Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 28 juin 2021

 

Chronique d’une campagne dérisoire

(éditorial de Gérard Deneux, dans PES n° 74)

 

On connaissait le préfet aux champs mais Macron au village, non. Le roitelet de l’Elysée avait en effet décidé de faire un tour dans « ses » provinces afin de regagner les faveurs des Français. C’était juste après l’épisode flattant la jeunesse où, avec Carlito, il multipliait les singeries pour façonner l’image cool d’un président en reconquête. En immersion à Tain-l’Hermitage dans la Drôme, puis à Saint-Cirq-Lapopie dans le Lot, il entendait se façonner un véritable village Potemkine, comme la tsarine Catherine II en son temps. Les petits bourgs furent cernés des bleus, harnachés, bloquant toute entrée, d’autres stationnant dans les chemins vicinaux, pour accueillir le résident de l’Elysée. Suivi d’une escorte de journalistes embarqués et de gens de cour, l’illustrissime personnage délivra à la France son message formaté. A part une poignée d’entre eux, les villageois furent claquemurés mais l’on eut de belles images pour le petit écran. On gomma toutefois le bruit d’un hélicoptère qui rassurait la compagnie, vis-à-vis de cohortes de jaunes, de rouges ou de verts, qui auraient pu donner un peu plus de couleur au paysage : seul le bleu casqué seyait aux macroniens triés sur le volet. Mais cette virée campagnarde se termina malencontreusement : une petite trentaine d’éléments choisis se trouvant derrière une barrière, l’attendait. Le petit tsar se précipita, en courant, laissant derrière lui ses gardes du corps surpris de ce démarrage, pour serrer quelques mains et faire quelques selfies. En effet, un intrus s’était introduit dans ce groupe, et sans vergogne, balança une claque retentissante sur l’illustre joue présidentielle. Toute la classe politique en fut choquée ; on  ne peut gifler ce personnage qui représente la sacralité de la démocratie, même si, en toute tranquillité, on peut, sans trop émouvoir les médias, tabasser, encercler, mutiler, museler dans ce régime parlementaro-capitaliste. Puis on minimisa, Valls avait été giflé, Sarkozy aussi, Hollande enfariné. Le peuple manifestant se rappela qu’une balle de LBD c’était plus qu’une gifle et des lacrymos, plus qu’un soufflet. Cette tournée fut abrégée. Deux petits tours et Macron rentra à l’Elysée, élections obligent.

 

Il mobilisa ses ministres, envoya cinq d’entre eux, et non des moindres, dans les Hauts-de-France, pour contrer le baron Bertrand qui s’invitait déjà dans les présidentielles. Il s’agissait de faire vivre le macronisme dans les terres ingrates. En fait, ce fut peut-être là qu’on assista à la Berezina du petit Bonaparte. Les électeurs, à près de 70 %, avaient boudé les urnes, révélant ainsi le peu d’appétence des Français pour les politiciens qui, presque tous, les avaient enfoncés dans le néolibéralisme destructeur. On assista, à cet égard, à l’élasticité des Verts et des Socialos qui, les uns contre les autres, s’alliaient avec Macron ou avec ce qui restait de la Gauche, LFI et le PC. Certains avaient pourtant pris le soin de gommer leurs appartenances politiques pour tenter de sortir la tête de l’eau. Mais rien n’y fit. On incrimina, peut-être à juste titre, la décision des petits génies de l’Elysée, qui avaient confié à une boîte privée, la distribution du matériel électoral. Force est de constater que la Poste, encore publique, faisait mieux que le privé. Le Conseil des ministres qui suivit la proclamation des résultats donna lieu à un épisode cocasse. Darmanin, le satrape, toujours prêt à nasser et à tabasser les manifestants, proclama son soutien à son ex-ami Bertrand, provoquant ainsi la fureur de Dupond-Moretti, ce maître des envolées rhétoriques du Barreau. A cette occasion, malgré les consignes de Macron, l’anecdote filtra, tournant ainsi en ridicule les deux personnages s’invectivant.

 

Las ! Sans mot dire, le petit prince se réfugia auprès de ses parrains, à la Samaritaine rénovée, ce temple du consumérisme, et s’exclama « Que c’est beau ! ». Une photo, peut-être volée, le fixa en compagnie de Bernard Arnault (LVMH), cette première fortune de France qui, avec quelques autres milliardaires, l’avaient fait roi. Ils tenaient la laisse… Allaient-ils encore le soutenir ? Un autre épisode révéla que la comtesse Pécresse n’était de fait qu’une vraie ganache prête à tout pour conserver son poste. Elle affirma sans ambages que tout ce qui  n’était pas elle, à gauche comme à la droite extrême, n’était pas républicain. Etait-elle donc une partisane non déclarée d’un parti unique ? Valls qui avait viré à l’extrême droite en Espagne et Huchon, en retraite du PS, s’empressèrent de la soutenir. Pécresse n’en n’était pas à son premier coup tordu. Mediapart se souvint du meeting fantoche qu’elle avait réalisé, avec de faux militants, acheminés par centaines, par bus spéciaux. « Librement » ces gens, appartenant à des associations communautaires (Chinois, Berbères, Cambodgiens…) devaient assurer la claque vis-à-vis de celle qui se présentait comme une future présidentiable. On sut que toutes ces associations étaient subventionnées par la Région. Quant au voyage d’agrément, rien ne filtra sur son financement. Dans la photo de groupe, on émascula tous ces visages qui n’avaient rien de « Gaulois » ; le plus drôle dans l’affaire, c’est que tous ces benêts, en rang d’oignons, croyaient pouvoir obtenir soit le droit de vote, soit la nationalité française. Pouvaient-ils ignorer que la grande dame avait affirmé sans ambages qu’elle était contre le droit de vote des étrangers et contre le clientélisme !

 

Tout cela ne nous éloigne pas vraiment de la dernière pantalonnade démocratiste, en attendant le 2ème tour. Certes, la droite sort la tête de l’eau en rameutant l’électorat fillonniste. Le FN se tasse, au grand dam de Le Pen qui intimide ses troupes électorales défaillantes. Quant à LREM, elle est restée dans les choux, privée de deuxième tour. La « gauche », malgré ses rabibochages, ne parvient pas à percer.

 

Assiste-t-on au début d’un long processus de décomposition de ce régime, où défiance et indifférence « apolitiques » se conjuguent pour déserter les urnes ? Ce qui est sûr, c’est que le règne de l’oligarchie, articulant médiocratie et médiacratie, connaît de réelles difficultés pour séduire les électeurs.

 

GD, le 26 juin 2021