ETE
2021 : COUP DE CHAUD À CUBA !
Nous
publions, ci-après, la 2ème partie du
reportage sur Cuba envoyé par un de nos abonnés.
Y-a-t-il
un économiste dans la salle ?
Selon
la légende, le Che avait répondu par l'affirmation à cette
question de Fidel lors d'une réunion, et était devenu... Ministère
de l'Economie.
Alors
que la crise économique s'amplifiait lors du 2° semestre 2020, le
mouvement de San Isidro
et sa mouvance d'artistes et de pseudo-artistes provocateurs (l'un se
faisant photographier sur des toilettes avec un drapeau cubain sur le
dos), bloggeurs payés par la NED
(New Endowment for Democracy) ou d'autres associations américaines,
faisaient le siège du Ministère
de la Culture pendant plusieurs
semaines et occupaient la toile et
une partie de l'espace médiatique officiel cubain. Soutenus de
manière parfois maladroite par des personnalités connues comme
Jorge Perrugoria, l'acteur
du célèbrissime
Fresa y Chocolate et Humberto Perez, célèbre réalisateur cubain
mais aussi l'écrivain Padura,
ils avaient manifesté plusieurs fois en petit comité dans les rues
vides de la Vieille Havane
sans que la Police n'intervienne. La police est-elle terrifiée par
les téléphones portables ou est-ce un message envoyé à
l'étranger ? Le mouvement San
Isidro avait fini par se
discréditer suite aux provocations évoquées ci-dessus, aux
révélations des liens entre certains bloggeurs et la Floride et
surtout après le soutien très appuyé et officiel de Mike
Pompéo avant de quitter
la Maison Blanche. Les réseaux sociaux (en particulier Facebook)
avaient relayé un appel à un cacerolazo (un
tintamarre de casseroles) la nuit du 31 décembre 2020 ; la
Havane avait retenu son souffle et finalement rien ne s'était
passé !
Bonne
année 2021 !!!
C'est
dans un contexte économique tendu par la pandémie que le
gouvernement cubain a choisi d'effectuer, le 1° janvier, sa réforme
monétaire consistant à faire disparaitre le CUC
(le peso convertible),
disparition annoncée par Raul Castro dès
2013. Les Cubains avaient 6 mois pour échanger leurs CUC en
CUP
(peso
non convertible).
Désormais, les dollars ou euros sont changés directement en CUP,
respectivement et officiellement
à 24 et 28 CUP.
Dans
le même temps, il multiplie (restez assis!) les tarifs de
l'électricité par... 4 pour la première tranche, et par 5
pour les tranches suivantes et relève le prix de l'eau dans les
mêmes proportions (sans affecter les volumes cependant) et annonce
dans la foulée la possibilité de payer sa facture d'électricité
depuis les... USA ou l'étranger. Malgré le discours consistant à
faire avaler la pilule en parlant d'économies, d'écologie
(l'électricité est principalement produite en
brûlant du diesel dans des centrales thermiques), la grogne aidant,
le gouvernement annonçait à l'aide d'un spot publicitaire, dès
janvier, une légère baisse du prix de l'électricité, les Cubains
ayant gagné 5 millions de pesos ! Marketing politique d'Etat, à
pleurer ! Pour amortir le choc, le gouvernement cubain a relevé
de manière significative les salaires du secteur étatique et les
pensions de retraite mais les a convertis en monnaie nationale
(CUP). Disparue la partie du salaire
versée en CUC.
Pas
besoin d'être économiste pour imaginer la catastrophe annoncée car
le gouvernement a provoqué de façon mécanique cette inflation ;
les prix se sont envolés sur les marchés (peu approvisionnés à
cause de la crise sanitaire) ; ainsi, la livre de riz est passée
de 5 pesos à 60 pesos !!! Le gouvernement a eu beau
annoncer que l'augmentation des prix coïncidait à une augmentation
de la qualité des produits (par quel miracle?) et que des
inspecteurs contrôleraient les prix sur les marchés
d'approvisonnement, la flambée des prix n'a eu de cesse. Quelques
ajustements à la marge ont été effectués notamment envers ceux
qui louent des chambres aux étrangers via...
RB&B et qui ont l'air conditionné, ceux qui pleurent tout
le temps et qui gagnent en 3 nuits ce que gagne un professeur en un
mois ! On ne prête qu'aux riches ! Cependant, ce secteur
est globalement à l'arrêt depuis plusieurs mois à cause du Covid ;
beaucoup de Cubains souhaitent vendre et quitter le pays. Les
notariats sont fermés pour 6 mois à la Havane. En janvier la TV
d'Etat parlait ouvertement du change au marché noir, 60 pesos
cubains pour un dollar. L'euro se change actuellement en la calle
(dans la rue) entre 70 et 80 pesos. Donc, pour les dépenses
quotidiennes, les prix varient en fonction
du taux auquel on change ses euros ou ses dollars - si
vous avez la chance d'en avoir ou d'en recevoir.
Sinon, avec le peso cubain, c'est la
galère ! En
fait, la hausse annoncée des salaires n'a été qu'un rattrapage par
rapport à l'inflation des 5 dernières années et l'inflation
fulgurante de l'année 2021 a définitivement lissé cette hausse
des salaires et a plombé le pouvoir d'achat de la majorité de la
population. La recherche effrénée de MLC (monnaie
librement convertible) a
accentué la chute du peso. Un
pays incapable d'imposer des prix fixes sur les marchés vivriers
peut-il toujours se prétendre socialiste ou la loi du marché ne
s'est-elle pas déjà imposée à un Etat de plus en plus faible ?
Mais
cela n'est rien quand on sait que la
libreta (carnet
de rationnement)
est vouée à disparaitre et
que les entreprises d'Etat
vont voir leurs aides diminuer drastiquement. Les entreprises
étrangères pourront investir (+
de 500 projets selon Granma)
dans des joint-ventures dont
elles pourront être désormais majoritaires (biotechnologie,
commerce de gros, tourisme...)
Le
calice jusqu'à la lie !
Le
gouvernement en profite pour ouvrir des magasins MLC où l'on
peut acheter UNIQUEMENT avec une carte prépayée (USD ou €) ou une
carte bancaire internationale... américaine VISA ou MASTERCARD.
L'objectif annoncé est clair : drainer les devises fortes dans
le système bancaire cubain et surtout les capter pour
importer ce dont le pays a besoin sur les marchés étrangers. Le
paradoxe veut que dans un pays exangue, des queues immenses se
forment devant ces magasins (il y a donc de l'argent pour certains)
où l'on trouve de tout alors que la majorité de la population peine
à vivre avec ce que le carnet de rationnement fournit
aux citoyens cubains. Les tensions sont monnaie courante dans ces
foules de citoyens prêts à en découdre pour acheter. Des coleros
(ceux qui font la queue) professionnels opèrent, revendant à 10 ou
12 dollars, le paquet de poulet aux hormones (américain!!!) acheté
à 3 dollars après des heures de queue ou un
passe-droit ou un bakchich !
La Police est présente !
Le
gouvernement a annoncé mi-juin, que désormais, il n'accepterait
plus que les euros, créant un nouvel effet de panique, 80 % des
remesas proviennent des USA donc en dollars.
Le
secteur de la santé et la production de vaccins...
Pendant
ce temps, le virus progresse car les vaccins cubains tardent.
Narcissisme nationaliste, besoin de montrer au monde entier que Cuba,
selon le souhait de Fidel, ne dépend de personne ? Le
gouvernement cubain déclare que ses vaccins mis au point
avec l'Iran (Abadala)
ou le Soberana
(souveraineté) ont pris du retard à cause des difficultés à se
procurer les ingrédients nécessaires à leur fabrication. Selon le
MINSAP
(Ministère de la Santé Publique), leur efficacité varie entre 98%
et 100%. Avec le retard pris ces derniers mois, la situation est
devenue intenable dans certains hôpitaux avec l'accumulation de
patients et un système de santé fortement dégradé. En août, des
ruptures d'approvisionnement en oxygène dues à des avaries
techniques sur les lieux de production ont entraîné la mort de
plusieurs malades du Covid. Certains médicaments ne sont plus
accessibles à Cuba. D'ailleurs le gouvernement cubain a
officiellement autorisé les voyageurs à importer pratiquement
librement nourriture et médicaments jusqu'à la fin de
l'année 2021, c'est dire la gravité de la situation. Idem
pour... les panneaux solaires !
La
carotte ou le baton ?
Comme
les écoliers sont à la maison depuis plus d'un an et demi sans
pouvoir sortir, pas étonnant que la déstabilisation des réseaux
sociaux et les appels à la révolte orchestrés par les officines
américaines et certains opposants cubains coïncident avec l'été
(par chance très pluvieux et pas très chaud cette année) qui
généralement surchauffe les habitats des quartiers pauvres et
insalubres comme le Centro Habana,
pour tenter de porter
l'estocade. Les plages fermées , les enfants ne pouvant sortir,
l'économie pratiquement à l'arrêt, la situation était explosive.
D'autant plus que Biden
n'a pas bougé d'un iota la politique de Trump. L'équipe de Blinken,
le chef de la diplomatie américaine,
s'est dite déçue du manque de retombées de la politique de la
carotte sous Obama. De plus, les Démocrates
qui pensaient naïvement gagner l'Etat de Floride lors des dernières
présidentielles, se sont pris une dérouillée et sont
maintenant prisonniers de l'élection des mid-terms, si
importante pour la majorité au Congrès américain. Rappelons
que, sans l'accord du Congrès, le blocus ne peut pas être levé !
Et comme l'anti-castrisme est un business politique et financier aux
USA, les choses resteront figées malgré les appels de certaines
associations comme Puentes de amor
ou de rares élus démocrates,
et ce
jusqu'à la chute du régime castriste, désormais dans toutes les
têtes.
Communication
étatique : 15 jours de pédagogie !
Suite
aux événements du 11 juillet 2021, la TV d'Etat Cubaine n'a cessé
de faire passer en boucle les images de cette voiture
de police retournée par des manifestants. Idem pour les images de
pillages ! Pendant 2 semaines, matin et soir, des émissions
spéciales suivant les actualités ont analysé
les mécanismes qui ont conduit à ces événements, reprenant les
propos de certains opposants de Miami ainsi que les fausses nouvelles
des réseaux sociaux, les décortiquant et les analysant pour mieux
les ridiculiser... et surtout montrer que la violence était dans le
camp des opposants ! La TV a montré certaines publications
Facebook comme celle où le soi-disant Malecon avait été envahi par
des centaines de milliers de personnes, en fait des images du
soulèvement du “printemps arabe” en... Egypte. Ou encore la
vidéo virale de cette ménagère annonçant la prise de l'hôtel de
Ville de Camagüey qui a été tournée en ridicule. Tout comme
l'image montrant Raul Castro “fuyant” au Vénézuela... Le
président de la République Diaz-Canel l'a explicitement déclaré :
“les Etats-Unis
attendent un bain de sang qui sera le prétexte pour une intervention
militaire, cela ne se produira pas !”
Il a aussi déclaré que “la rue
appartenait aux Révolutionnaires”; les
réseaux sociaux lui ont vite rappelé que la rue appartenait aux
Cubains, à tous les Cubains!
Le
gouvernement a lourdement insisté sur la violence des manifestants
et ainsi montré que les agresseurs n'étaient pas du côté
gouvernemental. Cependant, montrer en boucle des policiers ou des
membres du Ministère de l'Intérieur, tuméfiés après avoir été
tabassés, peut avoir un effet néfaste et encourager certains à
passer à l'action en sachant que
potentiellement tout acte dissident fait de vous un héros à Miami
et à Washington. Bien sûr, cette communication victimaire a pour
but de discréditer le mouvement, et certainement, les Cubains le
savent, d’identifier les auteurs de ces faits de violence ou de
pillage afin que la population les dénonce. Le pouvoir a communiqué
en montrant les groupes d'intervention (Boinas
Negras -
“Avispas Negras” pour les Cubains)
encadrant pacifiquement les manifestants et un mois plus tard,
livrant des bouteilles d'oxygène aux hôpitaux. Ce qui n'a pas
empêché que cette unité ainsi que le Ministre de la Défense
soient ciblés par le Département d'Etat Américain.
Le
message gouvernemental est adressé à l'Europe et notamment à la
France avec laquelle Cuba cherche à négocier l'annulation de sa
dette. Profil bas de rigueur, l'Administration U.S et certains
opposants de Floride le savent... et en profitent tout comme
l'extrême-droite espagnole à la manoeuvre au Parlement Européen
pour faire condamner la supposée violence de la police cubaine. Pas
sûr que cette dernière, si crainte à une époque, continue à être
respectée ! Elle est restée particulièrement passive ce 11
juillet car peu équipée pour du maintien de l'ordre. Il lui serait
difficile de faire face à un mouvement de type Gilets Jaunes
(régulièrement montré à la TV cubaine). Ces images de saccages et
de pillages passées en boucle auront montré les failles dans
le maintien de l'ordre cubain.. Disons-le franchement, le pouvoir
s'est laissé surprendre le 11/7. Une semaine après, la police
s'était discrètement positionnée, sur les axes stratégiques
notamment ceux menant à la Place de la Révolution, prête à
intervenir à la moindre alerte !
La
Doctrine Monroe toujours d'actualité !
Les
Etats-Unis sont en train de garroter économiquement Cuba pour des
raisons purement politiques pour montrer que le seul modèle de
société viable est la société capitaliste... (sauvée du désastre
par... Obama en 2008). Cuba, sans ce blocus mortifère, serait un
pays prospère. D'ailleurs, c'est cette prospérité potentielle qui
attise les convoitises américaines sans oublier la Doctrine Monroe
qui ferait de Cuba le 52° état américain après... Porto
Rico (pour le moment toujours simple territoire américain). Les
résolutions de l'ONU n'ont jamais rien changé au blocus et
ne changeront rien à la situation ! Dans cette guerre opposant
les deux pays depuis 1959, nous sommes passés de la guerre
conventionnelle (tentative d'invasion le 17 avril 1961 de la Baie des
Cochons par les contre-révolutionnaires cubains appuyés par
Washington) aux conflits extra-territoriaux en Ethiopie, Angola
opposant les deux pays, puis à une guerre de basse intensité mais
il semble que la période TRUMP et l'avènement des réseaux sociaux
utilisés aux niveaux individuel, institutionnel (NED...),
associatif et médiatique ouvrent désormais la voie à
une guerre de déstabilisation beaucoup
plus puissante. L'accès à internet a permis aux ennemis de Cuba
d'agir à l'intérieur même de l'île car les réseaux
sociaux, Facebook en tête, ne censurent pas les personnes qui
prêchent la haine et participent de fait, au mouvement hostile à
Cuba notamment depuis Miami. Les opposants
ont pu s'organiser et des "soft
targets" ont été ciblées (UCI
– Université des Sciences Informatiques accusées d'espionner la
toile à Cuba). Le gouvernement cubain n'ignore pas les
réseaux sociaux et combat pied à pied les mensonges véhiculés par
la toile. Le très respecté Ministre des Affaires Etrangères, Bruno
Rodriguez Parrilla est monté au créneau pour démentir les
insanités véhiculées, avant, pendant et après les événements du
11/7. Cela n'a pas empêché, suite aux
émeutes, l'apparition, sur
la toile, de nouvelles rumeurs de
disparition de personnes arrêtées pour violences ou dégradations !
Une photo de travaux effectués par des ouvriers au centre du pays a
suffi à relancer des informations
fallacieuses... de disparitions de masse et de... fosses communes.
Nouveaux démentis du gouvernement cubain, donnant l'impression de
sans cesse courir après les pyromanes de la toile afin d'éviter la
propagation des incendies. D'ailleurs, l'accès à internet a été
bloqué pendant trois jours du dimanche 11/7 au mardi 13/7, le temps
que la tension retombe !
Epilogue
Les
événements de juillet auront néanmoins eu un
petit aspect positif, bien dérisoire mais
hautement symbolique. Le gouvernement a décrété la
distribution dans chaque foyer du pays de denrées alimentaires de
première nécessité hors libreta. La politique
d'ouverture des années Raul Castro a plutôt accentué les
inégalités entre les personnes ayant de la famille aux Etats-Unis
ou en Europe qui reçoivent des remesas, des
devises fortes, ceux qui ont pu monter un commerce lié au
tourisme ou à d'autres secteurs lucratifs (restauration) et
le reste de la population. Cela
génère des frustrations. D'ailleurs, le président a mis l'accent
en août sur les quartiers “abandonnés” et est venu reconquérir
le territoire du quartier de la Güinera, livré le temps d'une
journée à la vindicte populaire, aidé par les travailleurs sociaux
et une figure importante de la... Santeria, la religion afro-cubaine,
si vivace dans l'île.
Les
Cubains sont fatigués par des décennies de privation et une grande
partie de la population reste attentiste. Le "cambio"
(changement) est désormais dans toutes les têtes. Le gouvernement
lui-même attend des gestes de Biden qui
pourraient desserrer l'étau qui écrase le
pays ! Mais Sleepy
Joe (Biden)
ne fera pas ce cadeau aux Républicains en volant
au secours d'un pays communiste ! L'avenir de la Révolution
semble désormais liée à l'attitude de son bourreau ! Terrible,
même si Cuba en a vu d'autres. Les jeunes générations ne sont plus
politisées et la société de consommation fait des envieux ! Pas
sûr qu'elles aspirent au sacrifice ultime pour défendre la nation
et les corrompus de haut-vol ! Patria o
Muerte... Veremos !
MONCADA,
19/09/21