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vendredi 3 novembre 2023

 

Ukraine/Russie. Et après ?

 

Il ne s’agit pas, ici, de retracer la guerre entre l’Ukraine et la Russie, mais plutôt de développer un certain nombre de points de vue, de réflexions, pour tenter de cerner les raisons qui ont conduit à ce conflit. Il y a en effet un certain nombre d’aspects qui ont été négligés, sur lesquels il est intéressant d’insister, d’une part le poids de l’histoire et d’autre part le processus qui a conduit à la guerre et n’a fait que l’amplifier.


                                     1 – Le poids refoulé de l’histoire

 

Il semble nécessaire de souligner que les pays de l’Est, dans leur configuration actuelle, y compris en Ukraine, résultent en grande partie du pacte germano-soviétique, conclu entre Hitler et Staline en 1939. La Pologne qui avait été rayée de la carte,  partagée entre l’Autriche-Hongrie, la Prusse et la Russie, a retrouvé un semblant d’indépendance après la première guerre mondiale. Pour l’Allemagne nazie, il s’agissait d’accroître son « espace vital ». Ainsi, la Pologne fut partagée entre l’Allemagne et l’URSS, Staline en profitant pour occuper les pays baltes et envahissant la Finlande. C’est dire que ces pays rattachés à l’Union soviétique ne résultaient aucunement d’une révolution. Quant à la partie ouest, occupée par les nazis, elle était marquée par un antisémitisme virulent et les pogroms. Lorsque la guerre éclata, en 1941, entre l’Ukraine et l’URSS, les pogroms et les actes antisémites se prolongèrent dans la partie ouest de l’Ukraine actuelle. La région de Linz, encore appelée Lemberg (1), fut l’objet d’une guerre civile ravageuse contre les Juifs et les communistes, dans laquelle s’illustra Bandera, de sinistre mémoire.

 

Lorsque l’Armée rouge fit reculer les armées nazies et, en application des accords de Yalta, occupa les régions anciennement polonaises catholiques et une partie de la Bessarabie ainsi que des régions faisant partie de la grande Roumanie, de la Hongrie et de la Slovaquie, il va sans dire que ces peuples n’avaient aucune unité nationale, parlaient des langues différentes et les religions se concurrençaient. La partie slave était concentrée, en Ukraine, dans la région Est la plus industrielle.

 

2 – Avant et après la désintégration de l’URSS

 

Les pays qui furent rattachés à l’Union soviétique et qui, selon le mot de Brejnev, ne disposaient que d’une souveraineté limitée, connurent des révoltes successives : en Pologne, en 1956, contestations ouvrières réprimées ; la même année en Hongrie, conseils ouvriers réprimés sous Khrouchtchev. Il en fut de même en Tchécoslovaquie en 1968 pour le printemps de Prague. Ces « socialismes » de caserne connurent effectivement un développement des forces productives (industrialisation, éducation…). Quant aux rapports sociaux de production et dans la société elle-même, il n’y eut guère de changements (hiérarchie, concurrence, poids de la religion, absence de liberté…).

 

Lors de la désintégration de l’Union soviétique en 1991, promesse fut formulée à Gorbatchev puis à Poutine, la dissolution de l’OTAN suivrait la dissolution du pacte de Varsovie. Or, cette promesse ne fut pas tenue, bien au contraire.

 

Ivre de sa supériorité, l’hyperpuissance américaine pensait pouvoir contrôler l’ensemble du monde. Or, cette période fut brève. Elle fut marquée par l’apparition de grandes catastrophes dans les pays de l’Est, l’accaparement des biens publics par les oligarques, le chômage, la misère et la corruption ainsi que le passage progressif des pays dits de l’Est dans le giron de l’économie libérale jusqu’à intégrer l’OTAN et l’Union Européenne.

 

En Ukraine, pays particulièrement corrompu, où se disputaient oligarques pro-russes et oligarques pro-occidentaux, ces derniers finirent par l’emporter, suite au « soulèvement » de Maïdan, ce que les Russes considèrent, du point de vue juridique, comme un coup d’Etat. Le nationalisme ukrainien, incité par les groupes néo-nazis, alla jusqu’à interdire l’usage admis de la langue russe, particulièrement usitée par les Slaves de l’est. En effet, jusqu’à cette décision complètement ubuesque, la langue ukrainienne et la langue russe étaient enseignées de la même manière sur l’ensemble du territoire ukrainien. Cet oukase ukrainien provoqua la révolte des régions de Donetsk et des environs et une guerre larvée dans laquelle s’immisça de plus en plus l’armée russe. Des accords dits de Minsk furent conclus, pour tenter de mettre fin, en apparence, à ce conflit. Il s’agissait en fait comme l’avoua plus tard Mme Merkel de gagner du temps pour armer et organiser l’armée ukrainienne.

 

3 – Deux aveuglements, deux échecs

 

La Russie poutinienne ne parvenant pas à obtenir satisfaction sur la nécessité pour elle-même de garder l’Ukraine dans son orbite, décida de déloger le gouvernement pro-occidental qui s’était installé à Kiev. L’armée russe concentrée en Biélorussie pensait faire fuir très rapidement le gouvernement ukrainien afin d’y placer un pouvoir à sa botte. Ce fut un échec lamentable  qui contraignit l’armée russe à se concentrer sur l’Est de l’Ukraine et à y occuper véritablement une partie de ce territoire.

 

Le deuxième aveuglement et le deuxième échec concernent les USA et l’UE qui misèrent sur l’effondrement du régime poutinien. Ce fut loin d’être le cas. En effet, l’armée russe adopta une logique défensive, installant plusieurs rangées de tranchées, les fameuses « dents du tigre » pour bloquer l’avancée des chars ennemis et pilonnant toutes les tentatives d’avancées de l’armée ukrainienne dotée pourtant de technologies les plus sophistiquées.

 

On assiste ainsi à une guerre d’usure, jusqu’au dernier ukrainien pour les Occidentaux (?), et jusqu’à l’effondrement/épuisement du gouvernement Zelensky. Certes, nous n’en sommes pas là mais les gouvernements occidentaux avouent qu’ils n’arrivent plus à produire suffisamment de munitions, d’obus, de tanks pour satisfaire la contre-offensive ukrainienne que personne ne voit venir. Pour l’heure on assiste en fait à des coups d’épingles sur la peau du rhinocéros russe.

 

La stratégie américaine en est toute chamboulée. Elle pensait que cette guerre serait courte pour se concentrer sur son ennemi principal, à savoir la Chine. Elle misait également sur le raffermissement de sa puissance en Europe en coupant les approvisionnements de pétrole et de gaz russes. Elle n’a fait qu’affaiblir l’Allemagne, fragmenter encore plus l’Europe, y compris en divisant son plus fidèle allié, la Pologne antirusse.

 

Qu’en conclure ?

 

Les pouvoirs des différents empires et de leurs supplétifs instrumentalisent religions, ethnies, concurrences entre eux qui sont autant de sources de conflits. La croissance des forces productives n’entraîne nullement entraide et coopération dans les rapports à l’intérieur des pays et entre les nations.

 

La poursuite de la colonisation des Palestiniens, si elle est différente, connaît également des similitudes de manière exacerbée, entre colons et les Palestiniens.

 

De même, la situation de l’Arménie démontre que les conflits qui ne sont pas réglés dans le sens de la concorde entre nations, ont tendance à faire surgir de nouveaux monstres. On peut se demander d’ailleurs si le découpage colonial et son caractère arbitraire ne seront pas sources de conflits futurs entre pays composés de différentes ethnies.

 

Gérard Deneux, le 31.10.2023  

(1)   lire Le retour à Lemberg de Philippe Sands (ed. Albin Michel)