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samedi 10 décembre 2022

 

De COP en COP, la température monte

 

La COP – Conférence of the parties – désigne la réunion annuelle d’Etats signataires de la convention cadre des Nations Unies. La, ou plutôt les COP apparaissent dans le domaine environnemental après le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992. COP sur la diversité, COP sur la lutte contre la désertification et, la plus connue, COP sur les changements climatiques.

 

L’objectif initial de la COP Climat est de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). En effet, depuis plusieurs années le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) alerte sur le lien entre la production des GES et le réchauffement climatique constaté, et surtout sur celui prévisible qui pourrait d’après lui, atteindre 3 ° à l’horizon 2050. Il est prévu que les COP se réunissent chaque année, dans un pays différent. Qu’en est-il des résultats de leurs travaux ?

 

De la COP 1 au protocole de Kyoto

 

 La COP 1 sur le climat eut lieu en 1995 à Berlin. Dès cette première édition, la COP, qui devait être une réunion de travail, devient beaucoup plus. L’Allemagne, en l’accueillant, veut construire son influence. Réunifiée depuis peu, elle veut affirmer sa place dans le concert des grandes nations. Le mieux, pour elle, serait d’obtenir un siège de membre permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Elle ne l’obtint pas mais hérita du secrétariat de l’ONU sur le climat, chargé d’organisé les futures COP. L’organisation de ces conférences permet de mettre en valeur, de faire connaître ceux qui s’y distinguent. La « maîtresse de cérémonie » de cette COP 1 était la ministre de l’environnement de la République fédérale allemande, une certaine Angela Merkel. 160 pays plus l’Union Européenne y participèrent. La France était représentée par Michel Barnier. Dès cette COP 1, la réunion de travail d’experts en climatologie devint un espace médiatique où il faut se montrer.

 

En 1997, la COP se déroule à Kyoto au Japon. Elle aboutira aux accords du même nom. Ceux-ci visent à encadrer les émissions de CO2 de plus d’une centaine de pays. Les objectifs sont chiffrés : réduire les GES de 5.2 % au niveau mondial d’ici 2020 (l’année de référence étant 1990). Ils sont fixés pour chaque pays : pour l’UE, la baisse devait être de 8 %, USA 7 %, Japon 6%... et des mécanismes de flexibilité sont prévus pour pouvoir aider les Etats, en particulier ceux en voie de développement, à atteindre leurs objectifs. Parmi ces mécanismes, un va poser problème : le permis d’émission. Il donne la possibilité aux Etats de vendre ou d’acheter des droits d’émettre des GES. Ce sont en fait des droits à polluer qui vont profiter aux pays déjà industrialisés.

 

Pour que le protocole de Kyoto puisse entrer en vigueur, il fallait que 55 pays le ratifient. Ce sera chose faite en 2002, et le traité sera officiellement ratifié en 2005 lors de la COP 11 à Montréal. Il aura donc fallu 8 ans pour que ce traité soit en œuvre et ceci sans les principaux émetteurs de GES : Etats Unis, Inde et Chine. La Chine et l’Inde étant considérés comme des pays en voie de développement, ne sont pas tenus de baisser leur production de GES ! Les Etats-Unis refusent de ratifier le protocole car les pays en voie de développement (la Chine et l’Inde) n’ont pas d’engagements quantifiés de réduction de leurs émissions. Ils craignent donc une forme de concurrence déloyale et ne veulent surtout pas qu’une instance extérieure, fut-elle de l’ONU, vienne contrôler, commenter, contraindre sa politique économique. Le Canada se retirera du protocole en 2011, considérant que les efforts demandés entraveront son développement. A noter qu’il était prévu dans l’accord qu’un pays puisse le quitter à tout moment, sans aucune conséquence pour lui. En matière de contrainte, on a déjà vu mieux ! L’Australie, quant à elle, signera les accords mais, comme les USA, ne les ratifiera pas. C’est également le cas de la principauté de Monaco…

On parle souvent des accords de Kyoto, il vaudrait mieux plutôt parler des désaccords de Kyoto ou de l’auberge espagnole de Kyoto : aucune contrainte, aucune obligation, aucun contrôle, chacun fait quasiment  ce qu’il veut et surtout ce qui lui est profitable.

 

Un bilan officiel est pourtant tiré en 2014 et, surprise, grande victoire pour le climat et les signataires du traité : la production de GES a baissé de 24 %. Sauf que, après tous les départs, seuls 15 % de la production des GES est concernée par les accords. En réalité, si on prend en compte la production de tous les pays, elle a augmenté de 6 % entre 1990 et 2014. De plus, l’effondrement du bloc soviétique et la chute de sa production industrielle a fait baisser les GES sans qu’il s’agisse d’une volonté de respecter les accords de Kyoto. Par exemple, en Roumanie, entre 1990 et 1997, ils ont chuté de 50 %, en Lettonie de 60 %...

 

En vertu de l’accord, il est prévu que chaque pays doit déterminer et planifier ses contributions et en rendre compte régulièrement. Mais aucun mécanisme n’oblige un pays à fixer des objectifs spécifiques ; il est prévu que chaque nouvel objectif doit aller au-delà des précédents… Quelle logique et quelles contraintes pour les signataires ? Présenter les accords de Kyoto comme une (grande) avancée dans le domaine de la réduction des GES est quelque peu fallacieux, voire mensonger. On l’a vu, le chiffre de 24 % de baisse est une manipulation. La production a réellement augmenté de 6 %.

 

Paris, vitrine de la COP 21

 

La COP 21 se tient à Paris en 2015. C’est toujours un barnum médiatique, le festival de Cannes de la bonne conscience écologique, où il faut se montrer, s’y faire photographier, quitte à faire un aller-retour en jet privé…

 

Cette COP va accoucher d’un nouvel accord visant à remplacer celui de Kyoto et à éviter les pièges, notamment en ne mentionnant pas les objectifs par pays signataire. Ne reste qu’un objectif global de maintien de la hausse des températures à moins de 2 °C par rapport aux niveaux de l’époque préindustrielle formulé ainsi : les émissions devront être réduites dès que possible et atteindre le niveau net zéro dans la deuxième partie du siècle. Contrairement à Kyoto, ces accords ne distinguent pas les pays développés et les pays en voie de développement, de sorte que ces derniers devront eux aussi se plier sans sourciller aux non contraintes d’un accord auquel il est possible d’adhérer sans le signer !!!

 

A cette coquille creuse, sont ajoutées quelques phrases de pure novlangue, comme : « rendre les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de GES et résilient aux changements climatiques ». Au passage soulignons l’attitude hypocrite et la mauvaise foi de Madame Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, qui signe l’engagement pour la France alors qu’elle fait exactement le contraire quand elle fait transiter de l’argent venant de l’industrie pétrolière de son père à ses enfants vers des paradis fiscaux !  Saluons également son haut niveau de cynisme,  elle qui n’hésite pas à dire aux Français de ne pas trop se chauffer et de faire des efforts de sobriété pour sauver la planète ! On peut imaginer qu’elle participera à cet effort collectif en partageant son patrimoine immobilier de 1 730 000€ (déclaré par elle-même à la Haute Autorité pour la Transparence de la vie publique) avec les SDF !

 

Dans cette course à l’indécence, un autre homme politique s’est particulièrement distingué dans le cadre des accords de Paris, c’est ce « pauvre » Laurent Fabius qui s’est dépensé sans compter pour faire croire que ces accords sont contraignants, ce qui aurait été une première… sauf que cet avis ne semble pas être partagé par tout le monde. « Dans cet accord il n’y a rien de contraignant, il n’y a pas de sanction donc les Etats font ce qu’ils veulent. Si demain matin un Etat qui a signé ces accords a envie de partir dans une toute autre direction, rien ne peut l’en empêcher » (JF Julliard directeur de Greenpeace France. « Tout l’enjeu de la transparence est de permettre la confiance et le dialogue entre les pays, afin de s’encourager mutuellement à augmenter leur ambition » (Mathieu Wemaere, avocat) « La règle du « name and shame » (montrer du doigt) fait office de punition et peut encourager les Etats à respecter leurs promesses. Sans quoi, la déception de la société civile face à un accord qui ne serait pas respecté pourrait se traduire par une judiciarisation des questions climatiques et des condamnations des Etats par des juges nationaux » (Laurent Neyret, juriste). Les signataires doivent trembler face à de telles menaces de sanction !

 

En conclusion, les accords de Paris, peut-être encore plus que ceux de Kyoto, sont une coquille vide qui ont surtout permis aux dirigeants politiques et institutionnels de se montrer, de laisser penser qu’ils oeuvrent sans relâche pour le bienfait de « leurs » peuples. Tel ce « cher » Fabius, harassé de fatigue, au bord des larmes, devant les caméras de télévision, annonçant la signature de l’accord qui allait sauver le monde… Peut-être ces larmes étaient-elles de joie, à l’idée qu’il pourrait continuer à aller passer les vacances d’hiver à Zanzibar, comme à Noël 2012, et ce sans déroger aux accords, puisque le transport aérien, comme maritime, n’étaient toujours pas pris en compte dans les accords de Paris.

 

La même hypocrisie a régné sur les COP suivantes

 

Ce cirque médiatique et polluant a continué son trajet : Marrakech 2016, Bonn 2017, Katowice 2018, Madrid 2019, Glasgow 2021. A Glasgow, les organisateurs ont été moins discrets que leurs prédécesseurs sur les moyens de déplacement des « grands » de ce monde. On a ainsi appris que 400 jets privés ont rallié la ville écossaise, dont le Gulfstream jet de Jeff Bezos, PDG d’Amazon, première personne à dépasser les 200 milliards de dollars de fortune personnelle. Jeff Bezos se rendait à Glasgow pour sauver le monde, annonçant vouloir lutter (de toutes ses forces) contre le changement climatique en y consacrant 10 milliards de sa fortune personnelle (soit 5 % de celle-ci). Ce prince de l’hypocrisie oubliait par contre d’annoncer qu’Amazon, source principale de cette fortune, produisait en 2021, 71,5 tonnes de CO2 soit 18 % de plus qu’en 2020 et 40 % de plus qu’en 2019. Ces émissions sont équivalentes à 180 centrales électriques au gaz.

 

Ces avions ont rejeté, pour transporter leurs « illustres » passagers 13 000 tonnes de CO2 soit l’équivalent de ce que produisent annuellement près de 2 000 Ecossais. Rappelons que cette COP 26 faisait suite à la pandémie de coronavirus, pendant laquelle le télétravail, le travail en visioconférences étaient imposés à nombre de travailleurs…

 

En 2022, la COP 27 de Charm el-Cheikh

 

En matière d’hypocrisie, on va atteindre des sommets. Tout d’abord dans le choix de la ville d’accueil : station balnéaire au sud du Sinaï, elle est actuellement l’eldorado des oligarques russes, l’Egypte n’ayant pas suivi les sanctions européennes contre la Russie. Dans cette ville, aucune chance de voir une manifestation populaire anti COP. Les seuls Egyptiens présents sont les amis de Moubarak ou de Sissi ou les femmes de ménage des hôtels de luxe. Charm et-Cheikh est une ville à l’occidentale vivant du tourisme de luxe et de la présence d’une base navale militaire égyptienne. [Le Comité de rédaction de PES a envisagé, dans un premier temps, afin de bien s’imprégner de l’ambiance de cette COP, de s’y rendre mais il restait seulement quelques chambres au Hilton Sharks Bay Resort Hôtel à 2 138 €/nuit… sans vue sur la mer… Nous avons donc renoncé) !!!]   

 

Hypocrisie toujours concernant les principaux sponsors de la COP. En premier lieu, Coca Cola qui, en 2019, a vendu son ignoble breuvage dans 100 milliards de bouteilles plastiques (dont 9 % seulement sont recyclées), a émis 15 millions de tonnes de CO2 (équivalent à la production de 3 millions de Français pendant un an), a consacré, en 2019, 11 millions de dollars dans des actions de nettoyage dites environnementales (plage propre, village propre…) et 4 milliards dans des campagnes de publicité. Pour la petite histoire, avant cette COP, des armées de bénévoles ont nettoyé la ville, pour accueillir les « grands » de ce monde, ramassant des milliers de bouteilles de Coca Cola abandonnées par les touristes, quelques autres milliers de bouteilles ayant été distribuées gratuitement aux participants de la COP…

 

Concernant les autres sponsors, que des entreprises vertueuses en matière d’écologie : Total, Microsoft, IBM, General Motors, Egypt Air… Malgré tous les efforts de ces sponsors, les conditions de travail des conférenciers n’étaient pas optimales. Audrey Garrie (journaliste au Monde) rapporte que les participants ont souffert du… froid (à cause d’une climatisation trop forte) et étaient souvent interrompus par les passages des avions, le nombre de jets privés s’étant rendus à cette COP, n’ayant pas changé depuis Glasgow.

 

Concernant le fond, cette COP 27 s’est achevée sur un bilan considéré comme « mitigé ». En clair, cela signifie que cette grande kermesse du climat, organisée par Coca Cola, n’aura pas servi à grand-chose, si ce n’est à fournir des images, telle celle de Macron, en bras de chemise, expliquant à de jeunes gens qu’il faut absolument agir, comme il le fait de toutes ses forces… pour sauver la planète, alors que l’Etat français vient d’être condamné par le Tribunal administratif de Paris pour son inaction climatique. Entre 2015 et 2018, la France a produit 15 millions de tonnes de GES de plus que ce à quoi elle s’était engagée dans le cadre des accords « historiques » de Paris, alors qu’elle subventionne toujours des énergies fossiles et qu’elle vient de rouvrir une centrale électrique à charbon…

 

Les médias nous ont abreuvés d’informations sur l’accord historique qui avait été adopté concernant la question des pertes et dommages. Un fonds dédié au financement des conséquences du dérèglement climatique subies par les pays du sud, alors qu’ils n’en sont pas responsables. On a même entendu parler de « pas de géant vers plus de justice climatique » ! Chers amis agriculteurs du Sahel ou du Pakistan, ne sautez pas de joie… D’une part, cet accord n’est pas financé, ce sont seulement des mots. De plus, n’oubliez pas que ce mécanisme va être organisé, supervisé par des responsables politiques des pays du nord, comme par exemple, pour la France, Madame Pannier Runacher…Vous l’avez compris, malgré le matraquage médiatique dont vous êtes victimes, il vaut mieux ne compter que sur vous-mêmes.

 

« L’ambition climatique était insuffisante avant la COP, elle n’a pas bougé d’un pouce… Dans le contexte de crise climatique qui touche toutes les régions du monde, cette occasion manquée est dramatique » Arnaud Gilles, responsable énergie climat pour WWF, résume assez bien cette COP 27.

 

Elle a permis

-        à des chefs d’Etats, des négociateurs, des experts, de passer un peu de bon temps en Egypte.

-        à des hommes politiques de se montrer, de laisser penser à « leurs peuples » qu’ils se battent bec et ongles pour les défendre (ce qui n’est que très rarement la vérité)

-        à des firmes polluantes, malfaisantes, de se donner une image positive

-        de signer un accord qu’ils qualifient (à nouveau) d’« historique ».

 

Et pendant ce temps-là, on « fonce » allègrement vers un réchauffement de 3, 4, voire 5 °C à la fin du siècle. Cet été, on a pu se rendre compte des dégâts d’une hausse de 2 ° C.

 

Alors, ne nous laissons pas berner par ces kermesses médiatiques, indécentes, immorales. Les prochains déplacements, en jets privés, de « nos » responsables politiques, économiques, après être allés se faire filmer et photographier à Charm El-Cheikh, consisteront à aller « cirer les pompes » des esclavagistes qataris organisateurs de la coupe du monde de foot. Pour ceux qui ont encore un peu d’espoir dans les COP, sachez que la 28ème du nom, aura lieu à …Dubaï, aux Emirats Arabes Unis, encore, un haut lieu de démocratie, de respect des droits de l’homme, et d’humanisme… un pays de l’extraction de pétrole, de gaz et du tourisme de luxe… Les participants à la COP 28 ne seront pas dépaysés.

 

Seule petite lueur d’espoir à Charm El-Cheikh : certains responsables des pays victimes du réchauffement climatique ont osé hausser un peu le ton. Comme Mia Mottley, avocate, 1ère ministre de la Barbade (qui s’est déclarée République en 2021) qui appelle à une taxation des profits des sociétés pétrolières et gazeuses, à une refonte massive des prêts de développement internationaux, à des compensations financières de la part des nations industrialisées,  pollueurs historiques : « Le système conçu au sortir de la 2ème guerre mondiale, à une époque où les empires coloniaux prospéraient et pensaient sans les pays en développement, est devenu caduc au 21ème siècle ». « Le monde en développement n’a pas été suffisamment entendu et doit trouver sa place ». Il faudra beaucoup de conviction et de courage à cette dame pour faire changer les choses car si des sourires de façade accueillent son discours, les puissances économiques qui profitent du système ne lui feront pas de cadeau. Comme Coca Cola, par exemple dont le chiffre d’affaires de 2021 et de 38 milliards de dollars, soit 7 fois supérieur au PIB de la Barbade. Bon courage Madame Mottley.

 

Jean-Louis Lamboley, le 2.12.2022

  

 

 

GES – Petit rappel

L’effet de serre est vital pour la vie sur terre. Sans celui-ci on vivrait (ou plutôt on ne vivrait pas) comme sur la lune. La température moyenne serait de – 18 °C (au lieu de + 14 °C aujourd’hui). Le problème actuel est l’augmentation de cet effet de serre. Les principaux GES sont :

-        la vapeur d’eau sur laquelle les activités  humaines n’ont que très peu d’influence

-        le dioxyde carbone (CO2) dont la concentration a augmenté de près de 50 % depuis le 18ème siècle

-        le méthane dont le potentiel de réchauffement est 30 fois supérieur au CO2, ce qui le rend dangereux malgré le fait qu’il persiste moins longtemps dans l’atmosphère