Stokamine (suite)
Suite à l'incendie, plus aucun déchet ne sera descendu
Il reste actuellement 42 000
tonnes. En 2012, le préfet décide de ressortir les déchets contenant du
mercure. Beaucoup pensent que les autres déchets suivront, mais cela s'arrête
là. Lors de ces opérations de destockage, il est apparu qu'après 2025, il
serait impossible de ressortir quoi que ce soit, les produits seront totalement
comprimés dans les alvéoles. Dès lors, les ministres ont commandé des
expertises, puis d'autres expertises, puis des études, puis d'autres études... En
2019, Nicolas Hulot demande encore une étude ; le rapport parlementaire
demande que « les déchets soient
extraits si cela est possible techniquement, afin de ne pas faire peser un
risque sur la population et l’environnement, sous réserve qu’un site de
stockage présentant de meilleures conditions puisse les accueillir ». Autant
dire, personne… Wittelsheim étant le seul site retenu… belle langue de
bois !
Barbara Pompili se prononcera officiellement pour un enfouissement définitif des déchets.
Ceux-ci étant
"sécurisés" par des tampons de béton, afin officiellement de ne pas
mettre en danger la vie des destockeurs. Dans les associations anti-Stocamine,
on pense que c'est surtout pour éviter que soit connu de tous ce qui a été
descendu, ce qui ferait mauvaise presse à l'Etat, notamment par rapport au
projet de Bure. L'enfouissement définitif est confirmé par un arrêté
préfectoral en février 2021. A
partir de là, tout va très vite : en quelques semaines, le sable, le
ciment sont amenés sur le site : tout est prêt pour reboucher. Les
associations attaquent cet arrêté, le tribunal de Nancy leur donne raison et
annule l'arrêté pour les raisons suivantes : l’absence de garantie financière
de MDPA et le bruit causé par les travaux (durée prévue : 3 ans et demi). L'Etat
se pourvoit immédiatement en cassation. Alors que toute personne responsable sait
que tôt ou tard, l'eau va s'infiltrer dans les alvéoles, les remplir, se mélanger
aux déchets, qui par l'effet de l'écrasement se retrouveront tôt ou tard dans
la nappe phréatique.
Yann Flory du collectif Destocamine
résume bien la situation : " tout ce qu'on nous a dit était faux, s'il
y a une leçon à retenir, c'est qu'il faut rester très critique vis à vis de
tous les projets industriels, y compris quand ils sont portés par l'Etat.
Comment leur faire confiance maintenant quand ils disent que la pollution de la
nappe phréatique sera faible et maîtrisée, alors qu'on ne sait pas ce qu'il y a
au fond. C'est absurde."
Jean-Pierre Hecht, mineur qui
a descendu les déchets, répondant à un journaliste de France 24 : "On
parlait bien de stockage, c'était Stocamine, et pas enfouimine ou poubellemine
- Avez-vous le sentiment d'avoir été trompés ?
- Trompé, le mot est un peu faible...
Je parlerais de trahison. On s'est bien fait avoir, mais ma grande peur c'est
que mes petits-enfants me disent un jour "Vieux c**, t'as foutu le bordel,
et t'es pas capable de réparer"... Et c'est dur, très dur à vivre".
Dans cette affaire, l'Etat n'a
pas tenu sa parole. La clause de réversibilité n'a pas été respectée. Quand les
premiers colis sont descendus, les responsables savaient pertinemment que les
alvéoles allaient s'affaisser. Dans le meilleur des cas, seulement une partie
des déchets pourra être retirée. Mais il semble qu'on s'achemine vers un
enfouissement définitif.
Tirons-en les leçons, et
allons tous soutenir les camarades de Bure, où se met en place une gigantesque
poubelle nucléaire où tous les risques sont bien sûr parfaitement maîtrisés...
Jean-Louis Lamboley, le
25.10.2021
encart
Dans
cette affaire, tout le monde n’est pas perdant.
Une entreprise s’en est
particulièrement bien sortie, Séché Environnement, spécialiste du traitement
des déchets dangereux. Séché était client de Stocamine et actionnaire à 30 %. Etonnamment, en 2005, MDPA rachète les parts
et les futurs ennuis de Séché, ce qui fera dire à Yves Goefert, maire de
Wittelsheim : « Séché est sorti
propre, lavé, rasé, du merdier Stocamine, et comme d’habitude, le public va
payer pour les conneries des groupes privés ».
A noter que Séché est un
groupe en parfaite santé financière, avec un chiffre d’affaires de 673 millions
en 2020, 5 000 employés en France, possédant des filiales au Chili et en
Afrique du Sud, en pleine croissance puisqu’elle est maintenant spécialisée
dans les déchets médicaux, (seringues, etc.), le Covid a été un jackpot pour
elle. En fait, tout était organisé pour que les industriels puissent se
débarrasser à bon compte des déchets divers et variés.