La parole
aux AES
Les Amis de l’Emancipation Sociale (réunis en AG le 16 octobre 2021) ont débattu des
orientations de l’association (extraits ci-dessous). L’association devient Alliance
pour l’Emancipation Sociale
Entrons-nous
dans l’ère des turbulences ?
La
mondialisation du capitalisme financiarisé a fait émerger des aristocraties
prédatrices et une croissance des inégalités, rarement vue dans l’histoire.
Elle s’est accompagnée du surgissement de son contraire, à savoir l’apparition
de blocs de puissances étatiques,
USA et Chine, et, dans une moindre mesure, la Russie de Poutine. Par ailleurs,
des impérialismes secondaires, comme la Turquie, s’engagent également dans la
conquête de marchés et d’une influence contredisant l’hégémonie des deux
superpuissances qui s’affrontent à fleuret moucheté et participent à une
nouvelle course aux armements. L’Europe
reste un nain politique en voie de fracturation et sous dépendance des USA, de
la Russie et de la Chine. La crise de 2007-2008 a fait apparaître, de manière
flagrante, des inégalités dans les pays centraux, tout en accentuant
déclassement et appauvrissement des classes populaires. Les USA et leurs alliés occidentaux tentent désormais de contenir
la Chine, ce nouvel impérialisme commercial et mercantile. Toutefois, ils sont
confrontés au déchirement du tissu social et à la difficulté de promouvoir une
forme de relance de leur économie dégradée qui repose essentiellement sur le
complexe militaro-industriel. En Chine,
on assiste à un dirigisme d’Etat qui conjugue capitalisme d’Etat et économie
privée en expansion ; sa force réside essentiellement dans sa capacité
d’exportation mais c’est aussi sa faiblesse, ce qui la conduit à étendre son
économie dans la partie ouest du pays. Quant à la Russie, dont l’économie est extrêmement fragile, elle tente de
déstabiliser le camp occidental dans l’Europe de l’Est, en Syrie et en Afrique.
Ces rivalités s’exercent dans le cadre
d’une crise climatique où certains experts annoncent, si rien n’est fait, des
températures de + 2.7° en 2050. Dans ces conditions, des dégâts économiques et
humains seraient considérables en particulier dans les zones côtières, comme le
Bangladesh.
Dans
la dernière période, face aux inégalités, on a assisté à des rebellions massives, notamment au Moyen-Orient, qui ont conduit à des
répressions impitoyables et au retour des dictatures encore plus féroces. Les
populations dominées qui se sont mobilisées ne sont parvenues qu’à exiger le
départ des dictateurs les plus en vue. Ce dégagisme et l’emprise des religions
n’ont pas permis le surgissement d’une stratégie anticapitaliste et
anti-impérialiste. En Europe,
notamment dans les pays de l’Est, on assiste à la montée de nationalismes régressifs (négation
d’une justice indépendante, antiféminisme, rejet du césarisme européen). En
tout état de cause, les mobilisations sociales ne parviennent pas à sortir du
parlementaro-capitalisme et à faire prévaloir une vision collective du Bien
Commun. Elles s’en tiennent le plus souvent à la lutte contre les aspects les
plus repoussants du capitalisme réel, à savoir : antiracisme, défense des
services publics, lutte contre la précarisation, pouvoir d’achat…
En France, on assiste à une forme de désespérance sociale, de
rejet des partis qui ont mis en œuvre la mondialisation puis son programme
d’austérité ainsi que la casse de son système de protection sociale. On n’a
certainement pas fini de faire le bilan catastrophique du point de vue des
espérances sociales, des épisodes de la « gauche de gouvernement »
qui ont provoqué ressentiment et fracturation des classes ouvrières et
populaires. C’est dans ces conditions que l’extrême-droite a pu brandir des
boucs émissaires et cultiver la haine. Entrons-nous
dans l’ère des démagogues ? Et en particulier de ceux, comme Zemmour, qui
favorisent une ambiance de guerre civile. L’expérience du fascisme démontre,
s’il en est besoin, qu’une fraction des classes populaires peut être séduite
par un nationalisme chauvin, au vu des dégâts produits par le système lui-même.
La question est de savoir si le capitalisme, tel qu’il est, a véritablement
besoin, dans la période, d’un régime autoritaire et fascisant. En tout état de
cause, l’échec des néo sociaux-démocrates (Podemos, Syriza) ne peut
qu’engendrer de nouvelles frustrations, d’autant que la seule voie dominante, promue
dans la période, se réduit à un électoralisme conduisant vraisemblablement à de
nouveaux échecs. Le mouvement France
Insoumise peut-il parvenir à ouvrir une brèche dans laquelle
s’engouffreraient les classes ouvrières et populaires ? Rien n’indique,
pour l’heure, que l’abstention massive puisse se réduire. La leçon qu’on peut
tirer de l’épisode des Gilets Jaunes démontre que les classes régnantes et
dominantes feront tout pour se maintenir au pouvoir, y compris par une répression
féroce. Les manifestations, les occupations de places ne peuvent être
suffisantes en elles-mêmes. La classe dominante ne peut céder sur certains
aspects de sa politique que par le blocage de l’économie (grève). Le bloc
bourgeois d’un point de vue électoral, ne représentant pas plus de 20% des
votants, peut-il s’effriter sans qu’émerge
un intellectuel collectif, organisé, issu et enraciné dans les classes
ouvrières et populaires ? On n’en est pas là. Toutefois, le capitalisme
français, dans son mode de domination impérialiste, se trouve de plus en plus
en difficultés ; c’est un empire qui ne veut pas mourir, notamment dans la
Françafrique où il connaît des reculs importants (Centrafrique, Mali, Burkina
Faso…). Cet effritement de la domination française a amené dernièrement Macron
à tenter d’utiliser la diaspora africaine, dans l’espoir qu’une partie d’entre
elle, à l’occasion d’un coup d’Etat puisse prendre le pouvoir tout en restant
dans le giron français.
Assiste-t-on plus globalement à
une situation de chaos difficilement maîtrisable où les impérialismes
dominants cherchent à détruire les Etats-Nations, alors même que rien de
conséquent n’est tenté pour réduire l’emploi des énergies fossiles, la
déforestation, et apaiser les tensions guerrières qui s’exacerbent ? Les
peuples sont confrontés à la nécessité de concevoir une lutte de longue haleine
qui puisse tirer le bilan des expériences révolutionnaires et de leurs échecs,
pour faire resurgir une vision partagée de l’émancipation de l’Humanité (...). Toutefois,
il ne faut pas se laisser gagner par la sinistrose : on a vu apparaître,
dans la dernière période, des médias indépendants et alternatifs, des
manifestations contre le démantèlement du code du travail, des services
publics, contre la précarité et les lois liberticides, ainsi que des
manifestations d’écologistes radicaux, de féministes et d’antiracistes qui
n’ont pas dit leur dernier mot. Il faut arriver à vaincre l’apathie, tout en
s’appuyant sur le rejet des partis néolibéraux (…). Enfin, dans la séquence
immédiate, marquée par l’électoralisme présidentialiste et l’emprise du
corporatisme, de l’économisme (pouvoir d’achat, emploi…), il conviendra
d’insister sur l’idée qu’il n’y a pas de sauveur suprême, que seule la lutte
des exploités et des dominés peut modifier le rapport de force et poser la
question politique : quel pouvoir
populaire ? Nous allons assister à des turbulences importantes, pour
le meilleur ou pour le pire, où la lutte des classes va se faire plus intense.
AES,
le 11.10.2021
Pour
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- Alliance pour l’Emancipation Sociale
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