à lire...
1968. De grands soirs en petits matins
Ce que nous livre
l’auteure, c’est une « histoire par en bas » qui donne toute sa force
aux « évènements de 68 ». Y sont restitués les luttes, les débats,
les émotions qui agitèrent cette contestation qui ébranla le régime gaulliste.
Ouvriers, étudiants, militants, paysans, artisans, toutes ces femmes et ces hommes
en mouvement firent preuve d’une créativité et d’une inventivité que rien, a
priori, ne laissait prévoir. Et pourtant, ce qui a nourri cette explosion
trouve son origine à la fois dans la politisation qui s’est opérée dans une
fraction de la jeunesse lors des guerres successives d’Algérie, du Vietnam, des
6 jours en Israël/Palestine, dans ces contestations étudiantes mondiales et
parmi la classe ouvrière insubordonnée, notamment des OS qui ne supportaient
plus les cadences tayloriennes et la dictature des petits chefs. Plus
généralement, la France d’en bas rejetait ce paternalisme étouffant et
l’archaïsme des mœurs bridant la génération du baby-boom. Ce qui en outre est
instructif dans cet ouvrage, c’est l’analyse à travers les archives de
l’époque, de la volonté répressive de la police, de l’Etat et de ses divisions,
laissant vacant, un bref moment, le pouvoir. De même le rôle néfaste du PC et
de la CGT pour étouffer, circonscrire le mouvement, tout comme les manœuvres de
la social-démocratie tentant de le récupérer tout en se posant comme
alternative au gaullisme, sont éclairants.
Certes, à l’orée
de la fin des Trente Glorieuses, la conjoncture n’était pas, au sens classique
du terme, révolutionnaire. Toutefois, pouvait s’ouvrir une autre voie que celle
de la mondialisation financière. Autogestion, pouvoir populaire, autonomie des
sujets individuels et collectifs, avaient pour objet de changer la vie. « Par le
rire et l’oubli » de ce moment d’effervescence intellectuelle et
populaire, de cet épisode d’où surgit le plus grande grève générale de
l’histoire de France, le « spectre » de mai 68 hante toujours ceux et
celles qui « veulent faire du
politique une chose partagée, le bien commun de toutes et tous, où chacun peut
s’exprimer, délibérer, décider ». Un ouvrage à mettre entre toutes les
mains pour en tirer le meilleur pour l’espérance sociale à venir.
Ludivine Bantigny, éd. Seuil, 2018, 25€