Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 30 octobre 2020

 

JEU DE RACKET !

 

Dans PES n° 65, nous évoquions le Tour de France, cette « magnifique » épreuve populaire, gratuite, qui diffuse les valeurs humanistes du sport… mais qui est, en fait, un barnum privé dont le principal objectif, avec le concours du Service Public de la télévision, est d’abrutir les classes populaires et au passage de gagner beaucoup d’argent que se partagent les coureurs, les entraineurs, les organisateurs… tous plus tricheurs les uns que les autres. L’objectif était cette année qu’un Français remporte (enfin) cette épreuve, 35 ans après Bernard Hinault - celui qui disait éprouver de la jouissance à dominer les autres. Le but étant de relancer l’intérêt du public français surtout jeune, et les audiences TV et amener de nouveaux sponsors. Pour cela, un parcours sur mesure avait été tracé pour favoriser les coureurs français. Raté ! la dernière étape (Lure/La Planche des Belles Filles), qui devait voir un Français triompher dans la liesse populaire a vu, en fait, s’affronter pour la 1ère place, deux coureurs slovènes et un coureur né en Tasmanie ; cela aura au moins permis de réviser sa géographie. Le 1er Français est à la 11ème  place.

 

La moyenne d’âge des téléspectateurs est de 62 ans et beaucoup disent regarder cette course pour voir des paysages… Il semble donc que cette épreuve « machiste et polluante », selon le nouveau maire de Lyon – premier homme politique ayant osé critiquer cette institution - va perdre de sa notoriété. Les temps de retransmission TV vont sans doute diminuer et l’épreuve perdre donc de son impact. Mais les classes dirigeantes ne vont pas laisser le cerveau des masses ouvrières sans occupation. Celles-ci risqueraient de lire, parler à leurs voisins, échanger, s’enrichir mutuellement, réfléchir sur les conditions de leurs exploitations et chercher des solutions pour y échapper. Face à un tel danger, il leur faut réagir rapidement : TF1, BFM TV, CNEWS assument toujours leur part de « boulot » mais il faut des évènements exceptionnels, des pics d’émotion pour être plus efficaces.

 

Le tournoi de tennis Roland Garros

 

Il semble être l’événement en passe de surpasser le Tour de France. Un signe qui ne trompe pas, est l’investissement énorme du service public : plus de 200 heures de retransmission en France et des droits d’images d’environ 20 millions d’euros. Le chiffre exact est difficile à connaitre car, si le cyclisme nage en eau trouble, le tennis lui c’est carrément dans les eaux noires. Si les sommes d’argent brassées par le cyclisme (prime au vainqueur du Tour de France = 35 années de Smic) vous procurent des haut-le-cœur, prenez préventivement des anti-nauséeux, car pour les tennismen (tenniswomen), c’est de l’argent de poche !

 

Au cours de ce tournoi les 200 joueurs et joueuses vont se partager 42 millions d’euros. Ceux qui sont éliminés au premier tour, donc qui n’ont fait qu’un seul match, empochent 60 000 euros. Celui et celle qui vont gagner le tournoi empocheront chacun.e 1,6 million d’euros. A noter que le tennis est le seul sport où les primes distribuées sont les mêmes pour les joueurs que pour les joueuses.

 

Le vainqueur du tournoi cette année est un espagnol, Raphaël Nadal, dont la fortune est de plus de  200 millions d’euros. La montre qu’il portait pendant cette finale est une édition limitée d’une grande marque vendue 650 000 euros. Il possède une école de tennis sur l’île de Majorque où les jeunes peuvent pratiquer cette discipline ; il vaut tout de même mieux qu’ils aient des parents un peu fortunés puisque la cotisation est de 56 000 euros/an. Ses revenus journaliers sont estimés à environ 13 000 euros.

 

Ce tournoi se déroule au stade Roland Garros, situé dans le bois de Boulogne à Paris. En 2015, des travaux d’agrandissement prévoyaient de détruire une partie des serres d’Auteuil (classées monument historique). Heureusement, des associations locales s’y sont opposées et cette extension a été revue à la baisse. 350 millions d’euros y ont tout de même été consacrés pour construire 2 nouveaux courts et des gradins qui ne sont utilisés que 15 jours par an.

 

150 personnes sans domicile fixe ont été dénombrées dans cette forêt, au cours de la nuit de la solidarité du 30 au 31 janvier 2020,

 

Pendant les 15 jours du tournoi, ces personnes n’ont pas été conviées dans le public. Pour protéger les jambes des spectateurs de la fraîcheur, on n’utilise pas des couvertures du Secours Populaire : la mode cette année, c’était le plaid Louis Vuitton à 1030 euros pièce. C’est l’élite fortunée parisienne qui s’y retrouve. A Roland Garros, pas d’agitateurs, pas d’idéologues… que des gens bien- pensants et sympathiques ! Parmi les habitués qui viennent se montrer dans les tribunes et qui bien évidemment sont invités : Patrick Bruel, Louis Sarkozy, Arthur, la famille Belmondo, Dominique de Villepin, Jérôme Cahuzac… Que du beau monde… !!

 

Pas de risque d’y voir des drapeaux palestiniens !

 

Si je vous parle de drapeaux palestiniens c’est que, pendant le Tour de France, pour protester contre la présence de l’équipe Israël Start-up Nation, des militants ont tenté de protester en les déployant. La télévision a « bien » joué son rôle, a « bien » censuré, et donc, aucun de ces drapeaux n’a pu être vu à l’écran. A Roland Garros, aucun risque d’en voir dans les tribunes, des drapeaux israéliens peut-être … !

 

Les sponsors

 

Concernant l’éthique des principaux sponsors il faut reconnaitre que le tournoi de Roland Garros a frappé très très fort. En effet les 2 sponsors principaux sont BNP Paribas et la compagnie aérienne des Emirats Arabes Unis.

 

BNP PARIBAS est une banque française visée par une enquête pour complicité de crimes contre l’humanité, pour sa participation active au financement du gouvernement soudanais d’Omar El Bachir, impliqué dans le génocide du Darfour. Elle est également visée par une autre enquête lors du génocide du Rwanda. Dans ce dernier cas, elle a déjà été condamnée à verser une amende de 8,8 milliards de dollars pour ne pas avoir respecté les sanctions édictées par l’ONU, les USA et l’Union Européenne.

 

Les Emirats Arabes Unis, quant à eux, sont décrits par l’ONG Human Rights Watch comme un pays ultra réactionnaire et conservateur, dont le système social est « un système archaïque exposant les travailleurs émigrés à des conditions proches de l’esclavage ». Les ouvriers sont sous la tutelle d’un patron responsable des démarches pour les visas. Ces derniers sont confisqués systématiquement à leur arrivée, les empêchant de repartir librement. Bien évidemment,  manifestations et syndicats sont interdits. Dans ce charmant pays on peut être condamné.e à mort pour avoir menacé « la paix sociale ». A noter que les Emirats Arabes Unis possèdent une équipe cycliste professionnelle et c’est d’ailleurs un de ses coureurs qui a gagné le Tour de France cette année. Entre coquins, pardon, copains, on se retrouve dans la pratique sportive.

 

Un autre sponsor important est la société PSA. Peugeot met gracieusement à disposition des joueurs, des organisateurs, des VIP,  250 véhicules. Que des véhicules de très haut de gamme ! Les ouvriers de PSA, qui n’ont quasiment pas le temps d’aller aux toilettes pendant leur travail, apprécieront.

 

Concernant l’éthique des joueurs, là c’est presque parfait… De très rares cas de dopages sont avérés ; pourtant certains joueurs qui pèsent 55 kg à 17 ans en font 80 à 18, mais bien sûr rien que de très naturel dans ce changement … ! André Agassi, joueur américain, numéro 1 mondial dans les années 90, a reconnu, dans son autobiographie, qu’il avait été contrôlé positif à un produit dopant et que la Fédération Internationale de Tennis lui avait proposé d’étouffer l’affaire, de ne pas la rendre publique, en échange d’un éloignement de quelques mois des courts afin de ne pas salir l’image de ce sport. Il semble que cette pratique soit généralisée dans ce sport car beaucoup de joueurs disparaissent momentanément du circuit quelques mois, voire une année, puis réapparaissent et reprennent leur participation aux compétitions, tout naturellement. La Fédération, les organisateurs, sont complices d’un dopage quasi systématique, mais les affaires sont méthodiquement étouffées pour ne pas nuire à l’image du tennis et surtout pour ne pas réduire les sommes astronomiques que ce sport engendre.

 

Dans l’article sur le Tour de France je demandais, symboliquement, aux travailleurs exploités de se mettre sur la route pour empêcher l’épreuve de se dérouler mais pour le tennis, ce sera beaucoup plus difficile puisque, pour accéder aux courts, il faut payer son entrée (prix des places pour la finale entre 155 et 325 euros), alors que les membres de la Haute Société Parisienne sont invités gratuitement.

 

Malgré tout le mal que se donnent les journalistes pour vanter les mérites du tennis, celui-ci est, comme tous les sports de compétition professionnels avant tout un spectacle, un moyen d’aliéner les travailleurs exploités.

 

« Du pain et des jeux », cette formule vieille de plus de 20 siècles semble hélas toujours d’actualité.   

 

Jean-Louis Lamboley