De COP(1) en COP, la température
monte !
La
COP 21 fut saluée comme un accord international historique ! Le 12
décembre 2015, par consensus, 195 Etats et l’UE s’engageaient à faire des
efforts pour « faire baisser l’augmentation des °C » sur la terre, en
réduisant les gaz à effet de serre, notamment… Il fut ratifié en avril 2016 par
55 Etats représentant 55% des émissions des gaz à effet de serre. Nous
soulignions à cette époque ((2) que ledit accord de ramener l’augmentation de
la température sous les 2°C, voire même 1.5 °C en 2050, nous laissait très
dubitatifs car il ne prévoyait aucune contrainte, aucun « gendarme du
climat », aucune sanction pour les « coupables » ou les
« récalcitrants ».
Résultat ?
En 2018, les spécialistes du climat alertent, nous le verrons en 1ère
partie. Qu’à cela ne tienne, en France, et ailleurs, le capitalisme
« triomphant » poursuit son œuvre dévastatrice et promeut des
alternatives « trompe l’œil », nous en évoquerons quelques-unes en 2ème
partie.
Qu’attendre
des gouvernements ? Le « sursaut d’indignation » de la figurine
dans la vitrine Macron, Hulot, ministre de l’environnement ? Ridicule
frisson « écologiste » dans le modèle capitaliste et financier qui décide
ce qui est « bon » pour lui et non pour les êtres humains vivant sur
la planète. Qu’attendre des COP (la 23ème passée inaperçue et
la 24ème prévue en Pologne en
2018) sinon qu’elles constatent les dégâts ?
1 - La
dévastation de la biodiversité se poursuit
La
dette écologique ne cesse de grandir. Ainsi, au 7 mai, la France avait déjà
épuisé l’ensemble des ressources en carbone que la nature peut renouveler, pour
l’année 2018. Le jour fatidique de dépassement de ces ressources est de plus en
plus précoce : 1er décembre en 1975, 5 novembre en 1985, 5
octobre en 1995, 26 août en 2005, 4 août en 2015, alors qu’au début des années
1970, l’humanité consommait moins de ressources que ce que pouvait lui procurer
la nature.
C’est
que le modèle économique des pays développés émet des gaz à effet de serre sans
cesse en augmentation : logement, transports, alimentation représentent
plus des 2/3 de la pression exercée sur les milieux naturels, du fait des
émissions de gaz à effet de serre. L’ONG WWF s’alarme car en France,
l’empreinte écologique qui avait été réduite entre 2008 et 2015, est repartie à
la hausse (+ 5%) entre 2015 et 2018, la dégradation ayant commencé en 2015
année de l’accord de Paris. C’est bien le mode de production et de consommation
« forcée » qui est en cause. Selon le modèle occidental de
« croissance » et de consommation, il faudrait 1,7 planète pour
subvenir aux besoins annuels des 7.5 milliards d’êtres humains. Pire, si tout
le monde vivait comme en France, il faudrait 2,9 planètes. La France se classe
dans les pays les plus prédateurs, même si elle est loin derrière le Qatar, les
Etats Unis, le Canada, l’Australie.
La
consommation effrénée des pays développés, celle, en hausse, des pays en
développement, l’augmentation de la population mondiale et la forte croissance
économique mondiale sont à l’origine de l’augmentation des émissions mondiales
de carbone ; la demande mondiale d’énergie (dont 70% est satisfaite par le
pétrole, le gaz naturel et le charbon) a augmenté de 70 % en 2017 (selon l’AIE
– Agence internationale de l’énergie). Les émissions européennes de CO2 augmentent.
En 2017, le dioxyde de carbone, provenant de la combustion de combustibles
fossiles, a augmenté de 1,8 % en UE par rapport à 2016, de 3,2 % en France, alors
qu’elle a baissé dans 7 pays européens : Finlande, Danemark, Royaume Uni,
Irlande, Belgique, Lettonie, Allemagne.
En
dépit de l’accord de Paris, de la mise sur le marché de véhicules électriques
et des énergies renouvelables, la demande de pétrole continuera à augmenter, au
moins jusqu’en 2040. Le monde consomme 20 millions de barils de pétrole par
jour pour les véhicules individuels, ce chiffre devrait baisser du fait des
véhicules électriques et de l’amélioration technique des moteurs. Mais, le
pétrole est utilisé dans d’autres secteurs et là, est en augmentation : de
15 à 19 millions de barils par jour pour les transports routiers, de 11 à 15.7
millions pour l’aviation, de 17.4 à 23.6 millions pour la pétrochimie et
l’industrie. Ainsi, quand le gouvernement décide de ne pas financer des
liaisons ferroviaires « déficitaires », il contribue à l’augmentation
de l’émission de gaz à effet de serre, qu’il s’est engagé à diminuer, par
ailleurs, en signant l’accord de Paris.
La détérioration de l’air, de l’eau et
des terres entraîne la disparition
des espèces animales et végétales. La déforestation, la diminution de la
capacité de stockage de carbone des sols exacerbent le changement climatique.
La sécurité alimentaire est altérée. Ce processus de dégradation est en marche.
La plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la
biodiversité (IP-BES) affirme qu’au rythme de l’activité humaine actuelle,
seulement 10 % des terres seront épargnées par l’activité humaine d’ici à 2050.
4 milliards d’êtres humains vivront dans des zones arides contre 2,7 milliards
en 2010. Déjà, elle a constaté que plus de la moitié des zones humides a
disparu depuis le début du 20ème siècle.
L’expansion
de l’agriculture intensive, et notamment la part insoutenable des cultures
fourragères (maïs/soja), la déforestation, l’extraction minière et pétrolière,
l’urbanisation excessive et incontrôlée, toutes ces politiques altèrent
irrémédiablement la Nature et l’Homme. De surcroît, elles sont sources de
conflits, de migrations pour plus de 3,2 milliards d’êtres humains. Dans un
avenir proche, 700 millions de réfugiés climatiques pourraient être contraints
de quitter leurs pays pour survivre (selon l’IP-BES).
Les
écarts de développement entre les pays du sud et les pays du nord, ne sont pas
compensés et les engagements
financiers de l’accord de Paris ne sont pas tenus. La COP 23 (novembre 2017
à Bonn) et les négociations intermédiaires en mai, n’ont rien produit de
nouveau en la matière. Les financements climat pour les pays du sud, promis en
2015 à hauteur de 100 milliards de dollars par an en 2020, sont de l’ordre,
pour l’heure, de 46 milliards, dont seulement 16 à 21 milliards aident réellement
les pays du Sud (selon l’ONG Oxfam). De la même manière, sur ces 46 milliards,
les subventions versées à hauteur de 10 milliards en 2016 aux pays les plus
pauvres, ont très faiblement augmenté.
Six
pays riches ont respecté leurs engagements en 2016 et ont consacré 0,7 % de
leur revenu national brut à l’aide publique au développement (dont fait partie
le climat) : Norvège, Suède, Luxembourg, Danemark, Allemagne, Royaume Uni.
La France a fait 2 fois moins bien, avec 0,38%.
On
peut, dès lors, s’interroger sur l’avenir du chantier de la recapitalisation du
Fonds vert pour le climat, dont le premier
cycle 2015/2018 arrive à échéance ; il devra se faire sans les USA, Trump
ayant bloqué les 2 milliards de dollars promis par Obama.
Si
les négociations climat ouvrent une vitrine chaque année, lors de la COP, le pouvoir
reste aux mains des pollueurs, des multinationales et des financiers, qui font
du profit grâce à l’extraction de combustibles fossiles, aggravant ainsi la
situation climatique. Leur course en avant de compétitivité et de croissance se
dissimule derrière des technologiques nouvelles climato-intelligentes. Tant que
les alternatives resteront soumises à la domination capitaliste et financière,
elles seront de fausses solutions, tout aussi catastrophiques pour la Nature et
l’Homme, bien loin de l’idée que « les
terres sont un bien commun précieux et l’avenir de l’humanité dépend de leur
protection ».
2 – Les
fausses solutions alternatives
Nous
en relaterons seulement quelques exemples d’actualité.
La biomasse industrielle au détriment
des forêts et du climat
L’énergie
biomasse, l’une des formes la plus ancienne utilisée par l’Homme, fabrique de
l’électricité grâce à la chaleur dégagée par la combustion de matières (bois, végétaux,
déchet agricoles, ordures ménagères organiques) ou du biogaz issu de la
fermentation de ces matières. Les partisans de l’énergie biomasse font valoir
qu’elle émet peu de polluants et n’a pas d’impact sur l’effet de serre. Les
opposants en dénoncent l’usage excessif et disproportionné, la ressource
forestière étant exploitée à outrance au
détriment de son écologie.
L’UE
encourage son développement en tant qu’une solution au défi climatique. Elle
prévoit que 60% des énergies renouvelables futures seront assurés par la
biomasse, dont en grande majorité du bois-énergie. L’ONF développe des filières
d’approvisionnement pour les centrales à biomasse, par sa filiale ONF Energie. Le
5 septembre 2017, 1 500 tonnes de plaquettes forestières provenant de la
forêt domaniale de Chaux (Jura) sont arrivées au port d’Arles, puis transportées
par camions vers la centrale de Gardanne, exploitée par Uniper. L’ONF envisage 36 000 tonnes de flux interrégionaux
par an. Uniper est très gourmand et a
besoin de 850 000 tonnes pour la rentabilisation de sa centrale et entend
se fournir pour moitié par l’importation… depuis le Brésil ! L’ONF a
également mis en place un approvisionnement maritime vers le Danemark, exploité
par Dong Energy. Ainsi, du bois de
Lorraine est acheminé vers Anvers, puis au Danemark.
Syndicalistes
forestiers et militants du réseau SOS
forêt s’opposent à cette filière d’industrialisation de la forêt car elle
exige des forêts cultivées dédiées, où toute la matière organique est exportée,
ne laissant rien sur le terrain pour la formation de l’humus. Il faut aussi
compter que les volumes brûlés menaçant la forêt, sont, autour du site
d’exploitation, à Gardanne par ex., des nuisances en bruit, pollution aux
particules fines, circulation importante de camions…
Le carburant à l’huile de palme.
Le
préfet des Bouches-du-Rhône, vient d’autoriser l’exploitation par Total de la bio-raffinerie à La Mède :
500 000 tonnes de biodiesel produits par l’importation massive d’huile de
palme et la déforestation des forêts tropicales. Déforestation responsable de
10 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales (dénonçait Hulot avant
d’être ministre) mais l’huile de palme présente l’avantage d’être peu chère et
facile à transformer et comme son usage dans l’agroalimentaire est en chute
forte, elle est utilisée dans les agro-carburants. L’Indonésie et la Malaisie
sont les principaux producteurs d’huile de palme ainsi que l’Argentine
dans ses contrées dévastées par le soja, gavées de pesticides, les palmiers à
huile sont plantés au mépris de la biodiversité des cultures alimentaires et
aggravent l’émission de gaz à effet de serre. Total deviendrait le premier importateur français d’huile de palme.
Le parlement européen en janvier a interdit l’utilisation de l’huile de palme
dans les agro-carburants à l’horizon 2021, la France s’y est opposée et pour
cause : la Malaisie menaçait de ne pas acheter 18 avions Rafale.
Faire
des carburants avec de la nourriture ? Aligner des palmiers à perte de vue
provoquant la destruction des puits de carbone et des habitats des orangs outans
et des tigres ? Ces questions ont rapproché militants écologistes et syndicalistes
(CGT), ces derniers craignant la fermeture de la raffinerie si l’UE interdit
l’huile de palme.
Toute
alternative soi-disant écologique menée au nom d’enjeux financier et commercial
est contraire à l’objectif annoncé. Comme le dirait Albert Einstein :
« On ne résout pas un problème avec
les modes de pensée qui l’ont engendré ».
Métaux rares et technologie verte
Eoliennes,
panneaux solaires ou batteries électriques, s’ils n’utilisent ni charbon ni
pétrole pour fonctionner, ont besoin de métaux rares dont l’extraction et le raffinage
sont très polluants. Leur recyclage est aussi une question écologique grave,
même si la convention de Bâle de 1989 contraint les industriels à traiter les
déchets électroniques dans le pays où ils sont collectés, beaucoup se
retrouvent en Asie ou en Afrique ; les USA (qui n’ont pas signé la convention,
exportent 80% de leurs déchets électroniques.
Si
les besoins en métaux rares sont exponentiels pour les années à venir, ils
n’existent pas en suffisance, ce qui permet aux pays producteurs, comme la
Chine, de se rendre incontournables dans l’approvisionnement, de maîtriser la
variation des prix et de peser ainsi sur les politiques dites de transition
énergétique et numérique. La Chine produit 44% de l’indium consommé, 55% du
vanadium, 65% du spath fluor et du graphite naturel, 71% du germanium, 77% de
l’antimoine, 84% du tungstène, 50% du titane et 95% des terres rares. En 2015,
la Chine est le pays ayant déposé le plus de brevets au monde et elle envisage
de créer les emplois verts au détriment de l’Europe, du Japon et des Etats-Unis,
ce qui donne des idées aux pays émergents riches en métaux rares, comme
l’Afrique du Sud productrice de rhodium, la Russie de palladium, le Brésil de
niobium, la Turquie de borate, la RDC de cobalt. Assisterait-on à un
basculement des équilibres entre les impérialismes ?
La
transition énergétique et le nouveau mode de vie « high-tech et
vert » que les industriels et financiers promeuvent comme une nécessité
absolue pour « sauver la planète », mais, de fait, comme une
chance pour relancer une économie verte
très juteuse, sont totalement dépendants des métaux stratégiques. Sans eux pas
de batteries de voitures électriques, pas d’iPhone, pas d’écrans plats, pas de
tablettes et pas d’aimants d’éoliennes industrielles.
La
« vertueuse » reconversion « verte » des pollueurs ne fait
pas longtemps illusion. Le capitalisme est l’ennemi de la nature et de l’homme.
Il est incapable de se limiter à construire le nombre d’éoliennes suffisant
pour alimenter les besoins d’un territoire et il a besoin de construire des
parcs surdimensionnés d’éoliennes pour en tirer profit. Il ne peut accepter de
produire de l’énergie biomasse en recyclant les ordures ménagères et les
déchets organiques d’une seule ville mais veut rentabiliser une usine en
dévorant les forêts, etc. Le capitalisme repeint en vert n’est pas plus
vertueux, sa logique principale est toujours le profit, totalement contraire à
un mode de vie écologique qui n’a nul besoin de commercer avec le Brésil ou
autre pays pour satisfaire les besoins des habitants d’un territoire délimité. « La
solution ne peut venir du « tout électrique », ni des « réseaux
intelligents », ni des « objets connectés » que promeuvent EDF,
RTE, Enedis et consorts mais bien d’inventions low tech, de politiques de
décroissance radicale, d’agro-écologie, de constructions autonomes, de
décisions locales et en assemblées populaires, d’expérimentations sociales,
d’une nouvelle culture collective née de la lutte ».
Ce
monde est totalement opposé à celui que l’on veut nous imposer qui se dissimule
derrière des simulacres de démocratie qui ne font plus illusion : COP et
autres Etats généraux de l’environnement, de l’alimentation, etc., vitrines
cachant des fonds de commerce juteux. Car derrière les envolées lyriques sur le
sauvetage de la planète et les discours enflammés sur la transition énergétique
et solidaire, il y a principalement le développement à marche forcée de
l’électricité éolienne et photovoltaïque, un big business pour un petit nombre
de multinationales géantes, soutenues par les plus grandes banques du monde. En
2015, pour les turbines éoliennes et les panneaux solaires, les 7 plus grosses
entreprises du monde assuraient plus de la moitié des ventes ; les
conseillers financiers les plus actifs dans le domaine étaient : Lazard,
Evercore partners, Crédit Suisse, JP Morgan et Barclays. Les investissements
réalisés dans les renouvelables hors
hydraulique représentaient près de 300 milliards de dollars par an,
beaucoup plus que les investissements dans toute l’industrie automobile
mondiale. Sur une douzaine d’années, cela équivaut à plus de 2 000
milliards, de quoi faire saliver les prédateurs repeints, pour l’occasion, en
vert.
Le
combat principal est bien celui du capitalisme, source de catastrophes, voulant
imposer aux peuples du monde « sa » politique prédatrice et
destructrice de la Nature et de l’Homme.
Odile
Mangeot, le 20.05.2018
Sources :
Reporterre principalement
(1)
« Conférence
des parties » de négociation sur le Climat
(2)
PES n° 19
(12/2015), n° 20 (01/2016), n° 32 (03/2017)