Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 29 mars 2020


D’où viennent les coronavirus ?

Nous avons extrait de l’article de Sonia Shah, paru dans le Monde Diplomatique de mars 2020, les éléments qui nous permettent de comprendre que l’apparition de nouveaux virus relève de notre mode de surexploitation de la nature. Ce phénomène n’est pas inconnu et des laboratoires de recherche ont déjà alerté, mais, les crédits publics de la recherche (français et européens), sont en diminution constante  La recherche anticipe sur du temps long, ce dont les chercheurs ne disposent pas, ce qui signifie l’incapacité des Etats à protéger leurs populations.   



« Serait-ce un pangolin ? Une chauve-souris ? Ou encore un serpent comme on a pu l’entendre ? De telles spéculations nous empêchent de voir que notre vulnérabilité croissante face aux pandémies a une cause plus profonde : la destruction accélérée des habitats ».

« Depuis 1940, des centaines de microbes pathogènes sont apparus ou réapparus dans des régions où parfois ils n’avaient jamais été observés auparavant. C’est le cas du VIH, d’Ebola ou encore de Zika… La plupart sont issus d’animaux sauvages. Or, il est faux de croire que ces animaux sont particulièrement infestés d’agents pathogènes mortels prêts à nous contaminer. En réalité, la plus grande partie de leurs microbes vivent en eux sans leur faire aucun mal. Le problème est ailleurs : avec la déforestation, l’urbanisation et l’industrialisation effrénées, nous avons offert à ces microbes des moyens d’arriver jusqu’au corps humain et de s’adapter ».

« La destruction des habitats menace d’extinction quantité d’espèces, parmi lesquelles des plantes médicinales et des animaux sur lesquels notre pharmacopée a toujours reposé. Quant à celles qui survivent, elles n’ont d’autre choix que de se rabattre sur les portions d’habitat réduites que leur laissent les implantations humaines. Il en résulte une probabilité accrue de contacts proches et répétés avec l’homme, lesquels permettent aux microbes de passer dans notre corps, où, de bénins, ils deviennent des agents pathogènes meurtriers ». Sonia Shah illustre cette affirmation par des exemples. « Prenons celui d’Ebola dont la source a été localisée chez des espèces de chauves-souris d’Afrique de l’ouest et Afrique centrale qui ont subi récemment des déforestations. En abattant des forêts, on contraint les chauves-souris à aller se percher sur les arbres de nos jardins et de nos fermes. Il est facile d’imaginer qu’un humain ingère de la salive de chauve-souris en mordant dans un fruit ou en tentant de la tuer… et s’expose aux microbes qui ont trouvé refuge dans ses tissus… Ce phénomène est qualifié de « passage de la barrière d’espèces ».  

« Les risques d’émergence de maladies ne sont pas accentués seulement par la perte des habitats, mais aussi par la façon dont on les remplace. Pour assouvir son appétit carnivore, l’homme a rasé une surface équivalant à celle du continent africain afin de nourrir et d’élever des bêtes destinées à l’abattage. Certaines d’entre elles empruntent ensuite les voies du commerce illégal ou sont vendues sur des marchés d’animaux vivants. Là, des espèces qui ne se seraient sans doute jamais croisées dans la nature se retrouvent encagées côte à côte et les microbes peuvent allègrement passer de l’un à l’autre. Ce type de développement a déjà engendré en 2002-2003 le coronavirus responsable de l’épidémie de SRAS ».

« Notre système d’élevage industriel qui entasse les bêtes les unes sur les autres crée les conditions idéales pour que les microbes se muent en agents pathogènes mortels pour les animaux : exemple, les virus de la grippe aviaire ou encore le H5N1 qui contraignit à l’abattage de dizaines de milliers de volailles en Amérique du nord en 2014. Les montagnes de déjections produites par notre bétail offrent aux microbes d’origine animale d’autres occasions d’infecter les populations, exemple pour la bactérie Escherichia coli, portée par la moitié des animaux enfermés dans les parcs d’engraissement américains, même si elle demeure inoffensive. Et comme il n’est pas rare que les déjections animales se déversent dans notre eau potable et nos aliments, 90 000 Américains sont contaminés chaque année ».

« Ces phénomènes de mutation des microbes animaux en agents pathogènes humains n’est pas nouveau, son apparition date de la révolution néolithique quand l’être humain a commencé à détruire les habitats sauvages pour étendre les terres cultivées… mais notre mode de production l’accélère.

Nous pouvons réduire les risques d’émergence de ces microbes, protéger les habitats sauvages, mettre en place une surveillance étroite des milieux dans lesquels les microbes des animaux sont susceptibles de se muer en agents pathogènes (mission des chercheurs du programme Predict, financé par l’Agence des Etats-Unis pour le développement international) à condition que les décisions politiques ne soient pas contraires, en développant, par exemple, les industries extractives et l’ensemble des activités industrielles ou en supprimant les moyens à la recherche. Trump en octobre 2019 a décidé de mettre un terme au programme Predict et début février 2020, a annoncé sa volonté de réduire de 53% sa contribution au budget de l’OMS.
« Les émergences de virus sont inévitables, pas les épidémies » (Larry Brilliant épidémiologiste). Nous serons épargnés par les épidémies à condition de mettre autant de détermination à changer de politique que nous en avons mis à perturber la nature et la vie animale ».

Sonia Shah
Le Monde Diplomatique mars 2020


Hervé Kempf affirme qu’un point semble quasiment certain : le virus s’est « échappé » d’un marché d’animaux sauvages de Wuhan. Ces marchés sont alimentés en partie par le trafic d’animaux, une des causes majeures de l’érosion de la diversité faunistique. Ces marchés sont bien l’expression de la pression que l’activité humaine exerce sur les écosystèmes surtout forestiers, peu ou pas anthropisés. L’érosion globale des espèces est en route. Tout ceci rappelle que la question de la biodiversité est tout aussi importante que celle du changement climatique
Le Covid-19 est un symptôme du saccage écologique que le développement industriel ahurissant de la Chine a causé en quelques décennies ; Saccage qu’elle a ralenti, certes, continuant à se fixer des objectifs de croissance de + 5 % par an, délirant comtpe tenu de la taille de son économie et de l’état de la biosphère.
Sur Reporterre le 17 mars 2020 « Le coronavirus fait la grève générale »

La main dans le sac.
Directeur de recherche CNRS à Aix-Marseille, mon équipe travaille sur les virus à ARN (acide ribonucléique) dont font partie les coronavirus. Quand, en 2003, a émergé l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), l’Union européenne a lancé des grands programmes de recherche pour essayer de ne pas être prise au dépourvu en cas d’émergence. Cette recherche fondamentale se réalise sur des programmes de long terme qui peuvent éventuellement avoir des débouchés thérapeutiques. Elle est aussi indépendante. Avec mon équipe, nous avons obtenu des résultats dès 2004 mais, en recherche virale, en Europe comme en France, la tendance est plutôt à mettre le paquet en cas d’épidémie et, ensuite, on oublie. Dès 2006, l’intérêt des politiques pour le SARS-CoV avait disparu : on ignorait s’il allait revenir. L’UE s’est désengagée de ces grands projets d’anticipation au nom de la satisfaction du contribuable… Avec des collègues belges et hollandais, nous avons envoyé, il y a 5 ans, deux lettres d’intention à la commission européenne pour dire qu’il fallait anticiper. Zika est apparu… La science ne marche pas dans l’urgence et la réponse immédiate. Avec mon équipe, nous avons continué à travailler sur les coronavirus, mais avec des financements maigres et dans des conditions de travail que l’on a vu peu à peu se dégrader.
Bruno Canard, chercheur du CNRS spécialiste des coronavirus