Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 29 janvier 2023

 

Chlordécone et méga-bassines

 

Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir (Jean de la Fontaine).

 

Blanc est l’Etat français dans l’affaire du chlordécone aux Antilles. Suite à la plainte déposée en 2006 par les associations et victimes, pour empoisonnement, mise en danger de la vie d’autrui, administration de substance nuisible et tromperie sur les risques inhérents à l’utilisation des marchandises, un non-lieu a été prononcé le 2 janvier. Dans ce procès pénal pour « scandale sanitaire », les parties civiles dénoncent une instruction bâclée : plus de 40 000 hectares de terres agricoles, mais aussi les cours d’eau et même le milieu marin,  sont contaminés par cet insecticide à forte toxicité, abondamment épandu dans les plantations bananières de la Guadeloupe et de la Martinique entre 1972 et 1993, pour lutter contre le charançon. Classé cancérogène probable par l’OMS dès 1979, le chlordécone n’a été interdit en France qu’en 1990 et, trois ans plus tard, aux Antilles  du fait de dérogations ministérielles accordées aux producteurs bananiers ( !).

 

 

Noirs sont les militants contre les « méga-bassines » des Deux-Sèvres et de Charente Maritime : 4 militants condamnés par le tribunal de Niort, le 6 janvier, à des peines de 2 à 6 mois de prison avec sursis et interdiction de paraître à Sainte-Soline, Mauzé ou dans les Deux-Sèvres. Noirs, sont les deux manifestants poursuivis pour des dégradations commises à Cram-Chaban (Charente Maritime), en 2021, il leur est reproché d’avoir cisaillé la bâche servant à retenir l’eau d’une réserve remplie illégalement depuis des années ! Le tribunal de la Rochelle, le 5 janvier, a requis des peines de 5 à 6 mois de prison avec sursis et à 500 000 € de dommages et intérêts. Jugement mis en délibéré au 2 mars prochain.

 

Pour rendre justice, il faut s’appuyer sur des faits

 

Encore faut-il vouloir les regarder ! En matière d’empoisonnement au chlordécone, les faits sont là : cette molécule tue et empoisonne ; elle a contaminé plus de 90% de la population guadeloupéenne et martiniquaise qui présente un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde. Elle pollue les sols, les eaux pour des centaines d’années. Cela n’a pas suffi aux juges : ils reconnaissent un « scandale sanitaire », « une atteinte environnementale dont les conséquences humaines, économiques et sociales affectent et affecteront pour de longues années la vie des habitants » mais prononcent un non-lieu évoquant la difficulté de « rapporter la preuve pénale des faits dénoncés ». Les magistrates ont établi « des comportements asociaux de certains des acteurs économiques de la filière banane, amplifiés par l’imprudence, la négligence, l’ignorance des pouvoirs publics, des administratifs et des politiques qui ont autorisé l’usage de cette substance à une époque où la productivité économique primait sur les préoccupations sanitaires et écologiques ». Responsables mais pas coupables, ça ne vous rappelle rien ?  L’affaire du sang contaminé !  

 

Quand il s’est agi, par contre, de débusquer les « coupables » de dégradations sur les méga-bassines, les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif policier hors-norme avec un groupe dédié de gendarmes aux méthodes policières s’apparentant à celles du renseignement ou de la lutte contre la criminalité organisée : filatures,  géolocalisation en temps réel, analyse des relevés d’imposition, de la CAF ou de l’assurance maladie, étude des factures téléphoniques, identification de l’entourage des suspects, fichage, etc… Une débauche de moyens disproportionnés pour retrouver celles et ceux qui auraient saboté des bassines au cours de manifestations en 2021. Que les 5 bassines charentaises concernées aient été jugées illégales par le Tribunal administratif en 2018, puis en appel en 2022 (14 ans de procédure !), n’a pas semblé émouvoir les juges.

 

Le cœur de la lutte du Collectif Bassines non merci est la défense de l’eau - Bien Commun – contre l’industrialisation de l’agriculture, l’accaparement des ressources naturelles pour des intérêts privés. Dès l’annonce, dans les années 2000, de la volonté de construire des « retenues de substitution », présentées comme la solution pour « concilier la préservation des milieux naturels et l’irrigation intensive », les militants ont senti l’entourloupe et ont créé, en 2017, le Collectif Bassines non merci, entré dans la  bataille contre le projet de 19 bassines (à l’époque) dans le sud Deux-Sèvres. Opposé au modèle agro-industriel, porté notamment par la FNSEA et les défenseurs de l’agrobusiness, il dénonce les dangers de ce modèle pour l’environnement, la nature et l’homme, qui détruit la biodiversité, commercialise les surfaces agricoles utiles pour capter l’eau au profit d’une minorité, 6 à 8 % des exploitations agricoles.

 

Les militants condamnés et tous ceux qui risquent de l’être ne reculeront pas. « Notre détermination à œuvrer pour la protection et le partage de l’eau reste entière ». La Confédération paysanne et Soulèvements de la terre soutiennent le Collectif et dénoncent l’instrumentalisation de la justice pour criminaliser, décrédibiliser et intimider la mobilisation qui ne cesse de grandir et de s’élargir. Prochaine manifestation le 25 mars.

 

Quant aux associations antillaises, elles vont poursuivre leurs mobilisations, leurs actions en justice (Cassation et justice européenne) jusqu’à obtenir condamnation des coupables et réparation. « Notre riposte doit être à la hauteur du crime commis » avertit le Collectif écologiste Lyannaj pou dépolye Matinik.

 

OM, le 22.01.23