Essoufflement en bas. Zizanie en haut.
Le
mouvement gréviste de la SNCF et de la RATP n’a pas réussi à entraîner
massivement d’autres secteurs, et ce, malgré la détermination dont il a fait
preuve. Ce long conflit ponctué de manifestations, malgré la sympathie dont il
bénéficie toujours, s’est essoufflé. Bien des facteurs structurels rendent
compte de sa faiblesse relative (1). Qu’il suffise, ici, de signaler l’absence
d’un discours de vérité : s’attaquer à cette « réforme »
régressive signifiait désigner la cible, Macron et l’oligarchie
capitalo-financière qu’il représente et les directives de Bruxelles qu’il partage.
Face à l’entêtement du pouvoir, aucune négociation n’était possible. La
revendication du retrait du projet allait en ce sens, tout en s’inscrivant dans
ses propres limites : la collaboration d’états-majors syndicaux (CFDT,
CFTC…), la faiblesse de l’implantation syndicale combattive, les tentatives
bien trop timides d’imposer une démocratie de masse à la base (assemblées
générales), des noyaux militants trop restreints, l’absence d’un projet
alternatif, largement partagé, sur les retraites. Sur ce dernier point, l’annonce
bien tardive d’une conférence entre les directions syndicales (CGT, FO, SUD…) est
révélatrice.
Il
n’empêche, des coups de boutoir furent assénés au pouvoir : rejet du
macronisme, séquence parlementaire agitée qui se prolonge (recours probable au
49.3, passage au Sénat, commission mixte, retour au Parlement avec de nouveau,
le 49-3), défaite électorale annoncée, conférence de financement en trompe l’oeil,
ordonnances… Tels sont les ingrédients d’une agitation sociale qui pourrait
rebondir sur l’accroissement de l’impopularité du pouvoir autoritariste et
répressif.
L’obstination
de la coterie macronienne se heurte à ses propres défaillances : le projet
dit universel multiplie les régimes spécifiques, son opacité sur la valeur du
point, la persistance d’une mobilisation, l’impatience du Medef, lui qui se
serait contenté d’un recul d’âge et du laminage des régimes spéciaux, la persistance
des revendications des hospitaliers, des avocats, des enseignants...
Malaise ! Pire ! Des couacs à répétition, la rapacité et les moeurs
d’un gang de parvenus.
Quand
la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, proclame, sans honte, « mentir pour servir Macron », quand
Castagner pond une circulaire pour masquer la Berezina annoncée des municipales
et se fait retoquer par le Conseil d’Etat, c’est la tromperie qui est instituée.
Lorsque l’amendement d’allongement du congé pour deuil d’un enfant est rejeté
après deux séances du Conseil des ministres et des députés macronistes, c’est
la bronca dans les réseaux sociaux et les circonscriptions. Quant à
l’injonction du monarque, son revirement contraint, d’être humain, c’est toute
la macronie qui est blessée. La séance de calinothérapie à l’Elysée n’a pas
suffi à calmer la zizanie qui s’installe. Et que dire des choix opérés par
Macron lui-même, Loiseau Nathalie virée de la liste européenne, Goulard exclue
de la commission européenne abandonnant ses ambitions, Delevoye démissionnaire,
tous, pour des raisons de corruption et d’avidité larvée. Déjà 17
sous-ministres délégués et secrétaires d’Etat démissionnaires et tous ces
dépités, ces godillots qui traînent les pieds ou font marche arrière.
Et
comme si cela ne suffisait pas, il y eut l’affaire du grivois
apprenti-scénariste. Ce foutriquet arrogant, à bonne école macronienne, cet
élève de Strauss Khan et de ses parties fines, se voyait déjà à la tête de
Paris, détruisant la gare de l’Est pour y installer un central Park - les bobos
parisiens effarés auraient-ils supporté tous ces bruits et marteaux piqueurs
dans le Grand Paris déjà encombré par les grands travaux entamés pour les Jeux
Olympiques ? Il n’était, de fait, qu’un adolescent immature. Les médias tentèrent
de l’excuser en tonnant contre l’atteinte à sa vie privée - qu’il n’hésitait
pas à exhiber - d’autres y ont vu la main de Moscou. Cachons cette main qu’ils
ne sauraient voir ! Rien n’y fit. Ceux d’en bas, goguenards, se tapèrent
sur les cuisses. Ils se gaussèrent de cette nouvelle macronade lorsqu’ils apprirent
que la floraison des vidéos avait été activée par un ex-macronien, le député
viré Forget (50 000 suiveurs) et le fortuné Monsieur Alexandre,
éditorialiste à l’Express (74 000) et même Benalla se mit à tweeter !
Ce fut viral et du plus croquignolesque. Contrit, Griveaux démissionna pour
laisser la place à la prude Buzin qui, en toute urgence, abandonna les
hôpitaux. Cette macroconnerie révèle les moeurs cyniques de la garde rapprochée
de Macron. Vite, il fallait se dépêtrer de toutes ces avanies, prendre la
mesure écologique du rétrécissement du glacier du Mont Blanc ; et le 1er
de cordée s’y employa, éructant également contre le séparatisme musulman puis
vint rassurer les agriculteurs inquiets de la réduction de la Politique
Agricole Commune. Toutes ces diversions ne règlent rien. La droite misant sur
l’écoeurement et l’abstentionnisme, tente de refaire surface en se déclarant
précautionneuse de la sécurité des Français et, en même temps, plus sociale ! Mais le procès Fillon-Pénélope
risque de la rappeler à ses propres turpitudes.
Le
chemin des reconquêtes sociales et politiques, s’il est entrepris, devra
récuser tous les socio-libéraux et tous les politiciens d’un autre âge. Un
second souffle du mouvement social est possible tant la précarité, la baisse
des indemnités-chômage, la désertification de la ruralité, la pauvreté, attisent
les braises. L’espoir ne peut naître toutefois que d’un projet politique de
transformation sociale et écologique. Reste le danger le plus immédiat, le
repli nationaliste et xénophobe et les modalités de l’autoritarisme d’un régime
dont la base sociale se rétrécit.
GD
le 27.02.2020
(1)
lire article La grève, malgré tous les obstacles de
Sophie Berout et Jean-Marie Pernot, le
Monde Diplomatique mars 2020
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