Stocamine = poubellemine
Wittelshein est une charmante
ville de 10 000 habitants dans la banlieue de Mulhouse. Le 21 mai 1904, des
carottages y sont faits pour trouver de la houille. On recherchait une
éventuelle continuité avec le bassin houiller de Ronchamp (Haute-Saône). On n'y
trouva pas de houille, mais de la potasse. En 1908, le premier puits est en
exploitation. En 1911, le puits Joseph
Else est creusé à 535m de profondeur. Son exploitation commencera en 1918. Dans
les années 60, l'épuisement du bassin se fait sentir et les mineurs craignent
pour leur emploi. En 1950, les 9 mines
du secteur emploient 14 000 personnes. En 1990, 3 500.
C'est alors qu'un nouveau
projet voit le jour, dans le cadre de la reconversion
du bassin d’emploi pour faire face à la fermeture programmée des mines de
potasse. En 1991, il reçoit un avis favorable. En 1992, l’Assemblée nationale
vote une nouvelle loi sur les déchets et impose un principe de réversibilité.
Le projet est revu et l’enquête publique débouche sur un avis favorable. Ce projet de stockage de déchets dangereux
dans le puits Joseph Else est porté par Stocamine, filiale de la SMPA - Société
des Mines de Potasse d'Alsace - SA dans laquelle l’Etat est actionnaire unique.
Il paraît plutôt sérieux. Il prévoit le creusement de 15km de nouvelles
galeries avec, de part et d'autre, des alvéoles afin de stocker les déchets
ultimes, d’arsenic, de chrome, de mercure…, de classe O, totalement inertes
mais les plus dangereux. Ce stockage est PROVISOIRE
et réversible, prévoyant de ressortir tous les déchets, après 30 ans. 320
000 tonnes doivent y être stockées à raison de 50 000 tonnes par an. Chaque fût
de métal ou big bag sera vérifié, un échantillon prélevé et stocké dans
une échantillonthèque. La construction d'un laboratoire est prévue pour préparer
la remontée des déchets et leur traitement. Ce site de stockage est présenté
comme la copie conforme du site de HERFA-NEURODE, en Allemagne, qui fonctionne
depuis 1972 sans aucun problème. Il permet de conserver 100 emplois sur le
site, et pendant les premières années, une partie de la mine serait une zone de
stockage, et l'autre partie exploiterait toujours la potasse. Cette mine se
trouve sous la nappe phréatique (la plus grande d'Europe) à environ 40m sous
terre. Ce projet ne suscita quasiment pas d'opposition et le 3 février 1997, un
arrêté préfectoral autorisa l'exploitation du site pour 30 années. En 1999, les premiers colis sont descendus. Dès l'an 2000, des déchets de
classe 1 (un peu moins dangereux) sont également descendus afin d'assurer une
meilleure rentabilité du site. Au cours de cette même année, les salariés
signalent la présence de plusieurs colis douteux à leur direction. Mais
celle-ci leur impose de les descendre. Un léger doute commence à s'installer
parmi les employés car la vérification de chaque colis prévue au départ n'est
toujours pas en place.
Le 10 septembre 2002 que le château de cartes commence à s'effondrer
Les mineurs exploitant la
potasse sont incommodés par une fumée toxique. Ils remontent et donnent
l'alerte. Les pompiers descendent, constatent qu'un incendie s'est déclaré dans
la zone de stockage des déchets, mais ne peuvent que tenter de l'étouffer.
Pendant plusieurs semaines, des fumées s'échapperont par les puits d'aération, l'incendie ne s'éteindra que le 21 novembre. Les mineurs ont pu
descendre après cette date pour constater les dégâts. L'incendie s'est déclaré
dans le bloc 15, qui contenait des déchets
interdits dans ce type de stockage. En effet, mélangés aux déchets de
classe 0 (inertes) se trouvaient des déchets organiques (déchets de pesticides, engrais) qui ont fermenté et provoqué
l'incendie ; la température moyenne de la galerie est de 35 degrés, il
était donc extrêmement dangereux d’y stocker ce type de déchets. Ils ont
constaté que 470 bags contenaient également des matières interdites. Ils
ont remarqué également que les plafonds des alvéoles étaient descendus beaucoup
plus rapidement que prévu et que de nombreux colis y étaient déjà comprimés.
Bonne nouvelle tout de même, le laboratoire chargé de préparer la remontée des
déchets n'a pas brûlé, vu qu'il n'était pas construit. Pour les mineurs et les riverains, ce stockage commence à "sentir
l'embrouille"...
Ils seront confortés par les
résultats de l'enquête, mettant au jour des pratiques très éloignées de ce qui
était prévu par le cahier des charges, et quelques mensonges par omission. Les
alvéoles s'étaient très rapidement déformées alors que celles de la mine modèle
en Allemagne, elles, ne se déformaient absolument pas. L'enquête a montré qu'on
avait simplement « oublié » de préciser qu'en Allemagne elles étaient
recouvertes par 400m de lave volcanique parfaitement étanche et stable, alors
qu'à Wittelshein, elles étaient recouvertes de
400m de sable et de gravier, parfaitement instable. Les porteurs du
projet ont également « oublié » de parler des mines d’Asse
(Allemagne) où étaient entreposés des déchets radioactifs qui ont connu de
graves problèmes d’entrée d’eau et ont dû être vidés de leurs déchets.
Concernant les contrôles, quand un camion arrivait, chargé généralement de 20 bags,
1 seul bag pris au hasard était contrôlé, et on prélevait 200g de
déchets à sa surface. De plus, tous les bags étiquetés "amiante"
n'étaient pas contrôlés, officiellement, pour protéger le personnel. Le
stockage de l'amiante était facturé 1 000€ la tonne alors que les déchets de
classe 0, eux, étaient facturés 5 000€ la tonne. Pas étonnant que dans les sacs
étiquetés "amiante", on ait retrouvé toutes sortes d'autres
déchets. Le contrôle systématique prévu s'était transformé en fait en une confiance
quasiment aveugle dans les industriels qui emmenaient les déchets. En fait,
tout était mis en place par la direction de Stocamine pour que les industriels puissent se débarrasser à bon compte des déchets encombrants. Le procès du
directeur a montré que : "A plusieurs reprises il a été informé de
manière précise de l'existence d'anomalies concernant les produits descendus.
Malgré cela, il a persisté à ordonner leur stockage. Il ne pouvait ignorer la
réglementation en vigueur et des risques pouvant survenir en cas d'acceptation
illicite de ces produits". "Il y a eu violation manifestement
délibérée des mesures de sécurité. Il y a eu exposition directe à un risque de
mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou infirmité
permanente". Il sera condamné à 4 mois de prison avec sursis et à 50
000€ d'amende. A titre de comparaison, la personne qui a giflé Emmanuel Macron
a passé 3 mois en prison...