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dimanche 29 janvier 2023

 

DSK, un « homme d’affaires »

 

DSK naît en 1949, à Neuilly-sur-Seine, au sein d’une famille juive aisée. Sa mère est journaliste, son père, conseiller fiscal et membre du Grand Orient de France. En 1951, la famille part s’installer à Agadir au Maroc et, après le tremblement de terre qui touche la ville en 1960, il rejoint Monaco. DSK fait des études d’économie, enseigne à la faculté de Nancy puis à Paris X. Mais rapidement (1982) il rejoint les services du Commissariat au plan comme chef du financement.

 

Carriériste politique

 

Il s’est dit proche du parti communiste puis rejoint le PS en 1976 et se lie d’amitié avec Lionel Jospin. C’est ainsi qu’il intègre la haute administration française. Sa carrière politique commence en 1986, de façon un peu chaotique. Les militants PS de Haute-Savoie rejettent sa candidature en vue des élections législatives de 1986 mais celle-ci est imposée par la direction nationale. Elu, il devient président de la commission des finances de l’Assemblée nationale. François Mitterrand le nomme ministre délégué à l’industrie et au commerce extérieur. Battu aux élections de 1993 qui voient la victoire de la droite, il crée un cabinet d’avocat DSK Consultants. En 1994, il brigue la fonction de 1er secrétaire du PS mais est battu par Henri Emmanuelli. Il est élu maire de Sarcelles en 1995. En 1997, la gauche remporte les élections législatives et revient aux affaires. DSK, élu dans le Val d’Oise, devient le ministre de l’économie et des finances de Lionel Jospin.

 

A cette  époque, il est à son apogée « médiatique ». Il est un des people les plus en vue, d’autant plus qu’en 1991, il a épousé Anne Sinclair, certainement la journaliste la plus connue à cette époque. C’est un des couples qui apparaît le plus souvent dans les magazines populaires et, par là-même, un des couples préférés des Français. Pourtant, le peuple, ils ne le fréquentent guère et sont très loin de ses préoccupations financières. Le couple est immensément riche (Anne Sinclair est la fille d’un riche marchand d’art dont le patrimoine pèse à l’époque plusieurs centaines de millions €) et vit entre un somptueux Riad à Marrakech, un hôtel particulier à Paris, etc…

 

En tant que ministre des finances, il participe à la mise en place des 35 Heures et surtout, il poursuit les privatisations des grandes entreprises : France Telecom, GAN, Thomson, Crédit lyonnais, Aérospatiale, Autoroute du Sud…

 

Une longue succession d’affaires crapuleuses

 

En 1999, il démissionne de son poste ministériel pour pouvoir se défendre dans quelques affaires où il est (déjà !) mis en cause. Son parcours dans ce monde commence par l’affaire de la MNEF. Avocat à son service, il est soupçonné d’avoir perçu 600 000 F, ne correspondant à aucune prestation. Il reconnaît une facture antidatée mais par pure négligence (!). Il est mis en examen pour « faux et usage de faux » en 1999 puis relaxé, faute de preuves, en 2001.

 

Puis, il est mis en cause dans l’affaire Mery. En tant que ministre des finances, il est accusé d’avoir octroyé une remise fiscale à Karl Lagerfeld, en échange de la remise d’une cassette contenant les aveux de Mery, financier occulte du RPR. DSK reconnaît avoir détenu cette cassette sans savoir ce qu’elle contenait, et l’avoir égarée. La section financière du Parquet de Paris requiert la saisine de la Cour de Justice de la République (CJR) pour corruption passive et concussion. En 2001, le procureur général près la Cour de Cassation ne saisit pas la CJR, par manque d’indices (!).

 

En 2001, DSK est mis en examen par Eva Joly, dans l’affaire ELF, pour « abus de biens sociaux ». Il est soupçonné d’y avoir fait travailler « fictivement » sa secrétaire, pour une rémunération de 200 000 F,  alors qu’elle était à son service. Nouveau non-lieu pour faute de preuves.

 

Sauvé par ses amis Jospin puis Sarkozy

 

En 2001, il fait son retour en politique, élu député du Val d’Oise, suite à démission de Raymonde Le Texier. En clair, le PS a demandé à celle-ci, simple assistante sociale, de laisser la place à sa majesté DSK ! En 2002, il est porte-parole du candidat Jospin et déclare : « il faut s’occuper des couches moyennes de notre pays, les couches les plus défavorisées ne votent plus et leurs irruptions se manifestent parfois dans la violence ». Réélu en 2002, toujours dans le Val d’Oise, il intègre la direction du PS en 2014. En 2006, il est candidat à la primaire du PS, soutenu par Rocard, Moscovici…mais battu par Ségolène Royal.

 

En 2007, soutenu par Sarkozy, il est nommé directeur général du FMI. Un poste dans le cadre duquel il va, selon la formule consacrée, « mettre sa personne au service du FMI et de la gouvernance mondiale ». Pour cette tâche, il sera tout de même un peu rémunéré… 500 000 dollars nets d’impôt par an. Ses premières mesures mettent bien en valeur son ADN socialiste : plan de départ de 600 cadres et salariés du FMI, opposition à la taxe Tobin, mise en œuvre de politiques de rigueur concernant la Grèce, l’Espagne et l’Irlande.

 

La relation « inappropriée » de trop

 

Très rapidement, il est mis en cause, au sein du FMI, soupçonné d’avoir fait preuve de favoritisme au profit de Piroska Nagy, responsable du département Afrique. Dans le cadre de l’enquête, celle-ci déclare : « M. Strauss-Kahn a abusé de sa fonction pour parvenir jusqu’à moi. Il m’a convoquée plusieurs fois pour en venir à me faire des propositions inappropriées… Je ne savais que faire : si j’acceptais, j’étais perdante, si je refusais, j’étais perdante… Je pense que DSK est un leader brillant… C’est également un homme agressif. Je crains que cet homme ait un problème pouvant le rendre peu apte à diriger une institution où des femmes travaillent sous ses ordres ». Il présente ses excuses au personnel du FMI, reconnaissant une erreur de jugement en ayant eu cette liaison. Jean Quatremer (journaliste) déclare en 2007 : « le problème de DSK est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement. Un travers connu des médias mais dont personne ne parle ».

 

Malgré toutes ces affaires, et grâce à la bienveillance de la presse grand public, souvent aux mains d’amis ou de redevables, DSK est désigné en 2009 la personnalité préférée des Français (ex-aequo avec Jacques Chirac). Sa candidature à l’élection présidentielle de 2012 devient de plus en plus probable. Il est le candidat des puissants, des décideurs et leurs médias fabriquent le candidat DSK. Rapidement, il est en tête dans les sondages. Il est présenté comme un homme travailleur, compétent, au service de l’intérêt public ( !). De plus, marié à une des journalistes, elle aussi préférée des Français ( !), il apparaît comme un président idéal (pour le peuple français) ! Les grands médias ont tout de même un peu de mal à dissimuler, à ces Français, qu’il ne vit pas tout à fait comme eux et n’a pas les mêmes préoccupations. Même si le couple possède une maison à Washington, deux appartements luxueux à Paris, un Riad à Marrakech, une collection d’œuvres d’art, les médias réussissent tout de même à mettre dans la tête d’une majorité de Français que DSK est le candidat (de gauche) idéal pour être leur président… Bravo messieurs, les éditorialistes et patrons de presse !

 

Cet édifice factice, minutieusement, méthodiquement, malhonnêtement construit va s’écrouler le 14 mai 2011

 

Patatras !

 

DSK est arrêté le 14 mai à l’aéroport de New York. Le juge du tribunal de la ville retient 7 chefs d’accusation contre lui : agression sexuelle, tentative de viol, séquestration. Il est inculpé le 19 mai et encourt une peine allant jusqu’à 74 ans de prison. Les faits se sont déroulés dans une chambre de l’hôtel Sofitel de New York, la plaignante est une femme de chambre, Nafissatou Diallo. Il quitte rapidement la prison pour être placé en résidence surveillée dans un hôtel particulier après versement d’une caution. Le 23 août, les poursuites au pénal sont abandonnées, faute de preuves tangibles. Par contre, une procédure civile est engagée par N. Diallo pour « attaque violente et sadique, comportement humiliant et dégradant, atteinte à sa dignité de femme ». DSK plaide non coupable mais accepte un accord à l’amiable : 1.5 million de dollars contre l’abandon de la plainte de N. Diallo… 1.5 million de dollars alors qu’il se prétendait innocent ? Cela peut laisser quelque peu perplexe d’autant  qu’il reconnaîtra plus tard « une relation inappropriée ». Cette affaire lui fait perdre tout espoir d’être un jour président de la République et il doit quitter la direction du FMI. Cette démission lui donne droit à une allocation à vie de 60 % de son salaire, soit environ 300 000 dollars par an. Une clause stipule que cette somme lui sera versée même s’il était condamné, voire incarcéré, pour des malversations commises dans le cadre de son travail de directeur du FMI…  « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » écrivait Jean de la Fontaine en 1678.

 

D’autres affaires vont suivre. En 2011, Tristane Banon, jeune romancière, porte plainte pour tentative de viol. Le Parquet requalifie la plainte après les déclarations de DSK d’agression sexuelle. Le délai de prescription étant dépassé, l’affaire est classée sans suite. En 2012, dans l’affaire du Carlton de Lille, DSK est renvoyé en correctionnelle pour « proxénétisme aggravé en bande organisée ». Il sera… faute de preuves… relaxé. Malgré les efforts de ses amis propriétaires de médias - il a eu droit à une interview au 20H de TF1 après l’affaire du Sofitel pour s’expliquer alors que N. Diallo, elle, n’était pas invitée…, sans doute à cause d’un regrettable oubli - la carrière politico-médiatique de DSK est terminée.

 

Aucun scrupule. Retour aux « affaires.

 

Alors, avec la même « intégrité », la même « morale », il se replonge dans le monde de la finance. En 2012, il crée la société de conseil Parnasse SARL et donne des conférences dans les milieux d’affaires. En 2013, il crée avec Thierry Leyre une banque d’affaires la Leyne Strauss Kahn (LSK). Celle-ci développe une activité de conseil aux gouvernements, lance un fonds d’investissement qui cherche à lever 1.4 milliards € auprès d’investisseurs du Moyen-Orient et des pays d’Europe de l’Est. En octobre 2014, Leyne est retrouvé mort au pied de son immeuble à Tel Aviv. La police conclut à un suicide. La LSK est déclarée en cessation de paiement et laisse un passif de 100 millions € auprès de 156 créanciers. En 2015, le Parquet de Paris ouvre une information judiciaire pour recel et blanchiment d’argent et abus de confiance. DSK est soupçonné d’avoir couvert une pyramide de Ponzi (1). DSK confesse : « je dois reconnaître que j’ai fait peu de vérifications, j’ai eu une confiance sans doute exagérée en T. Leyne », « J’avais très peu connaissance des activités de la société, ma compétence c’est la macro-économie », « ce que j’avais en tête, c’est le modèle de certaines entreprises de taille mondiale qui ont un président non exécutif qui n’entre à aucun moment dans les détails de la gestion de l’entreprise, « je reconnais avoir fait preuve de légèreté et d’inconséquence »… Ben, voyons !

 

Bardé de toutes ces affaires judiciaires qui, d’appel en appel, n’aboutissent jamais à un jugement définitif, DSK continue l’aventure seul et se spécialise dans les conseils auprès des Etats africains comme le gouvernement Chahed en Tunisie, la République du Congo, le Togo, le Mali… Il entre au Conseil de surveillance de la Banque Russe de Développement en 2013, au Conseil de surveillance de la banque Crédit Dniepr du milliardaire ukrainien Vyctor Pinchouk. Cette attirance pour les « démocraties exemplaires » est très lucrative. Il aurait gagné à Parnasse international (où il est le seul actionnaire et employé) 21 millions € entre 2013 et 2018, sans payer un impôt car Parnasse est implantée dans la zone franche de Casablanca.

 

La justice française s’intéresse aux activités récentes de DSK au Maroc. Une procédure a été confiée à la police fiscale de Bercy. Elle porte sur des soupçons de « blanchiment de fraude fiscale aggravée » car, après avoir bénéficié de 5 ans d’exonération fiscale au Maroc, DSK a créé une nouvelle société basée aux Emirats Arabes Unis, immatriculée dans le plus petit des Emirati (Ras Al Khaimah) réputé pour son secret fiscal particulièrement épais et pour sa fiscalité inexistante. Les enquêteurs se demandent si les prestations de conseil de DSK n’auraient pas dû être déclarées en France et s’interrogent sur la réalité de sa résidence fiscale marocaine et dans les Emirats. Citées dans les Pandora Papers, les activités de DSK sentent l’évasion fiscale et la fraude à plein nez mais de là à le prouver…

 

Bon courage aux enquêteurs qui trouveront sur leur route nombre d’amis et d’obligés haut placés de DSK. Jean de la Fontaine ne pouvait imaginer que son adage vieux de 400 ans trouverait encore une telle actualité dans ce monde où les puissants osent tout, même en matière de « morale ». Heureusement, il y a toujours des gens qui se révoltent, s’insurgent, protestent… Ceux-là ne sont guère enseignés à l’école !  

 

Jean-Louis Lamboley

 

 

(1)   montage financier frauduleux consistant à rémunérer les premiers « clients » par les fonds procurés par les mises des nouveaux arrivants jusqu’à ce que le système s’effondre faut de nouveaux investisseurs