Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mardi 1 mai 2018


NDDL. Macron montre ses muscles !


2 500 gendarmes, armés jusqu’aux dents de flashball, gaz lacrymogènes, barrages routiers, survols d’hélicoptères… On se croirait en guerre, s’énervent les riverains. A peine 3 mois après l’abandon officiel du projet d’aéroport, le gouvernement veut passer en force. 4 jours d’affrontements violents, faisant d’innombrables blessés, entre le 9 et le 13 avril, ont donné lieu à la démolition de 29 installations ou constructions (sur 97 recensées), cassant et saccageant au passage les jardins alentours et autres aménagements des habitants de la ZAD. La colère des occupants est vive d’autant que certains avaient entamé des démarches, notamment Michel de la ferme des « 100 noms », là où existent des projets agricoles ; ils avaient interpelé la préfecture pour se déclarer occupants. La réponse fut la destruction. Curieuse façon de commencer le dialogue !  « Ce n’est pas une main tendue c’est un revolver sur la tempe » !
Cette démonstration de force fait partie de la méthode du gouvernement, à NDDL, dans les universités en lutte et ailleurs. Stratégie de la tension accompagnée du dénigrement pour diviser. Pour aller jusqu’où ? Car, à NDDL, ils ne veulent pas céder ; déjà, ils ont reconstruit, grâce à des milliers de volontaires arrivés dès le 15 avril. Deux modèles de société s’affrontent en ce lieu symbolique de résistance. De même, un nouveau militantisme politique est né, désarmant aussi bien le pouvoir que certaines organisations militantes. Dans le mouvement global de mécontentement actuel, peut-il être moteur de convergences de luttes ?

1 – Pourquoi de tels agissements du gouvernement ?

La violence inouïe qui a déferlé sur la ZAD n’est pas le fait du hasard et l’on doit s’attendre à la multiplication de ce type d’opération dans le mouvement social actuel (1). Ce n’est pas le hasard et ce n’est pas nouveau : la stratégie de la tension est utilisée par tous les gouvernements mal élus et menant des politiques mal acceptées car inacceptables. « Un gouvernement loin du peuple, voulant lui faire avaler ce qu’il ne veut pas, croit avoir intérêt à user de la force brutale pour s’imposer et pour détourner l’attention, pour faire diversion. Le gouvernement n’est pas stupide au point de ne pas se douter que la réinstallation des zadistes évacués se fera. Car les gens exaspérés ne se laissent pas faire et l’Etat n’a pas les moyens de l’empêcher. On voit mal trois escadrons de gendarmerie bivouaquer dans les champs plus d’un mois. Et on voit mal comment quelques milliers de gendarmes empêcheraient d’agir un nombre de personnes dix fois plus important ».
« En agissant ainsi, il entend passer deux messages politiques : un, il cogne ; deux, il se moque de l’état de droit. En effet aucune nécessité judiciaire n’imposait un pareil déploiement de force à NDDL ». Ce message s’adresse à tous les opposants des « réformes » annoncées : « Vous voulez vous opposer ? Sachez que rien ne vous protégera de ma violence aveugle et disproportionnée et certainement pas la justice (chacun sait que toutes les blessures ne sont jamais condamnées ni réparées par la Justice). Quant aux médias dominants, ils ont depuis longtemps brisé toutes les digues de la déontologie quand ce n’est pas celles de la décence, et ils applaudissent déjà ».

Stratégie dangereuse qui dresse les groupes les uns contre les autres, les personnes les unes contre les autres, déchire les solidarités. Ajoutons à cela l’arrogance de Macron affirmant (le 15 avril lors de l’entretien avec Plenel et Bourdin) : « Et pour nos concitoyens les plus modestes, le retraité, la personne qui paie ses impôts, qui paie pour avoir une maison, qui paie son loyer, et l’agriculteur qui paie ses terres, vous pensez que je peux maintenant aller lui expliquer : il y a des gens qui ont un idée formidable, une idée fumeuse, ils paient pas les terres, se conforment à aucune règle, produisent du lait sans aucune règle… les règles de santé publique, c’est pas les leurs, ils ont un projet alternatif, c’est formidable, on paie plus rien, il n’y a plus de règles. Je peux les regarder en face ? ». Oui, bien sûr, il les a regardés en face « ceux qui paient » quand il a allégé encore l’impôt sur les grandes fortunes ! Cynisme et mépris incommensurables !

Simultanément, il tente la division, sur la ZAD, entre ceux qui « citoyennistes » veulent remplir les formulaires de déclaration individuelle comme l’exige la préfète et ceux qui refusent toute déclaration autre que collective. Marcel Thébaut, paysan et résistant historique, alerte : « Le collectif est la base et l’âme du mouvement. Si on se déclare individuellement, c’est forcément contre les autres ». Car il n’y a pas que des paysans, dans la ZAD, il y a des artisans, des sans-travail, des lieux de vie collective, bref, des gens qui inventent un autre mode de vie ensemble. Aux yeux de Macron, ils n’ont aucune « légitimité » à rester là ! Ce sont de « faux » illégaux face aux « vrais » illégaux occupants que le 1er ministre invite à déposer un dossier dans le respect des procédures « normales ». Pourtant, le mouvement de lutte contre l’aéroport et son monde, représenté par une nouvelle association, était prêt à signer des baux précaires (ou des conventions d’occupation provisoire) d’un an renouvelable, pour légaliser la situation, mais le gouvernement veut imposer des conventions individuelles pour trier les « bons » des « mauvais ». Tous ceux qui ne s’inscrivent pas dans la légalité devront quitter les terrains.

Cette stratégie de la tension peut se retourner contre le gouvernement et le faire perdre, écrit Frédéric Viale, parce qu’il est faible, il est au pouvoir avec moins de 15% des Français. Il est loin du peuple et engage des « réformes » à un train d’enfer qui vont toucher les classes moyennes ayant voté pour lui, et ne vont pas tarder à constater que les « réformes » ne favorisent que les plus riches. « Il n’est pas d’exemple dans l’histoire qu’une tension comme celle qui est entretenue actuellement par le gouvernement ne se retourne contre celui qui en est de fait responsable» affirme F. Viale et nous ajoutons, avec un mouvement social fort, des blocages, grèves et autres expressions de rejet, partout.   

2 – A La ZAD, un autre mode de vie

Macron aura bien du mal à faire taire la colère légitime. Ce 15 avril, malgré l’important dispositif policier et les tentatives d’intimidation, une foule joyeuse de plusieurs milliers de personnes revenait. La ZAD s’est repeuplée ! Ces gens de tous âges et toutes professions ont remonté, à bout de bras la charpenté de la nouvelle grange du Gourbis. Face aux policiers, suréquipés, des gens pique-niquent, jouent de la musique, jonglent avec des grenades usagées (4 000 ont été tirées par les gendarmes), discutent, les barricades sont surmontées de fleurs, des accordéonistes poussent la chansonnette…  De gré ou de force, nous garderons la ZAD ! chantent les occupants « Jamais nous ne partirons ! » Le lendemain matin, les forces de l’ordre ont rasé à coup de tronçonneuses la grange édifiée dans la nuit. La guérilla sera longue. Reste à voir qui sera le plus endurant du gouvernement ou des zadistes.

Les dégâts dans les têtes et dans les corps sont irréversibles. En 4 jours, la confiance qui avait pointé au moment de la décision d’abandon du projet, a été anéantie. Les résistants sont sur leurs gardes derrière des barricades. Quand une alerte est lancée, chacun enfile ses lunettes et son masque et se précipite vers le lieu attaqué. Les équipes « Médic » sont stupéfaites de constater les blessures graves au niveau des yeux et des pieds, provoqués par les tirs tendus de flashball, de grenades lacrymogènes et des bombes F4 lancées au couguar (un lance-grenade). Camille (ils s’appellent tous Camille les zadistes, ce qui fâche terriblement Môssieu le président de la chambre d’agriculture !), en rébellion depuis 40 ans, relève que « côté matos, ils ont fait de gros progrès. Ils ont des trucs qui font mal sans tuer. Un de leur gaz, de couleur jaune, rend vraiment malade. On reste mal parfois pendant plusieurs jours ». 

« Pourquoi vouloir à tout prix empêcher ces gens de vivre sur les terres qu’ils ont défendues ? » se demande un paysan « Ces gens interrogent nos modes de vie et notre société de consommation. Ils sont sans doute une partie de la solution pour sauver la planète du désastre ».

Parce que ce qui se joue là-bas, est la mise en œuvre d’un autre modèle de vie, d’installation collective autogérée. « On n’est pas idiot » déclare un autre Camille « on est prêt à réfléchir à différents cadres permettant aux uns et aux autres de rester. Mais on veut des garanties que sera trouvée une forme qui n’exclut personne et qui n’étouffe pas notre volonté de porter des projets collectifs et solidaires ». La préfète campe sur les positions de son ministre : la convention d’occupation collective des terres n’est pas une forme qui cadre avec le droit, il faut une convention personnalisée. La date butoir pour décliner identités et projets agricoles ou para-agricoles est fixée au 23 avril. Faute de quoi… tout ce qui doit être évacué sera évacué, a menacé Macron.  

Craindrait-il que se répande, à partir de la ZAD, une nouvelle forme de militantisme politique, rapprochant associations de défense, syndicalistes et mouvements autonomes et anarchistes ? Selon Sylvaine Bulle (2), la lutte contre le projet d’aéroport, entre 2009 et 2017, a été nourrie par des personnes venant de l’écologie, de l’alternativisme, membres de l’ACIPA (association historique des opposants à l’ancien projet d’aéroport), riverains légalistes, agriculteurs productivistes et d’autres issus de l’anarchisme libertaire. Ces derniers posent plus globalement la question des rapports de domination dans la société, d’un projet d’autonomie politique auto-organisé, sans recours aux institutions légales et politiques. Ils l’expérimentent dans les micro-actions imaginant qu’elles pourraient s’étendre jusqu’à changer le système politique marchand et capitaliste.

Dans le contexte du néolibéralisme et des problèmes sociaux qu’il génère, au regard de la perte de confiance dans les institutions politiques, les ZAD permettent au mécontentement de ressurgir et de se transformer en mouvement actif. La solidarité entre ces différentes composantes de résistance peut-elle durer ou s’effriter face à la fermeté de l’Etat ?

Ce 21 avril matin, les médias dominants informent que les occupants « illégaux » (40) ont accepté de déposer des dossiers. Une manière d’annoncer que Macron rentre ses muscles, sans perdre la face ? Ce qui est certain, c’est que la résistance extraordinaire des zadistes, qui a abouti à des victoires successives, est très populaire, soutenue par nombre de personnes qui refusent le modèle de société pour les riches que met en oeuvre Macron, l’imposant à coup de matraques policières et d’ordonnances anti-démocratiques. La colère est là, partout, transformons-là, là où nous sommes, en mouvement global pour « dégager » Macron et ce qu’il représente, pour construire une réelle alternative.

Odile Mangeot, le 21 avril 2018

(1)   Ce paragraphe a largement repris un texte de Frédéric Viale (ATTAC) « ZAD, universités, contestations sociales : la stratégie de la tension
(2)   Sociologue, dans Politis du 12 avril 2018 « la ZAD, « une action directe »

Pour des infos heure par heure  https://zad.nadir.org/
Sources : Bastamag, ATTAC, Reporterre, Politis