Nous avons lu…
Quand la gauche pensait la nation.
Nationalités et socialismes à la Belle Epoque.
Les débats qui
ont agité la gauche dès l’origine de la social-démocratie d’avant la guerre
14-18 résonnent encore à notre époque. L’auteur revisite l’histoire de l’idée
de nation, celle qui a enthousiasmé les peuples après la Révolution française
et, plus encore, lors du printemps des peuples (1848) contre les Empires, en
particulier, russe et austro-hongrois. En Allemagne, la social-démocratie née
après la 1ère Internationale partageait avec Bismarck, malgré les
différences, l’idée de regrouper l’ensemble des populations de langue allemande
et, par conséquent, de constituer la Mitteleuropa. Dans le contexte d’alors les
controverses pouvaient entretenir nombre de confusions : soutenir la
nation irlandaise contre l’Angleterre, la Pologne occupée et divisée entre la
Russie tsariste, l’Autriche/Hongrie et la Prusse, soutenir les menées
coloniales prétendument civilisatrices, défendre, comme Clara Zetkin, le
« patriotisme prolétarien » ou le révisionnisme à l’image d’Otto
Bauer qui allait conduire toute la social-démocratie, hormis le parti
bolchevik, à soutenir l’union sacrée avec leur propre bourgeoisie chauvine pour
précipiter les peuples dans la grande boucherie de 14-18. Le débat allait
resurgir après la 2ème guerre mondiale sous d’autres formes, celle
conjuguant l’internationalisme et les luttes de libération nationale. Reste la
question abstraite en apparence : qu’est-ce qu’une nation ? Cette
entité, cette formation sociale nationale pétrie de contradictions de classes
mais unie par la langue, l’histoire culturelle, les traditions… Interrogation
toujours actuelle lorsqu’elle est agressée (Ukraine) ou lorsqu’elle résulte de
découpages coloniaux arbitraires issus de la colonisation ou de l’emprise des
Empires face à la diversité ethnique et culturelle. GD.
Jean-Numa
Ducange, Fayard, 2021, 23€