Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 30 juin 2013

Pour poursuivre la discussion lancée lors de l’AG par Jean-Jacques

Les AES se sont constitués en 2002, dans la mouvance de  l’altermondialiste qui venait de révéler ce que tramait « le gouvernement invisible » en toute opacité, à savoir les traités et autres accords internationaux libéralisant l’ensemble des activités économiques et humaines (exemple l’AMI). Il redonnait espoir dans « un autre monde possible » au moment où  nombre de militants mais aussi d’habitants des quartiers populaires étaient déçus des appareils et institutions politiques, dans l’incapacité de tenir un projet cohérent de transformation sociale favorable aux classes sociales se paupérisant.

Quelques années plus tard, nous nous engagions très ardemment dans la dénonciation du TCE en ce qu’il révélait des ambitions de « nos » gouvernants ou de ceux qui prétendaient gouverner (le PS soutenant le TCE). Réunions, tracts, débats permirent de tisser des liens avec d’autres partis politiques ou associations ou encore non encartés, pensant que les élections présidentielles étaient un moment privilégié pour faire de la politique autrement et permettre de participer sous d’autres formes à la vie politique. Certains  imaginaient, même, que le camp des antilibéraux et des anticapitalistes pourrait faire une percée significative, bousculant le remake habituel des alliances contre nature, pesant ainsi dans le paysage politique.

Mais, dès que pointe une élection, c’est la division qui s’impose, et la Gauche de la Gauche n’y  échappa pas, faisant éclater les rapprochements qui nous avaient semblé possibles, même si les discussions locales et nationales, auxquelles nous participions, laissaient voir et entendre des luttes de places. Et ce fut l’éclatement de la Gauche de la Gauche, et à nouveau la défaite de ceux qui espéraient la naissance d’autre chose.

Parallèlement, nous pensions que toutes les luttes étaient nécessaires pour construire une unité populaire et nous participions  à dénoncer les guerres, le racisme et l’islamophobie, nous associant ou initiant des manifestations, des débats, des rassemblements ; dans ces luttes nous pouvions mobiliser les habitants des quartiers populaires, et notamment  les jeunes engagés dans le mouvement associatif qui avaient résisté à la récupération par les partis traditionnels locaux, puis subi la diabolisation par les mêmes qui les avaient approchés en vain,  rejoignant le mouvement général d’islamophobie.

Pendant toutes ces années, les AES n’ont pas eu comme « simple objectif leur développement » et ils n’ont pas « opposé ceux qui sont dans les appareils à une base mythique » ; nous avons tenté, chaque fois que cela a été possible, de constituer l’unité des antilibéraux et anticapitalistes, dans différents collectifs, s’appuyant sur l’actualité sociale et politique locale, nationale et internationale (Collectif pour la paix, collectif Palestine, collectif pour l’annulation de la dette, contre les violences policières, le tout dernier étant le Collectif antifasciste en cours de constitution sur Belfort), organisant des Forums sociaux locaux et participant aux initiatives nationales, alliant systématiquement réflexion/action, réunissant militants,  « citoyens » et ceux qui ne le sont toujours pas (non Français sans droit de vote), jeunes des quartiers populaires, partis politiques, syndicats, associations et mouvements écologistes ou antinucléaires. La liste serait très longue si l’on se donnait la peine d’en faire un recensement exhaustif et nous sommes fiers d’avoir participé à des manifestations et rassemblements que les partis traditionnels désertaient, en donnant la place à ceux qui avaient le plus intérêt à dénoncer le système qui les exploite.

Mais, force est de constater que toutes ces tentatives (qui avaient lieu surtout sur Belfort/aire urbaine là où nous étions plus présents mais aussi en Haute-Saône au moment du TCE, par exemple, ou de luttes pour le maintien des services publics de proximité, etc.), n’ont encore pu se transformer en force politique suffisamment visible et pouvant faire poids dans le système institutionnel tel qu’il existe, personnalisant les élections, où le projet de société passe à la trappe, face aux « enjeux » de gagner ou de garder des places, quitte à accepter des alliances contre nature, ou à montrer du doigt ceux qui oseraient rompre cette unité lorsque l’extrême droite menace : « tous contre le FN ».

Nous en concluons que la nécessité première, pour nous, n’est pas de rallier un parti politique, même si celles et ceux qui veulent le faire adhèrent simultanément aux AES. Nous pensons que ce qui est premier est la compréhension et l’analyse de ce qui se passe dans la société, à partir de là où nous vivons, où nous militons, incluant bien entendu ceux qui habitent les quartiers populaires, et subissent depuis des décennies les politiques d’austérité et de discrimination, de violences policières – en ce sens, nous avons participé aux Forums sociaux des quartiers populaires au niveau national et adhérons au FUIQP – front uni de l’immigration et des quartiers populaires. Notre base n’est pas mythique, elle est diverse et compte nombre de copains subissant le capitalisme en pleine face (pas de boulot, pas de fric, pas de logement …), totalement désabusés et ayant une méfiance épidermique face aux partis qui n’ont jamais eu le souci de les défendre (voire qui les ont condamnés dans l’affaire du foulard ou encore en 2005, dénonçant les violences des jeunes des quartiers, sans vouloir regarder les violences institutionnelles qu’ils subissaient depuis des années).

Alors, certes, nous sommes déçus de constater que  malgré l’énergie que nous continuons à fournir, nous ne réussissons pas à mobiliser  ceux  qui subissent de plein fouet l’austérité à la Sarkozy hier, à la Hollande aujourd’hui, pour qu’ils « descendent dans la rue » comme en Espagne, dans les pays arabes, au Brésil ou encore en Turquie. Et nous pensons que le changement  ne viendra pas des élections (ce serait déjà fait puisque la « Gauche » en Europe a eu le pouvoir et au niveau de l’UE fut même largement représentée). C’est en ce sens que je pense qu’il est naïf, voire utopique, de faire croire ou vouloir croire, surtout lorsque l’on est comme toi Jean-Jacques un militant averti, que « toutes celles et ceux qui se retrouvent dans les mouvements de contestation de cette société sont en fait dans un même parti, dans un même camp qu’il faut construire ». Les dix dernières années l’ont prouvé, ça n’a pas marché, et pourtant nous avons été nombreux à défiler dans les rues pour dénoncer les régressions sociales en matière de retraite, de services publics (santé, éducation, etc.) où se côtoyaient nombre de partis et de syndicats, pas toujours copains d’ailleurs, scellant des alliances superficielles, voire même avec des idées de récupération. Les classes sociales sont une réalité et elles ne se rejoignent pas sur tout.

Ce qui est certain, et les élections à venir ne le démentiront pas (c’est pourquoi, certains ont tout intérêt à diaboliser le FN et les violences fascistes), c’est que la majorité des citoyens (et si on pouvait ajouter les non citoyens… le jour où ils auront le droit de vote) rejette la classe politique qu’ils qualifient globalement de « pourrie », voire « corrompue », et, les exemples malheureusement ne manquent pas pour valider ces qualifications. Dans ce marasme, des alliances contre nature se constituent  au 2ème tour pour « l’emporter » (EELV, PCF, Parti de Gauche) et les « gens », désabusés, désertent le débat politique. C’est bien là ce qu’il faut combattre et c’est notre volonté aux AES, de faire en sorte que les « gens » reprennent le pouvoir, non pas dans des comités de quartier ou autres formules de concertation qui les cantonnent dans les trous à boucher ou les sens de circulation, mais en donnant leur avis sur les politiques d’éducation, de santé, de logement, ou encore en matière d’écologie, d’environnement, de production, d’industrie… là où ils vivent. C’est là où sont utiles des associations ou de nouvelles formes de regroupements (partis ou autres) qui leur permettront de s’inscrire collectivement dans la politique, la vraie, c’est-à-dire celle des choix d’organisation de la société dénonçant le capitalisme prédateur et destructeur qu’ils subissent. L’organisation des solidarités permettra également de faire des ponts entre les peuples du monde qui subissent les mêmes politiques, afin que ne prolifèrent ni l’exploitation des pays émergents ni les nationalismes racistes.   

Voila ce qui nous guide aux AES. Nous avons toujours été très ouverts à la participation de tous, syndiqués ou non, encartés ou non, jeunes ou non, « bronzés » ou avec un foulard ou non, français ou non, chômeurs ou non… tous ceux qui ne veulent plus être exploités, utilisés, manipulés, précarisés, regardés uniquement comme un « bulletin de vote », intoxiqués… C’est d’ailleurs la base de notre charte.

Odile Mangeot

Le 23 juin 2013