Le virus de
la crise économique qui vient
Face
à la confusion qui risque d’être entretenue dans l’opinion, il est nécessaire
de rappeler, de souligner, les raisons de la logique néolibérale à l’œuvre
depuis la fin des années 1980 du système capitaliste. Autrement dit, ne pas
confondre l’étincelle avec la poudre accumulée, le facteur déclenchant avec la
composition du mélange détonant provoquant l’explosion.
Quelques
rappels
Nombre
d’économistes critiques avaient averti : il y aura une prochaine crise mais
l’on ne sait pas quand ni comment. A juste titre, le facteur déclenchant est
toujours inattendu et les explications fournies par les classes dominantes pour
justifier leur impéritie visent toujours à trouver des boucs émissaires. Ainsi,
pour ne prendre que les exemples les plus récents, en 1973, ce fut la crise dite pétrolière masquant le dérèglement
causé par la crise de rentabilité du capital, ce que laissait d’ailleurs apparaître
l’éclatement du système monétaire international deux ans auparavant, et le
choix qui fut fait de « libéraliser » les capitaux et d’entreprendre
la délocalisation d’entreprises dans les pays à bas salaires.
De
même, en 2008, dans un premier
temps, l’accusation fut portée sur les responsables de la faillite de la banque
Lehmann Brother aux USA, occultant ce qui l’avait provoquée, à savoir la
spéculation boursière et immobilière puis la titrisation « mélangeant »
les titres à risques avec ceux qui l’étaient moins. Mais, pourquoi donc avoir
prêté massivement à des taux d’intérêt variables et spéculatifs à tant de
personnes insolvables aux Etats-Unis, en Espagne… et avoir inondé le marché
international de ces obligations pourries ? Il faut plutôt se poser la
question du comment un tel processus s’est enclenché (voir plus loin). La question
du pourquoi risque de nous entraîner, en effet, vers des réponses métaphysiques
dénuées de fondement. Au pourquoi Dieu existe ou n’existe pas, il vaut mieux se
s’interroger sur comment les religions sont apparues et se sont développées,
pour en faire apparaître les processus réels à l’œuvre dans les sociétés et les
consciences.
Il
en est de même pour la crise sanitaire de 2020 et le manque de moyens pour y
faire face, facteur déclenchant de la crise économique déjà là.
Remonter la
chaîne des causes
La
baisse tendancielle du taux de profit a conduit à tout entreprendre pour la
contrecarrer. D’un côté, dans la course à la concurrence, le recours à des
machines, des robots, de nouvelles technologies de plus en plus coûteuses, tout
comme l’accès aux ressources en matières premières. De l’autre, les décisions
de délocaliser dans les pays à bas salaires, de précariser le travail dans les
pays centraux, de recourir aux fusions-acquisitions, aux concentrations
capitalistiques fondées sur le recours à l’emprunt. Autrement dit, pour faire
simple, il s’agit de contrecarrer la hausse de ce que Marx appelait le capital
constant dans le système de production (les machines et autres technologies)
par la baisse des salaires donc, le prix de la force de travail acquittée par
les capitalistes.
Ce
fut fait de différentes manières : délocalisations dans des pays à bas
salaires possédant une main d’œuvre formée de préférence (Chine, pays de l’Est
de l’Europe), dans les usines à sueur (Mexique, près de la frontière des Etats-Unis)…
Les pays centraux (Europe – USA…) suivirent la même logique : externalisations,
casse des droits conquis par les travailleurs, précarisation du travail, baisse
des cotisations patronales, de l’impôt sur les sociétés, suppression de l’ISF,
baisse du salaire réel socialisé et différé en recourant aux coupes sombres
dans les services publics, dans les indemnités chômage, les retraites…
Le
positionnement des trois composantes du capital en fut affecté : le
capital financier dominait désormais, le capital commercial (lui-même recourant
à la concentration dans les hypermarchés) et le capital foncier et immobilier
suivait la même logique. Dans le même temps, l’Etat abandonnait tous ses
leviers interventionnistes dans le domaine économique et monétaire (euro). Dans
le langage dominant, on parle de manière euphémisée et trompeuse, de crise de
la profitabilité, de coût du travail exorbitant, du « pognon de dingue »
des prestations sociales, pour justifier cette marche forcée à la rentabilité
du seul capital. La source des valeurs produites, de l’exploitation capitaliste
sur lesquelles elle repose (la plus-value, c’est-à-dire en langage marxiste, le
surtravail ou le salaire non payé) en fut inversée. Le travail devint une
charge, les actions leurs dividendes, la rente foncière et immobilière une
richesse sans le recours au travail. Et l’on invoqua son « ruissellement »
qui ne vint jamais sauf sur le 1% qui accumulait des sommes faramineuses, pour
l’essentiel improductives. Enfin, pas tout à fait : les produits importés
devenaient bien moins chers que s’ils avaient été produits dans les pays centraux
et justifiaient par conséquent le blocage de salaires.
De quelques
effets néfastes de la financiarisation mondialisée
On
peut citer la montée exponentielle des inégalités, la destruction bien entamée
de l’écosystème, autant de constatations qui sont indéniables. On l’aura
également remarqué, la crise sanitaire entraîne la paralysie des échanges, des
transports et la réduction de l’approvisionnement des produits vitaux. Nous
avons affaire, là, à la réalité de la division du travail mondial, à la rupture
de la chaîne des valeurs, transportés en masse par conteneurs géants, et au
choix d’abandon des productions qui s’avèrent essentielles comme de simples
masques de protection, de médicaments… La crise sanitaire ne fait donc que
révéler la nature du système capitaliste. Travail à la chaîne, robotisation avaient
déjà dégradé, au sein des entreprises, le travail humain mais, à plus grande
échelle, on risque d’assister à la destruction de la force de travail. Il
suffit de penser à toutes ces intelligences au rebut, SDF, chômeurs, migrants
fuyant la guerre… pour pointer du doigt la perte de savoir et de savoir-faire
que va susciter la crise économique et sociale.
Etonnement
et stupeur ! Macron découvre que des biens et des services devraient être
placés en dehors du marché. Ces propos de circonstance ne doivent pas créer
d’illusion. Les mêmes recettes renforcées pour sauver le capital seront mises
en œuvre, la planche à billets des banques centrales, celle des Etats, est déjà
actionnée. Résorber cette montagne de dettes signifie l’exploitation massive
des travailleurs. Contrairement à ceux qui pensent que moralement la création
monétaire ex nihilo est une aberration, il faut souligner qu’elle n’est qu’une
anticipation sur la richesse à créer. Certes, lorsqu’elle ne passe pas par la
production comme c’est le cas dans la spéculation, elle est néfaste. Les bulles
spéculatives en font foi. L’argent ne crée pas de lui-même de l’argent comme
« le poirier des poires ».
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Ces
quelques éléments, forcément sommaires, dans le cadre de cet article, doivent
renforcer la conviction qu’il est impératif de soustraire le système de production
et d’échange des mains des capitalistes ainsi que des Etats et élites, dont elles
ne sont qu’une émanation.
C’est
d’autant plus vrai aujourd’hui qu’hier, face à la dégradation de
l’écosystème : « le capitalisme épuise l’Homme et la nature ». La
seule question qui doit nous tarauder est celle de la mise en œuvre de la
socialisation des banques, de la souveraineté monétaire, de la socialisation
des moyens de production et d’échange, de la relocalisation des activités
économiques indispensables et, par conséquent, de la souveraineté alimentaire
et des biens essentiels. C’est tout un tissu économique et de services publics
qui doit être reconstruit. Ceci implique une rupture avec l’Europe de l’euro,
qui déjà se délite dans le chacun pour soi. Les ressorts de ces changements
sont à chercher dans chaque formation sociale spécifique au rythme de la lutte
des classes à promouvoir. Au demeurant, pour éviter la reconduction du même, et
l’accaparement des mobilisations à venir par des réformistes soucieux de
préserver le système et d’y trouver leur place, un seul moyen, la démocratie
partout et par en bas. Avec les représentants du système, il n’y a rien à
négocier et tout à exiger.
GD
le 26 mars 2020