Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 3 novembre 2021

 

Stocamine = poubellemine

 

Wittelshein est une charmante ville de 10 000 habitants dans la banlieue de Mulhouse. Le 21 mai 1904, des carottages y sont faits pour trouver de la houille. On recherchait une éventuelle continuité avec le bassin houiller de Ronchamp (Haute-Saône). On n'y trouva pas de houille, mais de la potasse. En 1908, le premier puits est en exploitation.  En 1911, le puits Joseph Else est creusé à 535m de profondeur. Son exploitation commencera en 1918. Dans les années 60, l'épuisement du bassin se fait sentir et les mineurs craignent pour leur emploi.  En 1950, les 9 mines du secteur emploient 14 000 personnes. En 1990, 3 500.

 

C'est alors qu'un nouveau projet voit le jour, dans le cadre de la reconversion du bassin d’emploi pour faire face à la fermeture programmée des mines de potasse. En 1991, il reçoit un avis favorable. En 1992, l’Assemblée nationale vote une nouvelle loi sur les déchets et impose un principe de réversibilité. Le projet est revu et l’enquête publique débouche sur un avis favorable. Ce projet de stockage de déchets dangereux dans le puits Joseph Else est porté par Stocamine, filiale de la SMPA - Société des Mines de Potasse d'Alsace - SA dans laquelle l’Etat est actionnaire unique. Il paraît plutôt sérieux. Il prévoit le creusement de 15km de nouvelles galeries avec, de part et d'autre, des alvéoles afin de stocker les déchets ultimes, d’arsenic, de chrome, de mercure…, de classe O, totalement inertes mais les plus dangereux. Ce stockage est PROVISOIRE et réversible, prévoyant de ressortir tous les déchets, après 30 ans. 320 000 tonnes doivent y être stockées à raison de 50 000 tonnes par an. Chaque fût de métal ou big bag sera vérifié, un échantillon prélevé et stocké dans une échantillonthèque. La construction d'un laboratoire est prévue pour préparer la remontée des déchets et leur traitement. Ce site de stockage est présenté comme la copie conforme du site de HERFA-NEURODE, en Allemagne, qui fonctionne depuis 1972 sans aucun problème. Il permet de conserver 100 emplois sur le site, et pendant les premières années, une partie de la mine serait une zone de stockage, et l'autre partie exploiterait toujours la potasse. Cette mine se trouve sous la nappe phréatique (la plus grande d'Europe) à environ 40m sous terre. Ce projet ne suscita quasiment pas d'opposition et le 3 février 1997, un arrêté préfectoral autorisa l'exploitation du site pour 30 années. En 1999, les premiers colis sont descendus. Dès l'an 2000, des déchets de classe 1 (un peu moins dangereux) sont également descendus afin d'assurer une meilleure rentabilité du site. Au cours de cette même année, les salariés signalent la présence de plusieurs colis douteux à leur direction. Mais celle-ci leur impose de les descendre. Un léger doute commence à s'installer parmi les employés car la vérification de chaque colis prévue au départ n'est toujours pas en place.

 

Le 10 septembre 2002 que le château de cartes commence à s'effondrer

 

Les mineurs exploitant la potasse sont incommodés par une fumée toxique. Ils remontent et donnent l'alerte. Les pompiers descendent, constatent qu'un incendie s'est déclaré dans la zone de stockage des déchets, mais ne peuvent que tenter de l'étouffer. Pendant plusieurs semaines, des fumées s'échapperont par les puits d'aération, l'incendie ne s'éteindra que le 21 novembre. Les mineurs ont pu descendre après cette date pour constater les dégâts. L'incendie s'est déclaré dans le bloc 15, qui contenait des déchets interdits dans ce type de stockage. En effet, mélangés aux déchets de classe 0 (inertes) se trouvaient des déchets organiques (déchets de pesticides, engrais) qui ont fermenté et provoqué l'incendie ; la température moyenne de la galerie est de 35 degrés, il était donc extrêmement dangereux d’y stocker ce type de déchets. Ils ont constaté que 470 bags contenaient également des matières interdites. Ils ont remarqué également que les plafonds des alvéoles étaient descendus beaucoup plus rapidement que prévu et que de nombreux colis y étaient déjà comprimés. Bonne nouvelle tout de même, le laboratoire chargé de préparer la remontée des déchets n'a pas brûlé, vu qu'il n'était pas construit. Pour les mineurs et les riverains, ce stockage commence à "sentir l'embrouille"...

 

Ils seront confortés par les résultats de l'enquête, mettant au jour des pratiques très éloignées de ce qui était prévu par le cahier des charges, et quelques mensonges par omission. Les alvéoles s'étaient très rapidement déformées alors que celles de la mine modèle en Allemagne, elles, ne se déformaient absolument pas. L'enquête a montré qu'on avait simplement « oublié » de préciser qu'en Allemagne elles étaient recouvertes par 400m de lave volcanique parfaitement étanche et stable, alors qu'à Wittelshein, elles étaient recouvertes de  400m de sable et de gravier, parfaitement instable. Les porteurs du projet ont également « oublié » de parler des mines d’Asse (Allemagne) où étaient entreposés des déchets radioactifs qui ont connu de graves problèmes d’entrée d’eau et ont dû être vidés de leurs déchets. Concernant les contrôles, quand un camion arrivait, chargé généralement de 20 bags, 1 seul bag pris au hasard était contrôlé, et on prélevait 200g de déchets à sa surface. De plus, tous les bags étiquetés "amiante" n'étaient pas contrôlés, officiellement, pour protéger le personnel. Le stockage de l'amiante était facturé 1 000€ la tonne alors que les déchets de classe 0, eux, étaient facturés 5 000€ la tonne. Pas étonnant que dans les sacs étiquetés "amiante", on ait retrouvé toutes sortes d'autres déchets. Le contrôle systématique prévu s'était transformé en fait en une confiance quasiment aveugle dans les industriels qui emmenaient les déchets. En fait, tout était mis en place par la direction de Stocamine pour que les industriels puissent se débarrasser à bon compte des déchets encombrants. Le procès du directeur a montré que : "A plusieurs reprises il a été informé de manière précise de l'existence d'anomalies concernant les produits descendus. Malgré cela, il a persisté à ordonner leur stockage. Il ne pouvait ignorer la réglementation en vigueur et des risques pouvant survenir en cas d'acceptation illicite de ces produits". "Il y a eu violation manifestement délibérée des mesures de sécurité. Il y a eu exposition directe à un risque de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou infirmité permanente". Il sera condamné à 4 mois de prison avec sursis et à 50 000€ d'amende. A titre de comparaison, la personne qui a giflé Emmanuel Macron a passé 3 mois en prison...