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lundi 4 juillet 2022

 

Les jeux troubles du Qatar

Mondial 2022

 

L'attribution du mondial de football 2022 à une petite monarchie du Golfe n'a pas fini de scandaliser. Le petit État gazier est le pays le plus pollueur par habitant au monde et les infrastructures colossales   nécessaires pour accueillir un tel événement vont aggraver son bilan écologique déjà calamiteux, sans compter qu'elles devront être climatisées. Ajoutés à ça les soupçons de corruption qui s'étendent de certains membres de la FIFA à l'ancien président de la République française, Nicolas Sarkozy… encore lui !   Une enquête portée par la justice américaine affirme que plusieurs dirigeants ont reçu de l’argent. Le document publié cite l’ancien président de la Fédération brésilienne de football Ricardo Teixeira et l’ex-président de la Confédération sud-américaine, Nicolas Leoz. Il mentionne également, de manière anonyme, l’argentin Julio Grondona, ex-vice-président de la FIFA.

 

En France, le Parquet national financier a mené une enquête préliminaire durant trois ans avant de confier, en 2019, à un juge d'instruction les investigations pour "corruption active et passive", "recel" et "blanchiment". Au cœur des soupçons, un déjeuner organisé à l'Élysée, le 23 novembre 2010 : le gueuleton réunissait Nicolas Sarkozy, Michel Platini alors patron de l'UEFA, Claude Guéant secrétaire général de la présidence de la République, le prince héritier du Qatar Tamim ben Hamad al Thani (actuel émir) et Hamad ben Jassem al Thani, premier ministre qatari de l'époque. Neuf jours plus tard, le 2 décembre 2010, le pays du Golfe était désigné pour accueillir la Coupe du monde 2022 avec le soutien décisif, à la dernière minute, de Michel Platini. Une affaire que Blast - un média indépendant - suit de très près, et pour cause, il est en possession de plusieurs documents émanant d'une fuite de la haute administration qatarie. Un compte-rendu du déjeuner en question, rédigé par les autorités qataries, adressé au directeur de cabinet du prince héritier, stipule qu'un montant de 15 millions d’euros a été transféré à son Excellence le Président Nicolas Sarkozy en récompense de son soutien à l’Etat du Qatar pour l’organisation du Mondial 2022 et de l’acquisition du club de Paris Saint-Germain. Le courrier ajoute qu’« une commission de 2 millions d’euros est payée à Monsieur Claude Guéant et une commission d’une valeur de 2 millions d’euros à Monsieur Michel Platini » (1).

 

Mais le scandale ne s'arrête pas là !  Chantre des Droits de l'Homme, le Qatar embauche, et pour construire ses stades il embauche beaucoup. Il compte 2,5 millions de travailleurs étrangers sur son territoire pour une population totale de 2,8 millions d’habitants. Jusqu'en 2020 un nombre considérable d’employés, pour beaucoup originaires d’Asie (Pakistan, Inde, Philippines, Népal, Indonésie, Bangladesh, Sri Lanka) sont soumis à la kafala, un système de mise sous tutelle des travailleurs étrangers. Une exigence plus ou moins inspirée par la charia, obligeant l’expatrié à dépendre d’un « parrain » qui peut être une personne physique ou morale. Littéralement, un emprisonnement dans un carcan de non-droit. Au moment où ceux-ci posent le pied sur le territoire, leur passeport est confisqué, le travailleur est attaché à son « maître » et lui est impossible d'aller travailler ailleurs sans le fameux « NOC » (certificat de non-objection). Pis encore, il ne peut plus quitter le Qatar sans un visa de sortie et pour couronner le tout, certains de ces damnés ont dû acheter leur droit au travail pour des sommes mirobolantes de 600 à 3 000 euros, ce qui peut représenter entre trois mois et trois ans de salaire. Sans surprise : sont prohibés les associations, le droit de grève et les syndicats, un véritable paradis sur terre pour le patronat où, beaucoup trop souvent, les salaires sont impayés ou arbitrairement modifiés, les conditions de travail dangereuses et les horaires excessifs. Une enquête du Guardian estime à 6 500 les travailleurs migrants morts depuis l'octroi du Mondial en 2010, une moyenne de 12 décès par semaine. L’ONG Amnesty International a rendu un rapport sur les violations en matière de « droits humains » le 19 mai 2022 : un document de 62 pages recensant les « responsabilités » sur une décennie de la Fédération internationale de football (FIFA) dans ces « multiples abus et violations graves et généralisées des droits du travail ». Le rapport pointe les décès qui n’ont que rarement fait l’objet d’investigations. En attribuant la Coupe du monde au Qatar, sans édicter de conditions ou garanties, la FIFA a contribué à un large éventail d’atteintes au droit du travail qui étaient évitables et prévisibles. L’ONG rappelle que le choix du Qatar en 2010 était très controversé en raison d’allégations de corruption, de la chaleur extrême et de son bilan désastreux en matière de Droits de l’Homme. Les risques pour les ouvriers n’ont même pas été pris en compte lors du processus de sélection du pays hôte et ne figuraient pas dans le rapport d’évaluation de la FIFA.

 

Quant aux risques sanitaires relatifs à la chaleur extrême, ils ont été, eux, bien pris en compte… pour les joueurs, les spectateurs, les représentants officiels et la famille FIFA. Selon l’ONG, malgré les réformes récentes du travail lancées dans l’émirat, des problèmes structurels persistent et des milliers de travailleurs sont toujours victimes d’abus et d’exploitation. Elle demande à la FIFA d’indemniser les familles de plusieurs centaines de milliers d’ouvriers lésés, blessés ou morts sur les chantiers.  Sous la pression internationale le Qatar a révisé son « code du travail » et autorisé, le 30 août 2020, les travailleurs migrants à changer d’emploi sans avoir à obtenir au préalable le consentement de leur « maître » ainsi qu’à quitter le territoire sans visa de sortie. Reste à traduire ces avancées du papier à la réalité. Dans un pays où la main-d’œuvre étrangère est historiquement très peu encadrée, il ne suffit pas de frapper d’illégalité une certaine pratique pour qu’elle disparaisse. Par exemple, en l’absence d’un régime d’inspection et de sanction suffisamment dissuasif, la confiscation des passeports des ouvriers continue à proliférer, alors qu’elle est interdite par la loi.

 

En matière de droits de l'homme le Qatar ne s'arrête pas là. Comme toute monarchie qui se respecte la coutume veut qu'elle réprime sévèrement la moindre contestation. La dernière en date menée par quatre militants, dont deux avocats, s’est traduite par une condamnation très lourde, le 10 mai 2022, prison à perpétuité pour trois d’entre eux et 15 ans pour le quatrième. Ils avaient osé protester pacifiquement contre la loi ségrégationnelle, promulguée par l'émir le 19 juillet 2021, interdisant les membres de la tribu Al Murra de présenter des candidats et du droit de vote aux élections du conseil consultatif.

Ce Mondial n'en a pas fini d’attiser les polémiques. Six mois avant son coup d'envoi, décalé à novembre en raison des fortes chaleurs  estivales qui s'abattent sur la région, les restrictions commencent à tomber. Elles visent les supporters à qui seront interdites les relations hors mariage ; l’infraction constatée pourra atteindre jusqu’à 7 ans d'emprisonnement. Tout ce qui a rapport aux luttes LGBT ( drapeau, banderoles arc en ciel…) sera également interdit. Pour rappel, dans le pays, un musulman condamné pour « acte homosexuel » risque la peine de mort. Et pour prouver son « ouverture d’esprit », l’émir autorisera l'alcool mais uniquement aux supporters étrangers et dans les espaces dédiés, les fans zones ; il est donc interdit sur la voie publique. La tenue vestimentaire des femmes étrangères sera contrôlée, ces dernières sont conviées à faire preuve de modestie, aucune épaule ou genou apparent.

Bien que les grandes compétitions sportives aient toujours constitué des enjeux entremêlés entre la politique et le sport, celle du Mondial 2022 restera emblématique. Elle révèle, en effet, l'évolution des relations internationales et la place qu’y occupe le Qatar. Cette petite monarchie d’à peine 250 000 ressortissants, promouvant l'islam radical, finançant le terrorisme, bafouant les droits de l'homme, des travailleurs, a gagné son pari : elle s'est acheté un Mondial de foot à coup de gazodollars avec la complicité de dirigeants véreux.

MR  

(1)  https://www.blast-info.fr/articles/2021/qatar-connection-la-liste-des-cadeaux-de-lemir-a-nicolas-sarkozy-claude-gueant-et-michel-platini-w9DY2I4PSg2U0h-EIYOMsQ 

 

 

Le football, une industrie mondialisée et financiarisée

Plus de la moitié des clubs de Ligue 1 battront bientôt pavillon étranger. Le mouvement ne cesse de s’amplifier

-        PSG et AS Monaco achetés par le fonds souverain Qagtyar Sports Investments

-        Olympique lyonnais négocie avec l’homme d’affaires US John Textor

-        SCO d’Angers va être vendu à un fonds d’investissement US

-        la vente d’AS Saint-Etienne est annoncée

On assiste à la financiarisation du foot avec la constitution de conglomérats qui achètent plusieurs clubs

-        le City Football Group, détenu majoritairement par un fonds émirati a acheté Manchester City, Troyes est sa 10ème acquisition

-        le fonds américain 777 Partners a acheté le Red Star de Sain-Ouen ; il est propriétaire du Genoa (Italie), de Vasco da Gama (Brésil) et du Standard de Liège (Belgique)

-        la holding Bolt Football, potentiel repreneur de l’AS Saint-Etienne, est actionnaire minoritaire de Crystal Palace (Angleterre) et d’une demi-douzaine de clubs en Europe et aux USA

-        RedBird Capital Partners, nouveau propriétaire du Milan AC l’est aussi du Toulouse FC

etc.

Pour exister au plus haut niveau,  pas de salut sans un actionnariat puissant !

 source : le Monde 21.06.2022