Appel
pour Mimmo Lucano
L’ancien maire de Riace, en Italie, a
été condamné à 13 ans et 2 mois de prison et à 500 000 euros d’amende le
30 septembre, pour avoir porté secours à des réfugiés et redonné vie à son
village. Une pétition dénonce le caractère purement politique de cette décision
de justice et fustige le délit de solidarité : https://www.change/org/p/mario-draghi-liberte-pourmimmo-lucano
.Ci-dessous des extraits de la lettre de Mimmo Lucano lue en son nom dans son
village, le 3 octobre
Il
est inutile de vous dire que j’aurais voulu être présent avec vous (…) pour
profiter de cette sensation de spontanéité, pour sentir l’émotion que les
paroles créent dans l’âme (…). Le ciel est traversé par de sombres nuages, les
mêmes couleurs, la même vague noire dans les cieux d’Europe qui bouchent les
horizons indescriptibles de cimes, abysses, terres, douleurs et croix, cruauté
de nouvelles barbaries fascistes (…). Aujourd’hui, dans ce lieu de frontières,
dans ce petit pays du sud de l’Italie, terre de souffrance, d’espoir et de
résistance, nous vivons un jour historique. L’histoire, c’est nous. Avec nos
choix, nos convictions, nos erreurs, nos idéaux, nos espoirs de justice que
personne ne pourra jamais effacer. Un jour viendra où les droits humains seront
davantage respectés, il y aura plus de paix que de guerre, plus d’égalité, plus
de liberté que de barbarie. Il n’y aura plus de gens qui voyagent en business
class et d’autres entassés comme de la marchandise humaine arrivant des ports
coloniaux avec les mains agrippées aux vagues de la mer de la haine. (…) Je
referais les mêmes choses qui ont donné un sens à ma vie. Je n’oublierai jamais
ce merveilleux fleuve de solidarité (…) Il ne faut pas renoncer : si nous
restons unis et humains, nous pourrons caresser le rêve de l’utopie sociale.
Je
vous souhaite d’avoir le courage de rester seuls et l’ardeur de rester
ensemble, fidèles aux mêmes idéaux. D’être désobéissants à chaque fois que nous
recevons des ordres qui humilient notre conscience. De mériter que l’on nous
appelle « rebelles » comme ceux qui refusent d’oublier face à ce
temps d’amnésies obligatoires. D’être obstinés au point de continuer à croire,
contre toute évidence, que cela vaut la peine d’être des hommes et des femmes.
De continuer à marcher malgré les chutes, les trahisons et les défaites, parce
que l’histoire continue, même après nous, et quand elle dit « adieu »
en réalité c’est un « au revoir ».
Il
nous faut nous souhaiter de maintenir vivante la certitude qu’il est possible
d’être contemporain de tous ceux qui vivent animés par la volonté de justice et
de beauté, partout, parce que les cartes de l’âme et du temps n’ont pas de frontières.