement
du bloc soviétique et la chute de sa production industrielle a fait baisser les
GES sans qu’il s’agisse d’une volonté de respecter les accords de Kyoto. Par
exemple, en Roumanie, entre 1990 et 1997, ils ont chuté de 50 %, en Lettonie de
60 %...
En
vertu de l’accord, il est prévu que chaque pays doit déterminer et planifier
ses contributions et en rendre compte régulièrement. Mais aucun mécanisme
n’oblige un pays à fixer des objectifs spécifiques ; il est prévu que chaque nouvel objectif doit aller au-delà
des précédents… Quelle logique et quelles contraintes pour les signataires ?
Présenter les accords de Kyoto comme une (grande) avancée dans le domaine de la
réduction des GES est quelque peu fallacieux, voire mensonger. On l’a vu, le
chiffre de 24 % de baisse est une manipulation. La production a réellement
augmenté de 6 %.
Paris,
vitrine de la COP 21
La
COP 21 se tient à Paris en 2015. C’est toujours un barnum médiatique, le
festival de Cannes de la bonne conscience écologique, où il faut se montrer,
s’y faire photographier, quitte à faire un aller-retour en jet privé…
Cette
COP va accoucher d’un nouvel accord visant à remplacer celui de Kyoto et à
éviter les pièges, notamment en ne mentionnant pas les objectifs par pays
signataire. Ne reste qu’un objectif global de maintien de la hausse des températures à moins de 2 °C par rapport aux niveaux de l’époque préindustrielle
formulé ainsi : les émissions devront être réduites dès que possible et atteindre le niveau net zéro dans la deuxième partie du siècle. Contrairement
à Kyoto, ces accords ne distinguent pas les pays développés et les pays en voie
de développement, de sorte que ces derniers devront eux aussi se plier sans
sourciller aux non contraintes d’un accord auquel il est possible d’adhérer
sans le signer !!!
A
cette coquille creuse, sont ajoutées quelques phrases de pure novlangue,
comme : « rendre les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers
un développement à faible émission de GES et résilient aux changements
climatiques ». Au passage soulignons l’attitude hypocrite et la
mauvaise foi de Madame Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique,
qui signe l’engagement pour la France alors qu’elle fait exactement le
contraire quand elle fait transiter de l’argent venant de l’industrie
pétrolière de son père à ses enfants vers des paradis fiscaux ! Saluons également son haut niveau de cynisme,
elle qui n’hésite pas à dire aux
Français de ne pas trop se chauffer et de faire des efforts de sobriété pour
sauver la planète ! On peut imaginer qu’elle participera à cet effort
collectif en partageant son patrimoine
immobilier de 1 730 000€
(déclaré par elle-même à la Haute Autorité pour la Transparence de la vie
publique) avec les SDF !
Dans
cette course à l’indécence, un autre
homme politique s’est particulièrement distingué dans le cadre des accords de
Paris, c’est ce « pauvre » Laurent Fabius qui s’est dépensé sans
compter pour faire croire que ces accords sont contraignants, ce qui aurait été
une première… sauf que cet avis ne semble pas être partagé par tout le monde.
« Dans cet accord il n’y a rien de
contraignant, il n’y a pas de sanction donc les Etats font ce qu’ils veulent.
Si demain matin un Etat qui a signé ces accords a envie de partir dans une
toute autre direction, rien ne peut l’en empêcher » (JF Julliard
directeur de Greenpeace France. « Tout
l’enjeu de la transparence est de permettre la confiance et le dialogue entre
les pays, afin de s’encourager mutuellement à augmenter leur ambition »
(Mathieu Wemaere, avocat) « La règle
du « name and shame » (montrer du doigt) fait office de punition et
peut encourager les Etats à respecter leurs promesses. Sans quoi, la déception
de la société civile face à un accord qui ne serait pas respecté pourrait se
traduire par une judiciarisation des questions climatiques et des condamnations
des Etats par des juges nationaux » (Laurent Neyret, juriste). Les signataires
doivent trembler face à de telles menaces de sanction !
En
conclusion, les accords de Paris, peut-être encore plus que ceux de Kyoto, sont
une coquille vide qui ont surtout permis aux dirigeants politiques et
institutionnels de se montrer, de laisser penser qu’ils oeuvrent sans relâche
pour le bienfait de « leurs » peuples. Tel ce « cher »
Fabius, harassé de fatigue, au bord des larmes, devant les caméras de
télévision, annonçant la signature de l’accord qui allait sauver le monde… Peut-être
ces larmes étaient-elles de joie, à l’idée qu’il pourrait continuer à aller
passer les vacances d’hiver à Zanzibar, comme à Noël 2012, et ce sans déroger
aux accords, puisque le transport aérien, comme maritime, n’étaient toujours
pas pris en compte dans les accords de Paris.
La même
hypocrisie a régné sur les COP suivantes
Ce cirque médiatique et polluant a continué son trajet : Marrakech
2016, Bonn 2017, Katowice 2018, Madrid 2019, Glasgow 2021. A Glasgow, les
organisateurs ont été moins discrets que leurs prédécesseurs sur les moyens de
déplacement des « grands » de ce monde. On a ainsi appris que 400 jets privés ont rallié la ville
écossaise, dont le Gulfstream jet de Jeff Bezos, PDG d’Amazon, première
personne à dépasser les 200 milliards de dollars de fortune personnelle. Jeff
Bezos se rendait à Glasgow pour sauver le monde, annonçant vouloir lutter (de
toutes ses forces) contre le changement climatique en y consacrant 10 milliards
de sa fortune personnelle (soit 5 % de celle-ci). Ce prince de l’hypocrisie
oubliait par contre d’annoncer qu’Amazon, source principale de cette fortune,
produisait en 2021, 71,5 tonnes de CO2 soit 18 % de plus qu’en 2020 et 40 % de
plus qu’en 2019. Ces émissions sont équivalentes à 180 centrales électriques au
gaz.
Ces
avions ont rejeté, pour transporter leurs « illustres » passagers
13 000 tonnes de CO2 soit l’équivalent de ce que produisent annuellement
près de 2 000 Ecossais. Rappelons que cette COP 26 faisait suite à la
pandémie de coronavirus, pendant laquelle le télétravail, le travail en
visioconférences étaient imposés à nombre de travailleurs…
En 2022, la
COP 27 de Charm el-Cheikh
En
matière d’hypocrisie, on va atteindre des sommets. Tout d’abord dans le choix
de la ville d’accueil : station balnéaire au sud du Sinaï, elle est
actuellement l’eldorado des oligarques russes, l’Egypte n’ayant pas suivi les
sanctions européennes contre la Russie. Dans cette ville, aucune chance de voir
une manifestation populaire anti COP. Les seuls Egyptiens présents sont les
amis de Moubarak ou de Sissi ou les femmes de ménage des hôtels de luxe. Charm
et-Cheikh est une ville à l’occidentale vivant du tourisme de luxe et de la
présence d’une base navale militaire égyptienne. [Le Comité de rédaction de PES
a envisagé, dans un premier temps, afin de bien s’imprégner de l’ambiance de
cette COP, de s’y rendre mais il restait seulement quelques chambres au Hilton Sharks Bay Resort Hôtel à
2 138 €/nuit… sans vue sur la mer… Nous avons donc renoncé) !!!]
Hypocrisie toujours concernant les principaux sponsors de la COP. En
premier lieu, Coca Cola qui, en
2019, a vendu son ignoble breuvage dans 100 milliards de bouteilles plastiques
(dont 9 % seulement sont recyclées), a émis 15 millions de tonnes de CO2
(équivalent à la production de 3 millions de Français pendant un an), a
consacré, en 2019, 11 millions de dollars dans des actions de nettoyage dites
environnementales (plage propre, village propre…) et 4 milliards dans des
campagnes de publicité. Pour la petite histoire, avant cette COP, des armées de
bénévoles ont nettoyé la ville, pour accueillir les « grands » de ce
monde, ramassant des milliers de bouteilles de Coca Cola abandonnées par les
touristes, quelques autres milliers de bouteilles ayant été distribuées
gratuitement aux participants de la COP…
Concernant
les autres sponsors, que des entreprises vertueuses en matière
d’écologie : Total, Microsoft, IBM, General Motors, Egypt Air… Malgré tous
les efforts de ces sponsors, les conditions de travail des conférenciers
n’étaient pas optimales. Audrey Garrie (journaliste au Monde) rapporte que les participants ont souffert du… froid (à
cause d’une climatisation trop forte) et étaient souvent interrompus par les
passages des avions, le nombre de jets privés s’étant rendus à cette COP,
n’ayant pas changé depuis Glasgow.
Concernant le fond, cette COP 27 s’est achevée sur un bilan considéré
comme « mitigé ». En clair, cela signifie que cette grande kermesse du climat, organisée
par Coca Cola, n’aura pas servi à grand-chose, si ce n’est à fournir des images,
telle celle de Macron, en bras de chemise, expliquant à de jeunes gens qu’il
faut absolument agir, comme il le fait de toutes ses forces… pour sauver la
planète, alors que l’Etat français vient d’être condamné par le Tribunal administratif
de Paris pour son inaction climatique. Entre 2015 et 2018, la France a produit
15 millions de tonnes de GES de plus
que ce à quoi elle s’était engagée dans le cadre des accords
« historiques » de Paris, alors qu’elle subventionne toujours des
énergies fossiles et qu’elle vient de rouvrir une centrale électrique à charbon…
Les
médias nous ont abreuvés d’informations sur l’accord historique qui avait été
adopté concernant la question des pertes et dommages. Un fonds dédié au
financement des conséquences du dérèglement climatique subies par les pays du
sud, alors qu’ils n’en sont pas responsables. On a même entendu parler de
« pas de géant vers plus de justice climatique » ! Chers amis
agriculteurs du Sahel ou du Pakistan, ne sautez pas de joie… D’une part, cet
accord n’est pas financé, ce sont seulement des mots. De plus, n’oubliez pas
que ce mécanisme va être organisé, supervisé par des responsables politiques
des pays du nord, comme par exemple, pour la France, Madame Pannier
Runacher…Vous l’avez compris, malgré le matraquage médiatique dont vous êtes
victimes, il vaut mieux ne compter que sur vous-mêmes.
« L’ambition climatique était insuffisante
avant la COP, elle n’a pas bougé d’un pouce… Dans le contexte de crise
climatique qui touche toutes les régions du monde, cette occasion manquée est
dramatique » Arnaud Gilles, responsable énergie climat pour WWF,
résume assez bien cette COP 27.
Elle
a permis
-
à des chefs
d’Etats, des négociateurs, des experts, de passer un peu de bon temps en
Egypte.
-
à des hommes
politiques de se montrer, de laisser penser à « leurs peuples »
qu’ils se battent bec et ongles pour les défendre (ce qui n’est que très
rarement la vérité)
-
à des firmes
polluantes, malfaisantes, de se donner une image positive
-
de signer un
accord qu’ils qualifient (à nouveau) d’« historique ».
Et
pendant ce temps-là, on « fonce » allègrement vers un réchauffement
de 3, 4, voire 5 °C à la fin du siècle. Cet été, on a pu se rendre compte des
dégâts d’une hausse de 2 ° C.
Alors,
ne nous laissons pas berner par ces kermesses médiatiques, indécentes, immorales.
Les prochains déplacements, en jets privés, de « nos » responsables
politiques, économiques, après être allés se faire filmer et photographier à
Charm El-Cheikh, consisteront à aller « cirer les pompes » des
esclavagistes qataris organisateurs de la coupe du monde de foot. Pour ceux qui
ont encore un peu d’espoir dans les COP, sachez que la 28ème du nom,
aura lieu à …Dubaï, aux Emirats Arabes Unis, encore, un haut lieu de
démocratie, de respect des droits de l’homme, et d’humanisme… un pays de
l’extraction de pétrole, de gaz et du tourisme de luxe… Les participants à la
COP 28 ne seront pas dépaysés.
Seule
petite lueur d’espoir à Charm El-Cheikh : certains responsables des pays
victimes du réchauffement climatique ont osé hausser un peu le ton. Comme Mia
Mottley, avocate, 1ère ministre de la Barbade (qui s’est déclarée
République en 2021) qui appelle à une taxation des profits des sociétés
pétrolières et gazeuses, à une refonte massive des prêts de développement
internationaux, à des compensations financières de la part des nations
industrialisées, pollueurs
historiques : « Le système
conçu au sortir de la 2ème guerre mondiale, à une époque où les
empires coloniaux prospéraient et pensaient sans les pays en développement, est
devenu caduc au 21ème siècle ». « Le monde en développement n’a pas été suffisamment entendu et doit
trouver sa place ». Il faudra beaucoup de conviction et de courage à
cette dame pour faire changer les choses car si des sourires de façade
accueillent son discours, les puissances économiques qui profitent du système
ne lui feront pas de cadeau. Comme Coca Cola, par exemple dont le chiffre
d’affaires de 2021 et de 38 milliards de dollars, soit 7 fois supérieur au PIB
de la Barbade. Bon courage Madame Mottley.
Jean-Louis
Lamboley, le 2.12.2022
GES
– Petit rappel
L’effet
de serre est vital pour la vie sur terre. Sans celui-ci on vivrait (ou plutôt
on ne vivrait pas) comme sur la lune. La température moyenne serait de – 18 °C
(au lieu de + 14 °C aujourd’hui). Le problème actuel est l’augmentation de cet effet
de serre. Les principaux GES sont :
-
la vapeur d’eau
sur laquelle les activités humaines
n’ont que très peu d’influence
-
le dioxyde
carbone (CO2) dont la concentration a augmenté de près de 50 % depuis le 18ème
siècle
-
le méthane dont
le potentiel de réchauffement est 30 fois supérieur au CO2, ce qui le rend
dangereux malgré le fait qu’il persiste moins longtemps dans l’atmosphère