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Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


jeudi 1 octobre 2020

 Nous avons lu... 

Le ménage à trois de la lutte des classes

Partant du constat que les classes moyennes salariées s’engagent depuis quelques années dans des luttes massives qui ébranlent nombre de régimes, en particulier les dictateurs, les auteurs en appellent à une nouvelle analyse de cette classe intermédiaire, entre prolétariat et bourgeoisie. Cette classe moyenne, qui s’est développée à la fois avec le taylorisme et l’impérialisme, y compris néocolonial, bénéficie d’un sursalaire et donc d’une surconsommation et se constitue ainsi des réserves (épargne…). Cette classe que Marx n’a pas pu vraiment prévoir dans le cadre du capitalisme du 19ème siècle, a pris une importance qu’il convient de mesurer. Sous l’effet des crises financières du capitalisme, elle voit fondre ses relatifs privilèges et en appelle à l’Etat pour réguler les rapports sociaux en sa faveur. La peur du déclassement l’engage dans des luttes résolues au cours desquelles elle s’aperçoit que l’appareil d’Etat est en fait le bras armé du capital.

L’intérêt de l’ouvrage réside surtout dans l’analyse des mouvements contre la loi Travail en France (2016), la Commune d’Oaxaca, le faux printemps iranien de 2009, la révolte tunisienne de 2016, les splendeurs et les misères du dégagisme en Egypte (2011-2013). Au demeurant, dans toutes ces luttes, le prolétariat sert en fait de force d’appoint. Ses revendications ont un caractère uniquement économiste, voire défensif (défense de l’emploi quel qu’il soit) et incitent à penser que les luttes interclassistes dans ces conditions mènent inéluctablement à l’échec. Dans le sens marxien du terme, l’affirmation du prolétariat c’est l’abolition de toutes les classes et par conséquent, dans les mobilisations à venir, la classe moyenne salariée peut très bien basculer vers des forces nationalistes, xénophobes et dictatoriales, ou vers le prolétariat. Cette analyse classique qui se revendique de Marx insiste sur le fait que la révolution sociale n’est ni une émeute ni des manifestations de dégagisme. Elle doit engager un grand nombre de prolétaires confiants qui se saisissent des moyens de production, sortent des usines, instituent leurs propres organes de pouvoir, redéfinissent ce qui doit être produit pour satisfaire les besoins de l’ensemble de la société et les conditions dans lesquelles la production doit se réaliser.

La partie théorique finale est peut-être la plus fragile même si elle reste intéressante dans la mesure où elle laisse penser que la révolution ne peut être que mondiale. L’analyse qui est présentée semble éviter de penser le processus contradictoire de libération sociale dont l’une des conditions est cette guerre culturelle et de changement des mentalités qu’elle induit, afin de faire surgir, au sens de Gramsci, une nouvelle hégémonie.  C’est peut-être la condition pour dépasser le ménage à trois de la lutte des classes. GD

Bruno Astarian, Robert Ferro ed. l’asymètrie, 11/2019, 17€