Gaza.
L’enfer.
Le
conflit israélo-palestinien semblait être en sommeil. Les Gazaouis survivaient dans
cette prison à ciel ouvert, la Cisjordanie s’accommodait de la colonisation…
Allait-on assister à l’avènement d’un nouveau Moyen-Orient ? D’autant
qu’une guerre en chassant une autre, celle de l’Ukraine emplissait les écrans
pour disparaître aussitôt depuis le 7 octobre avec l’opération Déluge Al-Aqsa. Le Hamas et sa brigade
armée ont rappelé au monde que la cause palestinienne n’est pas morte. Les
assassinats odieux qu’ils ont organisés le 7 octobre contre des civils israéliens
sont inacceptables et condamnables. A peine perpétrés, voici qu’en France enflaient
des polémiques sans fin, servant de calculs politiciens nauséabonds : acte
terroriste ou crime de guerre, accusant ceux qui ne qualifient pas le Hamas de
terroriste, d’être antisémites. La cause palestinienne ne risque-t-elle pas
d’être ensevelie dans ce fracas ? Les Palestiniens pourront-ils, un jour, sortir
de l’impasse qu’ils n’ont pas choisie, en 1948 puis en 1967 ? Telles sont
les questions que nous nous posons au-delà des horreurs que subissent les
familles israéliennes et palestiniennes, ces dernières étant prises au piège dans
la bande de Gaza ou soumises aux violences perpétrées par les colons en
Cisjordanie.
1 - Comment
en est-on arrivé là ?
Les
images du 7 octobre des massacres de jeunes, de vieillards, d’hommes, de
femmes, d’enfants, des otages violentés appellent à la condamnation sans
ambiguïté de l’attaque menée par le Hamas. Pour nous Occidentaux, c’est facile.
Pour les Palestiniens qui subissent quotidiennement l’occupation, c’est sans
doute difficile.
Pour les Palestiniens, ce sont les violences des colons (armés par l’Etat
d’Israël) organisant de véritables pogroms dans les villages de Cisjordanie
(près de 200 morts depuis le 1er janvier) sous le regard protecteur
de l’armée. Ce sont les humiliations quotidiennes aux checkpoints, les
provocations répétées sur l’esplanade des Mosquées ; c’est l’enfermement
dans la bande de Gaza de 2.3 millions de Gazaouis sur 365 km2 (40 kms de long
sur entre 6 et 12 kms de large), soit plus de 6 000 hab/km2 (1), sous
blocus depuis 17 ans ; c’est le maintien en prison de 4 900
prisonniers politiques. 11 millions de Palestiniens aspirent à l’autodétermination,
dont une partie (5.8 millions) est en exil dans les camps de réfugiés au
Proche-Orient et l’autre sous la domination d’une puissance occupante. C’est
toute une jeunesse privée d’avenir. Pour les Palestiniens, la guerre n’a jamais
cessé ni leur lutte pour que la Palestine ne disparaisse pas, encore plus
aujourd’hui face au projet de « nouveau Moyen-Orient » de Netanyahou,
dans lequel a disparu, en tant que territoire palestinien, la Cisjordanie et
Gaza. Satisfait, il a présenté ce plan à l’ONU, fort d’avoir obtenu la
reconnaissance de l’Etat d’Israël par des alliés de poids, Emirats Arabes Unis, Bahreïn, Maroc, Soudan, tous
signataires, en 2020 des accords d’Abraham, sous le patronage de Trump.
Les Palestiniens n’oublient pas les
luttes et les échecs : la 1ère
intifada (1987) puis l’espoir des accords à Oslo en 1993, signés par Arafat et
Rabin, affirmant le principe d’autonomie palestinienne, vite torpillés 2 ans
plus tard par Oslo 2 divisant la Cisjordanie en trois zones à souveraineté
partagée avec Israël. Ils n’oublient pas l’échec du sommet de Camp David en
2000 réunissant Clinton, Yasser Arafat et Ehoud Barak, suivi de la 2ème
intifada (2000), après la visite provocatrice de Sharon sur l’esplanade des
Mosquées, ni la construction du mur d’apartheid israélien. Les Gazaouis
n’oublient pas les offensives successives à Gaza, « Plomb durci » en
2008 (plus de 1 400 Palestiniens dont 410 enfants tués, « Pilier de défense »
en 2012 (160 morts palestiniens et 6 Israéliens), « Bordure protectrice »
en 2014 (plus de 2 200 Palestiniens (dont 73 % de civils) tués ainsi que 72
Israéliens. Ils n’oublient pas non plus la déclaration de Trump, le 6 décembre
2017, reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël et prétendant y
transférer l’ambassade US.
Aussitôt
après l’attaque du Hamas, les images du déferlement des violences de l’armée
israélienne nous sont parvenues : les bombes (dont certaines au phosphore
blanc) larguées sur Gaza déciment les populations ; les hôpitaux sont
bombardés ; électricité, eau sont coupées ; les médecins opèrent sans
anesthésiant, à la lueur de leurs téléphones portables… L’enfer absolu ! Le corridor humanitaire n’est mis en place
que 20 jours plus tard ne laissant passer les camions qu’au compte-gouttes par
la porte de Rafah, environ 17 par jour alors qu’il en faudrait 10 fois plus.
« Nous avons le droit, et même le
devoir », de comprendre, sans avoir à prouver que l’on n’est pas
antisémites. Car la guerre actuelle n’est pas une guerre d’Israël contre le
Hamas (comme on l’entend dans les médias). Le conflit d’aujourd’hui ne date pas
de 1987 (création du Hamas). Il est la prolongation de la guerre de l’Etat
d’Israël contre le peuple palestinien.
Certains qualifient le 7 octobre de « 11 septembre israélien ». « Cela
n’éclaire en rien les motivations des assaillants car le Hamas ne relève pas du
djihadisme international comme Al Qaida ou Daech. C’est un mouvement à la fois
nationaliste et islamiste, prêt à mener une politique du pire pour parvenir à
« l’établissement d’un Etat palestinien souverain et indépendant dans les
frontières de 1967 » comme stipulé dans sa charte modifiée en 2017 (2).
Le Hamas, issu des Frères musulmans jordaniens et égyptiens,
est un mouvement politique émanant du
désespoir de toute une population. Il arrive au pouvoir par des élections,
sans majorité absolue car nombre de Gazaouis sont opposés à son projet
politique. Mais s’il est arrivé là, c’est
essentiellement à cause de l‘occupant, Israël, qui a combattu les organisations
laïques comme l’OLP (Organisation de
Libération de la Palestine), dans sa stratégie de maintenir l’état de
guerre et de ne pas avoir de partenaires pour la paix. Le quotidien Haaretz rappelle une intervention de
Netanyahou en ce sens, de mars 2019 à la Knesset « Quiconque veut empêcher l’établissement d’un Etat palestinien doit
renforcer le soutien au Hamas et lui transférer de l’argent. C’est une partie
de notre stratégie (3) ». La division entre les organisations
palestiniennes, la corruption d’une partie des membres dirigeants de l’Autorité
Palestinienne, devenue sous-traitante de la sécurité israélienne, laissent les
mains libres au gouvernement d’extrême droite de Netanyahou. Son projet :
faire disparaître la Palestine, en
annexant la Cisjordanie où vivent déjà 740 000 colons (ils étaient
115 000 en 1993) et en « expulsant » les Gazaouis au Sinaï. Certains
évoquent une deuxième Nakba ?
Pour
les Palestiniens, des lueurs d’espoir se
sont éteintes aussi vite qu’apparues et les résolutions de l’ONU, pour une
grande part jamais appliquées, n’ont jamais fait l’objet d’aucune sanction (de
type blocus, embargo…), l’ami étatsunien y veille. Le 23 décembre 2016, le
conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 2334 condamnant la colonisation
dans les territoires occupés (pour une fois, les USA n’ont pas fait usage de leur droit de
veto). Un an plus tard, Trump est au pouvoir et tout bascule (4) :
reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, fermeture du consulat des
Etats-Unis à Jérusalem Est, réduction drastique de l’aide étatsunienne de
l’UNRWA (agence des Nations Unies chargée des réfugiés palestiniens au
Proche-Orient). En janvier 2020, un plan de paix apparaît : « tout, tout de suite, pour les Israéliens et
quelque chose, plus tard, peut-être, pour les Palestiniens ». La clé
de voute est un plan de normalisation
entre des Etats arabes et Israël. Les
accords d’Abraham sont signés en août 2020 par les Emirats arabes unis, le
Bahreïn, le Maroc et le Soudan, l’Egypte
a déjà signé un traité de paix en 1979 et la Jordanie en 1994. Restait à
convaincre l’Arabie Saoudite… mais le 7 octobre risque de changer la
donne.
C’est
dans ce contexte global qu’intervient l’attaque meurtrière du Hamas qu’Amnesty International qualifie de « crimes
de guerre » mais que les médias qualifient immédiatement de « terroristes ». Le traitement
médiatique ne sera pas le même, le lendemain, lorsque des milliers de
civils palestiniens subissent les représailles israéliennes qui exercent leur
« droit à la défense ».
Pourquoi croit-on Amnesty international
lorsqu’elle dit que le Hamas commet des crimes de guerre mais pas quand elle
qualifie la société israélienne de régime d’apartheid et de crimes contre
l’humanité, ce que l’Etat israélien fait subir quotidiennement aux
Palestiniens ? (3).
2 - La cause
palestinienne ne risque-elle pas d’être ensevelie ?
Jusqu’au
7 octobre, la marginalisation de la Palestine semblait avoir réussi ;
les derniers pourparlers remontant aux négociations menées par John Kerry en
2014 et la dernière initiative du Conseil de sécurité de décembre 2016 étant restée,
comme tant d’autres, sans effet et sans sanctions. Elle réaffirmait pourtant
que « l’acquisition de territoires
par la force est inadmissible », que « le statu quo n’est pas viable », que « la création de colonies par Israël constitue
une violation flagrante du droit international » et « qu’Israël, puissance occupante, est tenue de
respecter ses obligations découlant de la 4ème convention de Genève ».
Le
7 octobre, voilà que réapparaît la
« question palestinienne » sur la scène internationale. Cela
peut-il la servir ou la desservir ? Le Hamas a engagé Israël dans une
fuite en avant dangereuse : piéger l’armée israélienne en la faisant entrer
dans Gaza où les combattants du Hamas l’attendent, disséminés dans les tunnels,
avec des otages en garantie d’échanges. Il tente de provoquer Israël afin que
son armée commette des crimes de guerre d’une ampleur inédite, et ainsi,
retourne l’opinion publique mondiale. En 20 jours, 12 000 tonnes de bombes
ont été déversées sur Gaza, l’équivalent de la puissance explosive de la bombe
atomique d’Hiroshima (5)! Au 28 octobre : plus de 8 000 morts dont
3 000 enfants tués, des milliers handicapés à vie, des centaines de
milliers gravement traumatisés. Le ministre de la Défense israélien a osé le
dire : « Nous combattons des
animaux humains et nous agissons en conséquence ». Cela n’a pas ému
Mme Braun-Pivet, présidente de l’assemblée nationale, ni MM. Ciotti et Meyer
Habib, affirmant qu’Israël exerce son « droit à la défense ». Ces actes doivent-ils être nommés
« terroristes », « crimes de guerre » ou
« génocidaires » ? Peu nombreux sont ceux qui osent les dénoncer !
« La cause palestinienne risque d’être
ensevelie pour longtemps sous les cendres d’actes effroyables » (4).
Israël bénéficie du soutien international, conduit par les Etats-Unis, son fidèle
allié stratégique, face au « monde arabe ». Depuis le retrait de
l’Etat d’Israël de Gaza (2005), sa stratégie est l’endiguement, par le bi ais du blocus (2007) ayant pour
conséquence le renforcement du pouvoir du Hamas. 16 ans plus tard, selon
Netanyahou, il faut écraser les Gazaouis ou les renvoyer en Egypte.
Les crimes de guerre sont en cours dans
la bande de Gaza. Quelles réactions ?
Le
président du Conseil européen, Charles Michel, a affirmé le « droit d’Israël à se défendre en
conformité avec le droit international… » et l’on a pu voir Mme Von
der Leyen (sans mandat) courir au secours de Netanyahou pour lui affirmer) le soutien de l’UE. Les positions des Etats ont fait apparaître
des lignes de fracture entre le bloc occidental (Etats-Unis et Union
européenne) et les pays du Sud global (pour un grand nombre membres des BRICS).
Les Occidentaux ont condamné le Hamas
et soutenu les autorités israéliennes dans leur riposte : Etats-Unis, France, Allemagne, Royaume Uni
et Italie ont publié un communiqué commun sur ce positionnement. Ce
positionnement a ensuite été partagé par l’Inde,
l’Argentine et les Emirats Arabes Unis. En revanche, l’Espagne de Sanchez vient d’annoncer son soutien à la Palestine.
Occupant la présidence tournante de l’UE jusqu’à décembre, elle fait figure
d’exception en exhortant la commission européenne à « ne pas se plier aux diktats d’Israël qui soumet le peuple palestinien à
l’apartheid ». Le
Soudan soutient la Palestine et l’Afrique
du Sud (compagnon de route de la Palestine) a déclaré que « cette nouvelle conflagration est la
conséquence d’une occupation et d’une colonisation illégale continue de la
Palestine » et a appelé à un cessez-le-feu
immédiat, positionnement adopté par l’Union
Africaine. Pékin a usé de mille précautions, se disant préoccupé par
l’escalade de la tension sans désigner de responsable tout en appelant « toutes les parties concernées à rester
calmes et à faire preuve de retenue, à cesser immédiatement le feu et à protéger
les civils ». Poutine va
recevoir le Hamas prochainement puis un représentant d’Israël. Erdogan a, lui aussi, réagi en termes
mesurés d’autant qu’il a rétabli les relations diplomatiques avec Israël en
2022. L’Egypte a fait de même, craignant,
tout comme le Liban, un conflit régional. L’Iran
ne veut pas d’escalade du conflit mais si l’armée israélienne entre dans Gaza
pour détruire le Hamas, il se verrait contraint à réagir avec le Hezbollah libanais. Les pays arabes soutenant la Palestine
se sont indignés et ont déclaré que « tout autre pays (qu’Israël) serait
condamné « d’affamer délibérément une
population entière, la privant de nourriture, d’eau et de produits de première
nécessité ».
Pendant
ce temps, le plus gros porte-avions US croise au large du Liban ainsi que l’USS Dwight Eisenhower, avec une
escadre d’un croiseur, de 4 destroyers, de plusieurs sous-marins nucléaires,
comme un message aux pays (Iran, Syrie) ou au Hezbollah qui seraient tentés
d’ouvrir un nouveau front au nord.
Le
secrétaire général des Nations Unies s’est lancé dans un exercice d’équilibre
« Rien ne peut justifier l’attaque
condamnable du Hamas » et ajoutait « ces attaques odieuses ne peuvent en aucun cas justifier la punition
collective du peuple palestinien ». Quand on sait le peu de poids de
l’ONU…* Toutefois, le soutien à Israël n’est pas total et l’on peut espérer que
la colère des populations qui s’est
déjà manifestée contre Israël, en Tunisie, au Maroc, en Jordanie, en Egypte, au
Liban et même en Iran et en Turquie, mais aussi aux Etats-Unis, en Cisjordanie,
à Liverpool et à Londres, en Allemagne et en France, fasse craindre aux Etats
un embrasement dans leurs pays respectifs, ce qu’ils redoutent depuis
« les printemps arabes ».
Macron,
à peine « expulsé » de l’Afrique de l’ouest, revient sur le terrain
du Proche-Orient. Pas fute-fute, Il propose d’élargir la coalition
internationale contre Daech à la lutte contre le Hamas. Les pays arabes sont
très mécontents : comparer le Hamas à des promoteurs du djihad
international ! Encore une belle bourde… N’est pas diplomate qui
veut ! Par contre, pas d’exigence de cessez-le-feu immédiat, Macron évoque
une « trêve humanitaire »…Il
soutient ouvertement le projet politique du gouvernement fasciste et suprématiste
juif qui veut annexer la Cisjordanie et vider Gaza de sa population. Et pour
que les mécontents ne manifestent pas dans la rue, il envoie son rottweiler Darmanin,
tout frétillant d’interdire les manifestations dites
« pro-palestiniennes », au prétexte qu’elles soutiennent une
organisation terroriste et qu’elles sont antisémites !
Libérer la
Palestine et permettre sa reconnaissance internationale. Est-ce encore
possible ?
3 - Sortir
de l’impasse, est-ce possible ?
A
court terme, Netanyahou est face à un dilemme : bombarder Gaza sacrifierait
les otages. Entreprendre une offensive terrestre est hasardeux mais il
prépare le terrain par des incursions de chars dans la bande de Gaza et cela
semble imminent. Pourquoi l’Etat israélien ne continuerait-il pas sa politique
coloniale puisque depuis 56 ans, il viole allègrement les résolutions de l’ONU
sans aucune sanction à son encontre et qu’il intensifie sa politique
d’apartheid ? Cela va durer encore. L’attaque du Hamas peut-elle
changer la donne ?
Il
rêve d’anéantir le Hamas, qu’hier il a soutenu. Pas si simple car le Hamas
n’est pas qu’une armée, il est le gouvernement de Gaza avec des milliers de
personnes salariées vivant de salaires publics. Cette « mauvaise
herbe » ne peut pas s’arracher comme ça.
Autre
obstacle. Le conflit provoque déjà de
l’agitation sur les cours de l’or noir et du gaz. L’Iran produit 3 millions de
barils/jour (malgré les sanctions US) dont une partie est destinée à la Chine.
Si un 2ème front s’ouvre au nord, il y aura un impact majeur sur le
marché pétrolier d’autant que les exportations iraniennes ont augmenté. Ces
livraisons en hausse ont permis d’atténuer la baisse des quotas de l’Arabie
Saoudite et de la Russie. Les barils iraniens ont donc fait les affaires… des
USA. Par ailleurs, Israël a fermé provisoirement un champ gazier. Sur une
vingtaine de milliards de m3 produits en 2022 Israël en a exporté la moitié
vers l’Egypte et la Jordanie : moins de gaz vers ces pays signifie moins
d’exportation de GNL d’Egypte, donc moins de GNL pour le reste du monde avec
comme conséquence, l’augmentation des cours du gaz.
Netanyahou
pensait avoir gagné la « sympathie » des pays arabes avec les accords
d’Abraham, reconnaissant Israël et éliminant, de fait, la présence des
Palestiniens en Cisjordanie. Mais ils ne sont pas des accords de paix, à la
différence de ceux que Riyad avait proposés en 2022, à savoir une normalisation
qui comprenait le retrait d’Israël des territoires palestiniens occupés,
autrement dit l’application de la résolution 242 de l’ONU restée lettre morte
depuis 1967. L’Arabie Saoudite qui envisageait de rejoindre cette « coalition de l’oubli » de la
Palestine a suspendu les pourparlers après le 7 octobre. « On ne peut s’empêcher de le dire : ce
qui aurait dû être imposé par un plan international c’est le Hamas qui l’a
imposé » (3).
Quant
à la solution à deux Etats, que
répètent mécaniquement Macron et Biden, cela semble impossible si on laisse
faire la colonisation. Aucun dirigeant palestinien ne saurait accepter encore plus
de rétrécissement du territoire de la Palestine jusqu’à disparition totale.
Il
ne peut y avoir extinction du conflit sans une solution respectueuse des droits
des Palestiniens. Les grandes puissances peuvent-elles comprendre que la cause
palestinienne ne se laissera pas oublier ? Il est probable qu’une crise politique
salutaire s’ouvre en Israël. Mais changer les dirigeants politiques sans projet
reconnaissant le droit des Palestiniens à l’autodétermination et à une
véritable souveraineté politique, ne suffira pas. Il faudra mettre fin à la colonisation, en finir avec
l’occupation. Il ne peut y avoir de paix sans justice.
Pour
l’heure, on assiste à une escalade de la violence condamnant à mort tous les
Gazaouis, pris au piège dans la nasse qu’est la bande de Gaza. Rien ne justifie
les horreurs perpétrées par le Hamas qu’il faut dénoncer comme crimes de guerre
mais il faut aussi dénoncer celles commises par l’armée israélienne (à l’heure
où nous écrivons plus de 8 000 morts palestiniens).
La
question de la Palestine ne peut être
résolue sans le peuple de Palestine et les Israéliens doivent aussi
s’interroger sur l’Etat dans lequel ils veulent vivre. Des voix pour la paix
existent encore en Israël : B’Tselem,
Standing together, Breaking the silence, les guerrières de la paix, etc.
Il
faudrait aussi ouvrir les prisons pour
que de nouveaux dirigeants palestiniens émergent. On pense à Marwan Barghouti,
et bien d’autres, qui pourrissent dans les prisons israéliennes depuis des
décennies. Ils sont, pour la plupart, emprisonnés sans jugement, toujours en
détention administrative. L’espoir viendra de la jeunesse et de tous ceux qui
pensent possible de vivre en paix en Palestine.
La
Palestine ne cessera jamais de renaître. C’est ce que le père d’Elias Sanbar (intellectuel
gazaoui) exprimait ainsi en 1967 : « N’aie pas peur, n’aie jamais peur, nous sommes comme une arête dans la
gorge du monde, personne n’arrivera jamais à nous avaler ».
Espérons-le.
Odile
Mangeot, le 28.10.2023
(1)
Haute-Saône :
43 hab/km2 (234 000 hab. pour 5 360 km2)
(2) Denis Sieffert, Politis
(3)
Pierre Stambul, porte-parole
de l’UJFP – Union Française Juive pour la Paix
(4)
Jean-Paul
Chagnollaud, directeur de l’IReMMO (institut de recherches et d’études
Méditerranée/Moyen-Orient)
(5)
MRAP
·
Après plusieurs
tentatives, l’AG des Nations Unies a appelé à une « trêve humanitaire
immédiate » le 27 octobre par un vote avec 120 voix pour, 14 contre et 45
abstentions)
sources :
Manière de voir, le Monde Diplomatique
n° 157 – mars 2018 - Palestine, un
peuple, une colonisation, Politis,
le Monde, UJFP, AFPS, Alencontre
Pour en savoir plus :
dossier spécial Israël-Palestine : l’embrasement, et après ?, dans le
Monde Diplomatique - novembre 2023