Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 29 mars 2020


Avant de redoubler d’ampleur, le virus de la lutte de classes continue

Face au manque de protections sanitaires, les salariés contraints de travailler, se mobilisent. Chez Amazon, dans les sites du Nord, à Châlons-sur-Saône, à Montélimar, débrayages, angoisse, droit de retrait se multiplient. A la Redoute, le 17 mars, les employés s’interrogent : expédier des tee-shirts en ce moment, est-ce nécessaire ? Ce qui provoque surtout la colère, c’est l’absence de masques, de gants, de gels hydro-alcooliques dans les banques comme à la Poste où le droit de retrait ne peut être invoqué. La situation se durcit surtout dans les entreprises de traitement des déchets, chez Veolia, en Seine-St-Denis, des camions poubelles sont restés au garage. Parmi les caissières de supermarchés, les manutentionnaires, l’inquiétude monte : 10 % d’absentéisme chez Carrefour, pressions chez Leclerc. Colère dans les blanchisseries comme près de Blois où les employés manipulent des linges souillés en provenance d’hôpitaux, d’Ehpad, parfois gorgés de sang et d’excréments. Défections également chez les routiers victimes d’ostracisme, aires d’autoroutes fermées, impossible de se laver et de se restaurer. Idem chez les livreurs Uber ou Deliveroo, cette dernière entreprise promettant, sans rire, des consultations médicales par… vidéo (en vélo ?). Le chiffre d’affaires de ces autoentrepreneurs dont les véritables patrons sont les plateformes, s’effondre… Confinés, c’est zéro revenu ! « On est de la chair à canon pour les bobos », « les livraisons ne sont pas des activités essentielles ». « Si on arrête, on n’a pas le droit au chômage partiel » ! Et Uber en demande toujours plus : il offre 10€ aux clients pour trois prochaines commandes. Dans les hôpitaux, le manque de gel, de gants, de masques, d’appareils respiratoires, de lits, les soignants s’indignent « on ne doit pas y laisser notre peau ».
Le Medef s’affole du « changement brutal d’attitude des salariés ». Le despotisme n’est plus accepté. Le gouvernement mobilise les renseignements territoriaux pour surveiller, comme le lait sur le feu, « le climat social dégradé ».
Mais il y a pire. Les ONG s’affolent pour les 145 000 familles à la rue, pour les 20 000 vivant dans des bidonvilles, pour les 150 000 résidant dans des hôtels sociaux où ils ne peuvent cuisiner et tous leurs enfants scolarisés sont désormais confinés dans des habitats ( !) insalubres ou dégradés. Et c’est sans compter les migrants qui butent sur des lieux d’accueil fermés, sans pouvoir se laver ou dormir normalement. Pour les pauvres, c’est la double peine.  

Sauver le capital !

Les Bourses plongent, les actions avec, vite il faut rassurer les marchés. La Banque centrale européenne vient de décider, le 18 mars, d’injecter 750 milliards d’euros d’ici fin 2020, après 20 milliards lancé à l’automne 2019, et les 120 milliards annoncés, il y a plus d’une semaine. Fichtre ! C’est un « pognon de dingue ». A quoi ça sert ? A racheter des obligations, c’est-à-dire des créances (emprunts) plus ou moins douteuses ou irrécouvrables que détiennent les Etats et les grandes entreprises en espérant demain… après demain, les revendre sur le marché dit secondaire. Cette injection de liquidités, destinée à sauver les actionnaires, à éviter les faillites des entreprises est évidemment du capital fictif. Il ne peut se réaliser que s’il passe dans l’économie réelle de la production et de l’échange. Pour l’heure on voit mal, pour ne prendre que cet exemple, comment il peut faire redécoller les avions faute de passagers, et ce, sans parler des profits à extorquer. Mais il y a surtout une raison plus immédiate : il s’agit d’éviter à tout prix… la remontée des taux d’emprunts, de sauver l’euro et l’union européenne. Si les taux s’envolent comme ce fut le cas après la crise de 2008, ce ne sera pas seulement la Grèce qui sera touchée mais pratiquement tous les Etats, et d’abord l’Italie. Des taux d’emprunts trop élevés, c’est endetter les Etats encore plus qui se doivent d’émettre de la dette pour soutenir leur économie : imparable logique financière.

Le spectre de la crise de l’euro resurgit, l’Allemagne s’était opposée en son temps, à la création d’euros bonds, soit des emprunts européens dont le remboursement serait réparti entre les divers Etats de l’Union. Verra-t-on renaître cette proposition sous la forme de Coronabonds ? L’Allemagne qui a assis sa suprématie sur l’euro, cette monnaie forte qui lui profite et accumule des excédents budgétaires, y consentira-t-elle ? L’heure est plutôt au règne des égoïsmes nationaux des nations et classes dominantes. La plainte de la BCE est révélatrice : « On ne peut pas tout ». Autrement dit, sauvez-vous vous-mêmes ! C’est chacun pour soi. Et l’Europe, la belle Europe capitaliste, risque bien de se disloquer ! Tant mieux ? Mais pour quels dégâts sociaux à venir ? Les pyromanes vont-ils revêtir les habits de pompiers ?

La confrontation sociale est à venir

Surtout, ne rien attendre des élites qui prétendent nous gouverner au profit du maintien du « capitalisme du désastre » et, encore moins, de la machine d’Etat de contraintes et de répression. On n’aura jamais assez de sarcasmes pour les vilipender. C’est en guerre contre eux qu’il faut rentrer. Pour changer le mode de production et d’échange, pour construire une société de sobriété et de solidarité. Et d’abord, en finir avec le despotisme des actionnaires, des managers et autres hauts fonctionnaires infatués d’eux-mêmes. Les besoins réels de la population doivent être définis par les salariés, la démocratie réelle introduite dans tous les lieux de production et d’échange. Ce que l’on doit produire, la manière de produire (conditions de travail, protection de l’écosystème), la définition du nécessaire à vivre, à protéger leur santé, à développer l’éducation, doivent être l’affaire de tous sauf de ceux qui nous ont précipités dans l’abîme et prétendent à l’expertise de leurs propres recettes.

Car il faudrait y venir, à ce « grand débat », et ce, sans la suffisance rhétorique de Macron 1er et ceux de son entourage, se vantant que leur France était désormais la 3ème puissance de ventes d’armes. Cette industrie de la mort… pour satisfaire quels besoins ? Alors même que ceux qui nous gouvernent à coup de flexibilité, zéro stock, délocalisations, coupes dans les effectifs et les prestations sociales, ont été dans l’incapacité de nous prémunir contre le coronavirus. On ne doit plus confier à ces prédateurs notre avenir, ce serait tomber de Charybde en Scylla… Mais ça ne va pas être simple : une classe ouvrière en voie de disparition en tant que classe, dont une fraction vote FN et se fourvoie dans la xénophobie, une classe moyenne amorphe qui s’appauvrit mais toujours mue par des désirs d’ascension sociale et de consommation outrancière. Et puis, parmi elles, en dehors d’elles, il y a tous ceux qui cherchent des coupables plus bas qu’eux… les chômeurs, les maghrébins, les migrants… Et dans cette période de crise plus sévère qui s’annonce, des Thénardier d’en bas rejoindront ceux d’en haut, Benalla, le castagneur, ce joueur de poker lancé par un maffieux, avant d’atteindre les sphères du PS puis les sommets de l’Etat… Finis les lamentos pour se faire entendre auprès de ces sourdingues. Car, en effet, l’on devrait être vacciné après les mobilisations des Gilets Jaunes, contre la contre-réforme des retraites, celles des hospitaliers…

Répression et silence, on tourne comme avant le même film. Certes, la retraite dite universelle est mise sous le boisseau, comme la contre-réforme des indemnités régressives de chômage mais, pour combien de temps ? Attendons- nous, demain, si on les laisse faire, à d’autres manigances pour nous faire accepter d’autres sacrifices. On devrait pourtant être vacciné ! On a eu les discours lyriques de Sarko stigmatisant « le capitalisme sauvage » lors de la crise de 2008, puis les fourbes prétentions de Hollande déclarant « mon adversaire c’est le monde la finance » et enfin, la rhétorique guerrière de Macron, véritable hommage du vice à la vertu, disant qu’après demain, l’on changerait de modèle. Quoi de plus pour être immunisé contre tous ces salamalecs hypocrites ? Et surtout ne pas se tromper ou être trompé par les mauvais Bergers qui accompagnent les systèmes de perdition, nous menant dans une impasse. Il faudra bien en passer par la réduction à portion congrue de tous les bureaucrates, prétendant défendre nos intérêts. Dans le même esprit, ce n’est pas d’une 6ème République parlementaire attachée à la roue du capitalisme et d’une improbable Union européenne rénovée dont nous avons besoin mais d’une République sociale, égalitaire et écologique. Rien de moins.  

Ce doit être pour le jour d’après

Que faire, déjà, dans l’immédiat, du confinement ? Lire, étudier, échanger par internet, pour aiguiser notre esprit critique désaliéné de la pensée dominante pour le jour d’après. Pas le leur (1). Celui qui veut faire porter la responsabilité de la contagion sur les citoyens sous-informés et surpris de l’ensemble des contraintes imposées, celui qui instrumentalise la peur, celui qui prépare à un nouveau cycle austéritaire, pour réparer les « dégâts de guerre » et aussi relancer la machine capitaliste.

Non, il faudra solder les comptes et faire payer un prix fort à cette élite ultra-minoritaire, les décisions qu’elle a prises. Il ont en effet organisé la vulnérabilité du système de santé qui encaisse la catastrophe. Ils ont laissé croître de véritables bombes sanitaires : les SDF à la rue, les migrants, les errants, la suppression d’effectifs et de lits dans les hôpitaux (69 000 lits pour la seule période de 2009-2016)… Ce ne sont pas seulement les conséquences de leur ineptie qu’il faudra traiter mais surtout désigner les causes économiques et sociales et les responsables de la catastrophe.

Le jour d’après doit être celui d’une effervescence intellectuelle venue d’en bas, d’espaces de débats et d’organisations pour se mobiliser contre cette « aristocratie strato-financière ». Conspuer, morigéner sur les places, dans les entreprises, tous ces faquins, ces fantoches à la solde du pouvoir. Ce qui doit nous animer c’et la détermination acharnée des Gilets Jaunes, le culot des décrocheurs de portraits de Macron 1er pour les piétiner. Dans l’action de masse, pensée, préparée, surgiront des mesures, un programme de transformation sociale radicale. Ceux qui sont porteurs de l’esprit révolutionnaire, organisés, auront dès lors une lourde responsabilité. Car il faudra s’opposer à tous les histrions et bureaucrates voulant détourner le mouvement vers la « paix sociale » pour restaurer l’ordre capitaliste. Contrôles populaires sur la production, la nature des échanges, exigence de relocalisations d’entreprises répondant aux besoins réels des populations et donc démocratie partout, échelle de revenus de 1 à 5, le Smic revalorisé, élections et révocabilité à tous les niveaux des représentants du peuple avec des indemnités correspondant au salaire d’un ouvrier qualifié, et l’on verra ainsi disparaître les margoulins affairistes.  

L’on purgera ainsi les écuries d’Augias. Et que l’on ne nous parle pas de fuite des cerveaux, ceux qui nous ont conduits au désastre, qu’ils s’en aillent ! L’intelligence collective y pourvoira. D’ailleurs, à l’image de la Révolution française de 1789, face aux aristocrates s’exilant, il suffira d’imposer la réquisition, sans indemnisation, de leur patrimoine pour les en dissuader. Ce sont tous ces éléments de programme dont il faudra débattre. Il nous faudra voir plus loin que l’horizon immédiat, être attentifs aux mouvements de révolte, d’insurrection prenant la relève de la deuxième vague des « printemps arabes ». Au fur et à mesure des mobilisations, face aux hordes policières et militaires, il faudra construire une garde sociale de protection, organiser les défections dans le camp adverse.

Oui, le jour d’après il faut mener la guerre sociale contre ce système inepte et tous ses bonimenteurs.

Gérard Deneux, le 23 mars 2020  

(1)    Lire à ce sujet l’article de Saïd Bouamama « Corona virus comme catalyseur : autopsie de la vulnérabilité systémique de la mondialisation capitaliste ». Il démontre que la catastrophe est d’autant plus grande lorsque la vulnérabilité du système de soins a été organisée. Il insiste sur un aspect que je n’ai pas traité, à savoir, les plans d’ajustement structurels, mis en oeuvre par le FMI et la Banque Mondiale, dans les pays du sud où le système de santé publique a été démantelé, suscitant ainsi la fuite des médecins africains aux Etats-Unis, dans les pays européens, en particulier en France. Sur https://bouamama.wordpress.com/
Lire également « Le casse du siècle » à propos des réformes de l’hôpital public de Pierre André Juven, Frédéric Pierru, Fanny Vincent, ed. Raisons d’agir, 2010