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lundi 28 juin 2021

 

La dette, outil de pillage…

 

« Si la population comprenait le système bancaire, je crois qu’il y aurait une révolution avant demain matin ». Henry Ford

 

Notre quotidien, nos projets, notre avenir dépendent de l’argent qui circule dans  l’économie. La monnaie est le fluide qui permet les échanges de biens et de services. Savoir qui crée la monnaie est donc indispensable pour comprendre comment le monde fonctionne. Sans la connaissance des diverses formes de monnaie et les mécanismes qu’elles impliquent, il est impossible de comprendre le système monétaire et plus globalement l’économie.

 

 La monnaie, sous forme de billets et de pièces, est la monnaie centrale corporelle – ou monnaie manuelle. Elle était fabriquée par la Banque Centrale, missionnée par l’Etat ou les Etats d’une zone monétaire. La monnaie qui est sur les comptes en banque est la monnaie scripturale ou secondaire, elle n’existe que sous la forme de chiffres. Les banques commerciales privées (BCP) sont des intermédiaires qui font le commerce de la monnaie centrale et désormais, la créent.

 

Histoire de la monnaie

 

C’est le crédit, c'est-à-dire la comptabilité des dettes, qui est apparu  bien avant la création de la monnaie. On a retrouvé nombres d’objets servant de registres de dettes, des bâtons, des boules d’argile ou des papyrus. Parmi les plus anciens registres figurent des centaines de milliers de tablettes d’argile de l’époque sumérienne.

Ce n’est qu’environ 700 ans avant JC que des souverains ou des castes régnantes ont imposé l’usage de la monnaie comme moyen d’échange sous la forme d’un objet dont ils s’attribuaient l’exclusivité de la production. Ils émettaient la monnaie, généralement des pièces d’or, d’argent ou de cuivre, payaient leurs soldats avec et menaient des guerres. Les soldats imposaient cette monnaie comme paiement. Le pouvoir la récupérait alors lors de la perception des impôts. Le pouvoir pouvait donc acheter nourriture, marchandises et richesses grâce à la monnaie qu’il produisait lui-même. La monnaie a donc été créée par des castes régnantes, des souverains pour extorquer une partie de la production des populations, vivre et s’enrichir sans travailler. C’est par ce principe que des empires se sont bâtis.

Au Moyen-âge, avec le développement du commerce, les métaux précieux comme l’or et l’argent étaient devenus une monnaie internationale. Il était risqué de posséder et transporter ces métaux précieux, alors les marchands de Londres et de Stockholm commencèrent à confier la garde de ces métaux aux orfèvres. En échange, les orfèvres leur donnaient un reçu, un certificat de dépôt nominatif. Lors des retraits, les orfèvres demandaient une somme pour le service. Puis les certificats devinrent non nominatifs. Les marchands se mirent à se payer avec ces certificats. La monnaie de papier était née. Les orfèvres eurent l’idée de prêter ces métaux sous forme de certificats à d’autres marchands. Quand les marchands remboursaient leurs dettes, ils rendaient les certificats et versaient un intérêt. Les orfèvres se mirent à imprimer bien plus de certificats que de métaux dans leurs coffres. Cette pratique leur permit de s’enrichir en multipliant les intérêts perçus.

 

Application contemporaine

 

Les métaux précieux sont remplacés par la monnaie centrale. La nation fait fabriquer sa propre monnaie à la banque centrale. La monnaie secondaire est l’équivalent des certificats de dépôt des orfèvres. Un compte bancaire est une dette en monnaie centrale de la banque envers son client. Quand l’orfèvre faisait crédit, il émettait plus de certificats de dépôt que de métaux précieux disponibles. Quand les marchands le remboursaient, il détruisait ces certificats. C’est la même chose aujourd’hui avec la monnaie scripturale privée : quand une banque accorde un crédit, elle crée de la monnaie sur un compte à partir de rien. Et elle en crée bien plus qu’elle n’en dépose dans ses coffres. Et quand son client rembourse son crédit, elle détruit la monnaie. C’est la création et la destruction monétaire. Les banques peuvent aussi créer de la monnaie à partir de rien pour couvrir leurs dépenses et leurs achats et elles ont la possibilité de se faire crédit à elles-mêmes. La monnaie donne l’illusion au peuple que c’est l’Etat qui émet la monnaie alors qu’en réalité ce sont les banques commerciales privées qui ont ce privilège. Sans création monétaire par le crédit, par les BCP, il n’y aurait quasiment pas de monnaie en circulation.

Les banques et les Etats sont comme les deux faces d’une même pièce. En effet, il faut d’abord que la monnaie soit créée par le crédit bancaire pour que l’Etat puisse en prélever par les impôts et les taxes. Et les banques ont besoin des Etats pour faire établir une législation forte protégeant ce privilège  et la faire appliquer par la justice et les forces de l’ordre.

 

Système pyramidal destructeur

 

Le système monétaire fonctionne comme un système pyramidal : pour payer les crédits en cours de remboursement, il faut que de nouveaux crédits soient accordés sinon la monnaie se raréfie, certains emprunteurs ne peuvent plus rembourser et l’économie ralentit. La croissance pousse à s’endetter et à produire toujours plus –au-delà des besoins réels- pour rembourser. L’argent devient le moteur de la vie et non ce dont on a besoin pour vivre. Ce système permet au banquier de ne rien produire et provoque le pillage des ressources naturelles. Le crédit détruit l’environnement. Ce système crée aussi deux réalités surprenantes : d’une part les sommes dues aux banques sont globalement supérieures aux sommes disponibles pour les rembourser ; d’autre part, si tout le monde remboursait ses dettes, il n’y aurait quasiment plus de monnaie en circulation dans le monde. Tous les comptes seraient vides, tous les billets disparaîtraient.

La création et la destruction monétaire déterminent la masse monétaire. Chômage, pauvreté, faillite d’entreprise se développent rapidement si la masse monétaire diminue. Les entreprises, les particuliers et les Etats s’endettent auprès du système bancaire pour assurer une augmentation constante et exponentielle de la masse monétaire. S’ils n’empruntent plus ou si la banque n’accorde plus de crédit, la monnaie disparaît et une crise financière survient rapidement. Sans dette, il n’y a pas de monnaie.

 

Le système dette

 

Depuis le 19ème siècle, de l’Amérique latine à la Chine en passant par Haïti, la Grèce, la Tunisie, l’Egypte et l’empire Ottoman, la dette publique a été utilisée comme arme de domination et de spoliation. C’est la combinaison de l’endettement et du libre-échange qui constitue le facteur fondamental de la subordination d’économies entières. Les classes dominantes locales s’associent aux grandes puissances financières étrangères pour soumettre leur pays et leur peuple a un mécanisme de transfert permanent de richesses des productions locales vers les créanciers. Ce n’est pas l’excès de dépenses publiques qui amène la dette à des niveaux insoutenables, mais plutôt les conditions imposées par les créanciers. Les taux d’intérêts réels et les commissions prélevées par les banquiers étant abusivement élevés. Les dettes publiques élevées sont aussi le résultat :

-        des cadeaux fiscaux accordés aux plus riches

-        de l’évasion et de la fraude fiscale (1000 milliards d’euros pour l’Union Européenne, 50 pour la France)

-        du sauvetage inconditionnel des banques privées durant la crise de 2008

Les conséquences sont évidentes : les pays qui s’endettent ne sont pas en mesure de rembourser et doivent constamment recourir à de nouveaux emprunts. Et quand ils n’y arrivent pas, les puissances créancières ont le pouvoir de recourir à une intervention militaire pour se faire rembourser.

Le remboursement de la dette publique permet aux pays du Nord et aux banques privées de perpétrer la dynamique coloniale de pillage des ressources des pays du Sud avec l’appui du Fond Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale. Ces dettes ont été transférées illégalement aux pays du Sud par les puissances colonisatrices ou ont été contractées par la suite par les gouvernements dictatoriaux de ces pays pour asseoir leurs intérêts personnels au mépris de ceux des populations locales. Pour assurer le remboursement de ces dettes, les pays du Sud sont contraints de vendre leurs ressources (aux dépens de la souveraineté alimentaire, des droits sociaux et de l’environnement) en tournant leurs économies vers les exportations et en appliquant le libre échange. Le FMI s’assure de maintenir cette mécanique en place via ses « plans d’ajustements structurels » qui enferment ces pays dans la spirale infernale de l’endettement et de l’austérité. La République Démocratique du Congo consacre par exemple plus d’argent à rembourser sa dette qu’à financer la santé ou l’éducation. Au final ce sont les pays riches et les marchés financiers qui profitent à la fois des intérêts sur la dette remboursée par le Sud et des ressources exportées qui nourrissent leurs industries à bas coût.

Depuis la crise financière de 2008, les populations des pays du Nord, notamment en Europe, subissent aussi la destruction des droits sociaux et des services publics au prétexte de remboursement des dettes publiques afin de satisfaire l’appétit des marchés privés. Selon une ONG allemande, 122 pays seraient en réalité en situation d’endettement critique. Selon le FMI, parmi les pays à faible revenu, 9 sont en situation de surendettement et 24 en position de l’être soit 39% d’entre eux. Preuve de l’incapacité (et de l’absence de volonté) des institutions financières internationales à répondre efficacement et durablement au surendettement : la moitié de ces 31 pays ont appliqué à la lettre les politiques d’ajustement à l’initiative du G7.

Depuis 2010, la part des remboursements de la dette extérieure publique des pays du Sud par rapport à leurs recettes totales a augmenté de 85% et culmine à un niveau moyen de 12,2% des recettes publiques des Etats, soit le plus haut niveau atteint depuis 2004. La dette mondiale, tant publique que privée, s’élève aujourd’hui à un record historique de 182 000 milliards de dollars, près de 60% de plus qu’en 2007.

A travers l’histoire, plusieurs gouvernements mis sous pression par la population ont refusé de payer, arguant que la dette était illégitime ou odieuse. C’est le cas du Mexique, des Etats-Unis, de Cuba, de la Russie, de la Chine ou du Costa Rica. Une dette est dite « illégitime et odieuse » lorsque sont réunies l’absence de bénéfice pour la population et la complicité des prêteurs. Parfois les conditions dans lesquelles les prêts ont été octroyés ne respectent ni le droit international ni les droits nationaux ; la dette est alors illégale. Pour refuser, les pays s’appuient sur le droit international et sur des audits citoyens de la dette. De nombreux collectifs pour un audit citoyen de la dette publique ont été créés ces dernières années afin de savoir d’où vient la dette. A-t-elle été contractée dans l’intérêt général de la population ? Qui détient et profite de ces titres ? Ces collectifs entendent mettre la pression sur les autorités publiques pour les amener à suspendre puis annuler les dettes identifiées comme illégitimes.

 

Le système oblige l’ensemble de la société, des Etats, a être perpétuellement endettés et donc à enrichir les banques et la finance. C’est par ce principe que la finance asservit le monde à son profit, sans contrepartie productive. La nécessité de toujours plus de crédit provoque la destruction de l’environnement, la surproduction, la concurrence et le consumérisme. Tant que chaque unité de monnaie, chaque euro, sera issu d’un crédit bancaire, les banques gouverneront le monde et l’humanité pillera la planète pour enrichir l’oligarchie financière. Il est temps de détruire cette machine infernale et de faire tomber la domination par la dette. A l’heure où une crise mondiale de la dette se profile, les peuples doivent se saisir de cette question et remettre en cause le paiement de la dette publique. C’est avant tout une question de justice et de droits humains.

 

Stéphanie Roussillon

En savoir plus : avec les vidéos de

www.inter-agir.fr

www.annulerladette.be

et le site www.cadtm.org

 

L’article qui précède devrait amener à approfondir de nouvelles réflexions et à périodiser l’histoire de la monnaie et les développements qu’ont connus les systèmes bancaires. Ainsi, on peut souligner qu’en 1944, pour éviter l’instabilité monétaire d’avant la 2ème guerre mondiale, décision fut prise d’adopter un taux de change fixe des monnaies, leur convertibilité étant assurée par leur valeur en or. Le gouvernement Nixon, en 1971, mit fin à cette convertibilité du dollar en or. Ce fut la fin des accords de Bretton Woods.

La libéralisation financière déjà entamée s’accéléra dans les années 1980. La création de l’euro mit fin également au rôle joué par les banques centrales nationales, la BCE s’y substituant, pour l’essentiel, et les banques privées purent sans contrainte créer de la monnaie. La distinction entre les banques commerciales et les banques de dépôts fut de fait supprimée.

La question revint en débat à l’occasion de la crise de 2007-2008 afin de protéger l’argent des usagers. Les réformes cosmétiques entreprises et l’abandon de toute contrainte vis-à-vis des paradis fiscaux, et donc des filiales bancaires qui s’y trouvaient, n’assurent en aucune façon les dépôts bancaires des particuliers. En Europe, la souveraineté monétaire des Etats n’existe plus. La BCE a toute autorité et ne fait que superviser, de manière laxiste, la création monétaire des banques privées.

 Il faudrait également opérer une distinction entre capital fictif, spéculatif, en circulation dans les marchés financiers et donc les banques, et le capital véritablement investi dans la production, seul créateur de richesse réelle. Cette distinction soulève le problème de l’éclosion des bulles financières…

Enfin, on peut, de surcroît, s’interroger sur la possibilité de se passer des banques comme le laisse supposer l’article, ou plutôt, de quelle manière elles pourraient être réglementées dans le cadre de leur socialisation. GD