Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 28 mai 2018


De COP(1) en COP, la température monte !


La COP 21 fut saluée comme un accord international historique ! Le 12 décembre 2015, par consensus, 195 Etats et l’UE s’engageaient à faire des efforts pour « faire baisser l’augmentation des °C » sur la terre, en réduisant les gaz à effet de serre, notamment… Il fut ratifié en avril 2016 par 55 Etats représentant 55% des émissions des gaz à effet de serre. Nous soulignions à cette époque ((2) que ledit accord de ramener l’augmentation de la température sous les 2°C, voire même 1.5 °C en 2050, nous laissait très dubitatifs car il ne prévoyait aucune contrainte, aucun « gendarme du climat », aucune sanction pour les « coupables » ou les « récalcitrants ».
Résultat ? En 2018, les spécialistes du climat alertent, nous le verrons en 1ère partie. Qu’à cela ne tienne, en France, et ailleurs, le capitalisme « triomphant » poursuit son œuvre dévastatrice et promeut des alternatives « trompe l’œil », nous en évoquerons quelques-unes en 2ème partie.
Qu’attendre des gouvernements ? Le « sursaut d’indignation » de la figurine dans la vitrine Macron, Hulot, ministre de l’environnement ? Ridicule  frisson « écologiste » dans le modèle capitaliste et financier qui décide ce qui est « bon » pour lui et non pour les êtres humains vivant sur la planète. Qu’attendre des COP (la 23ème passée inaperçue et la  24ème prévue en Pologne en 2018) sinon qu’elles constatent les dégâts ?  

1 - La dévastation de la biodiversité se poursuit

La dette écologique ne cesse de grandir. Ainsi, au 7 mai, la France avait déjà épuisé l’ensemble des ressources en carbone que la nature peut renouveler, pour l’année 2018. Le jour fatidique de dépassement de ces ressources est de plus en plus précoce : 1er décembre en 1975, 5 novembre en 1985, 5 octobre en 1995, 26 août en 2005, 4 août en 2015, alors qu’au début des années 1970, l’humanité consommait moins de ressources que ce que pouvait lui procurer la nature.
C’est que le modèle économique des pays développés émet des gaz à effet de serre sans cesse en augmentation : logement, transports, alimentation représentent plus des 2/3 de la pression exercée sur les milieux naturels, du fait des émissions de gaz à effet de serre. L’ONG WWF s’alarme car en France, l’empreinte écologique qui avait été réduite entre 2008 et 2015, est repartie à la hausse (+ 5%) entre 2015 et 2018, la dégradation ayant commencé en 2015 année de l’accord de Paris. C’est bien le mode de production et de consommation « forcée » qui est en cause. Selon le modèle occidental de « croissance » et de consommation, il faudrait 1,7 planète pour subvenir aux besoins annuels des 7.5 milliards d’êtres humains. Pire, si tout le monde vivait comme en France, il faudrait 2,9 planètes. La France se classe dans les pays les plus prédateurs, même si elle est loin derrière le Qatar, les Etats Unis, le Canada, l’Australie.

La consommation effrénée des pays développés, celle, en hausse, des pays en développement, l’augmentation de la population mondiale et la forte croissance économique mondiale sont à l’origine de l’augmentation des émissions mondiales de carbone ; la demande mondiale d’énergie (dont 70% est satisfaite par le pétrole, le gaz naturel et le charbon) a augmenté de 70 % en 2017 (selon l’AIE – Agence internationale de l’énergie). Les émissions européennes de CO2 augmentent. En 2017, le dioxyde de carbone, provenant de la combustion de combustibles fossiles, a augmenté de 1,8 % en UE par rapport à 2016, de 3,2 % en France, alors qu’elle a baissé dans 7 pays européens : Finlande, Danemark, Royaume Uni, Irlande, Belgique, Lettonie, Allemagne.

En dépit de l’accord de Paris, de la mise sur le marché de véhicules électriques et des énergies renouvelables, la demande de pétrole continuera à augmenter, au moins jusqu’en 2040. Le monde consomme 20 millions de barils de pétrole par jour pour les véhicules individuels, ce chiffre devrait baisser du fait des véhicules électriques et de l’amélioration technique des moteurs. Mais, le pétrole est utilisé dans d’autres secteurs et là, est en augmentation : de 15 à 19 millions de barils par jour pour les transports routiers, de 11 à 15.7 millions pour l’aviation, de 17.4 à 23.6 millions pour la pétrochimie et l’industrie. Ainsi, quand le gouvernement décide de ne pas financer des liaisons ferroviaires « déficitaires », il contribue à l’augmentation de l’émission de gaz à effet de serre, qu’il s’est engagé à diminuer, par ailleurs, en signant l’accord de Paris.     

La détérioration de l’air, de l’eau et des terres entraîne la disparition des espèces animales et végétales. La déforestation, la diminution de la capacité de stockage de carbone des sols exacerbent le changement climatique. La sécurité alimentaire est altérée. Ce processus de dégradation est en marche. La plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité (IP-BES) affirme qu’au rythme de l’activité humaine actuelle, seulement 10 % des terres seront épargnées par l’activité humaine d’ici à 2050. 4 milliards d’êtres humains vivront dans des zones arides contre 2,7 milliards en 2010. Déjà, elle a constaté que plus de la moitié des zones humides a disparu depuis le début du 20ème siècle.

L’expansion de l’agriculture intensive, et notamment la part insoutenable des cultures fourragères (maïs/soja), la déforestation, l’extraction minière et pétrolière, l’urbanisation excessive et incontrôlée, toutes ces politiques altèrent irrémédiablement la Nature et l’Homme. De surcroît, elles sont sources de conflits, de migrations pour plus de 3,2 milliards d’êtres humains. Dans un avenir proche, 700 millions de réfugiés climatiques pourraient être contraints de quitter leurs pays pour survivre (selon l’IP-BES).  

Les écarts de développement entre les pays du sud et les pays du nord, ne sont pas compensés  et les engagements financiers de l’accord de Paris ne sont pas tenus. La COP 23 (novembre 2017 à Bonn) et les négociations intermédiaires en mai, n’ont rien produit de nouveau en la matière. Les financements climat pour les pays du sud, promis en 2015 à hauteur de 100 milliards de dollars par an en 2020, sont de l’ordre, pour l’heure, de 46 milliards, dont seulement 16 à 21 milliards aident réellement les pays du Sud (selon l’ONG Oxfam). De la même manière, sur ces 46 milliards, les subventions versées à hauteur de 10 milliards en 2016 aux pays les plus pauvres, ont très faiblement augmenté.

Six pays riches ont respecté leurs engagements en 2016 et ont consacré 0,7 % de leur revenu national brut à l’aide publique au développement (dont fait partie le climat) : Norvège, Suède, Luxembourg, Danemark, Allemagne, Royaume Uni. La France a fait 2 fois moins bien, avec 0,38%.

On peut, dès lors, s’interroger sur l’avenir du chantier de la recapitalisation du Fonds vert pour le climat, dont le premier cycle 2015/2018 arrive à échéance ; il devra se faire sans les USA, Trump ayant bloqué les 2 milliards de dollars promis par Obama.   

Si les négociations climat ouvrent une vitrine chaque année, lors de la COP, le pouvoir reste aux mains des pollueurs, des multinationales et des financiers, qui font du profit grâce à l’extraction de combustibles fossiles, aggravant ainsi la situation climatique. Leur course en avant de compétitivité et de croissance se dissimule derrière des technologiques nouvelles climato-intelligentes. Tant que les alternatives resteront soumises à la domination capitaliste et financière, elles seront de fausses solutions, tout aussi catastrophiques pour la Nature et l’Homme, bien loin de l’idée que « les terres sont un bien commun précieux et l’avenir de l’humanité dépend de leur protection ».

2 – Les fausses solutions alternatives

Nous en relaterons seulement quelques exemples d’actualité. 

La biomasse industrielle au détriment des forêts et du climat
L’énergie biomasse, l’une des formes la plus ancienne utilisée par l’Homme, fabrique de l’électricité grâce à la chaleur dégagée par la combustion de matières (bois, végétaux, déchet agricoles, ordures ménagères organiques) ou du biogaz issu de la fermentation de ces matières. Les partisans de l’énergie biomasse font valoir qu’elle émet peu de polluants et n’a pas d’impact sur l’effet de serre. Les opposants en dénoncent l’usage excessif et disproportionné, la ressource forestière  étant exploitée à outrance au détriment de son écologie.

L’UE encourage son développement en tant qu’une solution au défi climatique. Elle prévoit que 60% des énergies renouvelables futures seront assurés par la biomasse, dont en grande majorité du bois-énergie. L’ONF développe des filières d’approvisionnement pour les centrales à biomasse, par sa filiale ONF Energie. Le 5 septembre 2017, 1 500 tonnes de plaquettes forestières provenant de la forêt domaniale de Chaux (Jura) sont arrivées au port d’Arles, puis transportées par camions vers la centrale de Gardanne, exploitée par Uniper. L’ONF envisage 36 000 tonnes de flux interrégionaux par an. Uniper est très gourmand et a besoin de 850 000 tonnes pour la rentabilisation de sa centrale et entend se fournir pour moitié par l’importation… depuis le Brésil ! L’ONF a également mis en place un approvisionnement maritime vers le Danemark, exploité par Dong Energy. Ainsi, du bois de Lorraine est acheminé vers Anvers, puis au Danemark.
Syndicalistes forestiers et militants du réseau SOS forêt s’opposent à cette filière d’industrialisation de la forêt car elle exige des forêts cultivées dédiées, où toute la matière organique est exportée, ne laissant rien sur le terrain pour la formation de l’humus. Il faut aussi compter que les volumes brûlés menaçant la forêt, sont, autour du site d’exploitation, à Gardanne par ex., des nuisances en bruit, pollution aux particules fines, circulation importante de camions…   

Le carburant à l’huile de palme.
Le préfet des Bouches-du-Rhône, vient d’autoriser l’exploitation par Total de la bio-raffinerie à La Mède : 500 000 tonnes de biodiesel produits par l’importation massive d’huile de palme et la déforestation des forêts tropicales. Déforestation responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales (dénonçait Hulot avant d’être ministre) mais l’huile de palme présente l’avantage d’être peu chère et facile à transformer et comme son usage dans l’agroalimentaire est en chute forte, elle est utilisée dans les agro-carburants. L’Indonésie et la Malaisie sont les principaux producteurs d’huile de palme ainsi que l’Argentine dans ses contrées dévastées par le soja, gavées de pesticides, les palmiers à huile sont plantés au mépris de la biodiversité des cultures alimentaires et aggravent l’émission de gaz à effet de serre. Total deviendrait le premier importateur français d’huile de palme. Le parlement européen en janvier a interdit l’utilisation de l’huile de palme dans les agro-carburants à l’horizon 2021, la France s’y est opposée et pour cause : la Malaisie menaçait de ne pas acheter 18 avions Rafale.
  
Faire des carburants avec de la nourriture ? Aligner des palmiers à perte de vue provoquant la destruction des puits de carbone et des habitats des orangs outans et des tigres ? Ces questions ont rapproché militants écologistes et syndicalistes (CGT), ces derniers craignant la fermeture de la raffinerie si l’UE interdit l’huile de palme.

Toute alternative soi-disant écologique menée au nom d’enjeux financier et commercial est contraire à l’objectif annoncé. Comme le dirait Albert Einstein : « On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ».

Métaux rares et technologie verte
Eoliennes, panneaux solaires ou batteries électriques, s’ils n’utilisent ni charbon ni pétrole pour fonctionner, ont besoin de métaux rares dont l’extraction et le raffinage sont très polluants. Leur recyclage est aussi une question écologique grave, même si la convention de Bâle de 1989 contraint les industriels à traiter les déchets électroniques dans le pays où ils sont collectés, beaucoup se retrouvent en Asie ou en Afrique ; les USA (qui n’ont pas signé la convention, exportent 80% de leurs déchets électroniques.

Si les besoins en métaux rares sont exponentiels pour les années à venir, ils n’existent pas en suffisance, ce qui permet aux pays producteurs, comme la Chine, de se rendre incontournables dans l’approvisionnement, de maîtriser la variation des prix et de peser ainsi sur les politiques dites de transition énergétique et numérique. La Chine produit 44% de l’indium consommé, 55% du vanadium, 65% du spath fluor et du graphite naturel, 71% du germanium, 77% de l’antimoine, 84% du tungstène, 50% du titane et 95% des terres rares. En 2015, la Chine est le pays ayant déposé le plus de brevets au monde et elle envisage de créer les emplois verts au détriment de l’Europe, du Japon et des Etats-Unis, ce qui donne des idées aux pays émergents riches en métaux rares, comme l’Afrique du Sud productrice de rhodium, la Russie de palladium, le Brésil de niobium, la Turquie de borate, la RDC de cobalt. Assisterait-on à un basculement des équilibres entre les impérialismes ?

La transition énergétique et le nouveau mode de vie « high-tech et vert » que les industriels et financiers promeuvent comme une nécessité absolue pour « sauver la planète », mais, de fait, comme une chance  pour relancer une économie verte très juteuse, sont totalement dépendants des métaux stratégiques. Sans eux pas de batteries de voitures électriques, pas d’iPhone, pas d’écrans plats, pas de tablettes et pas d’aimants d’éoliennes industrielles.

La « vertueuse » reconversion « verte » des pollueurs ne fait pas longtemps illusion. Le capitalisme est l’ennemi de la nature et de l’homme. Il est incapable de se limiter à construire le nombre d’éoliennes suffisant pour alimenter les besoins d’un territoire et il a besoin de construire des parcs surdimensionnés d’éoliennes pour en tirer profit. Il ne peut accepter de produire de l’énergie biomasse en recyclant les ordures ménagères et les déchets organiques d’une seule ville mais veut rentabiliser une usine en dévorant les forêts, etc. Le capitalisme repeint en vert n’est pas plus vertueux, sa logique principale est toujours le profit, totalement contraire à un mode de vie écologique qui n’a nul besoin de commercer avec le Brésil ou autre pays pour satisfaire les besoins des habitants d’un territoire délimité. « La solution ne peut venir du « tout électrique », ni des « réseaux intelligents », ni des « objets connectés » que promeuvent EDF, RTE, Enedis et consorts mais bien d’inventions low tech, de politiques de décroissance radicale, d’agro-écologie, de constructions autonomes, de décisions locales et en assemblées populaires, d’expérimentations sociales, d’une nouvelle culture collective née de la lutte ».

Ce monde est totalement opposé à celui que l’on veut nous imposer qui se dissimule derrière des simulacres de démocratie qui ne font plus illusion : COP et autres Etats généraux de l’environnement, de l’alimentation, etc., vitrines cachant des fonds de commerce juteux. Car derrière les envolées lyriques sur le sauvetage de la planète et les discours enflammés sur la transition énergétique et solidaire, il y a principalement le développement à marche forcée de l’électricité éolienne et photovoltaïque, un big business pour un petit nombre de multinationales géantes, soutenues par les plus grandes banques du monde. En 2015, pour les turbines éoliennes et les panneaux solaires, les 7 plus grosses entreprises du monde assuraient plus de la moitié des ventes ; les conseillers financiers les plus actifs dans le domaine étaient : Lazard, Evercore partners, Crédit Suisse, JP Morgan et Barclays. Les investissements réalisés dans les renouvelables hors  hydraulique représentaient près de 300 milliards de dollars par an, beaucoup plus que les investissements dans toute l’industrie automobile mondiale. Sur une douzaine d’années, cela équivaut à plus de 2 000 milliards, de quoi faire saliver les prédateurs repeints, pour l’occasion, en vert.

Le combat principal est bien celui du capitalisme, source de catastrophes, voulant imposer aux peuples du monde « sa » politique prédatrice et destructrice de la Nature et de l’Homme.

Odile Mangeot, le 20.05.2018

Sources : Reporterre principalement 

(1)   « Conférence des parties » de négociation sur le Climat
(2)   PES n° 19 (12/2015), n° 20 (01/2016), n° 32 (03/2017)