Zemmour :
le venin dans la plaie
éditorial de PES n° 77 octobre 2021
Commençons
par la plaie ouverte dans le corps social malade. Son tissu est déchiré par en
bas et par en haut. Par en bas, les
organes syndicaux affaiblis, malgré leurs résistances défensives, les partis
dits de « gauche gouvernementale » infectés de néolibéralisme, ne
constituent plus des remèdes revitalisants. Des phénomènes de rejet provoquent
droitisation et aquoibonisme dans les classes populaires. Par en haut, ce n’est guère mieux : dans le bloc bourgeois,
une partie des cathos-réacs et certains membres des hauts fonctionnaires, tous
CSP+ sont prêts à inoculer le pire pour conserver leurs privilèges. L'effet dévastateur
des politiques en leur faveur, et surtout destinées au capital financiarisé,
les inquiète et les questionne. Comment conserver leur hégémonie, obtenir le
consentement des membres affaiblis ? Diviser
les corporations, opposer les fonctionnaires aux salariés du privé, les
chômeurs aux actifs, ne suffit plus.
La caste dirigeante, à des degrés divers, a donc décidé de faire une saignée.
Elle a ouvert les vannes de la surenchère en livrant ce corps malade au
racisme, à la xénophobie et au nationalisme pour tenter de purger la révolte qui couve. Il s’agit d’éviter à tout prix
l’antidote Gilets Jaunes et, par-dessus tout, l’émergence d’une alternative au
règne des puissants. La comtesse Pécresse, les barons Bertrand et Barnier, dans
une compétition grotesque, prétendent mieux que quiconque remettre en ordre ce
corps malade en le perfusant d’anti-islamisme…
Quant
à Macron, le président des ultra-riches et des milliardaires qui l’ont enfanté,
il a buté sur la résistance populaire. Il n’est pas parvenu à ses fins, à part
la casse du droit du travail et le rabougrissement des indemnités
chômage : le projet de démantèlement des retraites et de la Sécurité
sociale est en rade. Après le passage obligé du « quoi qu’il en
coûte » du Covid, il brandit l’arme
démago du plan de relance… 2030, prétend distribuer quelques primes par-ci,
par-là, sans qu’on n’en trouve trace dans le projet de budget 2022 et encore moins
dans sa missive envoyée à la Commission européenne ! Son souci, comme ses
concurrents néolibéraux, c’est de gagner des parts de marché électorales :
les jeunes, en faisant le guignol, les chasseurs anti-écolos, les craintifs, en
agitant la peur des islamo-gauchistes. Ce représentant de la bancocratie et des
CSP+ espère ainsi rester à 24 % ( !), le premier de la classe, pour le
second tour des présidentielles. Rien à craindre des sociaux-libéraux du PS qui
voudraient renaître de leurs cendres, ni des écolos-bobos verts
européistes ! Marine Le Pen fera le reste en sa qualité d’épouvantail.
Las, le RN, en se dédiabolisant, en se présentant comme la candidate du pouvoir
d’achat, de la baisse de la TVA à 5.5% sur l’essence, l’électricité, le gaz,
tout en étant « trop molle » contre l’islam, pourrait atteindre les
28 % !
Et
Zemmour est apparu, porté par les médias de Bolloré et autres apprentis
sorciers. Il aurait déjà rallié l’extrême droite orpheline du FN père, des
électeurs de François Fillon et la bourgeoisie patriote. N’est-ce qu’une bulle sondagière ? Rien n’est
moins sûr ! La plaie ouverte dans la formation sociale française est
rance. Zemmour y ajoute son venin de la
haine des musulmans. Nous serions victimes d’une guerre de civilisation,
Orient contre Occident, d’une invasion migratoire de Moyen-orientaux et
d’Africains adeptes du djihad, venus conquérir le territoire, « changer
l’âme de notre peuple », procéder au « grand remplacement ».
Face à ce « danger de mort » pour « conserver nos racines
chrétiennes », une seule solution : expulser par voie de charter, y
compris les petits délinquants qui possèdent la double nationalité (les idées
de Hollande ont fait leur chemin, lui qui voulait prononcer la déchéance de nationalité).
Et pour que les « barbares » ne rentrent pas « chez nous »,
il prône la création d’une « police militaire aux frontières » et
pourquoi pas des murs, « le prix, je m’en fous ». Quant aux
clandestins on les prive de toute aide, y compris l’aide médicale d’Etat, soit
il « crèvent chez eux soit chez nous » mais il faut en finir
avec « la contagion de la gangrène ».
C’est
un discours de guerre civile
préparant les meurtres racistes, dressant des fractions populaires égarées
contre les cohortes de travailleurs antifascistes. Ce venin de la haine peut
prospérer. Il divise aujourd’hui le RN et les zemmouriens, pour les porter tous
deux à 30 % selon les sondages.
La
course présidentialiste est transformée en cirque funeste où la caste régnante,
macronienne, pourrait tirer son épingle du jeu, en faisant croire que tout
pourrait changer sans que rien ne change. Reste le programme rationnel,
antilibéral, néo social-démocrate et écologiste des Insoumis. Les mobilisations
populaires, pour autant qu’elles ne s’en tiennent plus seulement à des
revendications économiques afin d’éviter trop de casse sociale, pourraient être
l’antidote du venin fascisant. La question
à poser c’est : quel pouvoir populaire après avoir dégagé Macron ?
Mais un corps social et électoral bien malade peut-il l’entendre ? Il lui
faudrait des anticorps puissants pour qu’il relève la tête et qu’il soit bien
décidé à se débarrasser de tous ses parasites !
GD
le 26.10.2021