Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 29 janvier 2023

 

Que peut-on espérer…

 

… de 2023 qui n’apparaît pas sous les meilleurs auspices. Les crises qui s’enchaînent, économique, financière, guerrière, climatique…,  donnent l’impression que le temps historique sort de ses gonds.

 

Malgré la mise en cause de la globalisation financière, la confrontation des blocs de puissance et les protestations qu’elle provoque dans nombre de pays, prévalent des sentiments négatifs : accablement, anesthésie, repli individualiste, résignation, sourde colère impuissante. Quand ce n’est pas la déploration du chœur des lamentations ou la peur qui tétanise face aux nouvelles catastrophes, ce sont les illusions qui reprennent le dessus : la préservation aveugle de l’entre soi individualiste, les croyances dans les « bienfaits » à venir de la compétition concurrentielle de tous contre tous, le mirage d’un monde virtuel disloquant les sujets. Chosification des humains, stigmatisation du différent, seraient des pathologies de l’être égocentrique nous renvoyant au malaise civilisationnel, inaugurant l’obsolescence de l’homme. L’être humain, qui ne peut vivre qu’avec les autres et pour autrui, semble disparaître au profit d’un « progrès » inhumain saccageant également la nature.  

 

Face aux dominants, s’entêtant à préserver, « quoi qu’il en coûte », les inégalités abyssales, les régressions sociales, les injustices fiscales, climatiques…, les dominés semblent toujours s’en remettre à leur bienveillance à venir. Les élites qui détiennent le pouvoir s’activent à demeurer les meilleurs bonimenteurs, à faire accroire, qu’en tout état de cause, il n’y a pas d’alternative possible.

 

Malgré les chapes de plomb qui pèsent sur les consciences, les révoltes, les soulèvements se succèdent et pourraient, en 2023, encore s’intensifier. Il y eut les printemps arabes, les mobilisations monstres au Chili, maintenant au Pérou, les protestations sociales en Grande-Bretagne, en France… Mais à y regarder de près, rien de fondamentalement différent ne semble advenir ; les explosions sociales, sociétales sont, jusqu’à présent, réprimées avec le plus souvent une brutalité sanglante inouïe (Iran, Pérou). Pire, les frustrations sociales et politiques sont détournées en affrontements guerriers ou  instrumentalisées contre des boucs émissaires. Nationalisme et néofascisme deviennent des moyens mis en œuvre par des classes dominantes aux abois.

 

« La conscience vient au jour avec la révolte » (Albert Camus). Elle libère les flots stagnants, les transforme en furieuses vagues. Elle est l’expression négative de l’état de soumission, de dépendance, de domesticité, dans lequel veulent nous enfermer les phraseurs qui paradent dans les institutions et dans le système médiatique. Pour qu’éclose ce raz-de-marée, doit s’opérer l’effraction des systèmes de pouvoir, qui, pour les gouvernants, sont d’intolérables infractions car ils ne peuvent supporter qu’on ose penser que l’on puisse les « dégager ». Afin de réunir les conditions culturelles du changement pour ne pas retomber dans les ornières de la servitude et de l’esprit moutonnier, un grand vent frais de critiques pertinentes, ferait naître la réappropriation de « notre » histoire face au récit imposé. La parole, ainsi libérée, creuserait des perspectives de transformation sociale radicale, pourrait faire naître les transgressions nécessaires, innervant tout le corps collectif, isolant, fragmentant les minorités oppressives et exploiteuses, neutralisant les forces répressives. Il n’y a pas d’autre solution que celle faisant surgir les potentialités de puissance de ceux d’en bas, bref, de l’inattendu, de l’imprévisible.   

 

Nous sommes certainement, en 2023, à la croisée des chemins, face à des phénomènes inquiétants : la voie du néofascisme (comme en Italie), de la guerre meurtrière (Ukraine), du racisme expulseur aux accents néocoloniaux, ou plutôt, la voie consistant au refus de jouer le jeu des dominants, de ne plus s’en remettre à la bienveillance des malfaisants, de rester fasciné par la société du spectacle ou du simulacre. En effet, s’en tenir à des attitudes défensives restreignant les mobilisations conduirait à la construction de l’état de régression sociale déjà à l’oeuvre. Il ne s’agit pas de conserver l’existant déjà bien entamé. Il s’agit de se lever, de se soulever pour dégager tous les vulcains prétendant forger notre servitude, tous ces Jupiters, ces mollahs, ces petits et grands despotes.

 

Dès lors, il faut oser débattre, s’organiser, sortir du cadre imposé, pour éviter que l’élan tourne au vinaigre car il n’y a rien de pire que l’aigreur du renoncement, de la défaite : c’est la voie du retour, de la soumission et de l’embrigadement.

 

Entre chien et loup, 2023, si l’intelligence des peuples prend le dessus, pourrait être celle de l’éclaircie au sein d’un monde englué dans de sombres perspectives.

 

GD, le 23.01.2023  

(éditorial de PES n° 89)